Révolte populaire contre Gbagbo à Abobo, hier : La manifestation fait un mort

Tôt le matin les jeunes d'Abobo ont crié leur raz-le-bol contre la situation politique tendue en Côte d'Ivoire. En petits groupes de 20 ou 30, les manifestants sont sortis par vagues pour se faire entendre. Une stratégie qui a donné du fil à retordre aux Forces de défense et de sécurité (Fds) qui ont été longtemps malmenés par les mécontents.
Cette manifestation de protestation de la population de la commune d'Abobo contre Gbagbo, hier lundi 22 février, a fait un mort. Ulrich Kouamé, la trentaine, et ferrailleur de profession, fils de M. Kouamé, garagiste, à Aboboté dans les encablures du carrefour menuiserie a été tué non loin du garage de son père alors qu'il n'avait rien à voir avec la marche. Ulrich Kouamé cherchait à aller se mettre à l'abri des tirs à balles réelles des Fds. C'est en rentrant chez lui qu'il a été fauché par une balle assassine. Le jeune Ulrich a été abattu à bout portant selon les témoignages du géniteur de la victime, par les forces de l'ordre qui ont tiré à balles réelles et lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants. Selon les informations recueillies sur les lieux, cette manifestation était organisée pour dénoncer, au dire des manifestants, la dissolution du gouvernement, de la Commission électorale indépendante (Cei) puis de la dictature du chef de l'Etat, Laurent Gbagbo. En groupuscules bien organisés, les manifestants ont rejoint le carrefour communément appelé "Carrefour Samaké". A cet endroit, les manifestants ont brûlé des pneus sur la chaussée jusqu'au rond point de la mairie et cassé des abris bus Sotra. Des bouts de bois, des étals ont été incendiés sur les grandes artères. La situation était encore confuse jusqu'à dans l'après midi d'hier. Alertés, des détachements de la brigade de maintien de l'ordre (Bmo) du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos), composée des éléments de la police et de la gendarmerie nationale puissamment armés et encagoulés, ont entrepris de disperser les manifestants à l'aide de gaz lacrymogènes et d'armes à feu, tirant à balles réelles. Une course poursuite s'ensuit dans les différents quartiers. Anador, Belleville, Samaké, Habitat, ont été les zones rouges de la manifestation. Les magasins ont vite fait de baisser rideau, les marchés fermés, paralysie générale de toute activité commerciale, gbaka et woro woro ont garé, les élèves ont été sommés de rentrer en famille. Affolés, les manifestants ou non courent dans tous les sens. Venus faire le constat de l'incident des policiers du 14ème arrondissement d'Abobo, avec à leur tête les commissaires Sanogo et Assoumou Ahi, ont refusé de faire des déclarations et interdit des prises de vue. A Aboboté, c'est la consternation. La population est sous le choc. Le père de la victime, M. Kouamé, approché, très abattu, a refusé de se prononcer. Il a même interdit à la presse de prendre des images de la dépouille mortelle de son fils, craignant des représailles des Fds. Le commissaire Sanogo, selon nos sources, aurait donné des instructions au père du défunt de ne point laisser les journalistes faire des photos du corps. Plusieurs autres morts ont été annoncés dans certains quartiers dont Anador. En l'occurrence une jeune dame et un élément des Fds. Joint au téléphone, la police du district d'Abobo n'a pas confirmé l'information. Toujours est-il que la rumeur était persistante. D'après une source proche, on décompte plusieurs blessés. Des patrouilles du Cecos parcouraient encore les rues. L'odeur suffocante des gaz lacrymogènes, la fumée des objets brûlés en disaient long sur la nature de la répression. Des brèves manifestations du même genre ont eu lieu au carrefour Siporex de Yopougon, tôt le matin. Les manifestants ont été dispersés par les forces de l'ordre.

FOUMSEKE COULIBALY
et SERGE AMANY