Les difficultés de transport et d’hébergement finissent par faire de l’école un parcours douloureux pour les élèves de Yamoussoukro.
Il est 4h30 mn du matin quand Nadège K. sursaute de sa natte à coucher. Elle prend et va au puits. En un temps record, elle puise l’eau avant d’aller prendre sa douche. Après son bain, elle a le temps d’enfiler son uniforme bleu blanc qu’elle avait soigneusement rangé sur une corde attachée dans un coin de sa petite chambre quelle partage avec ses cousines. A 5 heures, elle se dirige vers le grand carrefour qui constitue le point de rencontre entre elle et ses camarades. Ils feront ensuite ensemble le chemin de l’école. Nadège quitte tous les matins Kokrenou Village pour le lycée scientifique. Le trajet fait environ 8 kilomètres. En aller et retour, elle parcourt chaque jour 16 km à pied. Et malheureusement, Nadège ne prend pas de petit déjeuner à cause du manque de moyen financier. «Pour la journée, j’ai généralement 150Fcfa. Si je dois prendre le petit déjeuner, c’est dire que je n’aurai pas droit au repas de midi », explique la jeune fille. Elle préfère donc conserver son argent pour son repas d’Attiéké à midi. Mais en attendant l’heure du déjeuner, il faut pouvoir supporter la fatigue des 8km de marche et la faim. «Quelquefois, la sonnerie de midi retentit sans qu’on ne sache qu’on vient de faire 5 h de cours (7h30m-12h30). Mais il y a des jours où on a l’impression que le temps passe lentement. Et là, quelquefois, je somnole », avoue l’élève qui explique que la situation n’est pas facile pour les élèves de Yamoussoukro. C’est le prix à payer pour s’assurer un avenir radieux. Mais ces notes, regrette-t-elle, ne sont pas bonnes. «Je dirais même que mes notes sont mauvaises. Mais comment pourraient-elles en être autrement. Le matin en arrivant au cours, nous sommes fatiguées, et le soir lorsque nous rentrons, c’est également la même fatigue », soutient-elle. Nadège a essayé de trouver une solution à cette souffrance cette année. «J’essaie de relire mes cours entre mes heures libres, où entre 12h30 et 14h30», affirme-t-elle. «Et Dieu merci cette année, je suis en classe de 3ème. Mon souhait, c’est d’avoir mon Bepc pour passer le concours d’entrée au Cafop, pour en finir avec cette souffrance. Une fois que je travaillerai, je pense que je serai dans de meilleures conditions pour pouvoir poursuivre mes études», confie-t-elle. Mais Nadège n’est pas la seule à vivre ce calvaire en milieu scolaire à Yamoussoukro. Ils sont nombreux les élèves de la capitale politique qui chaque jour font ce chemin de croix. Ahou S., elle est élève en terminal au lycée Mamie Adjoua. Elle explique que le manque d’internat dans les établissements l’a amenée depuis quelques années à vivre chez sa tante. «Nous avons appris que nos camarades d’Abidjan souffrent également à cause des problèmes de transport. Mais eux au moins ont la chance de vivre chez leurs parents et d’aller à l’école. Je vis depuis quelques années chez ma tante, et Dieu seul sait ce qu’elle me fait vivre. Quelquefois, elle arrive à m’interdire certains habits qui pourraient, selon elle, ‘’ séduire son mari’’. Pourtant, je considère son mari comme mon père. Pis, avant d’aller à l’école, je dois tout faire », raconte Ahou les yeux humectés de larmes. Puis de poursuivre : «Mais je ne lui en veux pas. C’est ma tante et je considère que c’est grâce à son hospitalité que j’ai pu atteindre la classe de la terminale », précise la jeune fille. Son camarade Charles K. du lycée mixte, n’a pas meilleure situation. «Lorsqu’il se lève, il doit laver le véhicule de son tuteur, accompagner les enfants à l’école et cirer les chaussures de la tutrice ou repasser les habits, avant d’aller en classe», explique Ahou. Pour éviter ces déboires, certains élèves préfèrent louer des maisons.
De la location de maison…
Mais là encore, que de difficultés ! Les parents, limités financièrement, ne parviennent pas à faire face à toutes les dépenses de leurs progénitures. C’est ce qu’expliquent les jeunes gens rencontrés dans leurs maisons. «C’est Dieu qui nous protège. Souvent, on ne mange pas. La nuit, on ne dort pas bien à cause des moustiques. On n’a pas d’argent pour payer nos factures d’électricité, par conséquent, on étudie avec la lampe ou sous les lampadaires. Et lorsqu’on parvient à payer les factures d’eau et d’électricité, ce sont les fournitures qui manquent. De sorte qu’en classe, nous sommes quelquefois obligés de nous appuyer sur les voisins. Certains refusent de nous aider, mais d’autres par contre nous aident. De toutes les façons, les élèves se soutiennent toujours », avoue-t-il. Et son voisin de confier qu’ils ont un défi à relever : «celui de réussir pour éviter que leurs enfants subissent le même sort. Mais certaines filles, pour contourner cet enfer, choisissent le raccourci de la facilité. Elles préfèrent s’adonner à la débauche.
… à la débauche
Ainsi, il n’est pas rare de voir certaines d’entre elles arpenter les trottoirs aux abords des boîtes de nuit et des grands hôtels de la place la nuit. Principalement le week-end et lors des grandes rencontres et autres séminaires dans la capitale politique. Tous les moyens sont bons pourvu qu’on arrive à satisfaire ses besoins. Mais elles se refusent reconnaître cette prostitution qui ne dit pas son nom. «Nous essayons de louer des maisons. Mais étant donné que nous avons des hommes dans notre vie, les gens ont l’impression que nous nous prostituons. Mais en réalité, il ne s’agit pas de cela», tentent-elles de se défendre. Les conséquences de tels actes sont nombreuses : les grossesses pour les plus jeunes- toute chose qui conduit à l’abandon des cours- et les infections sexuellement transmissibles.
Hortense Kouamé Lou
Il est 4h30 mn du matin quand Nadège K. sursaute de sa natte à coucher. Elle prend et va au puits. En un temps record, elle puise l’eau avant d’aller prendre sa douche. Après son bain, elle a le temps d’enfiler son uniforme bleu blanc qu’elle avait soigneusement rangé sur une corde attachée dans un coin de sa petite chambre quelle partage avec ses cousines. A 5 heures, elle se dirige vers le grand carrefour qui constitue le point de rencontre entre elle et ses camarades. Ils feront ensuite ensemble le chemin de l’école. Nadège quitte tous les matins Kokrenou Village pour le lycée scientifique. Le trajet fait environ 8 kilomètres. En aller et retour, elle parcourt chaque jour 16 km à pied. Et malheureusement, Nadège ne prend pas de petit déjeuner à cause du manque de moyen financier. «Pour la journée, j’ai généralement 150Fcfa. Si je dois prendre le petit déjeuner, c’est dire que je n’aurai pas droit au repas de midi », explique la jeune fille. Elle préfère donc conserver son argent pour son repas d’Attiéké à midi. Mais en attendant l’heure du déjeuner, il faut pouvoir supporter la fatigue des 8km de marche et la faim. «Quelquefois, la sonnerie de midi retentit sans qu’on ne sache qu’on vient de faire 5 h de cours (7h30m-12h30). Mais il y a des jours où on a l’impression que le temps passe lentement. Et là, quelquefois, je somnole », avoue l’élève qui explique que la situation n’est pas facile pour les élèves de Yamoussoukro. C’est le prix à payer pour s’assurer un avenir radieux. Mais ces notes, regrette-t-elle, ne sont pas bonnes. «Je dirais même que mes notes sont mauvaises. Mais comment pourraient-elles en être autrement. Le matin en arrivant au cours, nous sommes fatiguées, et le soir lorsque nous rentrons, c’est également la même fatigue », soutient-elle. Nadège a essayé de trouver une solution à cette souffrance cette année. «J’essaie de relire mes cours entre mes heures libres, où entre 12h30 et 14h30», affirme-t-elle. «Et Dieu merci cette année, je suis en classe de 3ème. Mon souhait, c’est d’avoir mon Bepc pour passer le concours d’entrée au Cafop, pour en finir avec cette souffrance. Une fois que je travaillerai, je pense que je serai dans de meilleures conditions pour pouvoir poursuivre mes études», confie-t-elle. Mais Nadège n’est pas la seule à vivre ce calvaire en milieu scolaire à Yamoussoukro. Ils sont nombreux les élèves de la capitale politique qui chaque jour font ce chemin de croix. Ahou S., elle est élève en terminal au lycée Mamie Adjoua. Elle explique que le manque d’internat dans les établissements l’a amenée depuis quelques années à vivre chez sa tante. «Nous avons appris que nos camarades d’Abidjan souffrent également à cause des problèmes de transport. Mais eux au moins ont la chance de vivre chez leurs parents et d’aller à l’école. Je vis depuis quelques années chez ma tante, et Dieu seul sait ce qu’elle me fait vivre. Quelquefois, elle arrive à m’interdire certains habits qui pourraient, selon elle, ‘’ séduire son mari’’. Pourtant, je considère son mari comme mon père. Pis, avant d’aller à l’école, je dois tout faire », raconte Ahou les yeux humectés de larmes. Puis de poursuivre : «Mais je ne lui en veux pas. C’est ma tante et je considère que c’est grâce à son hospitalité que j’ai pu atteindre la classe de la terminale », précise la jeune fille. Son camarade Charles K. du lycée mixte, n’a pas meilleure situation. «Lorsqu’il se lève, il doit laver le véhicule de son tuteur, accompagner les enfants à l’école et cirer les chaussures de la tutrice ou repasser les habits, avant d’aller en classe», explique Ahou. Pour éviter ces déboires, certains élèves préfèrent louer des maisons.
De la location de maison…
Mais là encore, que de difficultés ! Les parents, limités financièrement, ne parviennent pas à faire face à toutes les dépenses de leurs progénitures. C’est ce qu’expliquent les jeunes gens rencontrés dans leurs maisons. «C’est Dieu qui nous protège. Souvent, on ne mange pas. La nuit, on ne dort pas bien à cause des moustiques. On n’a pas d’argent pour payer nos factures d’électricité, par conséquent, on étudie avec la lampe ou sous les lampadaires. Et lorsqu’on parvient à payer les factures d’eau et d’électricité, ce sont les fournitures qui manquent. De sorte qu’en classe, nous sommes quelquefois obligés de nous appuyer sur les voisins. Certains refusent de nous aider, mais d’autres par contre nous aident. De toutes les façons, les élèves se soutiennent toujours », avoue-t-il. Et son voisin de confier qu’ils ont un défi à relever : «celui de réussir pour éviter que leurs enfants subissent le même sort. Mais certaines filles, pour contourner cet enfer, choisissent le raccourci de la facilité. Elles préfèrent s’adonner à la débauche.
… à la débauche
Ainsi, il n’est pas rare de voir certaines d’entre elles arpenter les trottoirs aux abords des boîtes de nuit et des grands hôtels de la place la nuit. Principalement le week-end et lors des grandes rencontres et autres séminaires dans la capitale politique. Tous les moyens sont bons pourvu qu’on arrive à satisfaire ses besoins. Mais elles se refusent reconnaître cette prostitution qui ne dit pas son nom. «Nous essayons de louer des maisons. Mais étant donné que nous avons des hommes dans notre vie, les gens ont l’impression que nous nous prostituons. Mais en réalité, il ne s’agit pas de cela», tentent-elles de se défendre. Les conséquences de tels actes sont nombreuses : les grossesses pour les plus jeunes- toute chose qui conduit à l’abandon des cours- et les infections sexuellement transmissibles.
Hortense Kouamé Lou