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Société Publié le mercredi 20 janvier 2010 | Nord-Sud

Dr Diawara Adama (Directeur de la station géophysique de Lamto) à propos des tremblements de terre : ‘’Voici les zones sismiques de la Côte d’Ivoire’’

Dr Diawara Adama, directeur de la station géophysique de Lamto, non loin de Taabo, donne plus de précisions sur le tremblement de terre qui a endeuillé Haïti et présente les zones sismiques de la Côte d’Ivoire.

Haïti a été frappé le 12 janvier par un tremblement de terre dévastateur. Pouvez-vous expliquer avec plus de précisions le phénomène qui s’est produit ce jour-là ?
Nous allons essayer dans la mesure du possible d’être le plus simple. Il est évident que quand on utilise des termes trop techniques en pareille situation, les explications deviennent difficiles à comprendre pour les profanes. La terre est une sphère structurée. La partie superficielle est appelée écorce terrestre ou croûte terrestre. Elle descend de la surface de la terre jusqu’à une profondeur d’environ 35 km au niveau des continents, et 10 km au niveau des océans. En-dessous de cette croûte terrestre, on a ce qu’on appelle le manteau qui descend à-peu-près 3000 km de profondeur. De la base du manteau jusqu’au centre de la terre, vous avez le noyau qui est à 2.900 jusqu’à 6378 km de l’équateur. A la partie superficielle, sur une profondeur moyenne de 100 km, il y a des plaques. Ce sont des blocs qui glissent les unes par rapport aux autres. Il peut s’agir de mouvements de rencontre, appelés mouvements de convergence. Il peut s’agir de mouvements d’éloignement qu’on appelle mouvements de divergence. Il peut aussi s’agir du glissement d’une plaque sur une autre. Ce sont des mouvements réguliers en profondeur qui se font sur quelques millimètres jusqu’à quelques centimètres par an, dans la partie superficielle, au niveau de la croûte terrestre, sans que les zones de séparation appelées failles, ne bougent. Elles peuvent rester bloquées pendant que les plaques sont en mouvement. Dans ce cas de figure, au niveau des failles, il y a une déformation élastique avec accumulation d’énergie. Cette accumulation peut continuer jusqu’à ce que le système ne puisse plus y résister. En ce moment, il se produit ce qu’on appelle un séisme ou un tremblement de terre. Il se manifeste par des vibrations de sol au niveau de la surface de la terre.

En vous écoutant, on constate que c’est un phénomène bien connu des scientifiques. Pourquoi n’arrivent-ils pas à le prévoir pour éviter des drames comme celui qui vient de toucher Haïti.
Comme on le dit, les tremblements de terre, on ne peut pas les éviter. Et à l’état actuel de nos connaissances scientifiques, on ne peut pas les prévoir. Vous avez des séismes qui se produisent sur des échelles de temps assez élevées. Certains se produisent sur des échelles de temps moyennes et d’autres des échelles de temps courtes. En matière de prévision, il y en a pour le long terme, donc sur un certain nombre d’années, pour le moyen terme, sur quelques mois, ou pour le court terme, c’est-à-dire sur quelques jours. Actuellement, on arrive à faire les prévisions du long terme grâce à des mesures sismométriques, en menant des études statistiques au niveau des failles. Sur des failles telles que celles de Californie qui sont assez étudiées, on peut prévoir qu’il y aura un tremblement de terre de telle magnitude, de telle énergie et de telle importance. On peut également faire des calculs de probabilité pour prévoir l’occurrence d’un séisme, et même son intensité, mais sur un intervalle de temps donné. Cependant, les prévisions à court terme ne sont pas évidentes. Dans tous les grands pays qui connaissent des tremblements à répétition comme les Etats-Unis, la Grèce, le Japon et la Chine, on a beaucoup investi dans la recherche en sismologie. Ils sont en train de développer pas mal de méthodes pour arriver à prévoir des tremblements de terre avec des résultats plus ou moins précis. Mais, il faut reconnaître que dans la majorité des cas, on n’y est pas encore parvenu.

Pourquoi ?
Cela est lié au caractère brutal du phénomène. Je vous ai parlé d’une accumulation d’énergie au niveau de la surface de séparation des plaques. Brutalement, cette énergie est dissipée avec rupture au niveau des roches. Cette brutalité ne facilite pas la prévision du phénomène.

Haïti, on le voit, est une zone sismique. Qu’est-ce qui explique cela ?
Il faut savoir que les séismes ou tremblements de terre ont trois origines : il y a d’abord les séismes tectoniques qui sont liés aux mouvements d’une plaque par rapport à une autre. Il y a ensuite les séismes d’origine volcanique. Elles sont liées aux activités volcaniques. Vous avez des tremblements de terre ou séismes indus. Ils sont liés aux activités humaines, comme la construction de barrages ou des explosions souterraines, notamment nucléaires, qui entraînent des séismes de magnitude de faible moyenne. Mais, 90 % des séismes sont liés aux mouvements des plaques tectoniques les unes par rapport aux autres. C’est ce qui s’est passé en Haïti. Ce pays est situé sur la plaque caribéenne. Et cette plaque est en mouvement par rapport à la plaque nord-américaine. Il y a eu un mouvement entre ces deux plaques avec comme je l’ai dit, une dissipation brutale de l’énergie accumulée au niveau des failles. Ce que je vais dire peut paraître cynique, mais c’est une vérité scientifique. La faille qui concerne Haïti s’étend sur environ 200 km. Et le séisme qui vient de se produire n’a concerné que 50 à 80 km de la longueur totale de la faille. Ce qui a donné un séisme d’amplitude 7,1 à peu près. Si l’ensemble de la faille était concerné, on aurait un séisme de magnitude 8, c’est-à-dire dix fois plus puissant que celle qui s’est produit. Ce n’est pas de gaieté de cœur que je le dis, mais c’est un constat de scientifique.

Qu’est-ce qui explique que cette zone précise soit aussi exposée aux tremblements de terre ?
Parce qu’elle est à côté d’une faille et que les tremblements de terre ont tendance à naître au niveau des failles. Si votre cité est située sur ou à côté de la faille, il est évident que dès qu’il y a ce mouvement brusque d’une plaque par rapport à l’autre.

Parlons maintenant de notre sous-région. Un pays comme la Côte d’Ivoire est-il à l’abri d’un tremblement terre ?
Si on était à la télé, je vous aurais montré une carte qui présente les zones où on a eu beaucoup de tremblements de terre au cours de l’histoire. Au niveau du continent africain, les zones d’occurrence qui ont été répertoriées depuis 1900 forment une espèce de ceinture qui entourent l’Afrique et qui dessinent pratiquement la carte africaine. La Côte d’Ivoire, quant à elle, est située sur un vieux socle qui date de milliers d’années. Et Dieu merci, nous sommes dans une zone où l’activité sismologique est assez faible. Si vous regardez la carte de sismicité, vous verrez pour les séismes qu’on peut enregistrer en Côte d’Ivoire, les magnitudes les plus élevées sont de l’ordre de 3.6. Elles concernent des zones qui se situent au nord du pays, à la frontière avec le Burkina Faso, vers Ouangolodougou et Ferkessédougou. Il y a un peu de sismicité sur la côte, notamment vers Grand-Lahou.

Voulez-vous dire qu’il y a des tremblements de terre en Côte d’Ivoire ?
Bien sûr ! Je vous signale qu’en permanence, il y a des tremblements de terre. On répertorie actuellement plus de 100.000 séismes par an à travers le monde. Ces séismes sont classés par ordre d’importance en fonction de leurs magnitudes. Quand un séisme a une magnitude inférieure à 3, on ne ressent rien du tout. A partir de 3, on le ressent dans certains cas. Là où les êtres humains ont tendance à ressentir quelque chose, c’est à partir de 4. Et même là, ce sont des objets de la maison qui s’entrechoquent, une fenêtre qui vibre un peu, etc. A partir de 5, les effets commencent à être sérieux. Les immeubles construits sans normes parasismiques ont tendance à s’écrouler. Ceux qui ont été construits en tenant compte de ces normes résistent plus ou moins. A partir de 9, c’est la catastrophe. C’est l’écroulement total.

Il semble que des séismes ont été déjà bien ressentis dans certaines villes comme Dabakala. Pouvez-vous en parler ?
La station géophysique de Lamto est dotée d’un réseau de sismomètres installés à Lamto, à Toumodi, à Dimbokro ainsi de suite. Je peux vous dire que si le sol bouge ne serait-ce que d’un nanomètre, c’est-à-dire d’un milliardième de mètre, nous arrivons à le détecter à Lamto. Par exemple, en mars 2001, il y a eu un séisme à Boundiali avec une magnitude locale de l’ordre de 3. Nous l’avons détecté de façon claire et nette sur notre réseau, et les populations de Boundiali l’ont effectivement ressenti.

Y a-t-il des cas plus récents ?
Il n’y a pas de cas récents suffisamment ressentis par les populations. Ce sont de petits mouvements qui sont permanents. Mais, comme je l’ai dit, tant que la magnitude n’atteint pas au minimum 3, les populations ne ressentent rien.

Le 13 août 2007, à 5h du matin, plusieurs riverains de Port-Bouët ont été surpris par une avancée inhabituelle de l’eau de mer. Ce phénomène a été attribué par des scientifiques à un tremblement de terre sous-marin. N’est-ce pas une menace pour la Côte d’Ivoire ?
Je sais que les gens aiment bien parler de cet évènement parce qu’il leur rappelle les vieux souvenirs du tsunami. Je vous signale que pour qu’il y ait un tsunami, il faut un tremblement de terre au niveau de l’océan. C’est comme une espèce de coup qu’on donne au bas de l’océan pour propulser l’eau vers les côtes. S’il y a un tremblement de terre en eau large, cela peut éventuellement provoquer certaines vagues d’une certaine hauteur, mais, comme je l’ai dit, la Côte d’Ivoire n’est pas dans une zone à sismicité assez prononcée pour que nous soyons sujets à une catastrophe comme le tsunami.


Interview réalisée par Cissé Sindou
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