Avant leur manifestation de samedi : Lettre à la jeunesse “patriotique” : aux oubliés d`un temps

Voici des mois que nous n'avons plus entendu parler de vous, sans aucun doute, vos employeurs qui vous utilisaient dans les moments de braise, étaient tellement occupés à manger qu'ils vous ont ignorés, ce qui est pire qu'être oubliés. Et voilà que subitement, l'on se souvient de vous, pour à nouveau accomplir la sale besogne qui vous a toujours été confiée lorsqu'il y a péril en la demeure. Mais de quel péril s'agit-il : la révolte des Ivoiriens suite au refus du chef des refondateurs à aller aux élections.
Comme cela a toujours été le cas, en pareille occasion, et le schéma est bien connu de tous, vos leaders entrent en scène et dans une hystérie collective hyper médiatisée, battent le rappel des troupes. Mais avant de répondre à leur appel, regardez vos parents : que sont-ils devenus? des chômeurs parce que les " champions ", pour utiliser l'expression du président de la rue, depuis 2002, sont passés par là, cassant et pillant les entreprises et autres biens de l'Etat. Regardez certains de vos amis, devenus, eux aussi, des handicapés marqués à jamais dans leur chair parce que l'on leur avait fait croire qu'en vous attaquant aux intérêts et aux chars français, vous gagneriez le paradis. Regardez-vous enfin, diplômés de nos écoles et universités, contraints à gérer des cabines téléphoniques en vendant des transferts et des recharges ou à ramasser des ordures dans nos quartiers. Avez-vous observé ces derniers temps la marche de notre pays ? certainement que non ! car vous aurez vu des Ivoiriens dans l'obscurité en cette période de forte chaleur, pour cause de délestage ou en pleurs pour avoir bu l'eau souillée d'excréments humains quand ils ne sont pas privés des semaines durant de cette source de vie. Sûrement que vous ne vivez pas la même réalité que nous, à savoir la souffrance, la misère, le désespoir, le désarroi de nos parents, de nos mères dont les foyers sont éteints, des enfants affamés et malades par faute de moyens, même les animaux ne peuvent être traités de la sorte. Est-ce tout cela que vous allez soutenir le 6 mars ? Allez-vous le 6 mars vous moquer de la souffrance des Ivoiriens ? Allez-vous encourager ce jour-là les menaces de fermeture et de délocalisation de grand nombre d'entreprises qui supportent de moins en moins les improvisations, les frasques et les caprices de vos maîtres du moment ? Allez-vous cautionner une politique animée par des dirigeants incompétents, et qui, au nom de la crise, pillent chaque jour le peuple ? Est-ce cela le patriotisme ? N'est-ce pas une insulte à votre intelligence que de vous inviter à applaudir des quatre membres vos propres malheurs ? si ce n'est pas du sadisme ça, cela y ressemble. Savez-vous au moins que l'argent qui vous est refusé pour vous former, pour vous soigner, pour vous insérer dans le tissu social et pour vous donner une dignité humaine, c'est cet argent là qui profite à quelques-uns d'entre vous, et particulièrement, à vos soi-disant leaders ? Avez-vous seulement observé leur métamorphose depuis le déclenchement de la crise, à travers leur train de vie (gardes du corps armés et payés par le contribuable ivoirien, grosses cylindrées, villas huppées) et que sais-je encore !. Etes-vous satisfaits de vous-mêmes quand vous vous regardez ? Ils viendront demain à cette foire dans leurs voitures de commandement et flanqués de leurs gardes quand vous, tels des animaux, serez parqués dans les bus et autres moyens de déplacements publics. Certains mêmes d'entre vous viendront à pied de très loin pour manifester leur zèle. Et pour vous récompenser d'avoir relevé le défi et donner la réplique, à la jeunesse du RHDP, il vous sera distribué généreusement du pain et de l'eau, et pour les plus heureux, quelques poignées de francs CFA dont vous avez tant besoin… manifestement. C'est à dessein que des espaces de conditionnement ont été créés pour vous (agoras, parlements, sorbonne…) dans le but de préparer ces bataillons d'assaut à chaque fois que le régime est victime de sa propre forfaiture. Le plus étrange dans tout ça, c'est que ce pacte d'alliance qui a été signé par vous, et quelquefois malgré vous, l'a été sans condition de votre part. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une reddition de votre part. Pensez-vous que vos maîtres du moment sont sensibles à votre sacrifice ? Supposons un seul instant que vu l'imminence des joutes électorales à venir, vous jugez prudent et nécessaire de servir d'instrument régulateur entre les différentes parties, vous aurez opéré le changement tant souhaité pour garantir la paix et défendre la République des prédateurs et autres vendeurs de rêve. Supposons que cette jeunesse tant courtisée se mette au côté des forces réactionnaires comme vous vous apprêtiez à le faire, alors vous aurez failli à votre mission, celle d'ouvrir les voies d'une République, où les enfants auront la même chance, une République où les concours ne seront plus payants, une République où le parti, le village et la tribu ne seront plus les seuls convives du roi. La République ne se trouve pas du côté que vous croyez mais bien du côté des jeunes qui luttent chaque jour pour faire reculer les frontières de la pauvreté, du chômage et de l'injustice. La République se trouve du côté des justes, c'est-à-dire de ceux qui affrontent les sévices de nos soldats, au prix de leur vie (comme tout récemment à Gagnoa, Abobo etc) avec pour seul péché, celui de vouloir redonner au peuple un peu plus de dignité par la dénonciation de ceux qui profitent de cette situation de ni paix ni guerre pour piller nos richesses et maintenir le peuple dans la misère et la souffrance. La République se trouve du côté de ceux qui se battent à chaque instant pour mettre fin aux martyrs du peuple par des élections crédibles. La vérité se trouve de ce côté-là, tout comme se trouve l'avenir. Votre participation à ce rassemblement participe de la Gbagboïsation de la Côte d'Ivoire, une approche philosophique qui tire son fondement dans la thèse selon laquelle le pouvoir se trouve dans la rue et non dans les urnes. La matérialisation de cette approche procède par une banalisation outrageante et outrancière des institutions étatiques à travers des propos tels : " ça fait quoi " ou encore " et c'est tout ".
Le FPI semble ramener la Démocratie à votre mobilisation à grand renfort de publicité reléguant les débats d'idées au second plan. A preuve, à l'approche des grandes échéances électorales, ce parti n'a encore présenté aucun programme de gouvernement, et encore moins, de projets pour la Côte d'Ivoire (le livre de GBAGBO qui nous a été présenté comme le programme du FPI n'en est pas un). Le seul programme et projet de société de la refondation connu de tous, c'est bien vous : comment vous manipuler pour conserver le pouvoir ? les slogans tels " candidat du peuple ", " candidat de fils de pauvre ", " enfant des élections " etc… ne sont en réalité que de la poudre jetée à vos yeux afin d'endormir vos consciences à défaut de vous convaincre par un programme politique cohérent qui mette la jeunesse au sens du développement. Avez-vous entendu un candidat déclarer descendre du ciel ? Si pour une raison ou pour une autre, vous êtes tenus d'être à cette rencontre d'exhibition, n'oubliez surtout pas qu'au moment venu, votre choix devra se porter sur celui qui initiera la transformation radicale de la République et mettra fin à cette anarchie désespérante dans laquelle nous a plongés GBAGBO, qui restera certainement dans l'histoire, comme celui qui a fait le plus du mal à ce pays.
Ma crainte en ce moment, et c'est la raison pour laquelle que je vous écris cette lettre, s'explique par l'angoisse qui habite aujourd'hui tous les Ivoiriens, de se voir offrir après les élections un homme, et pire encore, un nom : Laurent GBAGBO. Revenons maintenant au ton qui correspond en de pareilles circonstances.
En toute objectivité, reconnaissez-vous dans ces propos guerriers et grossiers, ces insultes gratuites de vos leaders et relayées par notre télévision à l'endroit du peuple?
Je ne voudrais pas terminer cette adresse, non sans vous inviter, avenir d'aujourd'hui et de demain et probablement futurs dirigeants de ce pays, que vous m'aidiez à chercher dans notre chère patrie d'aujourd'hui, les vrais ennemis de la nation afin de ne pas vous tromper de combat.
Koffi Désiré