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Politique Publié le lundi 8 février 2010 | L’expression

Après deux jours d’émeutes - Notre reporter revient de Divo, ville meurtrie

L’intervention musclée des forces de l’ordre déterminées à réprimer les manifestations contre la radiation de 4000 personnes de la liste électorale provisoire, a laissé des traces indélébiles dans la cité du Djiboua. Des victimes reviennent sur ces folles journées.

Les chaudes journées des 2 et 3 février à Divo ont fait de nombreuses victimes. Parmi elles, les commerçants de l’ancienne gare de la compagnie de transport Mtt qui ont vu leurs magasins partir en fumée. Assis devant les décombres des 10 box, ils maudissent les forces de l’ordre qui y ont mis volontairement le feu, ruinant ainsi en quelques secondes plusieurs années de durs labeurs. Zerbo Bamogo, vendeur de carburant en détail, est au bord des larmes quand il relate ce qui est arrivé le mercredi. « Des manifestants avaient incendié des pneus sur la voie. Au moment où ils étaient en négociation avec le capitaine Danho Basile de la compagnie de gendarmerie pour évacuer les lieux, des renforts de police arrivés d’Abidjan font pleuvoir des grenades lacrymogènes sans sommation. Ces éléments des forces de l’ordre jettent les pneus enflammés sur nos magasins et menacent de tirer si nous tentons d’éteindre le feu qui ravageait nos biens », soutient le commerçant. Tenus en respect par les policiers de la Brigade anti-émeute (Bae), les propriétaires de ces magasins assistent impuissants à la destruction de leurs biens par les flammes. Ils estiment les pertes à plus de 20 millions Fcfa. « Nous n’avons plus rien. Plus grave, nous sommes endettés car il va falloir rembourser les motos en réparation », se lamente un mécanicien de deux roues. Ces pères de famille ne savent plus à quel saint se vouer. « Chaque matin, on vient regarder nos magasins brulés. Nous n’avons pas de soutien et ne savons comment faire pour nourrir nos enfants. Comment allons nous faire», s’interrogent toutes ces victimes de la barbarie policière. Les choses auraient tourné au drame si le poteau électrique en bois situé non loin des magasins avait pris feu, font remarquer les sinistrés. Leur douleur est plus grande d’autant qu’elles n’ont pas participé aux manifestants. « Nous n’avons rien à avoir avec cette marche. Nous ne nous mêlons pas de ces affaires », clament-elles. En représailles, les manifestants ont mis le feu au bureau des eaux et forêts qui se trouvent non loin des magasins brulés par la Bae. A côte des sinistrés, il y a les blessés qui portent les stigmates des évènements douloureux de ce début de mois. Koné Fatoumata dit avoir frôlé le pire avec l’intervention brutale des forces de police arrivées d’Abidjan. « Les policiers ont tiré à balles réelles et ont atteint grièvement Doumbia Mamadou, élève dans une école coranique », affirme cette mère de famille qui habite le quartier Dioulabougou. Selon ses propos, les Forces de défense et de sécurité (Fds) n’ont pas fait dans la dentelle. « Les policiers ont tiré des grenades lacrymogènes dans la cour où nous nous sommes cachés. Ils voulaient nous tuer », accuse Koné Fatoumata venue témoigner spontanément. Ces accusations sont reprises par les habitants de Dioulabougou et Zamarabougou où la police s’est livrée à une véritable chasse à l’homme. Selon le président communal du Rassemblement des jeunes républicains (Rjr), Doumbia Moussa, ce sont au total 10 blessés qui ont été évacués à Abidjan dans un état grave. Ces victimes qui ont reçu des balles, ont été admises en soins intensifs dans les différents Chu de la capitale économique. Ouattara Seydou blessé par balle au bras gauche de même que Doumbia Mamoudou et Diakité Fodé sont hors de danger après avoir subi des interventions chirurgicales, soutient le responsable local des jeunes de la rue Lépic. D’autres blessés légers accusent les Fds d’avoir utilisé des grenades lacrymogènes « non conventionnelles ». « On sentait des brulures à la peau et aux yeux. Ces grenades sont très différentes de celles qu’utilisent habituellement les forces de l’ordre à Divo. On n’en avait jamais vu de pareil », indiquent des « gazés ». De nombreux blessés qui se sont présentés aux portes de l’Onuci pour recevoir des soins ont été refoulés, soutiennent des sources concordantes. « Ils nous ont dit de retourner au Chr car leurs installations ne peuvent pas accueillir les cas graves », affirment-elles. Ces informations sont confirmées par un membre du Bureau d’information publique de la cité du Djiboua. « Nous avons une infirmerie qui ne peut que s’occuper des cas légers alors les blessés présentaient des cas d’intervention chirurgicale», se défend notre informateur. Les populations du Djiboua sont encore sous le choc à la suite de l’intervention musclée des éléments de la police envoyés en renfort d’Abidjan. Elles craignent le pire lors des échéances électorales où la tension est plus vive.

Nomel Essis, Envoyé Spécial à Divo

Légende : Les blessures de ces victimes montrent à quel point les policiers ont fait usage de la violence à Divo.
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