En décidant de ne pas délivrer les certificats de nationalité sur les sites d’établissement des jugements supplétifs lors des audiences foraines, la Côte d’Ivoire prenait dès cet instant rendez-vous avec les problèmes qu’elle connaît actuellement. Un peu plus d’un million de personnes qui se retrouvent dans une situation dite de « citoyenneté douteuse ». En effet, quand un pays fait le constat que de nombreux citoyens sont sans existence légale, et cherche à y remédier, le moins que l’on puisse attendre de lui c’est d’être conséquent. En la matière, des Ivoiriens ont été appelés à se faire établir des jugements supplétifs, premier document administratif qui leur confère une identité et une existence. Dans les règles et les procédures d’établissement dudit document, les dispositions de vérification jugées optimum ont permis de mentionner sur la pièce du requérant sa nationalité. Au sortir de l’audience foraine, les nationaux ivoiriens sont bien distingués des non nationaux. Même si les certificats de nationalité n’ont pas été autorisés à être délivrés aux audiences foraines, celle-ci ont pris le soin de solutionner la quadrature du cercle dressée par la présentation des pièces d’un parent au moins, pour attester de sa citoyenneté ivoirienne. C’est cette suspicion que l’acte de naissance ou le jugement supplétif ne suffit pas à prouver le lien de national ivoirien pour tous qui, d’ailleurs, a poussé à des excès comme l’audition de parents aux fins d’établissement de documents administratifs à l’instar du passeport biométrique. C’est cette même logique qui a amené à la décision de croiser les données des Ivoiriens enrôlés pour la liste électorale et les cartes d’identité nationale avec ceux des fichiers historiques. Le postulat est simple : tout Ivoirien doit exister quelque part dans des fichiers. Soit dans celui des demandeurs de la carte d’identité, soit dans celui des listes électorales passées, soit dans ceux de la Caisse nationale de prévoyance sociale ou de la caisse générale des retraités de l’Etat…S’il n’ y figure pas en personne, il doit obligatoirement exister des liens qui le rattachent à un parent au moins qui, lui, doit nécessairement avoir des traces quelque part dans ce dispositif des fichiers historiques. Simple bon sens. Un individu de vingt cinq ans et son père de cinquante ans qui se sont fait établir des jugements supplétifs lors des audiences foraines. Pour maintenant être reconnus comme ivoiriens, les deux doivent, soit être dans l’un des fichiers historiques, soit avoir un parent qui s’y trouve. Par quelle magie cela peut-il être possible ? Et pourtant, c’est une réalité ubuesque mais réelle que la Côte d’Ivoire a volontairement décidé de vivre. Exposant une face ridicule au monde entier. Comme si cette autre menace à l’unité nationale qui se profile à l’horizon avec la volonté de mettre à l’écart des centaines de milliers de personnes, ne suffisait pas à son malheur, voici que le Conseil constitutionnel fait irruption dans la scène déjà délétère. En véritable pyromane, son président Paul Yao N’Dré prend à contre pied les décisions de la Commission électorale indépendante et exige des candidats à la présidence de la république des pièces complémentaires à leur dossier. Une véritable pique à l’ensemble des acteurs de la sortie de crise ivoirienne ; un avertissement sérieux aux candidats de l’opposition qui ambitionnent légitimement de déboulonner Laurent Gbagbo, le chef de l’Etat sortant, de son fauteuil. Le président du Conseil constitutionnel vient rappeler à tous que le dernier mot lui revient. En somme, « C’est moi Paul Yao N’Dré qui déciderai de qui sera candidat ». Message sans ambigüité qui annonce la suite : « c’est moi qui déciderai naturellement qui sera le vainqueur du scrutin présidentiel ». Avant l’heure, l’ancien directeur local de la campagne de Laurent Gbagbo à Divo a dit la messe. Même les signataires de l’Accord politique de Ouagadougou n’ont pas échappé au rappel de sa toute puissance par le juge électoral. L’APO prévoit, en effet, l’achèvement du désarmement après les élections. « Pas de désarmement, pas d’élections » a décrété pour sa part le président du Conseil constitutionnel. Un individu mal intentionné jouait à répéter qu’en Côte d’Ivoire, on n’aime pas la paix ; c’est la recherche permanente des tensions ! Vraisemblablement, les faits lui donnent raison.
D. Al Seni
D. Al Seni