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Art et Culture Publié le mercredi 21 avril 2010 | Débats Courrier d’Afrique

La publicité... : pour le meilleur et pour le pire

La publicité a envahi les sociétés au Sud comme au Nord. Elle s’est imposée à tous les humains et aucun secteur de la vie, privée comme publique, n’échappe aujourd’hui à ce monstre très habile, aux mille visages et tentacules, qui sait s’adapter selon les produits, les publics, les pays et les supports de diffusion.

La publicité est partout : dans les rues et dans les journaux, à la radio et à la télévision. Omniprésente, elle interfère pour le moins avec l’idée que l’Homme serait libre de vivre sa vie selon les fins qu’il s’en fixe et de choisir librement les moyens qu’il s’en donne. Que peut alors faire cet homme face à cette intrusion envahissante ? Comment peut-il réagir, sinon d’abord en en connaissant le fonctionnement.

Les origines et le développement de la publicité

« La publicité est une forme de communication, dont le but est de fixer l’attention d’une cible visée (consommateur, utilisateur, usager, électeur, etc.) pour l’inciter à adopter un comportement souhaité : achat d’un produit, élection d’une personnalité politique, incitation à l’économie d’énergie, etc. C’est aussi l’action de rendre public ou c’est l’état de ce qui est public ».1 C’est dès 1830 que le mot publicité est employé pour désigner cette technique qui utilise divers moyens et stratégies pour faire connaître alors des produits ou des entreprises commerciales au grand public. Son essor est lié au développement industriel. Il s’agissait, pour les fabricants, en situation de concurrence, d’attirer les faveurs des consommateurs sur leurs produits, essentiellement des biens de consommation ou des services.

Mais au 20ème siècle la publicité a élargi son champ d’action, appuyant aussi bien une campagne d’information sur les méfaits de l’abus d’alcool au volant, sur la conduite à tenir face à une pandémie, ou encore invitant le citoyen à payer ses impôts, ou à voter pour telle personnalité politique… Faire de la publicité, c’est engendrer une sorte de communication collective caractérisée par des jeux d’influence dont le but est de faire consommer un produit ou adhérer à un message. Trois catégories de supports y aident plus particulièrement : écrits et visuels (affiches, banderoles, pancartes, images, enseignes lumineuses, prospectus, brochures, etc.) ; auditifs (bande sonore, téléphone, radio, etc.) et enfin audiovisuels (télévision, internet, film, bande passante, etc.)

Comment opère-t-elle ?

Pour que leurs messages publicitaires atteignent efficacement leurs fins, les professionnels doivent les mettre en forme en mesurant leurs effets psychologiques, sociologiques et artistiques. La présentation d’un message passe par différents choix : quelle(s) image(s) ? quelle(s) couleur(s) ? quelle(s) police(s) ? quelle(s) taille(s) de police ? et quel agencement des éléments graphiques pour obtenir la réaction souhaitée ? …. Il faut tenir compte du public cible (son comportement, ses habitudes, son pouvoir d’achat, etc.) et enfin de la mentalité de ce public cible. C’est ainsi que pour vendre le même produit alimentaire, la même firme peut élaborer des messages radiodiffusés, des affiches ou des films publicitaires différents au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Mali à cause des traits qui distinguent les populations spécifiques de ces pays : la langue, les habitudes alimentaires et l’environnement seront des éléments clés de ce message ou de ce film.

Après avoir élaboré son produit publicitaire, selon les objectifs visés par l’annonceur et les moyens que celui-ci met à sa disposition, le spécialiste choisit le support et le moyen de diffusion appropriés. Cela peut aller de la simple affiche au spot télévisé en passant par la pancarte, l’enseigne lumineuse, l’encart dans un périodique, les « hommes-sandwichs », le spot radiodiffusé ou l’interview « commandée », etc. La période et le nombre de diffusions d’une publicité relèvent des stratégies de la communication publicitaire pouvant s’analyser en trois phases principales : de simple information, de suggestion et séduction, et enfin de conditionnement.

Les industriels ouvrent la voie…

S’agit-il simplement d’informer ? La publicité est alors régulièrement diffusée, pas forcément aux heures de grande écoute pour ce qui est de la télévision et de la radio. Dans ce cas, le consommateur est considéré comme un être raisonnable et conscient ; on fait appel à son bon sens et à sa logique pour accepter ou refuser le message ou le produit. Il est seul juge de ce qu’il veut faire face à un produit dont on lui vante les qualités. Cette phase d’information peut devenir rapidement persuasive puisqu’on met en avant les qualités d’un produit par rapport à d’autres qui existent sur le marché.

Complémentaire de la première, la deuxième phase consiste à susciter et entretenir chez le consommateur son envie et son désir. La diffusion du message s’étendra sur une période plus longue, à des heures précises où les auditeurs ou les téléspectateurs sont plus nombreux. L’annonceur s’efforce de maintenir le message le plus longtemps possible vivant dans l’esprit du consommateur ou de sa cible : la répétition pourrait peut-être avoir raison de sa résistance ou de sa méfiance à l’égard du produit en question ! Les spécialistes parlent alors de mécanisme A.I.D.A. (attirer l’Attention + susciter l’Intérêt + provoquer le Désir + déclencher l’Achat) qui retrace les différentes étapes de la persuasion : il faut convaincre à tout prix.

Enfin, la troisième phase, celle du conditionnement, se caractérise par son côté « choc », cherchant à frapper plutôt qu’à convaincre. Elle prend appui sur la théorie du conditionnement de Pavlov et sur le constat que « toute une partie du comportement économique n’est pas rationnelle et consciente, mais elle se déroule sur le plan de l’automatisme mental, rendant ainsi le consommateur plus vulnérable à la réclame »2. Les intervalles de diffusion sont plus rapprochés (10 à 15 minutes), sur une période plus ou moins longue. Dans cette phase, la possibilité n’est plus donnée au consommateur de penser, de réfléchir afin de faire son choix librement et en toute conscience ; servi à tout instant, le message s’apparente à une sorte de conditionnement. Le message publicitaire est souvent très court, rédigé de manière à capter tout de suite l’attention ; les images, minutieusement choisies, sont parfois violentes de sorte à s’incruster facilement dans le subconscient.

Pour mieux « appâter » son client, le publicitaire use de moyens pas nécessairement orthodoxes. Il travestit la réalité et crée un monde fictif dans lequel « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » : monde de rêve, rempli de couleurs, de gaieté, où tout est idyllique… Monde dans lequel le client, désireux de s’évader un peu de son monde ordinaire, aimerait justement se retrouver plus souvent. Une célèbre marque américaine de cigarette met ainsi en avant le goût de l’aventure à travers un film, un spot radiodiffusé et une grande pancarte qui reconstituent le paysage des films westerns avec des cow-boys, des chevaux et des étendues de plaines à perte de vue pour inviter à la découverte d’autres sensations. Une firme de chewing-gum a mis semblablement en scène la statue de la Liberté plongeant dans l’étendue d’eau qui l’environne pour exprimer la sensation de fraîcheur que la consommation de son produit procure.

Les politiques et les stars s’y engouffrent…

Après les industriels, c’est une autre catégorie de personnes qui utilisent la publicité pour se faire connaître et attirer l’attention ou la sympathie de la population : les hommes politiques, les vedettes du cinéma et de la musique ou encore les sportifs. Leur stratégie consiste à accorder ou à donner des interviews ou des conférences de presse dont les questions et les réponses sont soigneusement préparées par leur chargé de communication, en accord avec des journalistes choisis à l’avance. Au cours de ces rencontres dont la durée est minutée à la seconde près, l’acteur principal (l’homme politique ou la vedette) ne dit pas un mot de plus que ce qui est prévu. Il connaît son texte par cœur et ne s’en détache presque jamais. S’il venait à perdre le fil conducteur de ses propos, son équipe est à l’affût pour le remettre sur les rails. Parfois, on a même recours à des souffleurs ou à des oreillettes pour communiquer directement avec lui, en cas de problème. A y voir de près, les interviews et les conférences de presse sont des mises en scène dont le seul objectif est de donner à entendre ou à lire une opinion que l’on veut faire partager, voire imposer. Un journaliste indélicat voudrait-il poser une question embarrassante, on trouve le moyen de l’esquiver astucieusement. Tous les moyens sont bons pour parvenir à la notoriété et à la gloire. Le même mode de communication est utilisé par les institutions qui « vendent » leurs idées et leur savoir-faire à travers des films dont le contenu est savamment étudié pour promouvoir leur image ou sensibiliser.

… les religions ne sont pas en reste !

André Malraux aurait dit que le 21ème siècle serait spirituel ou ne serait pas… La création de nouveaux courants religieux et la prolifération des sectes lui donneraient-elles raison ? Les responsables religieux ont en tout cas de plus en plus recours à la publicité pour attirer les fidèles - comme les annonceurs de biens de consommation. De très importants moyens financiers sont mis en œuvre pour créer des chaînes de télévision, de radio, ou des imprimeries qui diffusent leurs messages, gratuitement. Le Brésil en est l’exemple le plus palpable, avec un grand nombre de télévangélistes. L’Afrique n’est pas épargnée par ce regain de religieux se lançant dans la publicité : tous les jours des affiches et de grandes pancartes annoncent des campagnes d’évangélisation ou des séances de prière promesses de miracle et de guérison. Tout se vend et tout a un prix, même le « sacré ».

Quête de bien-être et nouveaux styles de vie

Quelle que soit sa forme, la publicité coûte cher et mobilise de grands moyens techniques et humains - faisant appel à divers spécialistes : publicitaire, infographe, dessinateur, photographe, cadreur, monteur, etc. Les grandes firmes lui consacrant entre 10 et 25% de leur budget annuel, la publicité crée des emplois et est génératrice de revenus.3 La publicité ou la réclame pouvant améliorer de nombreux domaines de la vie quotidienne, le consommateur se voit proposer chaque jour des produits alimentaires, électroménagers, mécaniques, automobiles, téléphoniques, sanitaires même.

Mais au-delà des produits commerciaux, les annonceurs ont aussi le souci de proposer aux consommateurs des produits de qualité susceptibles de contribuer à leur bien-être : ils investissent, nombreux, en sponsorisant ou en parrainant diverses manifestations et activités dans les mondes du sport, des spectacles, de la culture et des arts. Banques et compagnies de téléphonie mobile, de cigarettes ou de boissons alcoolisées sont très actives dans les secteurs du sport et du spectacle. La publicité est alors révélatrice de nouveaux styles de vie et, façonnés par elle, les individus changent de comportement et adoptent de nouvelles manières d’être et de vivre. La publicité va jusqu’à créer de quelque manière un nouveau type d’individu.

La publicité peut contribuer positivement à améliorer la condition humaine, mais elle est aussi largement décriée pour toutes ses contributions, jugées négatives pour le bien-être de l’homme : la surconsommation, la civilisation du jetable (emballages perdus non recyclables), la dégradation de l’environnement... le manque d’information sur la consommation abusive de produits dangereux pour la santé (alcool et tabac)…

Face à la pression publicitaire : la liberté de l’homme

De manière récurrente, se trouve de plus en plus souvent posée une question : celle de la liberté de l’homme face à la publicité. Chacun peut dire se sentir libre, et opérer ses choix en toute connaissance de cause. Mais personne sans doute ne pourrait nier qu’il est aussi largement déterminé dans ses choix par les offres publicitaires et les conditions dans lesquelles ces offres lui sont « proposées ».

On sait l’importance aujourd’hui dans la société en général, dans les foyers et dans les lieux de travail en particulier, des médias : presse écrite, radio, télévision, internet. Le nombre de quotidiens a été multiplié par 10 voire 20 ou plus dans certains pays, de plus en plus distribués gratuitement. Les grandes artères et les rues de nos villes sont bordées de pancartes vantant les qualités de tel ou tel produit, les mérites de tel ou tel homme ou parti politique à l’approche des échéances électorales. La publicité est partout, parfois discrète, parfois envahissante, et il serait évidemment impensable d’envisager sa suppression. Sa réglementation serait difficile en Afrique. En France, le président Nicolas Sarkozy a décidé sa suppression sur les chaînes du service public : l’annonce en a été mal accueillie et il a fallu des campagnes d’explication, des débats houleux au parlement, et la recherche de solutions compensatoires et de garanties de financement du service public pour enfin arriver à l’application de cette décision.4
Médias, annonceurs et consommateurs restent attachés à la publicité, chaque partie en tire profit. Triomphant sur tous les plans, où s’arrêtera la publicité qui ne se donne pour l’instant aucune limite et transgresse aisément des lois et des principes qu’on pourrait considérer comme sacrés ? Face à sa puissance, la liberté de l’homme est en danger et ce ne sont pas les progrès des médias en matière de technologie qui garantiront le libre arbitre. Dans le champ réduit qui est le sien, sous influence, soumise à une médiatisation souvent tapageuse de la part de certains annonceurs, et ne trouvant pas aisément le pouvoir de lui résister, la liberté de chacun, jamais indifférente au message publicitaire, est souvent conduite à y adhérer.

Face à cette « agression », certains Etats ont mis en place des instances de régulation de la publicité qui statuent sur le contenu des messages publicitaires et les effets qu’ils peuvent avoir sur les populations. Des messages ont été retirés des antennes ou des rues après quelques temps de diffusion. Poursuivie avec une plus grande rigueur, et complétée par une éducation de la population au décryptage des messages publicitaires, cette politique permettrait au consommateur de faire des choix raisonnés, basés sur ses besoins réels et non ceux que la publicité voudrait créer pour lui. Seule une bonne éducation à la publicité et le respect d’une éthique de la publicité aideront l’homme à préserver sa liberté face à la multiplicité des choix qui lui sont offerts.

François YAOVI
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