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Art et Culture Publié le samedi 27 mars 2010 | Fraternité Matin

Patrimoine : les efforts de la directrice du musée de côte d`ivoire pour assurer la conservation

Quels sont les objectifs qui vous ont été assignés en arrivant à la tête du musée des civilisations de Côte d’Ivoire?

Les attributions de cette institution telles que cela nous a été défini, sont naturellement de promouvoir la culture de la Côte d’Ivoire, mettre en évidence la réalité culturelle spécifique à tous les peuples de ce pays. Nous sommes ici pour valoriser le patrimoine culturel, matériel et immatériel de la Côte d’Ivoire. Nous avons également pour mission d’encourager tout ce qui est fouille archéologique pour nous permettre d’avoir une pleine connaissance des potentialités dont regorge le pays. Bref, nous montrons ce que la Côte d’Ivoire a comme réalités culturelles spécifiques à chaque région.

Pensez-vous avoir atteint ces objectifs?

La tâche est immense. Certains ont commencé, nous sommes venue prendre le relais. Après nous, il viendra d’autres personnes. Nous essayons, par rapport à cette passion qui nous anime devant ce trésor archéologique, de faire ce que nous pouvons à notre humble niveau.

En venant dans cette institution, nous avions à cœur de lui conférer un statut parce qu’il fallait, en tant que musée national, que cette structure importante puisse asseoir sa crédibilité dans le champ muséal.

Que reste-t-il à faire et quels sont les moyens mis à votre disposition?

Le musée est un tout. En ce sens qu’il est un service qui comprend plusieurs départements.

Et sa mission première est la conservation. Les objets que nous avons sont en matériaux organique, végétal, animal. Leur entretien demande un certain doigté et surtout des moyens conséquents, adéquats. Tout ceci pour dire que la conservation coûte cher. Le musée des civilisations de Côte d’Ivoire relève du ministère de la Culture et de la Francophonie. Qui n’a pas toujours les moyens de relever tous les défis. Or, les moyens financiers constituent le nerf de la guerre.

Tout le monde s’accorde à dire et à reconnaître que la culture, c’est la base du développement. Mais que fait-on pour l’atteindre?

Il faut donner les moyens au ministère, pour que dans la répartition des enveloppes budgétaires, le musée des civilisations de Côte d’Ivoire soit à l’aise pour entreprendre toutes sortes d’activités.

Combien coûte l’entretien du musée par an?

Le mode conservatoire au niveau des objets prend en compte leur restauration et l’environnement qu’il faut créer pour leur garantir une longue durée de vie. Pour ce qui est de la prévention curative, il faut mettre les objets dans un certain conditionnement climatique. C’est dire qu’il faut des salles et des appareils adaptés. Il faut extraire également tout ce qu’il y a comme humidité, le gaz carbonique dans la salle. La chimie intervient dans le traitement des objets. Cela nécessite de grands appareils que nous n’avons pas ici.

Qu’en est-il du mode conservatoire?

Il coûte excessivement cher. L’appareil pour éliminer simplement tout ce qu’il y a comme microbe dans une salle, coûte 200 millions de F Cfa. Et cela dépasse le budget du musée qui est de moins de 70 millions. Il fut un moment où il était monté à 85 millions mais la crise aidant, il a été revu à la baisse. Nous espérons que cette année, nous aurons un peu plus.

Il faut savoir qu’en dehors des activités traditionnelles, les objets qui entrent au musée ont une identité. Il s’agit, entre autres, de l’âge, la provenance. Et tout ceci entre dans la documentation. On voit ensuite dans quel état sont les objets et comment assurer leur survie. Tout ce travail se fait dans les services de conservation. L’entretien des objets étant coûteux, notre ministère seul ne peut pas y parvenir. Il faut que les privés s’y mettent comme on le voit dans d’autres pays. De sorte que le musée des civilisations de Côte d’Ivoire puisse respecter les normes internationales de gestion et de fonctionnement.

Peut-on aujourd’hui dire, que l’Ivoirien sait ce qu’est un musée?

Quand nous sommes arrivée en 2006 à la tête de cette structure, nous avons réalisé des statistiques. A l’issue desquelles, nous nous sommes rendus compte que ceux qui visitent le plus le musée sont des touristes européens. Viennent ensuite les autres Africains et enfin les Ivoiriens. Mais avec la crise, les Européens ont déserté les lieux et les Ivoiriens ont, petit à petit, commencé à s’intéresser au musée.

Le taux de fréquentation avant notre arrivée se chiffrait à 5 000 - 8 000 entrées par an.

Nous avons mis en place une politique de cooptation de publics en élisant un ambassadeur du musée. Nous avons aussi installé le club des amis du musée composé en grande partie de toutes les associations de jeunesse. Et ce sont ces derniers qui vont dans les écoles et parlent de notre maison commune. Nous avons établi également un partenariat avec le monde de la presse, qui nous a valu d’y avoir de temps à autre, des temps de passage. Toutes ces actions font que le taux de fréquentation du musée s’accroît d’année en année. En 2007, on était à 9 000 entrées, puis à 12 000 en 2008 et à peu près à 17 000 en 2009.

Cette année, nous avons renforcé notre action en impliquant encore plus de jeunes qui sont en passe de créer leur bureau pour être plus efficaces. Car ils ont rallié les autres associations de l’intérieur. Donc nous osons croire que la tendance à la hausse du taux de fréquentation va se poursuivre.



Menez-vous d’autres actions pour vulgariser cette structure?

Il faut reconnaître qu’avec les partenariats passés avec l’Université, le département d’archéologie, d’anthropologie et autres grandes écoles, le musée est très sollicité. Et le nombre de stagiaires qui viennent chaque année va croissant. Il y a deux ans de cela, les Forces de défense et de sécurité nous avaient envoyé des militaires pour en savoir plus sur la conservation des documents. Cette politique d’ouverture vers ces entités, structures, publics, etc. montre que le musée est en train de sortir de l’ornière.

Nous avons aussi le volet animation, exposition, tout ce qui est vulgarisation. Ce sont les activités traditionnelles développées dans tous les musées.

Autres actions, nous avons élu un ambassadeur, Tchetché N’Guessan, pour mettre à la disposition du musée, son réseau relationnel et être facilitateur dans la recherche de financement. Il a été directeur général du Cepici avant de devenir membre de la Bad pour le compte de la Côte d’Ivoire. Il nous a d’ailleurs obtenu une aide de cette institution. Cela cadre avec notre vision et nous aide à atteindre nos objectifs.

Que fait concrètement le musée pour répondre aux attentes de son public?

Pour les intéresser à la chose, on a initié pêle-mêle la formation dans ce domaine. Avec la collaboration du Goethe institut, l’un de nos agents a bénéficié d’une bourse pour apprendre l’allemand. Ce, dans le cadre de son travail de guide dans la salle d’exposition. Il nous faut aussi des bourses pour apprendre l’anglais, l’espagnol et autres car les Occidentaux qui arrivent ne s’expriment pas tous en français.

Le musée des civilisations est le plus grand de Côte d’Ivoire et son envergure nationale commande qu’au niveau de la prestation de services, nous répondions à toutes les sollicitations qui nous sont faites.

Cette année, nous avons décidé d’aller vers des entreprises, dans le cadre de leur charte managériale. Pour ce qui est des institutions ou structures financières, nous communiquons sur les valeurs monétaires dont le poids à peser l’or. Qui démontre que depuis toujours, les Africains ont la culture de l’épargne. Sans oublier les valeurs telles que le respect de la hiérarchie, le courage, la solidarité, représenté par des objets au sein du musée et que nous enseignons dans les entreprises lorsqu’on sollicite notre expertise. Bref, nous faisons des expositions thématiques sur le musée et le développement dans la vie d’une entreprise. Il y a, en outre, la visite du musée par les élèves premiers de classes des établissements d’excellence.

Nous sommes en train de faire du musée quelque chose de consommable.

Le musée accueille-t-il des expositions internationales?

Grâce à sa politique d’ouverture, de vulgarisation, le musée a accueilli, en effet, des expositions internationales.

En juin 2009, nous avons accueilli une exposition de la Hollande précisément du musée Vlisco sur le wax, sous le parrainage et de la présence de la Première dame, Simone Ehivet Gbagbo. En juillet et août de la même année, il y en a eu une autre sur les objets archéologiques qui sont venus du musée de Latenium en Suisse, avec l’ambassade fédérale de Suisse. Il s’en est aussi tenue une récemment sur les 3000 ans de l’histoire du temple de Jérusalem. Ces expositions internationales témoignent du fait que le musée des civilisations de Côte d’Ivoire est entré dans le cercle des grands musées africains.

Quelle est la place d’un musée dans un pays?

A l’instar des pays industrialisés qui ont fait de la culture la priorité dans leur stratégie de développement, il faut que les pays africains comprennent qu’elle est un élément de développement et non des moindres. Aux Etats-Unis, on parle de plus de 500 000 musées, pour la seule ville de Berlin, on en dénombre 300, mais combien de musées avons-nous ici ? Heureusement qu’aujourd’hui, avec la direction du patrimoine du ministère de la Culture et de la Francophonie, on a mis en place un programme de création de musées régionaux dans notre pays. L’individu qui fréquente le musée, qui connaît sa culture apprend à respecter celui qui est face de lui, car la culture a cet avantage de nous inculquer des valeurs morales, telles que la tolérance, l’amour de l’autre, le don de soi, la patience, le respect, etc.

C’est-à-dire?

Or, aujourd’hui, avec tous ces bouleversements que nous connaissons dans la société, le musée a son rôle à jouer. C’est justement le sens de la stratégie que nous avons mise en place depuis 2006 avec «L’identité et brassage des cultures». C’est le fer de lance du ministère de tutelle et nous partageons cette vision pour rendre la chose réalisable.

Vous avez parlé de normes internationales, peut-on dire que le musée de Côte d’Ivoire y répond?

Les normes internationales de gestion prennent en compte plusieurs aspects. Tout à l’heure, on a évoqué le côté conservation où il faut un minimum.

Aujourd’hui, il a des déshumidificateurs, grâce à notre fondation dénommée Tapa, qui travaille en étroite collaboration avec le ministère de la Culture et de la Francophonie. Ce sont des appareils chargés de prendre la température de la salle pour en extraire toute l’humidité. Grâce à la Première dame, Simone Ehivet Gbagbo, la salle de l’exposition du musée est désormais climatisée. Bref, notre structure a fait peau neuve. Nous n’avons pour l’heure, pas de site Internet, mais nous disposons d’une adresse électronique.

Le musée, sans toutefois être forcément comme ceux des Occidentaux, respecte, en partie, les normes internationales. Cette année, grâce au projet d’investissement public, nous allons construire une salle annexe pour augmenter la capacité de la réserve.

Quels sont vos rapports avec les autres musées aussi bien au plan local qu’international?

Au plan local, nous sommes en contact avec tous les musées dont celui du costume de Grand-Bassam. Nous leur empruntons souvent des supports et vice versa. Nous sommes également en contact avec les musées de la sous-région. Nous participons à des séminaires organisés par la maison du patrimoine. Sans oublier le conseil international des musées qui nous rassemble par moments. Toutes ces organisations favorisent et renforcent les liens entre nous, notamment les échanges de compétences, de formations. Nous avons un partenariat avec le Quai Branly (échanges de matériel de formation) et un projet d’inventaire interne des collections du musée des civilisations. Il y a aussi l’université Senghor d’Alexandrie en Egypte. La Côte d’Ivoire compte par milliers des objets qui se retrouvent dans les musées étrangers. La plupart de ceux-ci appartiennent à la première génération, c’est-à-dire au 5e siècle. Nous ne savons pas comment ils sont partis. Mais la plupart sont des collections privées.

Interview réalisée par Marie-Chantal Obindé
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