Mon Général, une Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre existe désormais en Côte d’Ivoire. Comment a-t-elle vu le jour? Comment le choix s’est-il porté sur vous pour être le tout premier président de cette structure étatique?
Comme vous le savez, la Côte d’Ivoire fait partie de l’espace Cedeao. Sous la houlette du Président malien, Alpha Oumar Konaré qui était le précurseur de cette affaire, les Chefs d’Etat se sont rendus compte qu’il y a trop d’armes en circulation dans nos régions. Et celles-ci déstabilisaient les Etats, augmentaient la criminalité transfrontalière et la criminalité violente.
Ils ont donc mis en place en 1998, le moratoire de la Cedeao sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères. C’était un engagement politique des Etats. Il fallait le mettre ensuite en exécution. Il y a donc le Code de conduite qui a été signé en 1999 à Lomé (Togo). Et c’est celui-ci qui a décidé la mise en place des Commissions nationales au niveau des 15 Etats de la Cedeao.
La Commission nationale a donc une vocation sous- régionale. C’est vrai que nous luttons au plan national, mais nous avons des missions communes au plan sous-régional.
Concernant ma nomination, je pense que c’est un acte de confiance de ma hiérarchie qui, sûrement, a pensé que j’avais les compétences nécessaires puisque depuis 1989, je suis dans les grandes instances de directions de la police.
Qui peut être membre de la Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères?
Nous avons, à la Comnat: les membres permanents et ceux qui sont désignés par les Institutions telles que l’Assemblée nationale et les ministères concernés dont celui de l’Economie et des Finances. Lesquels ministères sont listés au niveau du décret de création.
La Comnat a organisé, récemment, à Grand-Bassam, un séminaire. Quel objectif visait-il?
Je dois vous dire que le Président de la République, Laurent Gbagbo, dans sa volonté de mettre en œuvre les dispositions pertinentes du Moratoire et de la Convention de la Cedeao sur les armes légères et de petit calibre, et de renforcer la lutte contre les Alpc, a signé le décret portant création, attributions et fonctionnement de la Commission nationale de lutte contre ces armes. Ainsi, dans le but de développer une convergence de compétences et une synergie d’actions des membres de cette Commission, et de tous les acteurs impliqués dans la lutte, un atelier s’est tenu du 3 au 5 mai 2010. Il a réuni les membres et personnel de la Comnat (comité interministériel), les partenaires et acteurs nationaux et internationaux impliqués dans la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre en Côte d’Ivoire avec l’appui technique d’experts. Il fallait une mise à niveau de tous les membres. C’est une sorte de formation pour qu’ensemble, nous puissions parler le même langage. L’objectif de cet atelier, était de sensibiliser tous les participants aux rôle et responsabilités de la Commission nationale, créer un environnement propice à la cohésion et une conjugaison des performances des acteurs pour une Commission efficace et, renforcer les capacités de ses membres et des acteurs impliqués dans la problématique des armes légères et de petit calibre (Alpc). A cet effet, nous avons eu plusieurs exposés des experts en la matière.
On peut donc dire aujourd’hui que tous les membres de la Commission sont outillés pour s’attaquer à la tâche qui les attend…
C’est une matière spécifique. Je pense que d’aucuns savaient de quoi on parlait, d’autres n’en savaient certainement pas grand-chose. Ce genre de formation doit se faire de façon régulière. Au terme de cet atelier, on peut dire que les enjeux et défis de la Commission sont partagés, les membres s’approprient les missions et vont s’y engager.
Avant cette rencontre de Grand- Bassam, vous avez procédé, le 13 janvier dernier, au lancement d’une campagne de sensibilisation de trois mois dont le slogan était: «Mon arme, c’est le vote». Les résultats sont-ils disponibles? Si oui, quels sont-ils? Si non, pourquoi?
Vous savez qu’en Afrique, les élections sont généralement source de tension, de manifestations violentes voire de conflits armés. C’est ainsi que nous avons essayé de faire une campagne de sensibilisation en direction des jeunes, des journalistes (grands vecteurs d’éducation et de sensibilisation), des ex-combattants, des groupes de défense et des forces de défense et de sécurité. En se référant aux vœux de 2010, tout le monde a appelé la paix de tout son cœur. Notre mission était de concrétiser cet ensemble de vœux en essayant de créer un environnement propice à la paix pendant les élections. Malheureusement, cette sensibilisation a été suspendue. Nous avions bien commencé (nous avons été à Yamoussoukro et Bouaké), mais compte tenu de la dissolution de la Commission électorale indépendante (Cei) et du gouvernement en février dernier, nous avons été obligés d’attendre un peu. Dès que l’on donnera la date de l’élection présidentielle, nous reprendrons cette campagne.
Peut-on lutter contre la circulation illicite des armes légères dans un pays en crise comme le nôtre?
Les armes légères et de petit calibre illicites n’ont pas été la cause de la crise en Côte d’Ivoire. Mais leur circulation illicite a contribué à son amplification, sa dramatisation. Vous savez maintenant que les conflits ne sont plus inter- étatiques. Ils sont devenus inter- communautaires. Par exemple, aujourd’hui, dans nos régions, pour un problème de terre, on n’a plus recours au chef du village ou de canton, cela se règle à coups de machette. Les journaux nous apprennent que pour une cigarette, celui qui détient une arme, la sort et abat l’autre. Donc je pense que décider de lutter contre les armes légères en circulation illicite, c’est vouloir la paix. Nous ne sommes plus en guerre. Nous essayons de consolider la paix qui est très fragile en ce moment. Il faut donc s’attaquer aux armes légères et de petit calibre en circulation illicite. Et, pour cette période de sortie de crise, il importe de s’investir concrètement dans le processus de paix en Côte d’Ivoire. Il faut s’attaquer aussi à l’usage abusif desdites armes, comme je l’ai dit tantôt, qui doit être pris en compte dans la réforme du secteur de la sécurité en Côte d’Ivoire.
La circulation des armes est-elle un phénomène nouveau au point que l’Etat ivoirien décide maintenant de la combattre?
Non, ce n’est pas un phénomène nouveau. Et je ne crois que ce soit maintenant qu’on ait décidé de le combattre. Je vous ai parlé tout à l’heure du Moratoire qui date de 1998 et de son Code de conduite de 1999, ces deux instances qui ont décidé de la mise en place des Commissions nationales. Bien avant la crise de 1999, au niveau du Conseil national de sécurité dirigé par le général Tanny, on parlait de la mise en place de la Commission nationale. Quand on m’a nommé, j’ai trouvé des textes. Donc je pense que la volonté politique n’a pas manqué. Mais tout était urgent après la crise de 1999 et celle de 2002 qui a divisé le pays en deux.
Comment cette lutte va-t-elle se faire concrètement. Les gens vont-ils, volontairement, déposer les armes ou allez-vous fouiller les maisons?
Les deux procédés pourront être utilisés. C’est tout un processus, le désarmement des civils. En effet, il y a d’abord la sensibilisation. Elle est tous azimuts. Le Rasalao nous appuie dans ce sens. Après la sensibilisation, il y aura le renforcement de la législation qui va prendre en compte le marquage, le traçage et l’enregistrement. Ensuite, il y aura une période d’amnistie. Ce n’est qu’en ce moment que nous allons demander aux Ivoiriens de venir déposer les armes. Ce sera volontaire. Il y aura plusieurs possibilités. On ira même à ce qu’on appelle «arme contre développement». En ce moment-là, celui qui ne veut déposer son arme, s’exposera à la rigueur de la loi.
C’est donc un long processus…
Nous sommes une structure pérenne. Nous venons de commencer. Nous voulons aller lentement mais sûrement. Pour appliquer la loi, notre structure va travailler en synergie avec les Forces de défense et de sécurité qui vont, dans ce domaine, apparaître comme notre bras séculier.
Peut-on avoir une idée du nombre d’armes illicites qui circulent en Côte d’Ivoire et quelles en sont les principales causes?
Vous connaissez la position criminogène de la Côte d’Ivoire. Nous avons attiré beaucoup de monde. De par sa situation géographique, la Côte d’Ivoire a «connu» la guerre du Liberia et celle de la Sierra Leone. Ces deux guerres civiles ont été des facteurs d’aggravation de la crise ivoirienne sans oublier que depuis 1999, notre pays connaît une instabilité politico-militaire dont le point culminant a été atteint le 19 septembre 2002. Il faut dire aussi que nos frontières sont poreuses. Et quand on sait qu’une arme est facilement portable, dissimulable et ne coûte pas cher, on peut la transporter sans problème.
En outre, nous avons connu nous-mêmes en Côte d’Ivoire, la crise. En 1999, on a fait sauter des poudrières, des armes ont été cachées. Donc le circuit licite a enrichit l’illicite. Il faut dire aussi que les armes même constituent une source de revenus. Ceux qui en ont s’en servent, dans leur grande majorité, pour avoir leur pain quotidien. Toutes ces causes font que beaucoup d’armes circulent en Côte d’Ivoire.
Combien y en a-t-il?
Une étude est en cours et déterminera le nombre exact d’armes en circulation en Côte d’Ivoire. Nous aurons ainsi un véritable diagnostic, on aura une cartographie de la circulation des armes légères en Côte d’Ivoire. On saura où elles rentrent, par où elles sortent. On saura également, à peu près, les zones où on les fabrique, etc. Je ne peux pas vous dire qu’on aura le nombre exact des armes légères en Côte d’Ivoire, mais on en aura une idée approximative.
Quelles sont les conséquences directes de la circulation de ces armes illicites sur l’Etat ivoirien et la population?
Elles sont nombreuses et touchent plusieurs secteurs: éducation, santé, etc.
Aujourd’hui, beaucoup de structures ont été délocalisées pour des problèmes de sécurité.
Trop d’armes en circulation de manière illicite fragilisent la paix. C’est une menace pour la sécurité des Etats. La prolifération, la circulation illicite et l’utilisation abusive des armes légères et de petit calibre sont à l’origine de plusieurs atteintes à la sécurité humaine. Elles produisent des effets indirects qui s’analysent en termes de perte des opportunités économiques, de réduction des investissements, de destruction des vies humaines, des infrastructures et annihilent tout projet de développement, etc.
A quel seuil comptez-vous ramener ce fléau en Côte d’Ivoire?
Le rêve des membres de la Commission et de toutes les responsables de ce pays, c’est de ramener la criminalité à un seuil acceptable. Parce qu’il n’y a pas de risque zéro. Notre vision, c’est de faire de la Commission, une institution de référence en matière de lutte contre la prolifération des Alpc en Côte d’Ivoire et dans la région en raison de son dynamisme et de la pertinence de ses actions.
A vous entendre, on se rend compte que les défis à relever sont nombreux. La Comnat en a-t-elle les moyens?
Effectivement, les défis sont nombreux. En matière de moyens, il faut dire que nous avons senti la volonté politique sinon nous ne serions pas là aujourd’hui. Il y a un début de fonctionnement et les compétences humaines existent. L’Etat nous accompagne tout comme les partenaires au développement que nous remercions au passage. Mais la lutte, comme je l’ai dit tantôt, est complexe et multidimensionnelle. Ce qui veut dire qu’elle va nécessiter beaucoup de moyens. Je profite de cet entretien pour lancer un appel aux partenaires au développement afin qu’ils nous soutiennent financièrement, techniquement et matériellement pour la mise en œuvre du plan national de lutte que nous allons sortir très bientôt.
Interview Realisée par
Emmanuel Kouassi
Auteur de cet article: Emmanuel Kouassi
Comme vous le savez, la Côte d’Ivoire fait partie de l’espace Cedeao. Sous la houlette du Président malien, Alpha Oumar Konaré qui était le précurseur de cette affaire, les Chefs d’Etat se sont rendus compte qu’il y a trop d’armes en circulation dans nos régions. Et celles-ci déstabilisaient les Etats, augmentaient la criminalité transfrontalière et la criminalité violente.
Ils ont donc mis en place en 1998, le moratoire de la Cedeao sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères. C’était un engagement politique des Etats. Il fallait le mettre ensuite en exécution. Il y a donc le Code de conduite qui a été signé en 1999 à Lomé (Togo). Et c’est celui-ci qui a décidé la mise en place des Commissions nationales au niveau des 15 Etats de la Cedeao.
La Commission nationale a donc une vocation sous- régionale. C’est vrai que nous luttons au plan national, mais nous avons des missions communes au plan sous-régional.
Concernant ma nomination, je pense que c’est un acte de confiance de ma hiérarchie qui, sûrement, a pensé que j’avais les compétences nécessaires puisque depuis 1989, je suis dans les grandes instances de directions de la police.
Qui peut être membre de la Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères?
Nous avons, à la Comnat: les membres permanents et ceux qui sont désignés par les Institutions telles que l’Assemblée nationale et les ministères concernés dont celui de l’Economie et des Finances. Lesquels ministères sont listés au niveau du décret de création.
La Comnat a organisé, récemment, à Grand-Bassam, un séminaire. Quel objectif visait-il?
Je dois vous dire que le Président de la République, Laurent Gbagbo, dans sa volonté de mettre en œuvre les dispositions pertinentes du Moratoire et de la Convention de la Cedeao sur les armes légères et de petit calibre, et de renforcer la lutte contre les Alpc, a signé le décret portant création, attributions et fonctionnement de la Commission nationale de lutte contre ces armes. Ainsi, dans le but de développer une convergence de compétences et une synergie d’actions des membres de cette Commission, et de tous les acteurs impliqués dans la lutte, un atelier s’est tenu du 3 au 5 mai 2010. Il a réuni les membres et personnel de la Comnat (comité interministériel), les partenaires et acteurs nationaux et internationaux impliqués dans la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre en Côte d’Ivoire avec l’appui technique d’experts. Il fallait une mise à niveau de tous les membres. C’est une sorte de formation pour qu’ensemble, nous puissions parler le même langage. L’objectif de cet atelier, était de sensibiliser tous les participants aux rôle et responsabilités de la Commission nationale, créer un environnement propice à la cohésion et une conjugaison des performances des acteurs pour une Commission efficace et, renforcer les capacités de ses membres et des acteurs impliqués dans la problématique des armes légères et de petit calibre (Alpc). A cet effet, nous avons eu plusieurs exposés des experts en la matière.
On peut donc dire aujourd’hui que tous les membres de la Commission sont outillés pour s’attaquer à la tâche qui les attend…
C’est une matière spécifique. Je pense que d’aucuns savaient de quoi on parlait, d’autres n’en savaient certainement pas grand-chose. Ce genre de formation doit se faire de façon régulière. Au terme de cet atelier, on peut dire que les enjeux et défis de la Commission sont partagés, les membres s’approprient les missions et vont s’y engager.
Avant cette rencontre de Grand- Bassam, vous avez procédé, le 13 janvier dernier, au lancement d’une campagne de sensibilisation de trois mois dont le slogan était: «Mon arme, c’est le vote». Les résultats sont-ils disponibles? Si oui, quels sont-ils? Si non, pourquoi?
Vous savez qu’en Afrique, les élections sont généralement source de tension, de manifestations violentes voire de conflits armés. C’est ainsi que nous avons essayé de faire une campagne de sensibilisation en direction des jeunes, des journalistes (grands vecteurs d’éducation et de sensibilisation), des ex-combattants, des groupes de défense et des forces de défense et de sécurité. En se référant aux vœux de 2010, tout le monde a appelé la paix de tout son cœur. Notre mission était de concrétiser cet ensemble de vœux en essayant de créer un environnement propice à la paix pendant les élections. Malheureusement, cette sensibilisation a été suspendue. Nous avions bien commencé (nous avons été à Yamoussoukro et Bouaké), mais compte tenu de la dissolution de la Commission électorale indépendante (Cei) et du gouvernement en février dernier, nous avons été obligés d’attendre un peu. Dès que l’on donnera la date de l’élection présidentielle, nous reprendrons cette campagne.
Peut-on lutter contre la circulation illicite des armes légères dans un pays en crise comme le nôtre?
Les armes légères et de petit calibre illicites n’ont pas été la cause de la crise en Côte d’Ivoire. Mais leur circulation illicite a contribué à son amplification, sa dramatisation. Vous savez maintenant que les conflits ne sont plus inter- étatiques. Ils sont devenus inter- communautaires. Par exemple, aujourd’hui, dans nos régions, pour un problème de terre, on n’a plus recours au chef du village ou de canton, cela se règle à coups de machette. Les journaux nous apprennent que pour une cigarette, celui qui détient une arme, la sort et abat l’autre. Donc je pense que décider de lutter contre les armes légères en circulation illicite, c’est vouloir la paix. Nous ne sommes plus en guerre. Nous essayons de consolider la paix qui est très fragile en ce moment. Il faut donc s’attaquer aux armes légères et de petit calibre en circulation illicite. Et, pour cette période de sortie de crise, il importe de s’investir concrètement dans le processus de paix en Côte d’Ivoire. Il faut s’attaquer aussi à l’usage abusif desdites armes, comme je l’ai dit tantôt, qui doit être pris en compte dans la réforme du secteur de la sécurité en Côte d’Ivoire.
La circulation des armes est-elle un phénomène nouveau au point que l’Etat ivoirien décide maintenant de la combattre?
Non, ce n’est pas un phénomène nouveau. Et je ne crois que ce soit maintenant qu’on ait décidé de le combattre. Je vous ai parlé tout à l’heure du Moratoire qui date de 1998 et de son Code de conduite de 1999, ces deux instances qui ont décidé de la mise en place des Commissions nationales. Bien avant la crise de 1999, au niveau du Conseil national de sécurité dirigé par le général Tanny, on parlait de la mise en place de la Commission nationale. Quand on m’a nommé, j’ai trouvé des textes. Donc je pense que la volonté politique n’a pas manqué. Mais tout était urgent après la crise de 1999 et celle de 2002 qui a divisé le pays en deux.
Comment cette lutte va-t-elle se faire concrètement. Les gens vont-ils, volontairement, déposer les armes ou allez-vous fouiller les maisons?
Les deux procédés pourront être utilisés. C’est tout un processus, le désarmement des civils. En effet, il y a d’abord la sensibilisation. Elle est tous azimuts. Le Rasalao nous appuie dans ce sens. Après la sensibilisation, il y aura le renforcement de la législation qui va prendre en compte le marquage, le traçage et l’enregistrement. Ensuite, il y aura une période d’amnistie. Ce n’est qu’en ce moment que nous allons demander aux Ivoiriens de venir déposer les armes. Ce sera volontaire. Il y aura plusieurs possibilités. On ira même à ce qu’on appelle «arme contre développement». En ce moment-là, celui qui ne veut déposer son arme, s’exposera à la rigueur de la loi.
C’est donc un long processus…
Nous sommes une structure pérenne. Nous venons de commencer. Nous voulons aller lentement mais sûrement. Pour appliquer la loi, notre structure va travailler en synergie avec les Forces de défense et de sécurité qui vont, dans ce domaine, apparaître comme notre bras séculier.
Peut-on avoir une idée du nombre d’armes illicites qui circulent en Côte d’Ivoire et quelles en sont les principales causes?
Vous connaissez la position criminogène de la Côte d’Ivoire. Nous avons attiré beaucoup de monde. De par sa situation géographique, la Côte d’Ivoire a «connu» la guerre du Liberia et celle de la Sierra Leone. Ces deux guerres civiles ont été des facteurs d’aggravation de la crise ivoirienne sans oublier que depuis 1999, notre pays connaît une instabilité politico-militaire dont le point culminant a été atteint le 19 septembre 2002. Il faut dire aussi que nos frontières sont poreuses. Et quand on sait qu’une arme est facilement portable, dissimulable et ne coûte pas cher, on peut la transporter sans problème.
En outre, nous avons connu nous-mêmes en Côte d’Ivoire, la crise. En 1999, on a fait sauter des poudrières, des armes ont été cachées. Donc le circuit licite a enrichit l’illicite. Il faut dire aussi que les armes même constituent une source de revenus. Ceux qui en ont s’en servent, dans leur grande majorité, pour avoir leur pain quotidien. Toutes ces causes font que beaucoup d’armes circulent en Côte d’Ivoire.
Combien y en a-t-il?
Une étude est en cours et déterminera le nombre exact d’armes en circulation en Côte d’Ivoire. Nous aurons ainsi un véritable diagnostic, on aura une cartographie de la circulation des armes légères en Côte d’Ivoire. On saura où elles rentrent, par où elles sortent. On saura également, à peu près, les zones où on les fabrique, etc. Je ne peux pas vous dire qu’on aura le nombre exact des armes légères en Côte d’Ivoire, mais on en aura une idée approximative.
Quelles sont les conséquences directes de la circulation de ces armes illicites sur l’Etat ivoirien et la population?
Elles sont nombreuses et touchent plusieurs secteurs: éducation, santé, etc.
Aujourd’hui, beaucoup de structures ont été délocalisées pour des problèmes de sécurité.
Trop d’armes en circulation de manière illicite fragilisent la paix. C’est une menace pour la sécurité des Etats. La prolifération, la circulation illicite et l’utilisation abusive des armes légères et de petit calibre sont à l’origine de plusieurs atteintes à la sécurité humaine. Elles produisent des effets indirects qui s’analysent en termes de perte des opportunités économiques, de réduction des investissements, de destruction des vies humaines, des infrastructures et annihilent tout projet de développement, etc.
A quel seuil comptez-vous ramener ce fléau en Côte d’Ivoire?
Le rêve des membres de la Commission et de toutes les responsables de ce pays, c’est de ramener la criminalité à un seuil acceptable. Parce qu’il n’y a pas de risque zéro. Notre vision, c’est de faire de la Commission, une institution de référence en matière de lutte contre la prolifération des Alpc en Côte d’Ivoire et dans la région en raison de son dynamisme et de la pertinence de ses actions.
A vous entendre, on se rend compte que les défis à relever sont nombreux. La Comnat en a-t-elle les moyens?
Effectivement, les défis sont nombreux. En matière de moyens, il faut dire que nous avons senti la volonté politique sinon nous ne serions pas là aujourd’hui. Il y a un début de fonctionnement et les compétences humaines existent. L’Etat nous accompagne tout comme les partenaires au développement que nous remercions au passage. Mais la lutte, comme je l’ai dit tantôt, est complexe et multidimensionnelle. Ce qui veut dire qu’elle va nécessiter beaucoup de moyens. Je profite de cet entretien pour lancer un appel aux partenaires au développement afin qu’ils nous soutiennent financièrement, techniquement et matériellement pour la mise en œuvre du plan national de lutte que nous allons sortir très bientôt.
Interview Realisée par
Emmanuel Kouassi
Auteur de cet article: Emmanuel Kouassi