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Économie Publié le mercredi 10 février 2010 | Nord-Sud

Secteur pétrolier : Pourquoi la Sir ne peut fermer !

La Société ivoirienne de raffinage est sur une corde raide. Mais la rupture n’est certainement pas pour demain.

Les efforts de gestion, le report des investissements et des programmes d’entretien des unités et la maîtrise des charges de fonctionnement n’ont pas suffi à maintenir les équilibres. La Société ivoirienne de raffinage (Sir) est en panne sèche. Le fleuron de l’industrie ivoirienne n’arrive plus à s’approvisionner en pétrole brut. En toile de fond, le retrait des banques qui semblent avoir perdu toute confiance en la solvabilité de l’entreprise. «Les établissements financiers ne veulent plus nous prêter de l’argent. Nous leur devons près de 200 milliards Fcfa», reconnaît la direction générale. La situation est d’autant chaotique que les marges de raffinage (la différence entre la valeur des produits finis vendus sur le marché et celle du pétrole brut) ne cessent de dégringoler au fil du temps.

Trop d’enjeux !

En 2009, le déficit a culminé à 50 milliards Fcfa. Pour l’exercice en cours, les perspectives ne sont guère reluisantes. Les prévisions budgétaires tablent sur un résultat négatif d’au moins 60 milliards Fcfa. Le directeur général, Jean Dervain, affirme que le marché ne pourra plus être approvisionné en produits pétroliers au-delà du 28 février prochain. Les stocks auront été totalement épuisés. Avec cette annonce, une grosse inquiétude pèse actuellement sur le tissu industriel ivoirien. En effet, si la raffinerie nationale ferme, les synergies qui existent avec d’autres entreprises vont entraîner une catastrophe nationale. La Société ivoirienne de raffinage, en plus d’être une unité industrielle stratégique du pays, entretient une centaine d’entreprises sous-traitantes nationales notamment dans les domaines de la pétrochimie. Petroci, Gestoci, Shell, Total, Chevron etc. pourraient pâtir des difficultés de la firme-mère.
Autant avouer qu’une rupture dans la chaîne de raffinage, même de courte durée, risque d’ébranler l’ensemble de l’économie, déjà mise à contribution rudement par les délestages liés au déficit du courant électrique. Les industriels n’écartent pas des pertes d’emplois liés au ralentissement de leurs activités de production. Dans un contexte marqué par une crise sociale et une pauvreté grandissante, le gouvernement ivoirien peut-il se permettre de laisser mourir sa société la plus importante ? Plusieurs études tendent à montrer que les conséquences d’une fermeture seront incalculables sur l’ensemble de l’économie. Au plan opérationnel, la raffinerie possède une capacité de traitement de 70.000 barils par jour, soit 3,5 millions de tonnes par année. Mais, si la fermeture est concédée, explique l’expert Daniel Jarre, cela pourrait entraîner une hausse de prix du carburant à la pompe, de butane domestique et d’autres produits dérivés tels le fuel et le pétrole lampant. En effet, il estime que la société étant en situation de monopole au niveau du ravitaillement, le pays va devoir importer, créant une forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Au plan social, la menace est grande d’assister au licenciement de la majorité des 668 employés. Selon M. Jarre, seule une trentaine de travailleurs devraient pouvoir conserver leur emploi pour s’occuper des activités résiduelles. «Une telle décision aura un impact sur les employés et sur leurs familles», soutient un cadre de la raffinerie. Au plan économique, ce serait un désastre avec le risque de remettre gravement en cause le budget national et par extension le processus de sortie de crise. Le problème est que la mort de la raffinerie qui possède le seul hydrocraqueur de l’Afrique de l’Ouest, va impacter sur les entreprises nationales de sous-traitance et surtout sur celles de la sous-région qui viennent s’approvisionner en produits pétroliers à partir d’Abidjan. Les pays de l’hinterland satisfont 20% de leurs besoins (18 millions de tonnes) notamment à partir de la capitale économique. Pour toutes ces raisons, la Sir ne fermera pas.

Lanciné Bakayoko
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