Partis de Yamoussoukro, une heure plus tôt, ce dimanche 11 avril 2010, il est 15h précises lorsque nous marquons l’arrêt à l’entrée de Kokumbo, dans le département de Toumodi. Le panneau qui indique l’entrée de la ville est altéré par le temps. Des lettres manquent à la désignation de la cité. Juste après l’indication, le visiteur est frappé par une belle statue, à l’effigie d’un chasseur, fusil à l’épaule. Il s’agit de Nanan Kouakou Seh, qui a fondé la ville en 1820. Pour l’histoire, ce chasseur parti à la recherche de gibiers sur les plateaux de cette cité aurifère, serait tombé sur un tas de lingots d’or. Il s’y est installé, créant ainsi Kokumbo. A quelques mètres de cette œuvre, toujours en bordure de route, reste bien visible, le cimetière. L’endroit ne semble pas bien entretenu, avec les hautes herbes qui l’envahissent. En premier plan, une tombe remarquable. Naguère blanche, la peinture a été altérée par l’usure du temps. Les couronnes sont fanées, jaunis fortement. A les voir, on comprend qu’elles ont été déposées là depuis belle lurette. Même l’écriteau du “Fan club” a subi le règne de la dégradation. C’est l’épitaphe, encore lisible, qui donne l’identité de l’illustre personnalité qui repose en ce tombeau : «Roger Fulgence Edmond Kassy, 16- 11- 1955/ 20- 01- 1989. Dieu est un amour éternel». Oui, nous sommes sur la tombe de l’animateur émérite, créateur des émissions à succès comme Podium, Nandjélet, Supers Stars Station, «A vous de choisir »…. 21 ans après la disparition de l’idole des jeunes ivoiriens et même Africains, que reste-il de l’héritage de FUL ? A-t-il construit des maisons pendant son existence, contrairement aux dires d’une certaine opinion ? Que deviennent sa mère, ses frères et sœurs ? Que représentait Fulgence Kassy pour les populations de Kokumbo ? Quelles sont les réalisations à son actif, avant la date de triste mémoire du 20 janvier 1989, où l’animateur de grande frappe a été arraché à l’affection des siens et de la Côte d’Ivoire ? Comment Kokumbo vit désormais sans Fulgence Kassy ? Pendant que nous étions emporté par ces pensées, un jeune homme nous interpelle en ces termes : “Si vous voulez en savoir plus sur Fulgence Kassy, approchez le président des Jeunes, Kan Jean Cyrille, qui est également le porte- canne du chef de Kokumbo” et cousin de FUL, tout en nous indiquant son domicile, à moins de 500 mètres du cimetière. Sur les lieux, nous rencontrons une femme, en train de préparer de l’Attiéké.
“La mort de Ful
nous a cassés”
C’est la mère de Kan Jean Cyrille. Elle nous apprend que son fils est parti tôt le matin à Kimoukro, situé à 4 kilomètres de Kokumbo. Que faire ? Faut-il l’attendre alors que sa mère n’est pas assez informée sur son retour ? Nous décidons d’aller à sa rencontre. Son oncle, Noel Kouamé Konan alias TP se propose de nous y accompagner. La cinquantaine passée, TP est un condisciple de FUL. Il se souvient encore des vacances scolaires qu’il passait avec Roger Fulgence Kassy, à Kokumbo et à Bouaké. 21 ans après, notre guide d’un après midi ensoleillée semble encore sous le choc du rappel à Dieu de l’artiste : “Sa mort nous a cassés. Si Ful était encore vivant, Kokumbo aurait connu un réel développement. C’est une grande perte pour la ville. Ful était le plus illustre des fils de la région. Kokumbo a beaucoup de cadres mais ils ne font rien pour la ville. Ful nous a levé le bras. Vous comprenez la grande tristesse qui continue d’habiter les populations”. Après un long soupir, expression d’un grand désenchantement, TP ajoute, comme pour faire mentir ceux qui affirmaient que le célèbre animateur n’a pas bâti à Kokumbo : “Il a commencé à construire trois villas mais malheureusement, il n’a pu les achever avant de mourir”. Il est 15h26 ce dimanche quand nous marquons l’arrêt à Kimoukro, à la recherche du président des jeunes de Kokumbo. Cette bourgade d’une grande proprété accueille une partie de la famille Kassy. C’est également le village maternel de Félix Houphouët- Boigny. En ces lieux, se trouve encore la maison de la mère du premier président ivoirien, Kimou N’dri. Mythe ou réalité ? Le doyen Kouadio Germain, très volubile, nous indique même un endroit où serait enterré le cordon ombilical du « bâtisseur de la Côte d’Ivoire moderne ». Assis au milieu d’anciens cadres du village et de jeunes agriculteurs, il nous donne l’autorisation de retourner à Kokumbo, avec Kan Jean Cyrille, pour le reste de notre mission. Non sans nous inviter à passer la nuit dans son village. « Faites comme chez vous mais n’oubliez pas que vous n’êtes pas chez vous », dit-il avec un grand rire. Vraiment sympathique ce Kouadio Germain ! La montre affiche 16H20 quand nous arrivons chez le Chef de Kokumbo, Nana Boleh Kouadio, à l’Etat civil Konan Kouadio Martin, qui réside au quartier GLA. Quelques minutes plus tard, nous sommes rejoints par le jeune frère du chef, Konan Okou. Dans la tradition, il n’est pas possible pour nous de visiter Kokumbo, encore moins de rendre visite aux parents de Fulgence Kassy, sans l’onction du Chef Nana Boleh Kouadio. Il faut une cérémonie particulière pour bénéficier de la caution des ancêtres et pour « assurer » notre marche. Dans la cour du chef, le moment est solennel. Toute la cour est en place. Kan Jean Cyrille, par ailleurs, porte- canne du Chef, sert également d’interprète. Il exprime l’objet de notre visite à Kokumbo. Nana Boleh Kouadio acquiesce de la tête. Comme le Chef ne parle pas dans nos cultures si différentes mais si convergentes, Kan Jean Cyrille exprime sa pensée : “Je vous remercie mes enfants, soyez les bienvenus. Si vous n’aimiez pas Fulgence Kassy, vous ne seriez pas venus jusqu’ici. Nous allons vous bénir pour que vos activités se déroulent bien et que la mission n’ait aucun accroc, afin de porter haut et loin, le nom de notre digne fils. Il ne faut pas que la Côte d’Ivoire oublie Fulgence Kassy. Pour les habitants de Kokumbo, c’est un fils irremplaçable. J’accepte que mon porte- canne vous accompagne”. Nous offrons une bouteille de GIN et la somme de cinq mille francs au Chef, de façon symbolique. Nana Boleh Kouadio accepte les présents et invite son jeune frère Konan Okou, a demandé la clémence des ancêtres. Celui-ci fait une libation précise, en rappelant la lignée de la chefferie avec respect et déférence. Une bibliothèque vivante et une mémoire très alerte, en dépit de l’âge
RFK, les marques d’une symphonie inachevée
Nous prenons congé du chef, en promettant d’y revenir, avant de quitter Kokumbo. Le soleil amorce sa marche vers le coucher quand nous atteignons le quartier Gare. Là bas se trouve la maison familiale des Kassy. Une modeste maison, avec des dépendances. Les femmes sont à la cuisine, s’activant à préparer le repas du soir. La mère de Fulgence Kassy n’y habite plus.
Selon notre guide, quand Maman N’Goran Aya Pauline surnommée Aya N’GO (femme claire en baoulé), est dans cette maison, elle ne finit pas de pleurer, pensant sans cesse à son fils disparu. Elle a bien raison, en ce quartier, se trouvent concentrées, les marques vivantes du passage terrestre de Roger Fulgence Kassy. En face de la cour familiale, se pose une grande place, que les jeunes de Kokumbo, ont nommée “la place RFK”, en attendant son érection par la municipalité. Derrière, on découvre un petit stade poussiéreux où les jeunes du quartier jouent régulièrement au “maracana”. Selon le président des jeunes, tous les week-end quand il était à Kokumbo, Fulgence Kassy venait jouer au football, avec eux, avec son grand humour et son humilité, malgré son statut d’icône et de star fortement adulée. A gauche du petit terrain, se dresse les murs des deux villas jumelées que FUL avait commencées à construire, autour des années 83- 84, avant de quitter le monde des vivants. Quel gâchis ! Vingt et un ans après que la vie de l’illustre animateur soit signée à jamais, le spectacle est désolant. La brousse avec ces hautes herbes règne sans partage en ces lieux. Les murs sont usés par le temps et les margouillats et autres insectes y ont élu domicile. Tout le signe de la vacuité de la nature humaine. Les hommes croient vivre éternellement, pour accomplir de grandes œuvres or la mort rode en permanence, pour éventrer les espoirs. Autre endroit, même décor. Au quartier Marché, en bordure de route, se dresse également une bâtisse de RFK. Celle-ci était pratiquement terminée, avant le dernier souffle de Ful. Il ne lui reste que la toiture, les portes et les fenêtres. Hélas, le propriétaire n’est plus là, pour parachever son travail. Jaunies par le temps, avec des moisissures en de nombreux endroits, les maisons de Ful attendent leur finition. Que de tristesse et de saisissement, en les visitant, de fond en comble ! On y sent les signes d’une main d’artiste, aux goûts raffinés et à la vision, bien que moderne, prend ancrage dans la tradition. Construire pour donner l’exemple aux jeunes. Qui a dit que Ful n’avait rien fait dans son village ? Qui voulait salir la mémoire de cet homme populaire, après tous les ragots qui ont entouré sa maladie et sa disparition ? Kan Jean Cyrille est comblé : “Si tout le monde pouvait faire comme vous ! Vous êtes venu et vous avez vu la réalité des choses”. Avant de quitter Kokumbo, nous avons rencontré la mère de Fulgence Kassy et dit au revoir au sympathique chef, Nana Boleh Kouadio, qui n’a pas manqué de nous dire de revenir une autre fois. Pour nous réserver un accueil encore plus chaleureux et plus convivial.
Bakary Nimaga
“La mort de Ful
nous a cassés”
C’est la mère de Kan Jean Cyrille. Elle nous apprend que son fils est parti tôt le matin à Kimoukro, situé à 4 kilomètres de Kokumbo. Que faire ? Faut-il l’attendre alors que sa mère n’est pas assez informée sur son retour ? Nous décidons d’aller à sa rencontre. Son oncle, Noel Kouamé Konan alias TP se propose de nous y accompagner. La cinquantaine passée, TP est un condisciple de FUL. Il se souvient encore des vacances scolaires qu’il passait avec Roger Fulgence Kassy, à Kokumbo et à Bouaké. 21 ans après, notre guide d’un après midi ensoleillée semble encore sous le choc du rappel à Dieu de l’artiste : “Sa mort nous a cassés. Si Ful était encore vivant, Kokumbo aurait connu un réel développement. C’est une grande perte pour la ville. Ful était le plus illustre des fils de la région. Kokumbo a beaucoup de cadres mais ils ne font rien pour la ville. Ful nous a levé le bras. Vous comprenez la grande tristesse qui continue d’habiter les populations”. Après un long soupir, expression d’un grand désenchantement, TP ajoute, comme pour faire mentir ceux qui affirmaient que le célèbre animateur n’a pas bâti à Kokumbo : “Il a commencé à construire trois villas mais malheureusement, il n’a pu les achever avant de mourir”. Il est 15h26 ce dimanche quand nous marquons l’arrêt à Kimoukro, à la recherche du président des jeunes de Kokumbo. Cette bourgade d’une grande proprété accueille une partie de la famille Kassy. C’est également le village maternel de Félix Houphouët- Boigny. En ces lieux, se trouve encore la maison de la mère du premier président ivoirien, Kimou N’dri. Mythe ou réalité ? Le doyen Kouadio Germain, très volubile, nous indique même un endroit où serait enterré le cordon ombilical du « bâtisseur de la Côte d’Ivoire moderne ». Assis au milieu d’anciens cadres du village et de jeunes agriculteurs, il nous donne l’autorisation de retourner à Kokumbo, avec Kan Jean Cyrille, pour le reste de notre mission. Non sans nous inviter à passer la nuit dans son village. « Faites comme chez vous mais n’oubliez pas que vous n’êtes pas chez vous », dit-il avec un grand rire. Vraiment sympathique ce Kouadio Germain ! La montre affiche 16H20 quand nous arrivons chez le Chef de Kokumbo, Nana Boleh Kouadio, à l’Etat civil Konan Kouadio Martin, qui réside au quartier GLA. Quelques minutes plus tard, nous sommes rejoints par le jeune frère du chef, Konan Okou. Dans la tradition, il n’est pas possible pour nous de visiter Kokumbo, encore moins de rendre visite aux parents de Fulgence Kassy, sans l’onction du Chef Nana Boleh Kouadio. Il faut une cérémonie particulière pour bénéficier de la caution des ancêtres et pour « assurer » notre marche. Dans la cour du chef, le moment est solennel. Toute la cour est en place. Kan Jean Cyrille, par ailleurs, porte- canne du Chef, sert également d’interprète. Il exprime l’objet de notre visite à Kokumbo. Nana Boleh Kouadio acquiesce de la tête. Comme le Chef ne parle pas dans nos cultures si différentes mais si convergentes, Kan Jean Cyrille exprime sa pensée : “Je vous remercie mes enfants, soyez les bienvenus. Si vous n’aimiez pas Fulgence Kassy, vous ne seriez pas venus jusqu’ici. Nous allons vous bénir pour que vos activités se déroulent bien et que la mission n’ait aucun accroc, afin de porter haut et loin, le nom de notre digne fils. Il ne faut pas que la Côte d’Ivoire oublie Fulgence Kassy. Pour les habitants de Kokumbo, c’est un fils irremplaçable. J’accepte que mon porte- canne vous accompagne”. Nous offrons une bouteille de GIN et la somme de cinq mille francs au Chef, de façon symbolique. Nana Boleh Kouadio accepte les présents et invite son jeune frère Konan Okou, a demandé la clémence des ancêtres. Celui-ci fait une libation précise, en rappelant la lignée de la chefferie avec respect et déférence. Une bibliothèque vivante et une mémoire très alerte, en dépit de l’âge
RFK, les marques d’une symphonie inachevée
Nous prenons congé du chef, en promettant d’y revenir, avant de quitter Kokumbo. Le soleil amorce sa marche vers le coucher quand nous atteignons le quartier Gare. Là bas se trouve la maison familiale des Kassy. Une modeste maison, avec des dépendances. Les femmes sont à la cuisine, s’activant à préparer le repas du soir. La mère de Fulgence Kassy n’y habite plus.
Selon notre guide, quand Maman N’Goran Aya Pauline surnommée Aya N’GO (femme claire en baoulé), est dans cette maison, elle ne finit pas de pleurer, pensant sans cesse à son fils disparu. Elle a bien raison, en ce quartier, se trouvent concentrées, les marques vivantes du passage terrestre de Roger Fulgence Kassy. En face de la cour familiale, se pose une grande place, que les jeunes de Kokumbo, ont nommée “la place RFK”, en attendant son érection par la municipalité. Derrière, on découvre un petit stade poussiéreux où les jeunes du quartier jouent régulièrement au “maracana”. Selon le président des jeunes, tous les week-end quand il était à Kokumbo, Fulgence Kassy venait jouer au football, avec eux, avec son grand humour et son humilité, malgré son statut d’icône et de star fortement adulée. A gauche du petit terrain, se dresse les murs des deux villas jumelées que FUL avait commencées à construire, autour des années 83- 84, avant de quitter le monde des vivants. Quel gâchis ! Vingt et un ans après que la vie de l’illustre animateur soit signée à jamais, le spectacle est désolant. La brousse avec ces hautes herbes règne sans partage en ces lieux. Les murs sont usés par le temps et les margouillats et autres insectes y ont élu domicile. Tout le signe de la vacuité de la nature humaine. Les hommes croient vivre éternellement, pour accomplir de grandes œuvres or la mort rode en permanence, pour éventrer les espoirs. Autre endroit, même décor. Au quartier Marché, en bordure de route, se dresse également une bâtisse de RFK. Celle-ci était pratiquement terminée, avant le dernier souffle de Ful. Il ne lui reste que la toiture, les portes et les fenêtres. Hélas, le propriétaire n’est plus là, pour parachever son travail. Jaunies par le temps, avec des moisissures en de nombreux endroits, les maisons de Ful attendent leur finition. Que de tristesse et de saisissement, en les visitant, de fond en comble ! On y sent les signes d’une main d’artiste, aux goûts raffinés et à la vision, bien que moderne, prend ancrage dans la tradition. Construire pour donner l’exemple aux jeunes. Qui a dit que Ful n’avait rien fait dans son village ? Qui voulait salir la mémoire de cet homme populaire, après tous les ragots qui ont entouré sa maladie et sa disparition ? Kan Jean Cyrille est comblé : “Si tout le monde pouvait faire comme vous ! Vous êtes venu et vous avez vu la réalité des choses”. Avant de quitter Kokumbo, nous avons rencontré la mère de Fulgence Kassy et dit au revoir au sympathique chef, Nana Boleh Kouadio, qui n’a pas manqué de nous dire de revenir une autre fois. Pour nous réserver un accueil encore plus chaleureux et plus convivial.
Bakary Nimaga