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Art et Culture Publié le jeudi 24 décembre 2009 | Le Temps

Pr. Kouassy Oussou dg de l`Economie, a propos de la résistance économique -“On peut régler le problème des travailleurs, si…”

A la faveur de son 2000e numéro, Le Temps a donné la parole au Pr. Kouassy Oussou, économiste talentueux pour " disséquer " l`évolution économique du pays.

Vous êtes un fidèle lecteur du quotidien Le temps. Quel est votre regard sur le parcours de ce quotidien qui est sur le marché depuis le 16 avril 2003?
Je voudrais remercier l`équipe de Le Temps qui est venue m`interviewer à la faveur de la sortie de son 2000e numéro. Félicitations pour avoir tenu la route depuis. Si mes souvenirs sont bons, ce journal est né dans un contexte de crise aigüe. Parce qu`en avril 2003, nous venions de sortir juste des négociations de Marcoussis et la situation de la Côte d`Ivoire était très difficile. C`est donc un journal qui est né dans la douleur en affichant clairement sa volonté de défendre les institutions de la République, au moment où ceux qui s`affichaient dans un tel combat, n`étaient pas bien vus. Ce n`était pas la ligne la plus facile à adopter à cette époque-là. Six ans après, vous êtes encore là. Tous les jours, il faut trouver des sujets au quotidien pour remplir les pages. Même quand l`actualité est plate. Je voudrais vous féliciter d`avoir tenu ce pari pendant six ans. Ce sont des moments palpitants j`imagine que vous avez vécus, en participant au combat de la résistance, du retour à la paix et à la normalité en Côte d`Ivoire.

Au même moment, vous étiez sur un autre front. Celui de la résistance économique. Quel était le secret de la réussite du G5 ?
Le G5 était composé des dg des trois régies financières, plus la direction générale de l`Economie et celle du Budget et des Finances. Je pense que l`équipe qui a travaillé autour du ministre d`Etat Paul Antoine Bohoun Bouabré, en cette période de crise, a travaillé dans la cohésion. Je ne peux parler de secret parce que les directives étaient claires et développées au grand jour. En outre, l`équipe avait la confiance, l`éclairage et les directives permanentes du Président de la République au haut niveau et de celle du ministre d`Etat ministre de l`Economie et des Finances. Quand vous avez la confiance de votre patron qui vous laisse déployer ce qui est de votre ressort, vous ne pouvez que réussir. C`est-à-dire que vous n`avez pas le choix que de réussir. Dans notre cas, l`équipe avait la confiance de Sem le Président de la République et par ricochet, le ministre d`Etat avait placé sa confiance en ses collaborateurs qui avaient la plénitude et une délégation franche et claire de la responsabilité. C`est donc cette marque déposée là qui a été le secret de notre réussite. C`était une armée économique. Face à l`adversité, cette cohésion et ce sens de la responsabilité partagée était plus que nécessaire. N`oubliez pas que cette équipe a été bâtie dans des conditions difficiles. Nous sortions d`une élection difficile qui faisait suite à une transition militaire dès suite d`un coup d`Etat militaire. Avec une situation économique difficile, des performances économiques pas très bonnes et dans un environnement marquée par une perte de confiance dans les dirigeants du pays. L`arrivée du Président Gbagbo qui a été un moment de grand espoir devait être animé par des hommes et des femmes de foi et de grande rigueur. Il s`est trouvé que dans notre secteur, on a profité de cette manne avec le ministre d`Etat, Chef d`orchestre qui a organisé l`équipe.

C`est bizarrement en ces heures chaudes, que la Côte d`Ivoire a réussi à collecter des ressources propres et à lever sur le marché financier, le maximum d`épargne avec les emprunts obligataires et à payer ses fonctionnaires à temps là ou ailleurs on a accumulé des arriérés de salaires ?
Tel que l`équipe était organisée et que chacun avait des directives et délégation de pouvoir bien précises, il ne pouvait en être autrement. Le Président Gbagbo et son équipe sont arrivés à un moment où le pays était isolé et en rupture de relation avec les bailleurs de fonds et partenaires, le Fmi, la Banque mondiale, la Bad, et l`Union Européenne. L`équipe avait l`obligation de trouver des ressources pour subvenir aux besoins du pays. Quand vous assainissez la base et les finances publiques, vous créer les ressources. Quand on a confectionné le budget sécurisé, beaucoup n`y croyait pas. Pendant toute cette période-là, aucun membre de l`équipe ne faisait de coupure à midi. C`est-à-dire que quand on arrivait au bureau, on en sortait que quand il faisait nuit. A tel enseigne qu`en 2005, quand la situation avait commencé à s`améliorer, on s`est retrouvé à l`extérieur au cours d`une mission du Fmi à Abidjan à 16 heures, et on s`est rendu compte que ça faisait des années qu`on ne s`était pas retrouvé à cette heure- là dehors. En somme, il y a eu beaucoup de travail et nous avons beaucoup travaillé.

Dans cette grisaille-là, les grèves n`ont pas manqué. Sont -elles justifiées aujourd`hui ?
Effectivement les grèves n`ont pas manqué. Même pendant les moments les plus difficiles en 2004 et 2005. Mais, il faut le dire, c`est à partir de 2006, que les grèves se sont accentuées. Pour nous, le fait que les travailleurs réclament ou posent des revendications, c`est la confirmation que l`Etat a été préservé. Parce que s`il n`y a plus d`Etat, on ne sait pas vers qui diriger les revendications et les grèves. Si aujourd`hui on peut revendiquer et penser qu`on peut avoir satisfaction, c`est parce que l`Etat a été maintenu débout et continue d`inspirer confiance. Ça veut dire aussi que l`Etat continue d`inspirer confiance et peut régler les problèmes. Je ne dis pas que c`est normal. Il y a eu une accumulation des problèmes qui font que quelquefois, il peut y avoir des signes de désespoir des gens qui n`ont pas une bonne lecture de l`évolution des choses. En un mot, cette évolution, c`est la sortie de crise. Aujourd`hui, on est plus proche de la sortie de crise que des profondeurs de la crise. En toute logique, on devrait tous ramer pour aller vers la sortie de crise. Qui va nous donner des moyens et des perspectives, pour chacun de nous.

Ne pensez-vous pas que les ivoiriens sont nostalgiques de la Côte d`Ivoire paternaliste à un certain moment donné où quand les enfants s`agitaient, le père de la Nation les appelait pour les calmer ?
Je ne suis pas certain. Je ne sais pas de quoi vous parlez. Mais si c`est de la Côte d`Ivoire des années 1960, 1970 et 1980, que vous voulez parler, le père de la Nation et les dirigeants de l`époque n`étaient pas des enfants de cœur. Quand il y avait des revendications, même celles des étudiants, ces derniers se retrouvaient en prison ou dans un camp militaire. Aujourd`hui, les travailleurs demandent à voir systématiquement le Président de la République, c`est parce que nous ne sommes pas dans une situation normale. Si le pays était dans une situation normale, certains problèmes se règleraient au niveau des ministres et donc du gouvernement avant d`arriver devant le Président de la République. Nous vivons dans une situation où l`Etat a certes été préservé mais affaibli. Il faut retenir que du temps des régimes anciens, c`était des régimes dictatoriaux. On ne parlait pas de revendications mais de doléances. Les mots utilisés étaient choisis pour ne pas effaroucher le pouvoir en place. Rappelez-vous du " syndicalisme de participation responsable ". La plupart des leaders d`aujourd`hui, ont passé tout leur temps entre la prison et les camps militaires. Certains ont tendance à nous faire oublier notre vécu du passé.

L`Etat a-t-il les moyens de faire face, à toutes les plates-formes revendicatives des ses fonctionnaires et de ses agents ?
Aujourd`hui honnêtement, l`Etat n`a pas les moyens d`y faire face. Au début de cette année, on avait fait projection de 745 milliards de Fcfa, mais les dernières projections nous amènent à 749 milliards de Fcfa pour les salaires. C`est beaucoup, si on compare ce chiffre à la masse salariale du début des années 1970 où nous étions à 450 milliards de Fcfa. Ce qui veut dire que de cette période à ce jour, il y a un accroissement de 300 milliards de Fcfa par an. Un plus qui ne prend pas en compte toutes les revendications des travailleurs. Même pas l`ensemble des revendications qui connaissent un début de règlement. Une prise en compte globale de toutes ces revendications, nous ferait 170 milliards de Fcfa de plus. Cela donnerait plus de 900 milliards de Fcfa de masse salariale. Ce montant correspond à l`objectif respectif vers lequel on veut tendre au niveau des impôts et des douanes. Cela reviendrait à dire que tout ce qu`on collecte à la douane par exemple, devrait servir qu`à couvrir les salaires.

Quand les syndicats revendiquent, le Président de la République et le gouvernement répondent : Attendez après le Point d`achèvement. Est -ce que la Côte d`Ivoire peut y parvenir dans le délai ?
Dix-huit mois à partir de mars 2009, la Côte d`Ivoire devrait y parvenir. Mais tout cela est indicatif. Ce qui est important, c`est que pour pouvoir atteindre le Point d`achèvement, il faut avoir exécuté pendant un an, le programme qui a été conclu avec les bailleurs de fonds. Il faut avoir fait un rapport d`étape du Dsrp et satisfaire un certain nombre de mesures et de facteurs déclencheurs dans les secteurs sociaux. Une évaluation a été faite au mois de septembre fondée sur les réalisations du mois de juin. Un autre point vient d`être fait et une évaluation en fin d`année est en préparation. Ces évaluations indiquent que nous sommes en ligne et nous avons les moyens de tenir. Quand bien même, il y a des difficultés que nous devons surmonter. Tout le reste dépendra de la Côte d`Ivoire et raisonnablement on peut arriver au Point d`achèvement en 2010.

C`est vrai que l`argent va rentrer certes, mais faudrait-il que la Côte d`Ivoire se complaise dans un système de fonction publique. Ou elle devrait adopter un système américain ou l`Etat serait un régulateur ?
Il faut dire que chez nous aussi, l`Etat est un régulateur. Nous avons adopté un système dans lequel, le secteur privé joue un rôle moteur. Bien sûr qu`ici, l`Etat intervient directement un peu plus que dans les pays développés. Mais je pense qu`il y a deux observations qu`il faut faire. Une part, il faut prendre en compte l`histoire des peuples. Pour arriver là où les Américains sont arrivés, il leur a fallu des siècles pour bâtir leur économie. Aussi, ce sont des personnes venant d`Europe qui sont allés conquérir le continent américain. L`Etat qu`ils ont bâti est à l`image de leur vision. D’autre part, nous autres, nous avons hérité d`une économie coloniale. Ce n’est pas nous qui avons assis les fondamentaux de notre économie. Il faut donc transformer cette économie pour la mettre au service de notre développement. De ce point de vue, nous devons être pragmatiques. Même dans les années 1960, c`est-à-dire du temps de feu Félix Houphouët-Boigny, qui était orienté vers le capitalisme,il n`a jamais abandonné la possibilité de faire jouer un rôle de premier plan à l`Etat. Le marché a été toujours encadré. Nous-mêmes, il y a des pans entiers de notre économie où nous avons engagé une libéralisation sous contrainte et hâtive qui n`a pas donné tous les résultats escomptés. Aujourd`hui, avec la crise financière internationale, on a pu voir des Etats habituellement non interventionnistes, notamment les Usa, et l`Union européenne véritablement s`investir et s`impliquer à fond dans la gestion de la crise, en allant jusqu`à prendre le contrôle de certaines banques. En y injectant des sommes colossales pour sauver des banques et des industries. Dans une nation aussi jeune comme la nôtre, où certains secteurs sont à développer, comme les Tic par exemple, si nous laissons le secteur privé seul se déployer, on va y arriver, mais on va mettre du temps pour y arriver. Dans le nord de la Côte d`Ivoire, je ne suis pas certain que la reprise des complexes agroindustriels qui ont été fermés, soit possible sans l`Etat. Maintenant dans un système comme le nôtre, il y a-t-il de la place, pour l`initiative privée ? je dis oui. Il faut même faire en sorte que l`initiative privée se développe pour faciliter l`ajustement permanent que nécessitent les économies modernes.

Vous êtes cadre du Fpi, il se dit que le Président Gbagbo sur certains dossiers fait moins confiance aux cadres du même bord politique que lui. Votre commentaire ?
Je suis très heureux que vous me posez cette question-là. L`observation n`est pas juste. Le Président Gbagbo fait appel à toutes les expertises de différents bords politiques. C`est cela l`ambition du Fpi qui a lutté pour conquérir le pouvoir pas pour lui seul. A la différence de l`ancien régime qui a été bâti pour conquérir le pouvoir et le gérer dans le sens de ses intérêts égoïstes. On a vu des partis ici qui ont géré pendant plus de 30 ans sans faire appel aux compétences qui ne sont pas issues de leurs rangs. Mais ça ce n`est pas le projet du Fpi. Et je ne crois pas que cela soit une marque de déception de la part du Président de la République, des cadres qui sont du même bord politique que lui. Il peut même former plusieurs gouvernements avec ses cadres. Le comité d`expert qui est actuellement au laboratoire comprend plus de 300 experts. Il ne comprend même pas tous les experts du Fpi. Le Président Gbagbo a su faire l`équilibre entre son parti, le Fpi et les autres partis dans la configuration des différents gouvernements qu`il a formés. Les ivoiriens doivent pouvoir interagir entre eux, indépendamment, sans tenir compte de leurs convictions politiques, religieuses et ethniques. C`est ce que le Président recherche.

Vous qui suivez les indicateurs macro économiques, est-ce que les fondamentaux de notre économie ont été préservés dans les zones Cno ?
Je pense que nous n`avons pas encore tous les indicateurs du cru. Parce qu`on n`a pas encore totalement redéployé tous nos services. Tout laisse croire qu`il y a une dynamique au niveau de ces zones. Quand on regarde les flux des échanges entre ces zones-là, et le reste du pays, il y a une plus grande fluidité dans la circulation des hommes et des biens. Il nous est arrivé de séjourner là-bas et de venir travailler à Yamoussoukro. Des délégations qui vont là-bas y passent la nuit. Comme l`a fait à plusieurs reprises le Président de la République lors des visites d`Etat. Bien sûr qu`il y a eu beaucoup de dégâts et de dégradation du fait de la guerre et de l`abandon des infrastructures. Mais globalement, sur la base de ce qu`on a pu observer, il y a un minimum qui a été préservé.

On a redéployé les banques, le trésor et on a parlé même du retour des douanes à Bouaké. Quand vous faites un bilan combien l`Etat perd ?
Sur la base des calculs que nous avions fait, cette zone représente 10% à 15% du Produit intérieur brut, (Pib) des richesses nationales en temps normal. Sur cette quantité, on aurait pu s`attendre à mobiliser des ressources de l`ordre de 50 milliards de Fcfa au minimum par an. Le problème, c`est moins ça que la porosité et les fraudes que créent la non maîtrise de cette zone. On peut déverser d`importantes quantités de marchandises qui peuvent gangrener le reste de l`économie. Si des richesses ont été pillées, de nouvelles richesses ont été créées. C`est pourquoi, nous sommes, au ministère de l`Economie et des finances, de grands consommateurs du redéploiement de l`administration et des forces de sécurité, qui heureusement aujourd`hui, est en cours. Progressivement, le pays est en train de se réunifier.

Par Bamba Mafoumgbé
bamaf2000@yahoo.fr
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