Le nouveau gouvernement de réconciliation a enfin vu le jour hier. Sans la participation du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Voici pourquoi les partis houphouétistes se sont reniés après avoir pris des engagements devant le président Blaise Compaoré.
Le communiqué du président Compaoré daté du 22 février 2010 est bien clair : « Le Facilitateur et les parties ivoiriennes sont convenus de la mise en place le 23 février 2010 d`un Gouvernement qui sera composé de représentants de tous les partis signataires des Accords de Linas Marcoussis. »
Donc, les présidents du Rassemblement des républicains (Rdr) et du Parti démocratique de Côte d`Ivoire (Pdci) avaient bien donné leur accord pour entrer dans le gouvernement du 23 février. A l`arrivée, ils se sont visiblement rétractés. Pourquoi Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont-ils dit « oui » à Blaise Compaoré et n`ont pas respecté leur engagement le lendemain ?
En fait, dès la fin des négociations et après l`annonce de l`accord obtenu à l`arrachée, les deux leaders de partis du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) ont commencé à grincer des dents. Ils auraient voulu que la rencontre leur aménage une marge de manœuvre face à leurs militants qui ont battu le pavé pendant des jours avec des morts à la clé. Ainsi, ils estimaient qu`un message d`apaisement du président de la République leur aurait certainement permis de lever les mots d`ordre qu`ils avaient lancés. Mais, Laurent Gbagbo est resté silencieux, laissant le soin au facilitateur et au Premier ministre d`annoncer la fin de la crise. Ensuite, ils voulaient d`abord avoir des détails sur les modalités de leur entrée au gouvernement avant l`annonce du Premier ministre. Et, comme le montrera la suite des évènements, le sujet leur tenait particulièrement à cœur, car il s`agit de savoir combien de postes ministériels aura chaque parti, quels sont les postes, quels sont les personnes qui peuvent y être affectées. Certains auraient même voulu que le facilitateur mette tout cela au point avant de regagner Ouagadougou. Impossible, selon un diplomate. « Le Facilitateur a arraché un accord sur les deux points à problème : l`entrée au gouvernement et l`ouverture de négociations sur la Cei. Pour des questions de souveraineté nationale, il ne pouvait pas s`ingérer dans la composition du gouvernement. Ce n`est pas à lui de distribuer des postes », explique-t-il.
Dès le départ de Blaise Compaoré, un ballet infernal a commencé pour le Premier ministre. Guillaume Soro s`est très vite heurté à l`intransigeance du Pdci et du Rdr qui voulaient maintenir en place l`essentiel des ministres sortants, étant entendu que chaque parti voyait son quota passer de cinq à quatre ministres.
Pourtant, Guillaume Soro voulait composer une équipe plus soudée autour des objectifs du gouvernement et moins tributaire des désidératas des partis politiques. Ce qui nécessitait le renouvellement d`une bonne partie de l`équipe. Sur ce point, il avait obtenu l`accord du président de la République.
Toute la soirée de lundi et la journée de mardi, Guillaume Soro a tenté de convaincre ses interlocuteurs.
Camp présidentiel
Laurent Gbagbo était prêt à lâcher quatre de ses anciens ministres. Il voulait garder Paul Antoine Bohoun Bouabré, Désiré Tagro et Amani N`Guessan Michel. Le premier est l`homme du Front populaire ivoirien, le second le gestionnaire du dossier Apo et le troisième l`homme des questions militaires. Pour son quatrième poste, Laurent Gbagbo hésitait entre Christine Adjobi et Sébastien Dano Djédjé. Il faut noter que les choix du candidat Gbagbo ne sont pas sans arrière pensée politique.
Michel Amani N`Guessan est le seul vrai poids lourd du candidat de La Majorité présidentielle pour le grand centre où il faudra déstabiliser le Pdci. Il est le directeur régional de campagne de Gbagbo pour la Vallée du Bandama. Bohoun Bouabré et Tagro sont incontournables au Centre-Ouest.
Forces nouvelles
Pour respecter la promesse de changement faite aux Ivoiriens, Guillaume Soro voulait donner l`exemple. Le seul ministre que le leader des Forces nouvelles était sûr de reconduire est le ministre de la Communication, Ibrahim Sy Savané. Ce qui augurait d`un renouvellement sans précédent.
RDR
Du côté de la rue Lepic, le changement n`était pas à l`ordre du jour. Amadou Gon Coulibaly, Hamed Bakayoko, Ibrahim Cissé Bacongo, Marcel Amon Tanoh et Jeanne Peuhmond étaient en lice. Laurent Gbagbo a rejeté en bloc les quatre premiers. Il était peut-être prêt à s`accommoder de l`ancienne ministre de la Famille et des affaires sociales et, dans une certaine mesure, de Marcel Amon Tanoh.
Pas question de bouger pour le Rdr. Car, les ministres sortants refusés par Gbagbo sont justement ceux sur qui repose une bonne partie du financement et de l`animation de la campagne. Amadou Gon Coulibaly, ancien ministre de l`Agriculture, est le directeur national de campagne du candidat Alassane Ouattara. Ibrahim Cissé Bacongo, ancien ministre de l`Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, est le directeur national de campagne d`Abidjan Sud. Hamed Bakayoko, ex-ministre des Ntic, est le directeur central de campagne chargé de la jeunesse.
Marcel Amon Tanoh, ancien ministre de la Construction, est le directeur de campagne pour le Sud-Comoé et le District d`Abidjan (60% de l`électorat).
Comment remplacer de tels hommes au gouvernement sans mettre en péril l`échafaudage de la campagne présidentielle ?
PDCI
L`ancien parti unique veut faire le moins de vague possible.
D`où la proposition de Dr Allah Kouadio Remi, Patrick Achi, Ama Tehoua Marie, Dagobert Banzio et Youssouf Bakayoko.
Là aussi, refus strict de Laurent Gbagbo qui accepterait tout au plus Youssouf Bakayoko. Alors que du côté du Pdci, l`on tient justement peu à l`ancien ministre des Affaires étrangères que l`on soupçonne fortement d`accointances trop poussées avec le camp présidentiel. Certains cadres du parti n`hésitent même pas à suggérer au chef de l`Etat de le prendre en compte dans son propre quota. C`est dire ! Le Pdci ne lâchera pas ses ministres. Et pour cause ! Patrick Achi est jugé le seul capable de mener la vie dure au Fpi en pays akyé. Il y jouit d`une popularité certaine acquise au fil des années passées au ministère des Infrastructures économiques.
A l`Ouest, Dagobert Banzio est bien parti pour freiner les envies du Fpi. Au Centre-Est, Ama Tehoua Marie doit affronter le président du Fpi, Pascal Affi N`Guessan. Enfin, Rémi Allah est chargé de contrer les offensives du Fpi au Centre, en pays baoulé.
Ces considérations politico-financières ont donc été le grain de sable qui a retardé la composition du gouvernement.
Malgré un dernier forcing, Guillaume Soro n`a pu surmonter ces écueils. Hier, à quelques heures de l`annonce de son gouvernement, il a encore vu le président de la République pour lui demander de requalifier au moins certains des noms qu`il avait rejetés.
Mais, Laurent Gbagbo a estimé qu`il avait déjà consenti beaucoup de sacrifices en lâchant quatre de ses ministres, et non les moindres, sur huit. En libérant par exemple le ministre des Mines et de l`énergie, Emmanuel Léon Monnet, il voulait donner un gage de changement. Mais, il se fragilisait aussi dans le pays akyé.
Il ne comprenait donc pas pourquoi l`opposition refusait de se séparer de certains ministres devenus de véritables barons. Il devenait alors évident que l`on irait vers la formation partielle du gouvernement en attendant le retour du Rhdp à de meilleurs sentiments après les négociations qui doivent se poursuivre.
Kesy B. Jacob
Le communiqué du président Compaoré daté du 22 février 2010 est bien clair : « Le Facilitateur et les parties ivoiriennes sont convenus de la mise en place le 23 février 2010 d`un Gouvernement qui sera composé de représentants de tous les partis signataires des Accords de Linas Marcoussis. »
Donc, les présidents du Rassemblement des républicains (Rdr) et du Parti démocratique de Côte d`Ivoire (Pdci) avaient bien donné leur accord pour entrer dans le gouvernement du 23 février. A l`arrivée, ils se sont visiblement rétractés. Pourquoi Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont-ils dit « oui » à Blaise Compaoré et n`ont pas respecté leur engagement le lendemain ?
En fait, dès la fin des négociations et après l`annonce de l`accord obtenu à l`arrachée, les deux leaders de partis du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) ont commencé à grincer des dents. Ils auraient voulu que la rencontre leur aménage une marge de manœuvre face à leurs militants qui ont battu le pavé pendant des jours avec des morts à la clé. Ainsi, ils estimaient qu`un message d`apaisement du président de la République leur aurait certainement permis de lever les mots d`ordre qu`ils avaient lancés. Mais, Laurent Gbagbo est resté silencieux, laissant le soin au facilitateur et au Premier ministre d`annoncer la fin de la crise. Ensuite, ils voulaient d`abord avoir des détails sur les modalités de leur entrée au gouvernement avant l`annonce du Premier ministre. Et, comme le montrera la suite des évènements, le sujet leur tenait particulièrement à cœur, car il s`agit de savoir combien de postes ministériels aura chaque parti, quels sont les postes, quels sont les personnes qui peuvent y être affectées. Certains auraient même voulu que le facilitateur mette tout cela au point avant de regagner Ouagadougou. Impossible, selon un diplomate. « Le Facilitateur a arraché un accord sur les deux points à problème : l`entrée au gouvernement et l`ouverture de négociations sur la Cei. Pour des questions de souveraineté nationale, il ne pouvait pas s`ingérer dans la composition du gouvernement. Ce n`est pas à lui de distribuer des postes », explique-t-il.
Dès le départ de Blaise Compaoré, un ballet infernal a commencé pour le Premier ministre. Guillaume Soro s`est très vite heurté à l`intransigeance du Pdci et du Rdr qui voulaient maintenir en place l`essentiel des ministres sortants, étant entendu que chaque parti voyait son quota passer de cinq à quatre ministres.
Pourtant, Guillaume Soro voulait composer une équipe plus soudée autour des objectifs du gouvernement et moins tributaire des désidératas des partis politiques. Ce qui nécessitait le renouvellement d`une bonne partie de l`équipe. Sur ce point, il avait obtenu l`accord du président de la République.
Toute la soirée de lundi et la journée de mardi, Guillaume Soro a tenté de convaincre ses interlocuteurs.
Camp présidentiel
Laurent Gbagbo était prêt à lâcher quatre de ses anciens ministres. Il voulait garder Paul Antoine Bohoun Bouabré, Désiré Tagro et Amani N`Guessan Michel. Le premier est l`homme du Front populaire ivoirien, le second le gestionnaire du dossier Apo et le troisième l`homme des questions militaires. Pour son quatrième poste, Laurent Gbagbo hésitait entre Christine Adjobi et Sébastien Dano Djédjé. Il faut noter que les choix du candidat Gbagbo ne sont pas sans arrière pensée politique.
Michel Amani N`Guessan est le seul vrai poids lourd du candidat de La Majorité présidentielle pour le grand centre où il faudra déstabiliser le Pdci. Il est le directeur régional de campagne de Gbagbo pour la Vallée du Bandama. Bohoun Bouabré et Tagro sont incontournables au Centre-Ouest.
Forces nouvelles
Pour respecter la promesse de changement faite aux Ivoiriens, Guillaume Soro voulait donner l`exemple. Le seul ministre que le leader des Forces nouvelles était sûr de reconduire est le ministre de la Communication, Ibrahim Sy Savané. Ce qui augurait d`un renouvellement sans précédent.
RDR
Du côté de la rue Lepic, le changement n`était pas à l`ordre du jour. Amadou Gon Coulibaly, Hamed Bakayoko, Ibrahim Cissé Bacongo, Marcel Amon Tanoh et Jeanne Peuhmond étaient en lice. Laurent Gbagbo a rejeté en bloc les quatre premiers. Il était peut-être prêt à s`accommoder de l`ancienne ministre de la Famille et des affaires sociales et, dans une certaine mesure, de Marcel Amon Tanoh.
Pas question de bouger pour le Rdr. Car, les ministres sortants refusés par Gbagbo sont justement ceux sur qui repose une bonne partie du financement et de l`animation de la campagne. Amadou Gon Coulibaly, ancien ministre de l`Agriculture, est le directeur national de campagne du candidat Alassane Ouattara. Ibrahim Cissé Bacongo, ancien ministre de l`Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, est le directeur national de campagne d`Abidjan Sud. Hamed Bakayoko, ex-ministre des Ntic, est le directeur central de campagne chargé de la jeunesse.
Marcel Amon Tanoh, ancien ministre de la Construction, est le directeur de campagne pour le Sud-Comoé et le District d`Abidjan (60% de l`électorat).
Comment remplacer de tels hommes au gouvernement sans mettre en péril l`échafaudage de la campagne présidentielle ?
PDCI
L`ancien parti unique veut faire le moins de vague possible.
D`où la proposition de Dr Allah Kouadio Remi, Patrick Achi, Ama Tehoua Marie, Dagobert Banzio et Youssouf Bakayoko.
Là aussi, refus strict de Laurent Gbagbo qui accepterait tout au plus Youssouf Bakayoko. Alors que du côté du Pdci, l`on tient justement peu à l`ancien ministre des Affaires étrangères que l`on soupçonne fortement d`accointances trop poussées avec le camp présidentiel. Certains cadres du parti n`hésitent même pas à suggérer au chef de l`Etat de le prendre en compte dans son propre quota. C`est dire ! Le Pdci ne lâchera pas ses ministres. Et pour cause ! Patrick Achi est jugé le seul capable de mener la vie dure au Fpi en pays akyé. Il y jouit d`une popularité certaine acquise au fil des années passées au ministère des Infrastructures économiques.
A l`Ouest, Dagobert Banzio est bien parti pour freiner les envies du Fpi. Au Centre-Est, Ama Tehoua Marie doit affronter le président du Fpi, Pascal Affi N`Guessan. Enfin, Rémi Allah est chargé de contrer les offensives du Fpi au Centre, en pays baoulé.
Ces considérations politico-financières ont donc été le grain de sable qui a retardé la composition du gouvernement.
Malgré un dernier forcing, Guillaume Soro n`a pu surmonter ces écueils. Hier, à quelques heures de l`annonce de son gouvernement, il a encore vu le président de la République pour lui demander de requalifier au moins certains des noms qu`il avait rejetés.
Mais, Laurent Gbagbo a estimé qu`il avait déjà consenti beaucoup de sacrifices en lâchant quatre de ses ministres, et non les moindres, sur huit. En libérant par exemple le ministre des Mines et de l`énergie, Emmanuel Léon Monnet, il voulait donner un gage de changement. Mais, il se fragilisait aussi dans le pays akyé.
Il ne comprenait donc pas pourquoi l`opposition refusait de se séparer de certains ministres devenus de véritables barons. Il devenait alors évident que l`on irait vers la formation partielle du gouvernement en attendant le retour du Rhdp à de meilleurs sentiments après les négociations qui doivent se poursuivre.
Kesy B. Jacob