La culture de l’hévéa ou du “tchu” indien, c’est-à-dire “du bois qui pleure, qui saigne” va-t-elle supplanter la cacaoculture dans les années à venir? Tout porte à le croire ; même si la Côte d’Ivoire continuera de tout mettre en oeuvre pour pérenniser cette spéculation ayant constitué, avec le café, les deux principaux socles de son miracle, “le miracle ivoirien”, dans années 1960-1970.
Mais la versatilité du prix bord champ du cacao devenu jusqu’à une date récente peu rémunérateur, a poussé bien des paysans, commerçants, cadres d’entreprises publiques et privées mais aussi des jeunes déscolarisés vers l’hévéaculture au point de faire de la Côte d’Ivoire le plus gros producteur africain de caoutchouc sec. Cet intérêt, et surtout la mobilisation des planteurs privés pour ce produit dont le prix bord champ s’avère plus stable a fait d’eux des acteurs majeurs de la filière hévéicole ivoirienne. Puisqu’ils représentent aujourd’hui, environ 62% de la production nationale estimée en 2009, à 205 000 tonnes de caoutchouc sec. Soit 127 000 tonnes pour ces privés contre 78 000 tonnes environ pour les plantations industrielles. Cet engouement est dû au fait que comparativement aux autres spéculations comme le café, le cacao et le palmier à huile, l’hévéa est actuellement le plus rentable, avoue N’Diaye Oumar, directeur du département Planification et évaluation au Firca. Conséquence, de nombreux Ivoiriens s’y lancent en créant de nouvelles plantations ou en transformant leurs vergers de café, de cacao ou de palmier à huile en plantation d’hévéas.
La mayonnaise a vraiment pris au point que des projets d’hévéaculture sont dans l’escarcelle de plusieurs conseils généraux, mairies et districts. Et ce, pour résorber le chômage des jeunes dans leurs sphères respectives de gouvernance. Ces projets bénéficient-ils d’une assistance technique des professionnels et de financement? De l’avis de certains spécialistes, certes les plantations privées se développent, mais cette croissance exponentielle pourrait constituer une menace pour la filière en l’absence d’encadrement adéquat, de pépinières agréées qui fournissent aux aspirants à l’hévéaculture des plants de qualité issus de recherche et à fort potentiel de rentabilité. Pour tout dire, les besoins de développement ou de création de nouvelles plantations sont réels et encourageants, mais ils doivent s’adosser à une technologie et une maîtrise de l’itinéraire cultural avérées pour que la Côte d’Ivoire continue de fournir en quantité et qualité du caoutchouc sec.
L’histoire de la promotion de l’hévéaculture en milieu villageois ivoirien remonte à 1978, avec le projet hévéa ou Pvh1 qui s’est achevé en 1982. Celui-ci a permis de réaliser 3 529 ha de plantations dans les zones de Dabou, Anguédedou, Bonoua et Bettié. Au total, 1080 planteurs villageois en ont été bénéficiaires. Le deuxième projet hévéa (Pvh 2) qui a suivi a couvert la période 1983-1987. Il a permis la réalisation de 3 562 ha de plantations dans les zones sus indiquées, à l’exception de Bettié. Il a profité à 888 planteurs. Quant au troisième projet ayant concerné 3 807 planteurs villageois, il a accru de 12 689 ha le verger villageois. Ici, en plus de la zone traditionnelle constituée par Dabou, Anguédedou et Bonoua, une zone comprenant San-Pedro, Gagnoa, Bettié et Guiglo, a été ouverte entre 1988 et 1991. Ces trois premiers projets ont donc permis de cumuler en treize ans, 19 780 ha de plantations villageoises et d’intégrer 5 845 paysans dans le circuit de production hévéicole. En 1995, ces plantations villageoises couvraient 25 670 ha. Dans le même temps se sont développées des plantations indépendantes dont la superficie a atteint plus de 4000 ha.
Les projets de développement de l’hévéaculture se sont poursuivis dans les années qui ont suivi jusqu’à ce jour. Mais le cinquième projet qui aussi donné un coup de fouet à l’activité a distingué trois catégories de planteurs: ceux résidant dans les villages et ayant une superficie comprise entre 0 et 10 ha, les planteurs moyens hévéicoles disposant d’une superficie comprise entre 10 et 50 ha et constitués en général de commerçants et cadres (dénommé Pmph), et enfin de jeunes agriculteurs hévéicoles détenant entre 5 et 15 ha. Ce système de projet a contribué également au développement de l’hévéaculture qui est loin de s’arrêter. L’engouement s’amplifie au fil des ans et les projections relatives à la production montrent que le dynamisme dans ce secteur est avéré. D’ailleurs, on y annonce 350 000 tonnes environ de caoutchouc naturel sec (c’est-à-dire de première transformation), voire presque le double à l’horizon 2020. Déjà, en 2009, la Côte d’Ivoire a réalisé 205 000 tonnes pour une capacité d’usinage qui est passée de 220 000 tonnes à 300 000 tonnes de caoutchouc naturel du fait de la création de quatre nouvelles usines de traitement l’an dernier. Et pour 2010, trois nouvelles devraient voir le jour. L’une d’entre elles est déjà en construction ; ce qui devrait porter à 350 000 tonnes la capacité nationale d’usinage.
Cet accroissement de la capacité d’usinage du pays suscite un certain nombre de questionnement. Comment et où ces usines vont être approvisionnées, étant entendu que la capacité productive nationale demeure encore faible? A l’évidence, il faut accroître la production, notamment des acteurs indépendants et villageois qui représentent 62% de la production nationale. Ce qui suppose la création de nouvelles plantations et donc la disponibilité des terres, l’accroissement de la rentabilité, l’amélioration des plans grâce au développement des pépinières, etc. Toutes choses qui vont de pair avec le financement de la culture de l’hévéa. Car, en l’absence de cette politique, la Côte d’Ivoire court de graves risques liés notamment aux saignées trop rapprochées des plantations existantes, et donc l’écourtement de la vie des vergers.
Que pensent les spécialistes de l’attrait croissant des populations par l’hévéaculture? Comme le fait remarquer le responsable de la planification et de l’évaluation du Firca, “tout le monde peut se lancer dans l’hévéaculture. Mais pour le faire, il convient de prendre beaucoup de précautions, de suivre sa parcelle et surtout les recommandations des professionnels. Parce que l’hévéaculture est une activité très exigeante au plan technique. Ce qui doit être fait doit l’être en respectant un itinéraire cultural pour accroître la productivité du verger ». Ce à quoi le Firca, créé en 2004 pour suppléer à la défaillance de l’Etat en matière d’encadrement s’attelle depuis. Ayant pour mission de relancer le système d’encadrement après une période transitoire d’un an (2004-2005), puis une phase de consolidation des acquis de 2006 à 2007, le Firca est depuis 2009 engagé dans une phase de capitalisation des acquis, en partenariat avec l’Apromac, la faîtière au sein de laquelle se retrouve tous les acteurs de la filière hévéa, c’est-à-dire les planteurs, usiniers, sociétés de recherche, sociétés agricoles et pépiniéristes. Cette symbiose entre bailleurs de fonds, chercheurs et producteurs (industriels et petits planteurs) a permis d’identifier de nouveaux pôles de développement de cette culture.
Aujourd’hui, l’hévéaculture ne se développe pas qu’en zone forestière. Il a été prouvé scientifiquement et pratiquement qu’elle peut aussi se pratiquer à l’est et au nord de la Côte d’Ivoire.
Gooré Bi Hué
Mais la versatilité du prix bord champ du cacao devenu jusqu’à une date récente peu rémunérateur, a poussé bien des paysans, commerçants, cadres d’entreprises publiques et privées mais aussi des jeunes déscolarisés vers l’hévéaculture au point de faire de la Côte d’Ivoire le plus gros producteur africain de caoutchouc sec. Cet intérêt, et surtout la mobilisation des planteurs privés pour ce produit dont le prix bord champ s’avère plus stable a fait d’eux des acteurs majeurs de la filière hévéicole ivoirienne. Puisqu’ils représentent aujourd’hui, environ 62% de la production nationale estimée en 2009, à 205 000 tonnes de caoutchouc sec. Soit 127 000 tonnes pour ces privés contre 78 000 tonnes environ pour les plantations industrielles. Cet engouement est dû au fait que comparativement aux autres spéculations comme le café, le cacao et le palmier à huile, l’hévéa est actuellement le plus rentable, avoue N’Diaye Oumar, directeur du département Planification et évaluation au Firca. Conséquence, de nombreux Ivoiriens s’y lancent en créant de nouvelles plantations ou en transformant leurs vergers de café, de cacao ou de palmier à huile en plantation d’hévéas.
La mayonnaise a vraiment pris au point que des projets d’hévéaculture sont dans l’escarcelle de plusieurs conseils généraux, mairies et districts. Et ce, pour résorber le chômage des jeunes dans leurs sphères respectives de gouvernance. Ces projets bénéficient-ils d’une assistance technique des professionnels et de financement? De l’avis de certains spécialistes, certes les plantations privées se développent, mais cette croissance exponentielle pourrait constituer une menace pour la filière en l’absence d’encadrement adéquat, de pépinières agréées qui fournissent aux aspirants à l’hévéaculture des plants de qualité issus de recherche et à fort potentiel de rentabilité. Pour tout dire, les besoins de développement ou de création de nouvelles plantations sont réels et encourageants, mais ils doivent s’adosser à une technologie et une maîtrise de l’itinéraire cultural avérées pour que la Côte d’Ivoire continue de fournir en quantité et qualité du caoutchouc sec.
L’histoire de la promotion de l’hévéaculture en milieu villageois ivoirien remonte à 1978, avec le projet hévéa ou Pvh1 qui s’est achevé en 1982. Celui-ci a permis de réaliser 3 529 ha de plantations dans les zones de Dabou, Anguédedou, Bonoua et Bettié. Au total, 1080 planteurs villageois en ont été bénéficiaires. Le deuxième projet hévéa (Pvh 2) qui a suivi a couvert la période 1983-1987. Il a permis la réalisation de 3 562 ha de plantations dans les zones sus indiquées, à l’exception de Bettié. Il a profité à 888 planteurs. Quant au troisième projet ayant concerné 3 807 planteurs villageois, il a accru de 12 689 ha le verger villageois. Ici, en plus de la zone traditionnelle constituée par Dabou, Anguédedou et Bonoua, une zone comprenant San-Pedro, Gagnoa, Bettié et Guiglo, a été ouverte entre 1988 et 1991. Ces trois premiers projets ont donc permis de cumuler en treize ans, 19 780 ha de plantations villageoises et d’intégrer 5 845 paysans dans le circuit de production hévéicole. En 1995, ces plantations villageoises couvraient 25 670 ha. Dans le même temps se sont développées des plantations indépendantes dont la superficie a atteint plus de 4000 ha.
Les projets de développement de l’hévéaculture se sont poursuivis dans les années qui ont suivi jusqu’à ce jour. Mais le cinquième projet qui aussi donné un coup de fouet à l’activité a distingué trois catégories de planteurs: ceux résidant dans les villages et ayant une superficie comprise entre 0 et 10 ha, les planteurs moyens hévéicoles disposant d’une superficie comprise entre 10 et 50 ha et constitués en général de commerçants et cadres (dénommé Pmph), et enfin de jeunes agriculteurs hévéicoles détenant entre 5 et 15 ha. Ce système de projet a contribué également au développement de l’hévéaculture qui est loin de s’arrêter. L’engouement s’amplifie au fil des ans et les projections relatives à la production montrent que le dynamisme dans ce secteur est avéré. D’ailleurs, on y annonce 350 000 tonnes environ de caoutchouc naturel sec (c’est-à-dire de première transformation), voire presque le double à l’horizon 2020. Déjà, en 2009, la Côte d’Ivoire a réalisé 205 000 tonnes pour une capacité d’usinage qui est passée de 220 000 tonnes à 300 000 tonnes de caoutchouc naturel du fait de la création de quatre nouvelles usines de traitement l’an dernier. Et pour 2010, trois nouvelles devraient voir le jour. L’une d’entre elles est déjà en construction ; ce qui devrait porter à 350 000 tonnes la capacité nationale d’usinage.
Cet accroissement de la capacité d’usinage du pays suscite un certain nombre de questionnement. Comment et où ces usines vont être approvisionnées, étant entendu que la capacité productive nationale demeure encore faible? A l’évidence, il faut accroître la production, notamment des acteurs indépendants et villageois qui représentent 62% de la production nationale. Ce qui suppose la création de nouvelles plantations et donc la disponibilité des terres, l’accroissement de la rentabilité, l’amélioration des plans grâce au développement des pépinières, etc. Toutes choses qui vont de pair avec le financement de la culture de l’hévéa. Car, en l’absence de cette politique, la Côte d’Ivoire court de graves risques liés notamment aux saignées trop rapprochées des plantations existantes, et donc l’écourtement de la vie des vergers.
Que pensent les spécialistes de l’attrait croissant des populations par l’hévéaculture? Comme le fait remarquer le responsable de la planification et de l’évaluation du Firca, “tout le monde peut se lancer dans l’hévéaculture. Mais pour le faire, il convient de prendre beaucoup de précautions, de suivre sa parcelle et surtout les recommandations des professionnels. Parce que l’hévéaculture est une activité très exigeante au plan technique. Ce qui doit être fait doit l’être en respectant un itinéraire cultural pour accroître la productivité du verger ». Ce à quoi le Firca, créé en 2004 pour suppléer à la défaillance de l’Etat en matière d’encadrement s’attelle depuis. Ayant pour mission de relancer le système d’encadrement après une période transitoire d’un an (2004-2005), puis une phase de consolidation des acquis de 2006 à 2007, le Firca est depuis 2009 engagé dans une phase de capitalisation des acquis, en partenariat avec l’Apromac, la faîtière au sein de laquelle se retrouve tous les acteurs de la filière hévéa, c’est-à-dire les planteurs, usiniers, sociétés de recherche, sociétés agricoles et pépiniéristes. Cette symbiose entre bailleurs de fonds, chercheurs et producteurs (industriels et petits planteurs) a permis d’identifier de nouveaux pôles de développement de cette culture.
Aujourd’hui, l’hévéaculture ne se développe pas qu’en zone forestière. Il a été prouvé scientifiquement et pratiquement qu’elle peut aussi se pratiquer à l’est et au nord de la Côte d’Ivoire.
Gooré Bi Hué