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Politique Publié le jeudi 26 mai 2011 | L’Inter

Présidence de la République: Comment Ouattara a préparé son arrivée au pouvoir

. L'épopée du Front Républicain et du coup d'État de 1999

. Ses réseaux de soutiens à l’étranger

Depuis le vendredi 06 mai dernier, de par sa prestation de serment devant le président du Conseil Constitutionnel, le Pr. Paul Yao N'dré, le Dr Alassane Ouattara, candidat du RHDP pour le 2nd tour de la Présidentielle du 28 novembre dernier, est devenu le 5è président de la République de l'histoire de la Côte d'Ivoire. Malgré la belle fête de son investiture de samedi dernier, il faut dire que les choses n'ont pas été faciles pour l’ancien et unique Premier ministre de feu le président Félix Houphouët-Boigny. De son arrivée à la tête du Comité de Stabilisation et de Relance de l'Économie nationale en 1990, en passant par sa déconvenue au PDCI-RDA en 1993, la création du RDR en 1994, son retour aux devants de la scène politique nationale en 1999, puis le coup d'État militaire, et le rejet de sa candidature en 2000 et autres, nombre d'observateurs, au vu de son parcours, ne le voyaient plus comme un potentiel locataire du Palais d'Abidjan Plateau. Pendant plus de 17 années de lutte âpre et hardie, l'homme aura encaissé toutes sortes de coups, subi des humiliations monstres et connu des trahisons sans nom. Toutefois, il aura été l'objet de ferveurs populaires frisant l'hystérie en termes d'adulation ou de reniement. Au centre de toutes les alliances politico-idéologiques, des plus surannées aux plus circonstancielles, le Dr Alassane Dramane Ouattara, ancien gouverneur de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) de 1988 à 1994, et ancien 2è directeur général adjoint du Fonds Monétaire International (FMI) de 1994 à 1999, est parvenu à ses fins. Il est devenu président de la République de Côte d’Ivoire, à la faveur du scrutin du 28 novembre 2010. Pour en arriver à ce qui était finalement devenu comme une quête du Graal pour lui, son parti et ses alliés, c'est-à-dire son accession à la Magistrature suprême de ce pays, que de morts, de blessés et de mutilés sur le long chemin de sa reconnaissance nationale! Que de remue-ménages, de salives et d’encre versées, de félonies, de trahisons, de reniements, de soutiens forts et fermes affichés à son intention par ses partisans que rien n’a pu ébranler toutes ces années!

Ni la répression de l’appareil d'État, ni les relations sociales délétères entre des communautés ethniques et religieuses présentées comme acquises à sa cause et d’autres communautés qui le conspuaient ouvertement, n'ont émoussé son ardeur.

COMMENT OUATTARA DEBARQUE...

Pour ainsi dire, c'est dans la 2è moitié de l'année 1988, à la mort de feu Abdoulaye Fadiga, ancien gouverneur de la BCEAO, que les Ivoiriens, dont beaucoup s’attendaient à la promotion de M. Charles Konan Banny, alors Directeur de l’Agence nationale de la BCEAO à Abidjan, découvrent le visage de ce compatriote, le Dr Alassane Dramane Ouattara, promu par la volonté du «Vieux», avec l’approbation du Conseil des Chefs d'États membres de la Banque Centrale, comme nouveau Gouverneur en remplaçant de l'illustre disparu. Qui est-il? D’où vient-il? Où était-il avant cette promotion? Les questions ne vont pas tarder à fuser, surtout que le nouveau gouverneur apparaissait comme un illustre inconnu aux yeux de ses compatriotes. Ce questionnement, à peine ébauché, coïncide avec l’épilogue de la guerre impitoyable du cacao que feu Houphouët-Boigny venait de livrer contre les «spéculateurs véreux et sans cœur» des Bourses de Londres et de New-York pour un achat à prix conséquent du kilo de fèves aux planteurs. «Le Vieux» venait de perdre la «guerre du cacao», et la Côte d'Ivoire se préparait à boire la pilule amère des «Programmes d’Ajustements Structurels», les fameux PAS des Institutions financières de Bretton Woods.

Le pays, au bord du marasme économique en cette fin des années 80, va subir aussi les soubresauts du «Vent de l’Est», ce fameux vent de démocratisation qui soufflait depuis les Balkans et qui gagnait le continent africain. Le PDCI-RDA, parti unique, est à la banqueroute, les étudiants avaient pris la rue depuis le 19 février 1990 pour contester le «plan Koumoué Koffi», du nom du ministre du Budget d'alors. Ce plan ayant été rejeté par les travailleurs qui refusaient toute diminution de leurs salaires, le parti-État était plus qu'affaibli à Abidjan. La carte Alassane Dramane Ouattara est alors brandie comme le «joker de luxe du Vieux» pour tenter de redresser une situation économique déjà fort chaotique, à travers la création du «Comité de Stabilisation et de Relance de l'Économie Nationale». Une cellule interministérielle qui prenait déjà les allures d'une véritable Primature. Fait alors son entrée sur la scène socio-politique nationale, cet «illustre inconnu», qui présidera ce comité, et qui deviendra quelques mois plus tard le premier Premier ministre de feu Houphouët-Boigny jusqu'à son décès en 1993.

Comité de stabilisation, Front républicain, RHDP: Ouattara, l'homme de toutes les alliances

Dès sa prise de fonction à la tête du Comité de Stabilisation, 2 maîtres-mots vont caractériser son action: rigueur et efficacité. Jeune, fort et robuste, le nouveau Premier ministre bouscule tout ce qui était protocolaire sur son passage, anime couramment des conférences de presse pour faire le point sur la santé financière et économique de l'État, ce qui était une nouveauté dans ce pays, et ne rechignait pas à aller au contact avec ses interlocuteurs. Selon ses dires, c'est cette rigueur dans la gestion des affaires publiques qui ont préparé «la pluie des milliards» dont bénéficiera par la suite le régime du président Bédié qui lui a succédé fin 1993. De la gestion Ouattara de 1990 à 1993, on retiendra des actions vigoureuses au sommet de l'État qui ne lui ont pas toujours valu la sympathie de l’opinion publique nationale. Entre autres, la réduction de la masse salariale de la Fonction publique par l'imposition des 30 ans de service, la suppression d’un certain nombre de dépenses importantes dans le secteur de l’école comme le transport gratuit des élèves d’Abidjan et des étudiants de l’Université. Et surtout la décision très controversée du raccrochage des salaires des jeunes enseignants à partir de 1992. La force de Ouattara pour réussir tout cela aura été le fait d'être un homme neuf, non trempé dans les magouilles à la tête de l'Etat, à la différence des autres barons du parti-Etat. Ces qualités vont fonder sa percée au sein de son propre parti d’alors, le PDCI-RDA. Alors que certains ne voyaient en lui qu'un homme en mission pour le volet économique, les soutiens de Ouattara au sein du PDCI-RDA, même s'ils se comptaient sur les bouts des doigts au début, vont commencer à apparaître. De là, va commencer son cauchemar politique. D'abord, lorsqu'il arrive avec fracas comme 2è sur la liste du Comité Central du PDCI-RDA après le 9è congrès de 1990, devant des dinosaures de l'ex-parti unique. Ensuite, lorsqu'il commence à mettre sur pied ses réseaux de soutiens au sein de l'Armée, de la Police, les médias, etc. Enfin et surtout, lorsque début septembre 1992, à l'émission «L'invité de la Une» d'Aly Coulibaly, il manifeste ouvertement ses ambitions présidentielles. La suite, on la connait. Ouattara est accusé clairement, après avoir «géré» le pays durant presque 8 mois comme «intérimaire» du président Houphouët-Boigny malade à Paris, d'avoir obstrué l'application normale de l'article 11 de la Constitution lorsque «Le Vieux» meurt le 07 décembre 1993 à Yamoussoukro. Il est «éloigné» au FMI où Michel Camdessus, le DG, l'attend comme adjoint. A l'intérieur de l'appareil de son parti, en cette fin 1993, ses partisans avec en tête feu Djéni Kobina, ne veulent pas se laisser conter. Et lors du 3è congrès extraordinaire du 30 avril 1994 devant consacrer l'arrivée de Bédié à la tête du PDCI-RDA, en remplacement du père fondateur, ceux-ci provoquent le clash. Ouattara est zappé des instances de son parti en cette soirée de fin avril 1994. Quelques mois plus tard, le 29 septembre plus précisément, après l’empêchement fait à feu Djéni Kobina de prendre la parole au nom de Ouattara à ce 3è congrès extraordinaire du PDCI-RDA, le Rassemblement Des Républicains (RDR) est porté sur les fonts baptismaux. Commence alors la galère de ce parti. Que de militants perdus dans les manifestations de rue pour défendre les droits de leur mentor, que de frustrations faites à ses cadres dégommés en masse des postes supérieurs de l’Administration, que de tracasseries perpétrées à l’endroit de ses membres. Toutes les frustrations faites alors au mentor du RDR et à ses lieutenants, dans la quête de leurs droits politiques, vont être ressenties comme le prolongement des frustrations faites à une partie de la population de ce pays. Le RDR va se forger au fer, dans le sang et dans la douleur à travers les répressions du boycott actif de 1995, les bagarres préélectorales de septembre 1999, les manifestations post-électorales des 24, 25 et 26 octobre 2000, les manifestations de rue du 04 décembre 2000 pour protester contre l’exclusion de son président aux Législatives, et les manifestations du «G7» des 25 et 26 mars 2004. Toutes choses qui vont créer le rapprochement entre le nouveau parti et le FPI, déjà en combat dans l'arène contre la citadelle PDCI. Fin 1994, les 2 partis scellent l'alliance du «Front Républicain» qui va initier le boycott actif de la présidentielle de 1995. C'est dans cette mouvance d'ailleurs que le parti de Ouattara va se révéler comme une vraie machine électorale. Dans ce contexte difficile de 1995-1996, le RDR réussit à obtenir des députés et des maires, dans les ex-bastions du PDCI-RDA. Lors des Municipales de 2001, le RDR va même arriver en tête du scrutin devant le PDCI et le FPI, se payant le luxe de faire voler en éclats des fiefs électoraux réputés être ceux du PDCI et du FPI en raflant les mairies de Gagnoa, Soubré, Daloa, Bouaké et San-Pedro, et en présentant lors des Conseils généraux de 2002, 58 listes sur les 58 départements, démontrant ainsi toute son implantation nationale.

C'est cette implantation nationale qui permettra au président du RDR, revenu au pays en juillet 1999, de contourner le «Mouvement Tout Sauf Ouattara», le fameux «Mouvement TSO», véritable courant de repli identitaire qui s’était assigné pour mission de le faire échouer dans sa quête de parvenir à la présidence de la République. Lorsque la Côte d’Ivoire surfe sur le courant du coup d'Etat de 1999 et la gestion politico-militaire de 2000, Ouattara se retrouve face au sale «triptyque» qui le suit depuis son arrivée au pays début 1990. Ses problèmes d’origine, de nationalité et d’éligibilité. Un cercle vicieux qui va lui polluer la vie et dans lequel ses adversaires d'hier et ses alliés du moment vont se délecter. Ouattara est-il Ivoirien ou pas? Ouattara est-il éligible ou pas? Des questions auxquelles il a toujours été confronté, et qui n’ont eu de cesse de diviser les Ivoiriens, de les troubler, de les mettre en palabre avec eux-mêmes, et avec leurs voisins du Nord. Ce cercle vicieux «Origine, Nationalité, Éligibilité», le président du RDR saura le briser dans des alliances politiques circonstancielles qu'il tissera au fil du temps. D'abord, Front Républicain en 1994, le Forum des partis et associations de 1999, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) en 2004. C'est d'ailleurs cette dernière alliance qui lui vaudra son triomphe à l'issue du 2nd tour du 28 novembre 2010.

SES SOUTIENS EXTERIEURS ET INTERNES

L'autre versant de son succès politique aura été l'existence de son puissant réseau de soutiens. Car, s’il y a un leader politique ivoirien dont les réseaux de soutiens extérieurs ont été affichées avec ostentation, ce sont bien ceux de Ouattara. De l’ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius à l'actuel président français Nicolas Sarkozy, en passant par Jacques Chirac, dont l’épouse, Mme Bernadette Chirac, entretient de très bonnes relations avec Mme Dominique Ouattara, Ouattara a noyauté et cadeauté l'arène politique française.

On crédite l'actuel président de la République d’un réseau de soutiens incomparable dans la presse française, entretenant des liens directs tant avec les responsables des médias que les journalistes français eux-mêmes. Mais son premier soutien direct est resté son ami Michel Camdessus, l'ancien DG du FMI. Sur le continent africain, Ouattara rempile. Proche d'Obasanjo et de Thabo Mbeki, il forme avec eux le trio des leaders africains adoubés par Washington dans le cadre de l’axe Prétoria-Lagos-Abidjan. Au delà, l'ancien Premier ministre de feu Houphouët-Boigny a tissé des liens particuliers avec tous les Chefs d'État ténors de la ''Franc-maçonnique'' comme Blaise Compaoré, Abdoulaye Wade, Denis Sassou Nguesso, Ali Ben Bongo, Paul Biya, Faure Gnassingbé, Idriss Deby Itno, etc. Mais, c’est surtout son cabinet de lobby, l’Institut International pour l’Afrique (IIA), qui lui a permis de dérouler son agenda africain, puisque cela lui a permis d’être en contact quotidien avec les décideurs du continent. Ce cabinet, IIA, adoubé par le FMI, a permis aux États africains endettés d’entretenir les meilleures relations avec l’institution financière de Bretton Woods en négociant leurs dettes extérieures. Depuis, nombre de Chefs d'État africains ne jurent que par ce ''magicien'' de la haute finance mondiale. Dans ces réseaux de soutiens extérieurs mis en place dans le cadre de ses ambitions présidentielles, Ouattara a considérablement mis à contribution ses anciens camarades, au portefeuille relationnel très fourni, du FMI.

Alexandre Barro Chambrier, ancien Représentant des pays francophones au Conseil d’Administration du Fonds, Evangelo Calamitis, ancien directeur Afrique, Christian Bréchet, ancien directeur du FMI à Paris, Clément François, ancien Chef de mission du FMI en Côte d’Ivoire, auront été de tous ses combats. Sans oublier Philippe Serey-Eiffel, ancien DG de l’ex-Direction Centrale des Grands Travaux (ex-DCGTX), actuel BNETD, son autre compagnon. De tous aussi, la Baronne Ira de Furstenberg, figure de proue de l’univers caritatif en Europe, aura été aussi de tous les soutiens, via son amitié avec Mme Dominique Ouattara, son premier soutien en interne. Ouattara débarque aujourd'hui au palais présidentiel fort du combat de tous ces réseaux de soutiens internes et externes qui ne lui ont pas fait défaut.

JMK AHOUSSOU
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