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Politique Publié le lundi 22 février 2010 | Demain

Cote d’Ivoire : Manifestations de protestations - Le réveil de l’opposition

Déclarations chocs. Prises de positions radicales. L’opposition ivoirienne a décidé de sortir de sa torpeur. Désormais, elle entend répondre à tous les coups de pieds mâtinés de roublardises du chef de l’Etat, Laurent Gbagbo. Pour elle, c’est l’heure du réveil.
Le vendredi 12 février, lorsque le chef de l’Etat prononçait la dissolution du gouvernement et de la Cei, il n’avait pas compté avec le sursaut d’orgueil de l’opposition ivoirienne, libérée par la marche des jeunes du 26 janvier. Pour lui, sa décision passerait comme lettre à la poste. Depuis quasiment une semaine, le chef de l’Etat et son Premier ministre butent sur une opposition radicale qui pose comme préalable à toute participation au nouveau gouvernement, la situation ante de la Cei. C'est-à-dire, le maintien de Robert Beugré Mambé à la tête de l’institution chargée d’organiser les élections en Côte d’Ivoire. Et ce préalable, dit-on, est non négociable. Le président du directoire Rhdp l’a signifié le lundi 15 février à la sortie de sa rencontre avec le Premier ministre Guillaume Soro. Le vendredi 19 février, le Bureau politique du Rhdp l’a réaffirmé : ‘‘Le Rhdp exige le rétablissement immédiat de la Commission électorale indépendante dans tous ses droits et réaffirme que sa participation au gouvernement est secondaire’’.
‘‘Gbagbo et Soro peuvent former leur gouvernement’’
Pour le Rhdp donc, faire partie du gouvernement n’est pas une préoccupation majeure. Il y a plus urgent et plus stratégique : la lutte pour une Commission électorale indépendante. En privé, lors de leur entretien du samedi 13 février, les deux principaux leaders de l’opposition, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara ont arrêté de ne pas participer à la formation du gouvernement qu’à condition que la Cei soit pleinement et entièrement rétablie dans ses droits. Sans cela, ‘‘Gbagbo et Soro peuvent former leur gouvernement’’. D’ailleurs ont-ils convenu, selon des proches, que la place de l’opposition n’est pas dans le gouvernement. Ils ont décidé désormais de jouer à fond leur rôle d’opposant. Le président du Pdci-Rda et celui du rassemblement des républicains semblent avoir mangé du lion.
Depuis le déclenchement de cette crise, HKB et ADO ne cessent de multiplier les déclarations chocs. Pour Bédié, les Ivoiriens doivent ‘‘prendre en main le destin de la Côte d’Ivoire. Le peuple ivoirien ne veut plus d’un pouvoir illégitime et prédateur qui fait son malheur depuis dix ans. J’invite tous les cadres, les responsables, les femmes et les jeunes du Rhdp, les laborieuses populations des nos villes et de nos villages à un engagement total dans la lutte pour faire échec au hold-up du processus électoral par le régime du mensonge et de la tricherie… Faisons barrage à la dictature en nous opposant par tous les moyens aux mesures iniques prises par Laurent Gbagbo qui vient ainsi de se disqualifier comme chef de l’Etat de Côte d’Ivoire’’. Ado, quant à lui, a retrouvé toute sa verve des années 90. Sans fioritures, il appelle le chef de l’Etat Laurent Gbagbo à démissionner. ‘‘Koudou, tu as intérêt à démissionner’’, a-t-il dit le vendredi dernier au cours de la rencontre du Bureau politique du Rhdp.
La rue désormais aux mains de l’opposition
La rue n’est plus l’apanage des ‘‘jeunes patriotes’’ proches de Laurent Gbagbo. L’opposition ivoirienne a décidé de battre le pavé pour obtenir le départ du chef de l’Etat, ou du moins qu’il revienne sur sa décision de dissoudre la Cei. Si à Abidjan, les manifestations sont sporadiques et très peu suivies du fait d’une forte mobilisation des forces de défense et de sécurité, à l’intérieur du pays les jeunes du Rhdp sont les maîtres des lieux. A Man, Didiévi, Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo, Dimbokro, Agnibilekrou, Abengourou et même Gagnoa, réputé fief de Laurent Gbagbo, les jeunes de l’opposition se sont rendu seigneurs de la rue, bravant les armes automatiques des FDS.
Les cinq morts enregistrés dans leur rang lors de la manifestation à Gagnoa, n’ont en rien altéré la volonté et la détermination des jeunes houphouétistes. Selon le président de la Jpdci-Rda, Kouadio Konan Bertin, ses camarades et lui iront jusqu’au bout, au péril de leurs vies. Après les tueries de Gagnoa le vendredi 19 février, les militants du Rhdp ont remis le couvert le lendemain samedi.
La colère du Pit
S’il y a une position qui a surpris plus d’un observateur, c’est celle du Parti ivoirien des travailleurs de Francis Wodié. Le parti du professeur, d’habitude si réservé, a également sorti ses crocs. Pour lui, pas question d’accepter cette ‘‘forfaiture’’ de Laurent Gbagbo. Pour Wodié et ses camarades, l’utilisation de l’article 48 par le chef de l’Etat est inopportune. Elle est inadaptée et ne respecte aucun principe du droit. Elle ouvre par conséquent, la voie à une dictature. Il faut donc surtout amener le chef de l’Etat surtout à exécuter les différents accords signés et appliquer, si besoin est, mais de façon raisonnable, la constitution. Les échanges que Wodié a eus avec les leaders du Rhdp visent à harmoniser les points de vue et déterminer les actions communes à mettre en place pour sauver la Côte d’Ivoire. Pour les observateurs de la vie politique ivoirienne, la colère du Parti ivoirien des travailleurs est le signe que Laurent Gbagbo a poussé le bouchon trop loin. On le voit : l’opposition ne veut pas lâcher prise. C’est déjà une victoire sur Laurent Gbagbo.
Etienne Aboua (etienneaboua2007@yahoo.fr)
Légende : Les leaders de l’opposition veulent obtenir le départ de Gbagbo

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