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Afrique Publié le vendredi 29 janvier 2010 | Le Nouveau Réveil

Alpha Yéro Condé (Guinéen, Expert en matière électorale, bonne gouvernance et communication politique) : “Dadis en signant les accords de Ouaga a renoncé à toute velléité présidentielle”

Alpha Yéro Condé est Guinéen. Il a 60 ans. Il est expert en bonne gouvernance et communication politique, directeur de la radio Kofi Fm, radio qui appartient à l'Université Kofi Anan, professeur de science politique dans la même Université, consultant de la radio Espace Fm de Guinée. Dans cette interview réalisée à Abidjan lors de son récent séjour, Alpha Yéro Condé parle de la situation en Guinée.

Professeur, que peut-on dire ou retenir aujourd'hui au sujet de la Guinée ?

Je pense qu'on peut retenir que nous avons obtenu un accord qui, en principe, doit permettre à la Guinée d'aller de l'avant. Un accord dans ce genre de crise, n'est jamais parfait et tout le monde n'adhère pas au départ. Mais, c'est dans les différentes étapes de mise en œuvre de l'accord que les uns et les autres vont se débarrasser de leur peur et de leurs appréhensions pour accompagner l'accord et corriger au fur et à mesure ses imperfections pour qu'au sortir, effectivement, on ait, une fois qu'on a la volonté de finir avec la crise, le sentiment d'avoir participé à une bonne action.

Avez-vous le sentiment que les Guinéens sont prêts à aller de l'avant avec cet accord-là ?
Le sentiment, oui. Ça fait quand même 60 ans que je suis Guinéen. Je ne pense pas que ce soit une question de sentiment. C'est d'abord une question de volonté exprimée depuis 2007, une volonté de besoin de rupture, de volonté de changement et de détermination à changer. Et ça, depuis juin 2006 où les gens sont descendus dans la rue. Janvier 2007, les gens sont redescendus dans la rue. Et n'oublions pas que le 22 janvier dernier, c'était le deuxième anniversaire du mouvement des populations pour un pays plus juste et plus solidaire et pour plus de démocratie. Malheureusement, en 2007, les attentes n'ont pas été comblées par les gouvernements successifs. Ce qui a fait que forcement, on a un régime comme le Cndd en 2008, quand Lanssana Conté est mort, paix à son âme. Et que ces imperfections gérées aussi par le Cndd, ont donné malheureusement le 28 septembre 2009 et malheureusement, le 3 décembre 2009, parce que ce qui s'est passé le 3 décembre est la conséquence du 28 septembre 2009.

Cela fait beaucoup de tristes événements. Est-ce que c'est une malédiction ?

Les gens pensent que c'est une malédiction. Non, c'est au contraire…Chaque pays, chaque nation dans sa croissance et par étape, rencontre des crises. On n'appelle ça des crises de croissance de la nation. Haiti vient d'avoir 110 000 morts, est-ce que pour autant qu’ils sont maudits ? Non. Je crois qu'il faut sortir du syndrome de la malédiction de charme de la bible pour comprendre que, à chaque étape comporte un lot d'événements. Et ces événements peuvent être évités dans la mesure où les gens ont atteint le niveau de maturité indispensable à la prise de décision nécessaire à éviter certains pièges. Mais, tant que ce n'est pas fait, il va y avoir des problèmes. En réalité, les Guinéens sont décidés à changer. Et ça, ils changeront quel que soit le prix à payer. Ce n'est pas un problème de malédiction, c'est un problème de marche ascensionnelle vers plus de bonheur et plus de prospérité. S'il y a encore des freins ou des pesanteurs à cette marche-là, les citoyens vont bousculer ces pesanteurs.

Les Guinéens ont applaudi l'arrivée au pouvoir du Capitaine Dadis Camara. Qu'est-ce qui n'a pas marché avec ce dernier ?

Oui, les gens pensent toujours que les Guinéens ont applaudi Dadis. C'est ça la mauvaise lecture et c'est la même mauvaise lecture que Dadis a faite. En fait, Dadis est venu à un moment où tout le monde était persuadé qu'il fallait que Conté parte. Cette situation de fait a institutionnalisé l'armée et a fait de l'armée un arbitre pour deux raisons. La première, c'est que Conté s'est abrité derrière l'armée pour protéger son pouvoir, et les citoyens lassés du régime Conté attendaient que l'armée les débarrasse de ce régime. Donc, dans les mentalités, on avait fini par faire de l'armée un arbitre, donc une institution qu'elle n'est pas et qu'elle ne peut pas être. Quand l'armée a pris le pouvoir le 23 décembre, Dadis était un illustre inconnu. Les gens ont applaudi le rejet du système Conté. Ils n'ont pas adhéré en la personne de Moussa Dadis Camara ou du Cndd. Ils ont applaudi la fin du régime Conté. Donc, cet applaudissement et cette adhésion unanimes ont été accompagnés d'un certain nombre d'actes que le Cndd a posés, notamment quand ils se sont attaqués aux narco trafiquants, ils ont commencé à dénoncer les prédateurs, ils ont commencé à dénoncer les corrompus…Mais, dans la lutte contre la corruption, on n’a jamais vu de corrupteurs arrêtés. On a vu des corrompus passer devant les caméras de la télévision. On a jamais vu des corrupteurs. Donc, ils ont posé des actes, mais les résultats n'étaient pas au bout. A partir de là, les gens ont commencé à être un peu plus sceptiques ; ils ont été un peu plus circonspects et ils ont commencé à se poser la question, est-ce que ?...Est ce que ?...Jusqu'à ce que Dadis dise qu'il est candidat. En ce moment, ils ont dit non, il y a quelque chose qui ne va pas.
Dadis n'était donc pas l'homme de la situation ?

Il faut rendre hommage à Dadis quelque part, car au départ, il était très sincère. Mais encore une fois, il a fait le mauvais choix de ses collaborateurs. Surtout, il a formé un gouvernement de Guinéens d'illustres inconnus qui n'ont aucune capacité de mobilisation. Bien que je tienne à rendre hommage à Komara, qui a été Premier ministre et qui servait et qui bien qu'il avalait beaucoup de couleuvres, n'a pas voulu démissionner. Mais en réalité, le gouvernement n'était pas apte à diriger la période exceptionnelle. Ce qui fait que malheureusement l'entourage de Dadis s'est retrouvé ressemblé trait pour trait à l'entourage de Conté. Le même entourage qui a trompé Conté s'est retrouvé chez Dadis et Dadis certainement s'est retrouvé en train de dévier.

Il n'est plus au pouvoir, quel est le sentiment qui habite les Guinéens ?

Il faut reconnaître qu'on est un peuple de croyants. Jésus a bien dit sur la Croix, Dieu pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font. Nous pensons que Dadis a payé le prix le plus fort. Donc, nous lui souhaitons prompt rétablissement, mais nous voulons aujourd'hui construire un pays à l'abri d'un conflit ethnique, nous voulons construire un pays à l'abri de prédateurs et de toute forme de dictature. Donc autant nous souhaitons que le président Dadis fasse sa convalescence au Burkina, chez le facilitateur, autant, nous avons envie de réussir notre transition.

Où se trouve effectivement Dadis ?

Il est au Burkina.

Est-ce que le peuple souhaite son retour ?

Vous savez, c'est quand même extraordinaire que des gens prétendent que le peuple souhaite son retour. Je ne pense pas, mais vous savez, c'est ce qu'on appelle la prime au sortant. C'est-à-dire que quel que soit le type de régime, il y a toujours quelques personnes qui sont satisfaites de sa gestion parce qu'aucun bilan n'est globalement négatif. Il y a une poignée d'agitateurs qui voudraient que Dadis revienne. Ce qui est tout à fait justifiable et justifié parce qu'ils sont attachés à sa personne et en plus Dadis est Guinéen, ne l'oublions pas. Normalement donc, en dehors du fait qu'on est croyant, chacun espère mourir dans son propre pays et là il n y a pas d'opposition radicale à ça. C'est peut être son implication dans le débat politique qui fait désordre, que la grande majorité voulait éviter. C'est peut- être pour ça qu'on ne souhaite pas qu'il revienne.

Après tout ce qu'on a appris sur son état de santé, est-il encore capable de revenir sur la scène politique ?

Je ne pense pas qu'il soit capable de revenir sur la scène politique, sinon il n'aurait pas signé les accords de Ouaga. Signer les accords de Ouaga, c'est déjà renoncer à toute ambition ou à toute velléité présidentielle en Guinée, c'est même renoncer à toute revendication d'exercer encore le pouvoir pendant la transition. Et ça, je crois qu'il l'a dit, il a été très clair là-dessus. A ce niveau, il ne nous appartient pas à nous de poser la question sur sa capacité intellectuelle ou physique.

Les 10 millions de Guinéens espèrent que Dadis va bien poursuivre sa convalescence et que la Guinée va se construire, une Guinée solide, stable et prospère parce que c'est maintenant que commence la transition. C'est maintenant qu'on va installer des institutions de transition. Dadis a géré une période exceptionnelle qui a créé le 28 septembre 2009 et qui a créé le 3 décembre 2009. Aujourd'hui, on veut éviter un nouveau 28 septembre 2009 et un nouveau 3 décembre 2009.

Qu'en est-il de son aide de camp ? A-t-on des nouvelles de Toumba ?

Ecoutez, des gens disent que Toumba pourrait être du côté de la Côte d'Ivoire (rires…) surtout qu'il est d'une zone qui est à la frontière avec la Côte d'Ivoire. Non sérieusement, je ne pense pas que les préoccupations tournent autour de l'arrestation de Toumba. Je crois que l'attention est focalisée aujourd'hui sur le fait qu'il faut construire la transition parce qu'en réalité le problème de Toumba, c'est qu'il y avait deux catégories de personnes. Ceux qui espéraient discrètement faire partir Dadis et ceux qui avaient peur de sa réputation. Or, ces deux catégories se retrouvaient dans l'armée. Donc ce qui fait qu'il était difficile qu'on l'arrête.

Toumba était de quel côté ?

En fait, c'est comme lorsque vous nourrissez un serpent en votre sein. Toumba a été, disons, mis en avant par Dadis qui lui a conféré le commandement d'une troupe. Il y a un proverbe malinké qui dit, on présente l'or à un orfèvre mais celui qui pense qu'on peut en faire une roue, n'en connait pas la valeur. Lorsque vous confiez une responsabilité à quelqu'un qui n'est pas intellectuellement, psychologiquement préparé à l'exercer, forcement, il commet des abus. Donc je pense que Toumba est de cette catégorie.

Concernant les événements du 28 septembre, que pouvez-vous dire sur la responsabilité de Dadis et de Toumba ?

Ecoutez, Toumba a dit aux gens après avoir tiré sur Dadis que le 28 septembre était un acte planifié, organisé et structuré par Dadis. Les conclusions de la Commission internationale d'enquête, attestent que c'est un acte planifié, les conclusions de human rights watch attestent aussi que c'est un acte planifié et aujourd'hui, une commission nationale d'enquête est en train de travailler aussi. On n'a pas encore les conclusions, mais il y a deux interrogations. La première, est-ce que des militaires qui appartiennent à un corps d'élite de l'armée, relevant du président de la République peuvent aller au stade sans des instructions précises de leur commandant en chef ? Deuxièmement, comment est-ce que des militaires, quand bien même on les aurait envoyés en mission, qui n'ont pas reçu d'ordre de tirer peuvent se mettre à tirer à balles réelles sur des gens désarmés. Il faut trouver des réponses à ces deux questions et après on verra.

Toumba est toujours en cabale, s'il est vrai qu'il se trouve en Côte d'Ivoire. Pensez-vous qu'il bénéficie du soutien et de la protection des autorités ivoiriennes ?

Non, c'est une boutade. On est en train de dire des tas de choses. Toumba a donné une interview à Rfi dans laquelle, il a dit qu'il est en Guinée. Par conséquent, je ne vois pas comment Toumba peut se retrouver en Côte d'Ivoire.

Pensez-vous qu'il serait prêt à se rendre ?

Non, il a dit qu'il ne se rendra pas parce qu'on va essayer de le faire taire. Je crois qu'il appartient à la justice internationale comme dans le cadre de Radovan Karazic et autres de le localiser, de l'arrêter et de le protéger afin qu'il apporte tous les éclaircicéments. En fait, Toumba aujourd'hui arrêté permettra aux gens dans un procès très équitable de faire la lumière sur ce qui s'est passé. C'est ce qui est important pour l'histoire qu'un Toumba mort.

En attendant, il demeure une menace. La Guinée peut-elle se construire avec une telle menace ?

Toumba n'est pas une menace. Il s'est trouvé dans une situation particulière, il s'est rapproché du chef de l'Etat, il lui a tiré dessus mais c'est fini, Toumba n'est plus une menace. En fait, les gens se préoccupent très peu de Toumba, aujourd'hui en Guinée. La préoccupation essentielle, c'est la mise en œuvre des accords de Ouaga et le début et la gestion de la transition.

Le pouvoir est encore aux mains des militaires avec le chef de l'Etat qui est le ministre de la défense de Dadis ?

En réalité, il y a de nouvelles autorités de la transition et une espèce de transfert de responsabilité et de pouvoir aux nouvelles autorités de la transition. Donc, l'armée n'est plus omniprésente. Il faut reconnaître que quand le Général Sékouba est venu après qu'on eut tiré sur le président Dadis, il a fait des discours rassurants et il a pris des actes très forts qui font qu'aujourd'hui, on sait que c'est un homme décidé à assurer la transition et à s'en aller parce qu'il a dit que son propre destin ne l'intéresse pas. Mais aujourd'hui, il est question du destin commun des Guinéens. Et je crois que cela vaut son pesant d'or. Il n'y a donc pas de risque à ce que l'armée soit omniprésente. Le deuxième aspect que les Guinéens constatent, c'est qu'il y a de moins en moins de militaires en armes dans les rues. Le troisième aspect, c'est que les pillages et les agressions sur des citoyens désarmés ont été considérablement réduits.

Le président actuel est également déclaré souffrant, que se passe-t-il, pourrait-on s'interroger ?

Rien, si les institutions de transition sont des institutions fortes qui permettent l'adhésion des citoyens à la marche du pays, je crois qu'il n'y a pas de problème. Le président est un homme normal, il peut tomber malade.

Peut-il continuer à gérer le pays ?

Mais ce n'est plus à lui de gérer le pays. C'est au gouvernement de transition et au Conseil national transitoire de gérer le pays. Donc il peut valablement mettre aujourd'hui ces institutions en place et aller se faire soigner.

Il se trouve aussi que le mal de la Guinée, c'est son armée. Est -il encore possible de remettre cette armée là dans la discipline ?

Oui, parce que tout simplement, on a une armée hypertrophiée. Il y a plus de 30 mille soldats aujourd'hui. On est en guerre contre personne, alors je ne vois pas pourquoi, on a autant de militaires. Ça c'est un premier point. Ensuite, il y a eu un recrutement anarchique et désordonné et à l'arrivée du Cndd, chaque personne importante avait pratiquement son armée. Aujourd'hui, il faut donc unifier toutes ces armées et insister sur la qualification et donner une formation professionnalisante aux soldats pour qu'ils puissent se reconvertir effectivement dans la vie civile une fois qu'ils auraient quitté l'armée. Ensuite, faire une armée de professionnels, pas une armée de conscrits mais une armée de professionnels et limiter la taille de cette armée parce qu'elle exerce une pression très forte sur le budget qui est déjà très maigre.

Avec le changement qui s'opère en Guinée, d'aucuns disent que la France est derrière tout ça. Quel est votre sentiment sur la question ?

(Rires …). Vous savez, en 90, on a dit que la démocratie, c'est la Baule, alors que la démocratie est une conquête. Ce qui se passe en Guinée est une conquête des Guinéens. Il faut qu'on cesse de désigner ou de culpabiliser les gens à notre place. Ce qui se passe en Guinée, c'est le fait des Guinéens qui ont soif de démocratie, de justice et de liberté, qui ne veulent plus vivre dans la médiocrité. Pourquoi, la France serait-elle derrière ? Est-ce la France qui a armé les militaires pour tirer sur les Guinéens ? On est majeur, qu'on nous laisse au moins le soin d'avoir conscience de nos responsabilités et de nos obligations vis-à-vis du peuple de Guinée. Qu'on nous laisse au moins cette autonomie de décision et de réaction. Mais si à chaque fois, à chaque événement, on voit la main de l'étranger. C'était bon à une période parce que nos médias publics se lançaient dans des invectives contre la France. Tout ça, c'était pour masquer des erreurs. Les mêmes médias ont dit que Dadis n'était pas coupable de quoi que ce soit dans les massacres du 28 septembre et que Toumba aussi n'était pas coupable. Aujourd'hui, ces médias disent que Toumba est le seul responsable et que c'est la France qui est derrière. Il faut savoir ce que l'on veut. Non, je ne pense pas qu'il faille situer la France quelque part.

Le nouveau Premier ministre s'appelle Jean Marie Doré. Pensez vous qu'il est l'homme de la situation actuelle ?

Ecoutez, Jean Marie Doré a deux grandes qualités. C'est un homme très consensuel, il a l'esprit très ouvert et c'est un homme de dialogue. Il n'est pas carré comme un mathématicien. Il était le porte-parole des forces vives et croyez-moi, cette responsabilité exercée pendant un an n'est pas de tout repos. S'il a réussi à faire le consensus au sein du Forum des forces vives, qui constitue un véritable panier à crabes, c'est qu'il est capable de créer la synergie au sein de l'équipe gouvernementale pour atteindre les résultats fixés par la feuille de route. Je crois que la Guinée a effectivement un bon Premier ministre.

Il annonce son gouvernement pour jeudi, ce délai est-il tenable ?

Mais, il est condamné à le faire parce que les citoyens n'attendront pas. Et aujourd'hui, les citoyens ont soif de normalité. S'il ne peut pas faire son gouvernement d'ici mardi 26, c'est que tout ce que je viens de dire de lui est faux. Il est capable de faire un gouvernement, car n'oublions pas que le Général Sékouba a le droit de lui donner un certains nombres de ministres bien entendu qui seront plus civiles que militaires.

A ce niveau, des syndicats ne veulent pas d'anciens ministres et de personnes impliquées dans les massacres du 28 septembre ?

Mais il y a dix millions de Guinéens. On ne va pas prendre de l'ancien pour refaire du neuf. Non je ne pense pas, les anciens ministres ne feront pas partie.

Quels sont les dossiers brûlants auxquels le Premier ministre doit tout de suite s'attaquer ?

Les dossiers brûlants, c'est que la Guinée a besoin aujourd'hui, de reformer sa gouvernance. La gouvernance politique, la gouvernance administrative et la gouvernance économique. Ce sont les trois dossiers brûlants. Parce qu'il faut consolider l'unité de la nation, il faut créer un comportement citoyen. Il faut réduire l'ethnicisme dans les discours et les comportements. Et ça, c'est parce que ceux qui seront au pouvoir pendant la transition et ceux qui auront le pouvoir légiférant pendant la transition doivent nous donner une Constitution qui déjà favorise l'insertion des uns et des autres, qui ne marginalise pas ou qui ne crée pas une démarche d'auto marginalisation. Ça c'est le premier aspect sur le plan constitutionnel. Maintenant, il faut nous donner des lois organiques qui permettent à la fois de réguler l'espace politique parce qu'aujourd'hui, on a 101 partis politiques. Je ne sais pas ce que ça va donner, mais il faut tout en ne supprimant aucun parti politique, créer des commissions d'évaluation de sorte qu'il y ait des regroupements pour qu'on ait des partis d'essence nationale. Troisièmement, mettre en place une administration territoriale qui soit une administration de développement qui fasse en sorte qu’elle soit présente un peu partout. Parallèlement à cela, il faut reformer la décentralisation de façon à ce qu'il y ait un véritable transfert de compétence et de ressources pour que la prospérité vienne du bas vers le haut. Parce qu'aujourd'hui, les communes et les communautés sont gérées à partir de transferts de fonds de l'Etat. Il n'y a aucune capacité de mobilisation parce qu'il y a beaucoup de faiblesses. Donc, il faut réviser cela. La solution aujourd'hui à la fois pour la prévention des conflits à la base et pour la mobilisation des ressources passe et la Guinée ne fait pas exception à la règle. Elle passe dans tous les pays africains par une dynamisation de la décentralisation.

C'est-à-dire la responsabilisation collective et individuelle des citoyens dans leur environnement immédiat. Donc transformer nos quartiers en comités de développement du quartier, capables d'initier des micro projets et de les pérenniser. C'est-à-dire concevoir, mettre en œuvre et gérer et pérenniser. Ensuite au niveau des communes, des communautés rurales, des régions et des préfectures, il faut que le citoyen puisse contrôler effectivement l'exercice du pouvoir exécutif et avoir les moyens de demander des comptes aux gouvernants surtout ceux qu’ils se sont choisis. Et enfin, il faut que la Constitution nous permette de vivre de façon élémentaire dans un système politique que nous voulons, que nous souhaitons avec des responsables que nous nous sommes librement choisis. Parce que c'est cela la démocratie. Donc le nouveau Premier ministre doit s'atteler à ça. S'il fait ça, il aura réussi sa mission. C'est un Etat fort qui organise une élection crédible. Quand l'Etat est déliquescent, aucune élection ne peut être crédible.

Que pouvez-vous dire à propros des relations avec les pays du nord comme la France, la Chine …. ?

Une fois qu'on aura mis en place un minimum de normalité, nos relations avec les autres pays vont devenir des relations normales. On a un atout. C'est même bizarre que ce pays en 50 ans n'ait pas réussi à mettre en valeur cet atout. On est immensément riche, potentiellement riche et immensément pauvre aussi. On a une pauvreté qu'on ne mérite pas et une richesse dont on ne profite pas. Il faut qu'on sorte de ceci.

La transition est prévue pour durer combien de temps ?

En principe, elle est prévue pour durer 6 mois. Est-ce suffisant ou pas, je dis aux gens, commençons d'abord et voyons à l'épreuve des faits si on peut prolonger. Mais puisque le Cnt (conseil national transitoire) a un pouvoir parlementaire, donc il appartiendra au Cnt de voir si elle peut prolonger la transition ou de gré ou de force, elle va la maintenir à 6 mois. Ce qui parait difficile parce qu'au mois de juillet, il pleut des cordes à Conakry.

Et les candidatures, vous en voyez combien et lesquelles?

Je ne veux pas me prononcer sur les candidatures pour deux raisons. La première raison, c'est qu'on va avoir besoin, je ne sais pas, de reformer la loi électorale qui va spécifier les conditions de candidatures, profiler les candidatures aux différentes consultations électorales et après on verra puisqu'il y a la caution de candidature aussi qu'il faudra verser. On va voir ceux qui auront les moyens de payer d'abord la caution et qui auront les moyens de financer leur propre campagne.

Enfin, la Guinée a besoin de quel genre de président ?

La guinée a besoin d'un président autour duquel se serait regroupée la majorité des Guinéens.

Maintenant qui ça peut être ? Ça dépendra du choix des électeurs dont je fais partie et du parcours de transition apaisé. Vous savez, quand vous devez labourer, il ne faut pas vous poser la question déjà de savoir si vous pouvez labourer toute la plaine. Il faut commencer et voir si vous pouvez labourer toute la plaine. Quand vous labourez, vous ensemencez, vous désherbez, vous surveillez, après vous récoltez. En ce moment, vous avez la satisfaction d'avoir bien travaillé. C'est comme ça la marche d'un pays.

En tant que guinéen, quel regard portez vous sur la Côte d'Ivoire qui cherche à sortir d'une crise à travers les élections ?

Ecoutez, je suis voisin de la Côte d'Ivoire. Premier aspect. Deuxième aspect, sur le plan économique, la Côte d'Ivoire a un rôle très important dans la sous région. Donc ce que je veux dire n’est plus qu'un souhait. Je souhaite que la Côte d'Ivoire aille à des élections apaisées parce que les objectifs de ces élections là sont au nombre de trois. Premier objectif, c'est assurer la réunification et la consolider. Le deuxième objectif, assurer et consolider l'unité des Ivoiriens.

Troisième objectif, consolider la prospérité des Ivoiriens et assurer cette prospérité. Ces trois objectifs peuvent figurer comme carte de résultat à ces élections. La crédibilité d'une élection repose sur trois critères. Premier critère, la participation massive des citoyens, deuxièmement, la convivialité de la campagne, troisièmement l'acceptation des résultats par l'ensemble des candidats.
Interview réalisée à Abidjan par Diarrassouba Sory
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