Pour mieux comprendre les tueries de Jos
Le Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique vient de vivre une fois de plus, une de ses innombrables tueries qui sont légions dans ce pays continent.
Le contexte général
Les tueries qui viennent de se dérouler cette fois ci à Jos dans la nuit du lundi 8 au mardi 9 mars 2010 dans l'Etat du Plateau sont à l'image du gigantisme qui caractérise ce pays. Le nombre de victimes est impressionnant pour ne pas dire effrayant. Les statistiques officielles parlent de 108 morts alors que celles officieuses parlent de plus de 500 morts et de 13 000déplacés. Les images en boucle qui nous parviennent des différentes chaînes sont atroces et insupportables pour les âmes sensibles. Ce sont des corps de femmes, d'enfants et de vieillards découpés à la machette lors de leur sommeil que l'on jette dans les fosses communes.
Au-delà de ce constat, tous les commentaires tournent autour d'une seule constante:une guerre religieuse entre Chrétiens et Musulmans. Cette dimension des choses est renforcée par le message du pape Benoit XVI prononcé le 10 mars 2010 à Rome. Ce dernier, dans une déclaration solennelle, n'a pas manqué de condamner ces tueries et inviter les différents belligérants à la paix.
Face à cette situation, il est important d'essayer de comprendre ce phénomène qui ne cesse de choquer et de présenter une image somme toute désagréable de la cohabitation entre Chrétiens et Musulmans au Nigeria.
Qu'en est-il réellement? Pourquoi donc la récurrence de ces tueries?
Quels sont les tenants et les aboutissants de ces conflits récurrents comme celui de Jos qui ne cessent d'endeuiller ce pays?
Pour comprendre ce phénomène, il faut à la fois prospecter l'histoire, la géographie, la sociologie, l'économie et la politique de ce pays.
Un mélange de plusieurs facteurs
La situation de conflits qui prévaut au Nigeria à l'image de celui de Jos est un mélange explosif de plusieurs facteurs liés aussi bien à la géographie, à l'histoire, à la politique à la sociologie et même à l'économie de ce pays. Cet enchevêtrement de facteurs est si subtile qu'il serait hasardeux de limiter ces conflits à des causes religieuses entre Musulmans et Chrétiens
Le Nigéria, un pays gigantesque et hétérogène
Au plan géographique, le Nigeria est situé dans le golfe de Guinée, Il est de loin le pays le plus peuplé d'Afrique avec 149 millions d'habitants comptant 4047 Kms de frontières terrestres, et 853 km de littoral. Ce pays est bordé à l'Ouest par le Bénin (773 km), à l'Est par le Cameroun (1690 km), au Nord par le Niger (1497 km), et par le Tchad au nord-est (84 km).
Société extraordinairement hétérogène, le Nigeria est un Etat fédéral qui compte actuellement 36 Etats notamment Abia, Adamawa, Akwa Ibom, Anambra, Bauchi, Bayelsa, Benue, Borno, Cross River, Delta, Ebonyi, Edo, Ekiti, Enugu, Kano, Gombe, imo, Jigawa, Katsina, Kebbi, kogi, Kwara, Lagos, Niger, Nassarawa, Ogun, Ondo, Oyo, Plateau, River Sokoto, Taraba Yobé, Zamfara, Kaduna. Dans ces 36 Etats cohabitent les 149 millions d'habitants selon les statistiques de 2009. Cette population nombreuse se repartit en plus de 400 groupes linguistiques et 280 groupes ethniques. Cette pluralité ethnique fondée sur les groupes linguistiques est justement l'un des facteurs clés de ces différents conflits.
Une diversité ethnique qui cause des problèmes
C’est justement cette diversité de groupes ethniques qui constitue la source première de tous ces conflits. A ce point là se greffent les facteurs économiques et religieux. A l'origine, le Nigeria formait un Etat unitaire mais avec trois groupes ethniques majoritaires notamment les Haoussas, les Yorubas, et les Ibos disséminés en des endroits bien précis du territoire Nigérian. Les relations entre ces trois groupes majoritaires n'ont jamais été au beau fixe même pendant la période coloniale. Par rapport à cette réalité liée aux contradictions ethniques et régionales, l'administration coloniale va scinder cet immense pays en trois régions à partir de 1939. Ces régions comme c'est le cas souvent en Afrique vont coïncider avec des regroupements linguistiques et ethniques. Pour ce faire, les frontières administratives de ces zones vont recouper les limites régionales au sein desquelles se trouve un groupe dominant. Par exemple, les Haoussas et les Fulanis se retrouvent au Nord, les Ibos à l'Est et les Yorubas au Sud.
Les lignes de partage ethnique épousant les différences confessionnelles
Et par la force des choses, chaque peuple ayant eu un contact précis dans l'histoire avec une des religions révélées épousera une religion qui lui sera particulière. De la sorte, tout le Nord avec les Haoussa sera majoritairement musulman, l'Est avec les Ibos majoritairement chrétien, et les Yorubas au Sud sont chrétiens pour plus de la moitié, Musulmans pour environ un quart, le reste suivant généralement des croyances indigènes. Il faut signaler qu'à côté de ces grands groupes ethniques cohabitent de nombreux groupes minoritaires. Le colonisateur va gérer pendant longtemps ces contradictions ethniques et régionales au détriment des groupes minoritaires qui s'en plaindront à plusieurs reprises.
Un Etat fédéral pour apaiser les tensions ethniques prévues par le colonisateur.
Sentant venir les prémices d'une conflagration entre ces différents groupes ethniques majoritaires et minoritaires confondus, dès 1946, le colonisateur anglais va songer à faire du Nigeria un Etat fédéral afin d'apaiser les tensions ethniques. Au bout du compte, le climat de suspicion et de peur régnant entre les divers groupes a conduit en 1954 à l'adoption de la création d'un Etat fédéral. Le Nigeria a précisément recouru au fédéralisme pour composer avec l'extrême variété du pays et gérer les conflits potentiels qui en découlent. L'autorité coloniale a toutefois jugé nécessaire de se pencher sur les craintes des groupes ethniques minoritaires dans les régions, qu'elle a choisi d'apaiser en incorporant une disposition relative aux droits de la personne dans la Constitution de l'indépendance qui sera acquise en 1960.
Cette attitude était salutaire car dès 1951, sentant venir la fin de la colonisation, dès le moment où les Britanniques ont commencé à envisager leur départ, les nationalistes se sont mis à s'organiser afin de prendre le pouvoir politique abandonné par les anciens colonisateurs, se repliant sur leurs bases ethniques et ethno régionales pour mieux organiser la lutte. Dès lors, dans de nombreuses régions entre 1951 et 1959, les principaux groupes ethniques se sont dressés les uns contre les autres. Chacune d'elle étant attachée foncièrement à son identité. Par exemple, depuis la période coloniale la langue officielle était l'anglais. Mais lorsque sous la deuxième république de 1979 à 1983, les députés ont approuvé l'utilisation des langues haoussa, ibo et Yoruba comme autres langues officielles, les représentants des minorités ont considéré cette décision comme une forme « d'asservissement culturel. »
Une fédération fondée sur les identités linguistiques et ethniques
En fait, au Nigeria comme c'est souvent le cas en Afrique, la langue représente un élément-clé du groupe ethnique. Souvent l'identité ethnique coïncide avec le territoire de résidence, Par exemple, les Haoussas et les Fulanis se retrouvent au Nord dans les Etats de Kano, Kaduna, Zamfara, etc. qui sont majoritairement de confession musulmane. Les autres grands groupes ethniques de cette partie du pays sont les Nupe, Tiv, et les Kanuri. Les Ibos majoritairement chrétiens se retrouvent à l'Est dans les Etats de Cross Rivers, d'Enugu. Enfin, le sud du pays est dominé par, Les Yorubas qui se retrouve dans l'Etat de Lagos et ses environs.
En 1960, le Nigeria acquiert son indépendance sous le sceau de la régionalisation. Le pays est alors divisé en 3 régions disposant d'une large autonomie. Les groupes ethniques coexistent tout en pratiquant une politique de méfiance les uns des autres
En 1966, le pays va connaître le premier coup d'Etat dirigé par le général Johnson Aguiyi-Ironsi. Les tensions ethniques ne s'estompent pas pour autant. Ce dernier dans une démarche stratégique passera de la régionalisation à l'étatisation. Le Nigéria deviendra de manière effective un Etat fédéral de quatre Etats. Cette démarche entre autre objectifs, visait à faire baisser les tensions ethniques. Par la suite, le Nigeria sera scindé de la manière suivante :
12 Etats en 1967, ,19 en 1976,21 en 1987,30 en 1991 et enfin 36 en 1996, Ces Etats que nous avons énumérés plus haut, se confondent en fait avec des régions dominées par des groupes ethniques de manière générale.
Cloisonner les zones de conflits entre les anciennes régions
Cette structure fédérale propre aux réalités de ce pays va permettre au gouvernement central de cloisonner les zones de conflits entre les anciennes régions et de réduire leur intensité. Mais au fur et à mesure que de nouveaux États voyaient le jour, des groupes autrefois minoritaires formaient de nouvelles majorités, souvent plus pernicieuses que les anciennes. Malgré donc ces répartitions, les problèmes ethniques et régionaux n'ont pas disparu. Le Sud craignait la tyrannie démographique du Nord, celui-ci regroupant 54 pour cent de la population. De son côté, le Nord redoutait la suprématie intellectuelle du Sud, dans la mesure où la région se montrait plus avancée sur le plan de l'éducation à l'occidentale et obtenait de la sorte davantage d'emplois tant dans la fonction publique que dans le secteur privé.
Le statut de l'indigénéité
Un fait est important et mérite d'être signaler dans le cas des conflits inter ethnique et religieux au Nigéria, c'est le statut de l'indigénéité.
En effet, Au Nigeria, l'indigène est celui qui peut prouver que ses parents proviennent de l'un des 36 Etats de la fédération dont il se réclame. Un natif de l'Etat de River, dans le sud aura beau vivre à Kano au Nord pendant plus de 30 ans, il y sera toujours considéré comme un étranger. La distinction date de 1970. Elle s'est accentuée ces quinze dernières années. En 1996, une commission à caractère fédérale (FCC) a vu le jour. Elle veille aux respects des droits des indigènes dans chaque Etat: emplois publics, bourses estudiantines etc. ils passent avant les étrangers .Avec l'augmentation du nombre des Etats de 19 à 36 de 1979 à 1996 le nombre d'indigènes et d'étrangers a mécaniquement augmenté les richesses en minerais de l'Etat du plateau majoritairement chrétien qui a toujours attiré les étrangers des autres régions pour la plupart.
La charia : pas l’unanimité
Jusqu'à la fin des années 1970, la religion ne constituait pas une source de tensions sérieuses. Mais en 1976 et 1977, puis en 1978 et 1979 la question de la charia est posée .Cela a ouvert la voie à un débat houleux. D'un jour à l'autre, la religion a fait irruption dans le discours politique. La tentative des Musulmans d'étendre la charia au-delà des questions personnelles et de celles qui sont liées à l'héritage, et d'instaurer une cour d'appel fédérale fondée sur le droit islamique, a été vivement contestée par les Chrétiens. En guise de compromis, des tribunaux islamiques et coutumiers ont été instaurés uniquement dans les États qui le souhaitaient.
La Cour d'appel fédérale a dû engager trois juges formés dans le domaine de la charia et du droit coutumier, et siégeant conjointement avec des juges appliquant la loi commune à la fédération.
En 1986 cependant, la nouvelle selon laquelle le Nigeria allait rejoindre l'Organisation de la conférence islamique (OCI) a déclenché une nouvelle crise, surtout entre Chrétiens et Musulmans. Réaffirmant sa neutralité confessionnelle, le pays ne s'est pourtant pas retiré de l'OCI. Entre 1980 et 2005, on a recensé plus de 45 conflits violents de nature confessionnelle au cours desquels des vies humaines ont été sacrifiées et des biens saccagés. Les tensions n'ont cessé d'empirer, notamment lorsqu'en 2000 l'État de Zamfara a étendu la charia aux questions pénales. Douze États du nord lui ont rapidement emboîté le pas en adoptant eux aussi la loi islamique. La violence engendrée par l'introduction de la charia dans l'État de Kaduna a provoqué des effusions de sang dans le sud-est du pays. La charia ne s'est cependant pas étendue aux autres États en raison de la structure fédérale du Nigeria et de leur autonomie.
Les tueries de Jos
Guerre politique ou religieuse ?
Les différentes tueries qui ont lieu à Jos sont la résultante de la complexité qui caractérise le Nigéria où s'imbrique un ensemble d’éléments confligènes et qui prennent en compte des éléments socioculturel, sociopolitique, socioreligieux et sociodémographique.
Des affrontements
chroniques et violents
Depuis les années 2000, la ville de Jos connaît une recrudescence d'affrontements qualifiés d'inter - religieux. Les violences dans cette région sont chroniques. Pour preuves, en novembre 2008,700 personnes ont été tuées. Le 1er décembre de cette même année en représailles, les troubles ethno - religieux ont fait 200 morts et 1500 personnes interpellées par les forces de l'ordre un mois auparavant. Au mois de janvier 2010, plus de 300 Fulanis sont tués à Jos par des Beroms. La dernière en date est très récente où 500 sédentaires beroms ont été massacrés par des éleveurs nomades de l'ethnie fulani (peule). Mais selon les spécialistes et les personnes proches de ce conflit, la fracture religieuse se superpose toujours à une autre aussi profonde, les rivalités entre indigènes et non indigènes.
La religion :
un faux argument
Ces tueries qui ont fait au moins 2000 morts dans la région au cours de la dernière décennie ont un vernis religieux par la force des choses, mais ne sont pas essentiellement fondés sur des fondements religieux comme le confirme des spécialistes et même des religieux aussi bien musulmans comme chrétiens. C'est le cas avec l'archevêque de Jos Mgr Ignatus Ayau Kaigama qui affirme:«Toutes ces escalades de violences traduisent la sensibilité et la susceptibilité qui sévissent dans cette région. Vu d'ici, la religion n'a rien à voir avec les violences. Pour le simple fait que le Nigeria est très homogène du point de vue religieux et partagé de manière égale entre musulmans et chrétiens »
Cette thèse est défendue par un autre évêque notamment Mgr John Onaiyekan, archevêque catholique d'Abuja qui dans une interview accordée à Radio Vatican, a abondé dans ce sens. « C'est une vengeance tribale. On ne se tue pas à cause de la religion, mais pour des revendications sociales, économiques, tribales, culturelles»
Dans le même sens, Lateef Adegbite, secrétaire général du Conseil suprême des affaires islamiques du Nigeria déclare : «Il ne s'agit pas d'une crise religieuse. La population de la ville de Jos est profondément divisée entre ethnies. Dans la région de Jos, les gens ne se battent pas pour le droit ou les lieux de prière ».
Les lignes de partage ethnique épousant les différences confessionnelles
Cependant même si le conflit n'est pas religieux comme le confirment les trois responsables religieux, il serait difficile d'écarter la religion dans la mesure où les différents belligérants sont des groupes ethniques qui sont liés à des religions. De manière effective, les éleveurs fulanis qui ont attaqué cette fois ci sont majoritairement musulmans et les agriculteurs Béroms majoritairement chrétiens.
Des problèmes de terre et conflit classique entre bergers et agriculteurs
Si la cause de cette tuerie n'est pas religieuse d'où provient-elle alors?
A ce niveau ressurgissent les problèmes de terre et d'indigénéité.
Et dans ce sens, il faut situer en premier lieu les problèmes de terre. Cette thèse est défendue par Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste des conflits en Afrique. Pour ce dernier, ce conflit est très loin d'être religieux. Réagissant sur Afrik.com, il a étalé avec assurance et subtilité sa thèse «ce n'est pas un conflit religieux. Dans ces affrontements communautaires, la religion est un étendard. Pour le cas de Jos, il s'agit plutôt de disputes pour l'accès à la terre sous la bannière religieuse. La région étant située dans une surface plutôt arable. L'enjeu ici se joue sur la terre et non ailleurs »
De manière concrète, les Beroms constituent l'un des principaux groupes ethniques de l'Etat du Plateau, mais ces éleveurs musulmans du Nord à la recherche de pâturages ont migré au cours des années dans cette région, située entre le Nord du pays à majorité musulmane et le Sud à majorité chrétienne.
Ces migrations ont entraîné des conflits liés à la terre, particulièrement fertile dans cette région. Les lignes de partage ethnique épousant les différences confessionnelles, les violences prennent souvent une coloration religieuse. "Il s'agit du conflit classique entre bergers et agriculteurs, mais les Fulanis tous musulmans et les Beroms tous chrétiens", a expliqué l'archevêque d'Abuja.
C'est encore cette même thèse que défend un autre spécialiste en l'occurrence Tajudeen Akanji, directeur du Centre pour la paix et la résolution des conflits à l'université d'Ibadan (ouest). "C'est un conflit entre locaux et nomades, qui a une coloration religieuse. Il y a un sentiment d'injustice chez les Beroms, qui craignent d'être dominés par les Hausa et Fulani musulmans»
Des problèmes
sociopolitiques
Il faut ajouter à cela les problèmes sociopolitiques. Dans ce sens un député de l'Etat du Plateau interrogé a aussi mis en avant des raisons politiques, évoquant notamment les frustrations de la communauté chrétienne. "A chaque fois qu'il y a une élection, ce sont les Hausa (ethnie musulmane) qui gagnent, c'est beaucoup plus difficile pour les natifs de la région", a indiqué cet élu sous couvert de l'anonymat. Aucun des administrateurs régionaux n'est berom, a-t-il relevé.
"C'est ethnique et politique, cela n'a rien à voir avec la religion", analyse pour sa part Sulaiman Nyang, spécialiste de l'Afrique et de l'islam à Howard University à Washington. "Certains au Nigeria ne veulent pas la stabilité, et jouent toutes sortes de jeux", a-t-il estimé.
Cette dimension du problème semble être partagée par Navi Pillay, haut commissaire aux droits de l'Homme: "Une meilleure sécurité est bien sûr vitale, mais ce serait une erreur que de décrire ces tueries comme des violences purement confessionnelles ou ethniques et de traiter ceci uniquement comme une question sécuritaire. Ce qui est le plus important, c'est un effort concerté pour traiter les causes sous-jacentes de ces flambées répétées de violences ethniques et religieuses qui ont éclaté au Nigeria ces dernières années, à savoir la discrimination, la pauvreté et les querelles foncières."
Le problème de l'indigénéité à l'échelle locale
La société est constituée des autochtones qu'on compte parmi les Béroms, (les Jarawas et les Anagutas) majoritairement chrétiens, et, des « colons » encore appelés « settlers » dont les Haoussas musulmans sont la charnière. Selon Sulaiman Nyang, les musulmans sont marginalisés et traités comme « des immigrés, des citoyens de seconde zone ». De fait, la constitution de 1999 censée protéger les droits de tous sur le plan national est de moins en moins respectée au niveau de la région. « Dans l'Etat du Plateau, où est située la ville de Jos, il y a un parti pris en faveur des chrétiens et les autorités régionales et territoriales qui sont souvent accusées de discriminations envers les musulmans, notamment en matière d'emploi, ou d'accès à la santé et à l'éducation ».
Crainte des représailles
Responsables communautaires, religieux et politiques craignent maintenant le cycle infernal des représailles. Le principal parti d'opposition du Nigéria c'est-à-dire Action Congress a mis en garde le gouvernement contre "l'impunité" dans la région, qui alimente les violences en ces termes "Les tueries sont plus politiques que religieuses (...) Le problème incombe au gouvernement. Il a le pouvoir d'arrêter et d'engager des poursuites. Il a la capacité et les ressources pour recueillir des renseignements, nous réclamons des actes concrets''
Des appels au calme
Devant ce drame des voix s'élèvent pour appeler les différents belligérants afin de mettre fin aux tueries. C'est le cas du gouverneur Jonah Jang de l'Etat du Plateau dans un discours radiotélévisé en ces termes "Je lance un appel à ce que nous entreprenions tous trois jours de jeûne pour implorer Dieu de nous pardonner nos péchés et ramener la paix, Notre Dieu est un Dieu de justice. Je pense qu'il a permis ceci avec un objectif". Espérons comme le souhaite le gouverneur Jonah Jang que les appels à Dieu seront compris par tous les belligérants et que les tueries prendront fin une fois pour toute dans ce pays souvent meurtri par ces querelles religieuses.
kemebram@hotmail.com
Sources de référence
1-URL: http://www.france24.com/fr /20100309-jos-affrontements-interethniques-religion-nigeria-laurent-fourchard
2- l'express.fr publié le 9 mars 2010 à 17h35 minutes mise à jour le 09 mars à 17 h 40 mn
Jacques Willy Ntoual : Nigeria: La terre fait des morts
Le Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique vient de vivre une fois de plus, une de ses innombrables tueries qui sont légions dans ce pays continent.
Le contexte général
Les tueries qui viennent de se dérouler cette fois ci à Jos dans la nuit du lundi 8 au mardi 9 mars 2010 dans l'Etat du Plateau sont à l'image du gigantisme qui caractérise ce pays. Le nombre de victimes est impressionnant pour ne pas dire effrayant. Les statistiques officielles parlent de 108 morts alors que celles officieuses parlent de plus de 500 morts et de 13 000déplacés. Les images en boucle qui nous parviennent des différentes chaînes sont atroces et insupportables pour les âmes sensibles. Ce sont des corps de femmes, d'enfants et de vieillards découpés à la machette lors de leur sommeil que l'on jette dans les fosses communes.
Au-delà de ce constat, tous les commentaires tournent autour d'une seule constante:une guerre religieuse entre Chrétiens et Musulmans. Cette dimension des choses est renforcée par le message du pape Benoit XVI prononcé le 10 mars 2010 à Rome. Ce dernier, dans une déclaration solennelle, n'a pas manqué de condamner ces tueries et inviter les différents belligérants à la paix.
Face à cette situation, il est important d'essayer de comprendre ce phénomène qui ne cesse de choquer et de présenter une image somme toute désagréable de la cohabitation entre Chrétiens et Musulmans au Nigeria.
Qu'en est-il réellement? Pourquoi donc la récurrence de ces tueries?
Quels sont les tenants et les aboutissants de ces conflits récurrents comme celui de Jos qui ne cessent d'endeuiller ce pays?
Pour comprendre ce phénomène, il faut à la fois prospecter l'histoire, la géographie, la sociologie, l'économie et la politique de ce pays.
Un mélange de plusieurs facteurs
La situation de conflits qui prévaut au Nigeria à l'image de celui de Jos est un mélange explosif de plusieurs facteurs liés aussi bien à la géographie, à l'histoire, à la politique à la sociologie et même à l'économie de ce pays. Cet enchevêtrement de facteurs est si subtile qu'il serait hasardeux de limiter ces conflits à des causes religieuses entre Musulmans et Chrétiens
Le Nigéria, un pays gigantesque et hétérogène
Au plan géographique, le Nigeria est situé dans le golfe de Guinée, Il est de loin le pays le plus peuplé d'Afrique avec 149 millions d'habitants comptant 4047 Kms de frontières terrestres, et 853 km de littoral. Ce pays est bordé à l'Ouest par le Bénin (773 km), à l'Est par le Cameroun (1690 km), au Nord par le Niger (1497 km), et par le Tchad au nord-est (84 km).
Société extraordinairement hétérogène, le Nigeria est un Etat fédéral qui compte actuellement 36 Etats notamment Abia, Adamawa, Akwa Ibom, Anambra, Bauchi, Bayelsa, Benue, Borno, Cross River, Delta, Ebonyi, Edo, Ekiti, Enugu, Kano, Gombe, imo, Jigawa, Katsina, Kebbi, kogi, Kwara, Lagos, Niger, Nassarawa, Ogun, Ondo, Oyo, Plateau, River Sokoto, Taraba Yobé, Zamfara, Kaduna. Dans ces 36 Etats cohabitent les 149 millions d'habitants selon les statistiques de 2009. Cette population nombreuse se repartit en plus de 400 groupes linguistiques et 280 groupes ethniques. Cette pluralité ethnique fondée sur les groupes linguistiques est justement l'un des facteurs clés de ces différents conflits.
Une diversité ethnique qui cause des problèmes
C’est justement cette diversité de groupes ethniques qui constitue la source première de tous ces conflits. A ce point là se greffent les facteurs économiques et religieux. A l'origine, le Nigeria formait un Etat unitaire mais avec trois groupes ethniques majoritaires notamment les Haoussas, les Yorubas, et les Ibos disséminés en des endroits bien précis du territoire Nigérian. Les relations entre ces trois groupes majoritaires n'ont jamais été au beau fixe même pendant la période coloniale. Par rapport à cette réalité liée aux contradictions ethniques et régionales, l'administration coloniale va scinder cet immense pays en trois régions à partir de 1939. Ces régions comme c'est le cas souvent en Afrique vont coïncider avec des regroupements linguistiques et ethniques. Pour ce faire, les frontières administratives de ces zones vont recouper les limites régionales au sein desquelles se trouve un groupe dominant. Par exemple, les Haoussas et les Fulanis se retrouvent au Nord, les Ibos à l'Est et les Yorubas au Sud.
Les lignes de partage ethnique épousant les différences confessionnelles
Et par la force des choses, chaque peuple ayant eu un contact précis dans l'histoire avec une des religions révélées épousera une religion qui lui sera particulière. De la sorte, tout le Nord avec les Haoussa sera majoritairement musulman, l'Est avec les Ibos majoritairement chrétien, et les Yorubas au Sud sont chrétiens pour plus de la moitié, Musulmans pour environ un quart, le reste suivant généralement des croyances indigènes. Il faut signaler qu'à côté de ces grands groupes ethniques cohabitent de nombreux groupes minoritaires. Le colonisateur va gérer pendant longtemps ces contradictions ethniques et régionales au détriment des groupes minoritaires qui s'en plaindront à plusieurs reprises.
Un Etat fédéral pour apaiser les tensions ethniques prévues par le colonisateur.
Sentant venir les prémices d'une conflagration entre ces différents groupes ethniques majoritaires et minoritaires confondus, dès 1946, le colonisateur anglais va songer à faire du Nigeria un Etat fédéral afin d'apaiser les tensions ethniques. Au bout du compte, le climat de suspicion et de peur régnant entre les divers groupes a conduit en 1954 à l'adoption de la création d'un Etat fédéral. Le Nigeria a précisément recouru au fédéralisme pour composer avec l'extrême variété du pays et gérer les conflits potentiels qui en découlent. L'autorité coloniale a toutefois jugé nécessaire de se pencher sur les craintes des groupes ethniques minoritaires dans les régions, qu'elle a choisi d'apaiser en incorporant une disposition relative aux droits de la personne dans la Constitution de l'indépendance qui sera acquise en 1960.
Cette attitude était salutaire car dès 1951, sentant venir la fin de la colonisation, dès le moment où les Britanniques ont commencé à envisager leur départ, les nationalistes se sont mis à s'organiser afin de prendre le pouvoir politique abandonné par les anciens colonisateurs, se repliant sur leurs bases ethniques et ethno régionales pour mieux organiser la lutte. Dès lors, dans de nombreuses régions entre 1951 et 1959, les principaux groupes ethniques se sont dressés les uns contre les autres. Chacune d'elle étant attachée foncièrement à son identité. Par exemple, depuis la période coloniale la langue officielle était l'anglais. Mais lorsque sous la deuxième république de 1979 à 1983, les députés ont approuvé l'utilisation des langues haoussa, ibo et Yoruba comme autres langues officielles, les représentants des minorités ont considéré cette décision comme une forme « d'asservissement culturel. »
Une fédération fondée sur les identités linguistiques et ethniques
En fait, au Nigeria comme c'est souvent le cas en Afrique, la langue représente un élément-clé du groupe ethnique. Souvent l'identité ethnique coïncide avec le territoire de résidence, Par exemple, les Haoussas et les Fulanis se retrouvent au Nord dans les Etats de Kano, Kaduna, Zamfara, etc. qui sont majoritairement de confession musulmane. Les autres grands groupes ethniques de cette partie du pays sont les Nupe, Tiv, et les Kanuri. Les Ibos majoritairement chrétiens se retrouvent à l'Est dans les Etats de Cross Rivers, d'Enugu. Enfin, le sud du pays est dominé par, Les Yorubas qui se retrouve dans l'Etat de Lagos et ses environs.
En 1960, le Nigeria acquiert son indépendance sous le sceau de la régionalisation. Le pays est alors divisé en 3 régions disposant d'une large autonomie. Les groupes ethniques coexistent tout en pratiquant une politique de méfiance les uns des autres
En 1966, le pays va connaître le premier coup d'Etat dirigé par le général Johnson Aguiyi-Ironsi. Les tensions ethniques ne s'estompent pas pour autant. Ce dernier dans une démarche stratégique passera de la régionalisation à l'étatisation. Le Nigéria deviendra de manière effective un Etat fédéral de quatre Etats. Cette démarche entre autre objectifs, visait à faire baisser les tensions ethniques. Par la suite, le Nigeria sera scindé de la manière suivante :
12 Etats en 1967, ,19 en 1976,21 en 1987,30 en 1991 et enfin 36 en 1996, Ces Etats que nous avons énumérés plus haut, se confondent en fait avec des régions dominées par des groupes ethniques de manière générale.
Cloisonner les zones de conflits entre les anciennes régions
Cette structure fédérale propre aux réalités de ce pays va permettre au gouvernement central de cloisonner les zones de conflits entre les anciennes régions et de réduire leur intensité. Mais au fur et à mesure que de nouveaux États voyaient le jour, des groupes autrefois minoritaires formaient de nouvelles majorités, souvent plus pernicieuses que les anciennes. Malgré donc ces répartitions, les problèmes ethniques et régionaux n'ont pas disparu. Le Sud craignait la tyrannie démographique du Nord, celui-ci regroupant 54 pour cent de la population. De son côté, le Nord redoutait la suprématie intellectuelle du Sud, dans la mesure où la région se montrait plus avancée sur le plan de l'éducation à l'occidentale et obtenait de la sorte davantage d'emplois tant dans la fonction publique que dans le secteur privé.
Le statut de l'indigénéité
Un fait est important et mérite d'être signaler dans le cas des conflits inter ethnique et religieux au Nigéria, c'est le statut de l'indigénéité.
En effet, Au Nigeria, l'indigène est celui qui peut prouver que ses parents proviennent de l'un des 36 Etats de la fédération dont il se réclame. Un natif de l'Etat de River, dans le sud aura beau vivre à Kano au Nord pendant plus de 30 ans, il y sera toujours considéré comme un étranger. La distinction date de 1970. Elle s'est accentuée ces quinze dernières années. En 1996, une commission à caractère fédérale (FCC) a vu le jour. Elle veille aux respects des droits des indigènes dans chaque Etat: emplois publics, bourses estudiantines etc. ils passent avant les étrangers .Avec l'augmentation du nombre des Etats de 19 à 36 de 1979 à 1996 le nombre d'indigènes et d'étrangers a mécaniquement augmenté les richesses en minerais de l'Etat du plateau majoritairement chrétien qui a toujours attiré les étrangers des autres régions pour la plupart.
La charia : pas l’unanimité
Jusqu'à la fin des années 1970, la religion ne constituait pas une source de tensions sérieuses. Mais en 1976 et 1977, puis en 1978 et 1979 la question de la charia est posée .Cela a ouvert la voie à un débat houleux. D'un jour à l'autre, la religion a fait irruption dans le discours politique. La tentative des Musulmans d'étendre la charia au-delà des questions personnelles et de celles qui sont liées à l'héritage, et d'instaurer une cour d'appel fédérale fondée sur le droit islamique, a été vivement contestée par les Chrétiens. En guise de compromis, des tribunaux islamiques et coutumiers ont été instaurés uniquement dans les États qui le souhaitaient.
La Cour d'appel fédérale a dû engager trois juges formés dans le domaine de la charia et du droit coutumier, et siégeant conjointement avec des juges appliquant la loi commune à la fédération.
En 1986 cependant, la nouvelle selon laquelle le Nigeria allait rejoindre l'Organisation de la conférence islamique (OCI) a déclenché une nouvelle crise, surtout entre Chrétiens et Musulmans. Réaffirmant sa neutralité confessionnelle, le pays ne s'est pourtant pas retiré de l'OCI. Entre 1980 et 2005, on a recensé plus de 45 conflits violents de nature confessionnelle au cours desquels des vies humaines ont été sacrifiées et des biens saccagés. Les tensions n'ont cessé d'empirer, notamment lorsqu'en 2000 l'État de Zamfara a étendu la charia aux questions pénales. Douze États du nord lui ont rapidement emboîté le pas en adoptant eux aussi la loi islamique. La violence engendrée par l'introduction de la charia dans l'État de Kaduna a provoqué des effusions de sang dans le sud-est du pays. La charia ne s'est cependant pas étendue aux autres États en raison de la structure fédérale du Nigeria et de leur autonomie.
Les tueries de Jos
Guerre politique ou religieuse ?
Les différentes tueries qui ont lieu à Jos sont la résultante de la complexité qui caractérise le Nigéria où s'imbrique un ensemble d’éléments confligènes et qui prennent en compte des éléments socioculturel, sociopolitique, socioreligieux et sociodémographique.
Des affrontements
chroniques et violents
Depuis les années 2000, la ville de Jos connaît une recrudescence d'affrontements qualifiés d'inter - religieux. Les violences dans cette région sont chroniques. Pour preuves, en novembre 2008,700 personnes ont été tuées. Le 1er décembre de cette même année en représailles, les troubles ethno - religieux ont fait 200 morts et 1500 personnes interpellées par les forces de l'ordre un mois auparavant. Au mois de janvier 2010, plus de 300 Fulanis sont tués à Jos par des Beroms. La dernière en date est très récente où 500 sédentaires beroms ont été massacrés par des éleveurs nomades de l'ethnie fulani (peule). Mais selon les spécialistes et les personnes proches de ce conflit, la fracture religieuse se superpose toujours à une autre aussi profonde, les rivalités entre indigènes et non indigènes.
La religion :
un faux argument
Ces tueries qui ont fait au moins 2000 morts dans la région au cours de la dernière décennie ont un vernis religieux par la force des choses, mais ne sont pas essentiellement fondés sur des fondements religieux comme le confirme des spécialistes et même des religieux aussi bien musulmans comme chrétiens. C'est le cas avec l'archevêque de Jos Mgr Ignatus Ayau Kaigama qui affirme:«Toutes ces escalades de violences traduisent la sensibilité et la susceptibilité qui sévissent dans cette région. Vu d'ici, la religion n'a rien à voir avec les violences. Pour le simple fait que le Nigeria est très homogène du point de vue religieux et partagé de manière égale entre musulmans et chrétiens »
Cette thèse est défendue par un autre évêque notamment Mgr John Onaiyekan, archevêque catholique d'Abuja qui dans une interview accordée à Radio Vatican, a abondé dans ce sens. « C'est une vengeance tribale. On ne se tue pas à cause de la religion, mais pour des revendications sociales, économiques, tribales, culturelles»
Dans le même sens, Lateef Adegbite, secrétaire général du Conseil suprême des affaires islamiques du Nigeria déclare : «Il ne s'agit pas d'une crise religieuse. La population de la ville de Jos est profondément divisée entre ethnies. Dans la région de Jos, les gens ne se battent pas pour le droit ou les lieux de prière ».
Les lignes de partage ethnique épousant les différences confessionnelles
Cependant même si le conflit n'est pas religieux comme le confirment les trois responsables religieux, il serait difficile d'écarter la religion dans la mesure où les différents belligérants sont des groupes ethniques qui sont liés à des religions. De manière effective, les éleveurs fulanis qui ont attaqué cette fois ci sont majoritairement musulmans et les agriculteurs Béroms majoritairement chrétiens.
Des problèmes de terre et conflit classique entre bergers et agriculteurs
Si la cause de cette tuerie n'est pas religieuse d'où provient-elle alors?
A ce niveau ressurgissent les problèmes de terre et d'indigénéité.
Et dans ce sens, il faut situer en premier lieu les problèmes de terre. Cette thèse est défendue par Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste des conflits en Afrique. Pour ce dernier, ce conflit est très loin d'être religieux. Réagissant sur Afrik.com, il a étalé avec assurance et subtilité sa thèse «ce n'est pas un conflit religieux. Dans ces affrontements communautaires, la religion est un étendard. Pour le cas de Jos, il s'agit plutôt de disputes pour l'accès à la terre sous la bannière religieuse. La région étant située dans une surface plutôt arable. L'enjeu ici se joue sur la terre et non ailleurs »
De manière concrète, les Beroms constituent l'un des principaux groupes ethniques de l'Etat du Plateau, mais ces éleveurs musulmans du Nord à la recherche de pâturages ont migré au cours des années dans cette région, située entre le Nord du pays à majorité musulmane et le Sud à majorité chrétienne.
Ces migrations ont entraîné des conflits liés à la terre, particulièrement fertile dans cette région. Les lignes de partage ethnique épousant les différences confessionnelles, les violences prennent souvent une coloration religieuse. "Il s'agit du conflit classique entre bergers et agriculteurs, mais les Fulanis tous musulmans et les Beroms tous chrétiens", a expliqué l'archevêque d'Abuja.
C'est encore cette même thèse que défend un autre spécialiste en l'occurrence Tajudeen Akanji, directeur du Centre pour la paix et la résolution des conflits à l'université d'Ibadan (ouest). "C'est un conflit entre locaux et nomades, qui a une coloration religieuse. Il y a un sentiment d'injustice chez les Beroms, qui craignent d'être dominés par les Hausa et Fulani musulmans»
Des problèmes
sociopolitiques
Il faut ajouter à cela les problèmes sociopolitiques. Dans ce sens un député de l'Etat du Plateau interrogé a aussi mis en avant des raisons politiques, évoquant notamment les frustrations de la communauté chrétienne. "A chaque fois qu'il y a une élection, ce sont les Hausa (ethnie musulmane) qui gagnent, c'est beaucoup plus difficile pour les natifs de la région", a indiqué cet élu sous couvert de l'anonymat. Aucun des administrateurs régionaux n'est berom, a-t-il relevé.
"C'est ethnique et politique, cela n'a rien à voir avec la religion", analyse pour sa part Sulaiman Nyang, spécialiste de l'Afrique et de l'islam à Howard University à Washington. "Certains au Nigeria ne veulent pas la stabilité, et jouent toutes sortes de jeux", a-t-il estimé.
Cette dimension du problème semble être partagée par Navi Pillay, haut commissaire aux droits de l'Homme: "Une meilleure sécurité est bien sûr vitale, mais ce serait une erreur que de décrire ces tueries comme des violences purement confessionnelles ou ethniques et de traiter ceci uniquement comme une question sécuritaire. Ce qui est le plus important, c'est un effort concerté pour traiter les causes sous-jacentes de ces flambées répétées de violences ethniques et religieuses qui ont éclaté au Nigeria ces dernières années, à savoir la discrimination, la pauvreté et les querelles foncières."
Le problème de l'indigénéité à l'échelle locale
La société est constituée des autochtones qu'on compte parmi les Béroms, (les Jarawas et les Anagutas) majoritairement chrétiens, et, des « colons » encore appelés « settlers » dont les Haoussas musulmans sont la charnière. Selon Sulaiman Nyang, les musulmans sont marginalisés et traités comme « des immigrés, des citoyens de seconde zone ». De fait, la constitution de 1999 censée protéger les droits de tous sur le plan national est de moins en moins respectée au niveau de la région. « Dans l'Etat du Plateau, où est située la ville de Jos, il y a un parti pris en faveur des chrétiens et les autorités régionales et territoriales qui sont souvent accusées de discriminations envers les musulmans, notamment en matière d'emploi, ou d'accès à la santé et à l'éducation ».
Crainte des représailles
Responsables communautaires, religieux et politiques craignent maintenant le cycle infernal des représailles. Le principal parti d'opposition du Nigéria c'est-à-dire Action Congress a mis en garde le gouvernement contre "l'impunité" dans la région, qui alimente les violences en ces termes "Les tueries sont plus politiques que religieuses (...) Le problème incombe au gouvernement. Il a le pouvoir d'arrêter et d'engager des poursuites. Il a la capacité et les ressources pour recueillir des renseignements, nous réclamons des actes concrets''
Des appels au calme
Devant ce drame des voix s'élèvent pour appeler les différents belligérants afin de mettre fin aux tueries. C'est le cas du gouverneur Jonah Jang de l'Etat du Plateau dans un discours radiotélévisé en ces termes "Je lance un appel à ce que nous entreprenions tous trois jours de jeûne pour implorer Dieu de nous pardonner nos péchés et ramener la paix, Notre Dieu est un Dieu de justice. Je pense qu'il a permis ceci avec un objectif". Espérons comme le souhaite le gouverneur Jonah Jang que les appels à Dieu seront compris par tous les belligérants et que les tueries prendront fin une fois pour toute dans ce pays souvent meurtri par ces querelles religieuses.
kemebram@hotmail.com
Sources de référence
1-URL: http://www.france24.com/fr /20100309-jos-affrontements-interethniques-religion-nigeria-laurent-fourchard
2- l'express.fr publié le 9 mars 2010 à 17h35 minutes mise à jour le 09 mars à 17 h 40 mn
Jacques Willy Ntoual : Nigeria: La terre fait des morts