Il n’y a pas longtemps quand une série d’incendies a attristé la capitale économique, fin janvier, début février, beaucoup d’Ivoiriens l’ont vu intervenir à plusieurs reprises, à l’écran de leur poste téléviseur et dans les journaux. On peut le dire, le commandant des sapeurs-pompiers militaires de Côte d’Ivoire (Gspmci), le colonel Adama Coulibaly, a séduit de nombreux téléspectateurs et lecteurs par la véhémence avec laquelle il a toujours parlé de son métier. Et pourtant ses qualités ne s’arrêtent pas là.
Le sapeur-pompier militaire qui a eu le malheur de garer son véhicule, ce mercredi 3 mars, à la place des ambulances, est en train de se faire copieusement tancer par son chef hiérarchique. La voix du commandant du groupement des sapeurs-pompiers militaires porte tellement loin qu’on l’entend dans les halls de la caserne de l’Indénié. Elle pénètre des bureaux fermés. Le pompier qui prend cette douche écossaise, se dépêche de sortir son véhicule du parking réservé aux ambulances. Dès lors, on sait que le colonel Adama Coulibaly vient d’arriver. Au Gspm, les soldats du feu connaissent leur supérieur tout comme ils ont appris à connaître le feu. Râleur ? Humoristique ? Ou juste rigoureux ? Ce sont les trois caractères en même temps. Et, cela s’aperçoit à travers ce commentaire du maître des lieux, lui-même: « c’est parce que quelqu’un a garé sa brouette à la place de l’ambulance de service public. Or, les ambulances doivent sortir avec célérité (…) et celui qui joue au C…il faut le lui dire…». Ici, les soldats du feu sont habitués à ces petits moments de tension quand la négligence apparaît. Mais le colonel Adama Coulibaly sait tellement administrer ses douches écossaises qu’on ne les sent pas. C’est un concentré d’hurlement (soldat) mélangé à la lecture du règlement (rigoureux) et à de l’humour (paternel). Il y a d’ailleurs plus d’humour que tout autre chose dans ses réprimandes. Normal, c’est un féru de films comiques. La preuve, il possède à domicile toute une collection de films du célèbre acteur français, Louis de Funès tels ‘‘Un gendarme à New York’’, ‘‘Les gendarmes et les gendarmettes’’, etc. Il a horreur des films romantiques. Pour lui, là où les sentiments sont mis en avant, il ne peut y avoir de rigueur.
Les employés du Gspm sont sincères quand ils affirment qu’il est comme un père pour eux : n’est-il pas celui qui sait s’amuser avec ses enfants, mais les châtie quand il le faut ? « Quand vous déconnez, il vous le dit sincèrement, et il vous explique pourquoi il n’est pas content», affirme un sapeur-pompier.
Qui aime bien châtie bien
D’ailleurs, dans son grand bureau, composé d’un petit salon, de trois bibliothèques, et d’un aquarium avec trois poissons qui tournent en rond dans l’eau, il y a un livre sur le règlement disciplinaire général qui attend tout sapeur-pompier en faute : « Je suis le règlement. Quand vous faites une faute, je vous punis (…). Les gens préfèrent caresser les gens dans le sens du poil, mais quand vous avez une veste bleue, il faut dire que la veste est bleue. Quand vous êtes trop direct on trouve que vous ne faites pas de la diplomatie. Moi, je n’ai pas fait l’Ena ! (Ndlr : Ecole nationale d’administration) !» Avant de punir quiconque en faute, il lit d’abord le règlement en sa présence pour montrer au fautif qu’il n’a rien contre lui et qu’il ferait pareil avec n’importe quelle autre personne dans la même situation. La punition est, pour lui, une forme d’équité qu’il établit entre tous les soldats du feu sous sa coupole. Un caractère de justicier qu’il a acquis depuis son parcours scolaire. Déjà, au lycée d’Agboville, celui que l’on appelle encore Adams Cool, était le confident de tout le monde. Parce qu’il était épris de justice. Un esprit qui continue de le servir. « Il ne fait pas de discrimination. Pour lui, un soldat, c’est un soldat. Il traite tout le monde sur le même pied d’égalité», se réjouit un officier du Gspm. Ici, comme ailleurs, Adams Cool taquine, rigole et est l’ami de tous. Mais, quand il s’agit du boulot, c’est une autre paire de manches.
Musicien, malgré lui
Marié et père de dix enfants (six garçons, quatre filles), ce fils de cultivateur est né à Katiola. Il fêtera son 58ème anniversaire le 26 juillet prochain. C’est un vrai mangoro (ethnie de Katiola) tout en phase avec son physique d’acier bâti sur 1 mètre 73. Le « roc » n’a jamais reculé devant un obstacle, et son parcours exceptionnel l’illustre bien. Après ses diplômes scolaires, il entre à l’Ecole des Forces armées de Bouaké dans les années 1970. Il y passera deux ans, avant de rejoindre le premier bataillon d’infanterie d’Akouédo. Il entre aux sapeurs-pompiers. Et, en 1979, il va suivre une formation de six mois à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. De 1980 à 1982, Adama Coulibaly est le chef du Centre de secours des Gspm de Yopougon. En 1982, il est commandant de la deuxième compagnie zone 4 qu’il dirigera pendant deux ans. Puis, il dépose ses valises au commandement de la première compagnie de l’Indénié. De 1987 à 1990, il est commandant de la 3ème compagnie à Bouaké. Période qui voit arriver des jeunes dans la corporation. Les anciens, c’est-à-dire eux, doivent retourner dans la régulière (l’armée). Il quitte le Gspm, mais ce n’est qu’un au revoir… Adama Coulibaly va à Daloa, où il occupe le poste de chef de cabinet du commandant de la deuxième région militaire. Après deux ans passés à la cité des Antilopes, il est appelé à l’instruction à l’Ecole nationale des sous-officiers d’actives, à Bouaké. Pendant qu’il traîne sa bosse par-ci, par-là, sa famille est logée à Abidjan. Et, malgré ce caractère de dur-à-cuire qu’on lui connaît, Adams Cool éprouve l’envie de retourner dans son foyer pour redonner assurance à sa charmante épouse. De Bouaké, donc, il demande un poste à Abidjan. On lui signale que le seul poste disponible dans la capitale économique, c’est celui de commandant de la musique des Force armées nationale de Côte d’Ivoire (Fanci). Va-t-il accepter de jouer de la musique rien que pour retrouver sa famille ? Eh bien, oui : ce vétéran devient, malgré lui, musicien. De 1995 à 1999, il va faire des tournées avec l’orchestre des armées. Des témoignages de l’état-major démontrent que ce « mangoro » imprime une touche nouvelle de bon augure à la musique de l’armée, en ce temps mal famé : il en fait «une mélodie d’amour ». Mais, «l’homme au doigté magique», abandonne la musique pendant la transition militaire : on a besoin de lui à l’état-major. Il y va pour occuper le poste de division emploi-opérateur. Il s’occupe de tous les stages de l’armée, en tant que chef de la section stage-militaire. De là, il est coopté commandant en second au premier bataillon d’infanterie d’Akouédo. En 2005, il est nommé commandant du groupement ministériel des moyens généraux. Mais, une fois de plus, le destin montre qu’il est prédestiné à combattre le feu : il quitte ce poste en 2007 pour prendre les rênes du Groupement des sapeurs-pompiers militaires de Côte d’Ivoire. On le voit, parti du Gspm en 1990, il y revient 17 ans après, heureux, comme un père qui retrouve ses enfants après une longue séparation. Depuis le 26 octobre 2007, Adams Cool s’évertue à redorer le blason de cette institution longtemps effacée par le manque de moyens. Aujourd’hui, les langues, surpris par son entregent, chuchotent : «Mais, où trouve-t-il toutes ces ressources ?» C’est très simple : ce fils de Katiola aime son métier aussi bien qu’il affectionne le « cabato » (plat fait à base de maïs) accompagné de sauce dah (sauce feuille). Il est surtout courageux. Ce n’est pas un hasard, s’il est un fanatique de l’international footballeur ivoirien, Kader Keïta, qu’il trouve travailleur, concret, malgré tout ce qu’on dit de lui. Et, quand on lui demande pourquoi cet amour pour le métier, il répond sans ambages : «Je suis un homme de terrain. J’ai choisi les sapeurs-pompiers, parce qu’on est tout le temps sur la brèche, en train de rendre service à son prochain. C’est pour cela que je n’ai jamais voulu aller dans la fonction publique. » S’il n’était pas sapeur-pompier militaire, alors? «Je serais ingénieur des ponts et chaussées, pour construire des ponts, être toujours sur le terrain. Cela fait partie de mon tempérament ».
Raphaël Tanoh
Le sapeur-pompier militaire qui a eu le malheur de garer son véhicule, ce mercredi 3 mars, à la place des ambulances, est en train de se faire copieusement tancer par son chef hiérarchique. La voix du commandant du groupement des sapeurs-pompiers militaires porte tellement loin qu’on l’entend dans les halls de la caserne de l’Indénié. Elle pénètre des bureaux fermés. Le pompier qui prend cette douche écossaise, se dépêche de sortir son véhicule du parking réservé aux ambulances. Dès lors, on sait que le colonel Adama Coulibaly vient d’arriver. Au Gspm, les soldats du feu connaissent leur supérieur tout comme ils ont appris à connaître le feu. Râleur ? Humoristique ? Ou juste rigoureux ? Ce sont les trois caractères en même temps. Et, cela s’aperçoit à travers ce commentaire du maître des lieux, lui-même: « c’est parce que quelqu’un a garé sa brouette à la place de l’ambulance de service public. Or, les ambulances doivent sortir avec célérité (…) et celui qui joue au C…il faut le lui dire…». Ici, les soldats du feu sont habitués à ces petits moments de tension quand la négligence apparaît. Mais le colonel Adama Coulibaly sait tellement administrer ses douches écossaises qu’on ne les sent pas. C’est un concentré d’hurlement (soldat) mélangé à la lecture du règlement (rigoureux) et à de l’humour (paternel). Il y a d’ailleurs plus d’humour que tout autre chose dans ses réprimandes. Normal, c’est un féru de films comiques. La preuve, il possède à domicile toute une collection de films du célèbre acteur français, Louis de Funès tels ‘‘Un gendarme à New York’’, ‘‘Les gendarmes et les gendarmettes’’, etc. Il a horreur des films romantiques. Pour lui, là où les sentiments sont mis en avant, il ne peut y avoir de rigueur.
Les employés du Gspm sont sincères quand ils affirment qu’il est comme un père pour eux : n’est-il pas celui qui sait s’amuser avec ses enfants, mais les châtie quand il le faut ? « Quand vous déconnez, il vous le dit sincèrement, et il vous explique pourquoi il n’est pas content», affirme un sapeur-pompier.
Qui aime bien châtie bien
D’ailleurs, dans son grand bureau, composé d’un petit salon, de trois bibliothèques, et d’un aquarium avec trois poissons qui tournent en rond dans l’eau, il y a un livre sur le règlement disciplinaire général qui attend tout sapeur-pompier en faute : « Je suis le règlement. Quand vous faites une faute, je vous punis (…). Les gens préfèrent caresser les gens dans le sens du poil, mais quand vous avez une veste bleue, il faut dire que la veste est bleue. Quand vous êtes trop direct on trouve que vous ne faites pas de la diplomatie. Moi, je n’ai pas fait l’Ena ! (Ndlr : Ecole nationale d’administration) !» Avant de punir quiconque en faute, il lit d’abord le règlement en sa présence pour montrer au fautif qu’il n’a rien contre lui et qu’il ferait pareil avec n’importe quelle autre personne dans la même situation. La punition est, pour lui, une forme d’équité qu’il établit entre tous les soldats du feu sous sa coupole. Un caractère de justicier qu’il a acquis depuis son parcours scolaire. Déjà, au lycée d’Agboville, celui que l’on appelle encore Adams Cool, était le confident de tout le monde. Parce qu’il était épris de justice. Un esprit qui continue de le servir. « Il ne fait pas de discrimination. Pour lui, un soldat, c’est un soldat. Il traite tout le monde sur le même pied d’égalité», se réjouit un officier du Gspm. Ici, comme ailleurs, Adams Cool taquine, rigole et est l’ami de tous. Mais, quand il s’agit du boulot, c’est une autre paire de manches.
Musicien, malgré lui
Marié et père de dix enfants (six garçons, quatre filles), ce fils de cultivateur est né à Katiola. Il fêtera son 58ème anniversaire le 26 juillet prochain. C’est un vrai mangoro (ethnie de Katiola) tout en phase avec son physique d’acier bâti sur 1 mètre 73. Le « roc » n’a jamais reculé devant un obstacle, et son parcours exceptionnel l’illustre bien. Après ses diplômes scolaires, il entre à l’Ecole des Forces armées de Bouaké dans les années 1970. Il y passera deux ans, avant de rejoindre le premier bataillon d’infanterie d’Akouédo. Il entre aux sapeurs-pompiers. Et, en 1979, il va suivre une formation de six mois à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. De 1980 à 1982, Adama Coulibaly est le chef du Centre de secours des Gspm de Yopougon. En 1982, il est commandant de la deuxième compagnie zone 4 qu’il dirigera pendant deux ans. Puis, il dépose ses valises au commandement de la première compagnie de l’Indénié. De 1987 à 1990, il est commandant de la 3ème compagnie à Bouaké. Période qui voit arriver des jeunes dans la corporation. Les anciens, c’est-à-dire eux, doivent retourner dans la régulière (l’armée). Il quitte le Gspm, mais ce n’est qu’un au revoir… Adama Coulibaly va à Daloa, où il occupe le poste de chef de cabinet du commandant de la deuxième région militaire. Après deux ans passés à la cité des Antilopes, il est appelé à l’instruction à l’Ecole nationale des sous-officiers d’actives, à Bouaké. Pendant qu’il traîne sa bosse par-ci, par-là, sa famille est logée à Abidjan. Et, malgré ce caractère de dur-à-cuire qu’on lui connaît, Adams Cool éprouve l’envie de retourner dans son foyer pour redonner assurance à sa charmante épouse. De Bouaké, donc, il demande un poste à Abidjan. On lui signale que le seul poste disponible dans la capitale économique, c’est celui de commandant de la musique des Force armées nationale de Côte d’Ivoire (Fanci). Va-t-il accepter de jouer de la musique rien que pour retrouver sa famille ? Eh bien, oui : ce vétéran devient, malgré lui, musicien. De 1995 à 1999, il va faire des tournées avec l’orchestre des armées. Des témoignages de l’état-major démontrent que ce « mangoro » imprime une touche nouvelle de bon augure à la musique de l’armée, en ce temps mal famé : il en fait «une mélodie d’amour ». Mais, «l’homme au doigté magique», abandonne la musique pendant la transition militaire : on a besoin de lui à l’état-major. Il y va pour occuper le poste de division emploi-opérateur. Il s’occupe de tous les stages de l’armée, en tant que chef de la section stage-militaire. De là, il est coopté commandant en second au premier bataillon d’infanterie d’Akouédo. En 2005, il est nommé commandant du groupement ministériel des moyens généraux. Mais, une fois de plus, le destin montre qu’il est prédestiné à combattre le feu : il quitte ce poste en 2007 pour prendre les rênes du Groupement des sapeurs-pompiers militaires de Côte d’Ivoire. On le voit, parti du Gspm en 1990, il y revient 17 ans après, heureux, comme un père qui retrouve ses enfants après une longue séparation. Depuis le 26 octobre 2007, Adams Cool s’évertue à redorer le blason de cette institution longtemps effacée par le manque de moyens. Aujourd’hui, les langues, surpris par son entregent, chuchotent : «Mais, où trouve-t-il toutes ces ressources ?» C’est très simple : ce fils de Katiola aime son métier aussi bien qu’il affectionne le « cabato » (plat fait à base de maïs) accompagné de sauce dah (sauce feuille). Il est surtout courageux. Ce n’est pas un hasard, s’il est un fanatique de l’international footballeur ivoirien, Kader Keïta, qu’il trouve travailleur, concret, malgré tout ce qu’on dit de lui. Et, quand on lui demande pourquoi cet amour pour le métier, il répond sans ambages : «Je suis un homme de terrain. J’ai choisi les sapeurs-pompiers, parce qu’on est tout le temps sur la brèche, en train de rendre service à son prochain. C’est pour cela que je n’ai jamais voulu aller dans la fonction publique. » S’il n’était pas sapeur-pompier militaire, alors? «Je serais ingénieur des ponts et chaussées, pour construire des ponts, être toujours sur le terrain. Cela fait partie de mon tempérament ».
Raphaël Tanoh