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Politique Publié le lundi 1 mars 2010 | Demain

Gouvernement / CEI - Dissolution: Les leçons d’une crise

La dernière crise de la Cei a livré son verdict après que le Rhdp a montré ses muscles. La Cei, si elle n’a pas été reconstituée à l’identique, a été réinstallée dans son format initial avec les mêmes composantes. Idem pour le gouvernement avec le même jeu de chaises musicales. Alors faut-il affirmer, comme on l’entend dire partout : ‘‘Tout ça pour ça’’ ?

Une lecture superficielle et prosaïque des tenants et des aboutissants de cette crise peut conclure non seulement à l’inanité de son déclenchement, mais aussi à l’inutilité de la vindicte de l’opposition qui, au passage, a perdu des jeunes gens dans la fleur de l’âge et créé encore des blessés de guerre marqués à jamais dans leur vie. Le passif est lourd pour le Rhdp. Mais au fait, qui a perdu ? A l’analyse, c’est toute la Côte d’Ivoire ; parce que ce sont des jeunes Ivoiriens qui ont perdu la vie ; parce que aussi, c’est le processus de sortie de crise qui est retardé. Mais à y voir de plus près, le grand perdant, c’est le camp présidentiel qui a lancée une opération hasardeuse qui n’a pas atteint les objectifs qu’il s’était fixé puisque, pour le chef de l’Etat, il fallait recomposer une Cei à sa dévotion sans les partis politiques de l’opposition. Hors le calcul macabre des tués, il faut faire un bilan global, qui ne peut être que politique.

Le Rhdp, une réalité tangible

Les leçons politiques de cette crise révèlent que le Rhdp est une réalité tangible. Les bases des différents partis politiques se sont automatiquement agrégées pour répondre aux mots d’ordres unitaires et fédérateurs du directoire fortement appuyé par les leaders. Si le chef de l’Etat pensait affaiblir l’opposition, il doit certainement se raviser maintenant parce qu’il a obtenu le résultat contraire en la mettant en ordre de bataille. Il doit savoir dorénavant qu’il n’est plus seul à contrôler la rue et à l’occuper librement. La deuxième leçon, c’est la capacité de mobilisation des partis du Rhdp et de l’ensemble de l’opposition puisque le Pit qui a rejoint l’opposition significative, a pris l’engagement d’être du côté de l’intérêt national. Il vient d’être ainsi démontré que ceux qui défendent la Côte d’Ivoire sont du côté de l’opposition et non des libérateurs autoproclamés repus à la foi de leurs rêves, d’illusions de luttes factices et, surtout, du fruit du travail de toute la nation; car en accédant au pouvoir, monsieur Gbagbo a bien compris que la richesse du pays réside dans le travail et l’organisation politico-administrative mise en place par Félix Houphouët-Boigny.
Une autre leçon de cette crise réside dans l’art et l’habileté manœuvrière des leaders de l’opposition qui ont su ramener le débat sur le terrain politique qu’il n’aurait jamais dû quitter. En annonçant la double dissolution de la Cei et du gouvernement, le chef de l’Etat s’est montré fébrile et peu sage. Son problème à lui, c’est qu’il est habité par les quatre vilains sentiments que dénonçait le président Félix Houphouët-Boigny, à savoir : la jalousie, l’hypocrisie, la haine et la peur. Tout ce qui se construit sur la base de ces vilains sentiments ne peut prospérer.
Aujourd’hui, il faut se poser la question de savoir qui a poussé le chef de l’Etat à la faute. De toute évidence, il ne s’agit pas d’un ami ou de quelqu’un qui lui veut du bien. En effet, comment comprendre que lui l’animal politique si rusé qui ‘‘roule tout le monde dans la farine’’ selon l’expression de feu Robert Guei, se comporte comme un politicien d’opérette pris dans le jeu de la fanfaronnade et des options maximalistes qui rendent dérisoire l’action politique ? Le désintérêt marqué par le Rhdp vis-à-vis du gouvernement l’a poussé dans un jeu à somme nulle. Il lui faut tout reprendre en jouant à découvert. Tout le monde sait maintenant qu’il est le seul et unique organisateur des blocages du processus de sortie de crise. Au sein du Rhdp, des analyses sommaires et sans perspectives politiques veulent faire croire que c’est un échec d’avoir accepté d’intégrer le gouvernement. Or, nous sommes dans un processus essentiellement politique. Si l’on veut éviter de jouer le jeu de monsieur Gbagbo qui ne s’affirme que dans le reniement et la violence, il faut, comme en Judo, aller dans le sens de l’apaisement pour pouvoir porter le coup fatal. Ainsi, être dans le gouvernement, même aux conditions de Gbagbo, permet de donner des gages aux faiseurs de paix et à la communauté nationale à qui on a démontré qu’aucun sacrifice n’est au-dessus de la paix et de l’intérêt général.
S’agissant de monsieur Anaky, il peut comprendre que, dans les situations de crise, la politique de la chaise vide n’a jamais payé. Toute attitude solitaire qui peut casser la dynamique unitaire du Rhdp peut être comptabilisée à l’avantage du camp adverse. Il ne faut donc pas contribuer à fragiliser la mobilisation exemplaire des militants. Mais il est vrai qu’en politique, il faut toujours savoir prendre date. Dont acte.

Une société civile en déconfiture

A la faveur de cette crise, nous avons découvert une société civile pleine de morgue et d’ambition illégitimes. En effet, en dehors de Patrick N’gouan, homme de conviction et d’engagement, et de nanan Depo Didas, tous les autres prétendus leaders qui se sont succédé sur les antennes de la Rti, se sont contenté soit de réciter une leçon, soit d’afficher un parti pris, dans l’espoir d’un hypothétique lot de consolation. La loi du ventre et du bas-ventre bat encore son plein dans ce milieu ou a fleuri le concept contradictoire du gouvernement de technocrates. Un gouvernement, rappelons-le, est essentiellement politique, puisqu’il est l’émanation des forces politiques et d’un élu qui est, lui-même, par essence, politique. La société civile est un contre-pouvoir, mais jamais un pouvoir. Elle doit s’organiser pour éviter que celui qui a le pouvoir en abuse. Il convient de lui rappeler à cet effet les engagements qui ont été pris lors des journées de consensus national organisées par la convention de la société civile ivoirienne l’année dernière. La Côte d’Ivoire a besoin d’une société civile forte qui joue un rôle d’éveilleur de conscience et d’arbitre impartial entre les forces politiques. Ceux qui lorgnent vers les portefeuilles ministériels n’y ont pas leur place. Ils devraient s’engager résolument dans le jeu politique, à visage découvert. Ceux qui veulent les avantages du politique doivent en accepter les conséquences.
La dernière crise de la Cei, comme toutes les crises, a joué un rôle de révélateur de la conscience morale et éthique de la nation. Et ce ne sont pas nos évêques dont la casuistique a le chic de mélanger tout le monde dans les généralités qui diront le contraire. On pourrait à leur décharge, dire que Dieu rassemble et ne rejette point. Mais même le christ, qui est venu pour fédérer, n’a pas pu s’empêcher de dénoncer. Il faut quelquefois dire son fait à chacun de façon crue et directe, comme l’ont fait Don Elder Camara et le cardinal Toumi dans des contextes semblables à ceux que nous vivons en Côte d’Ivoire. Jésus Christ n’était-il pas le chemin la vérite et de la vie ? L’amitié se nourrit de vérité. Le silence vaut mieux que de paraître comme un père injuste car quand on condamne les conséquences, on doit se donner les moyens d’agir sur les causes.
Au total, il faut savoir gré a Gbagbo d’avoir déclenché cette crise qui a eu le mérite d’amener beaucoup de clarté dans le jeu politique ivoirien pour permettre aux Ivoiriens de savoir où se trouvent les vrais défenseurs de l’intérêt général. Il faut faire attention parce que la crise ivoirienne se joue comme une tragédie de Goethe ou les bonnes actions de Faust menacent Marguerite qui est sauvée par les mauvaises actions de Méphisto. Attendons donc sereinement le prochain épisode qui ne tardera certainement pas.

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