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Politique Publié le samedi 29 mai 2010 | Le Nouveau Réveil

Me Blessy Jean Chrysostome, avocat de Djédjé Mady : “Ange Kessy cherche-t-il la vérité ou veut-il s’illustrer dans l’actualité” ?

Le procureur militaire Ange Kessy Kouamé est revenu à la charge il y a quelques jours dans le dossier Djédjé Mady en indiquant dans la presse que la gendarmerie nationale irait chercher, dans les prochains jours, le président du directoire du Rhdp pour l'entendre sur les tueries de Gagnoa au mois de février dernier. Maître Blessy Chrysostome, avocat du collectif constitué pour la défense du Secrétaire général du Pdci-Rda invite, dans l'interview qui suit, le procureur militaire à réviser sa position.

Le procureur militaire a indiqué tout récemment dans la presse que Pr Alphonse Djédjé Mady, président du directoire du Rhdp, sera sous peu interpellé par la gendarmerie nationale. Vous, l'avocat de ce dernier, quelle réaction avez-vous sur cette autre sortie de M. Ange Kessy Kouamé ?

Je voudrais indiquer que cet entretien a été suscité par moi. C'est moi qui l'ai demandé. Je l'ai demandé parce que certaines choses se passent dans un contexte politique que nous n'arrivons pas à comprendre. Le procureur militant, excusez-moi militaire, s'est encore exprimé dans les journaux pour exposer des questions d'une insurrection qui est diligentée par la gendarmerie de Gagnoa. Cela nous parait essentiel. C'est quelqu'un qui doit avoir le ventre profond sur des problèmes essentiels de la vie de la nation. Parce qu'il faut se rappeler que c'est des vies humaines, des personnes qui sont décédées. C'est des pères qui ont perdu leurs enfants. C'est des partis qui ont perdu leurs militants. C'est des Ivoiriens qui sont décédés à l'occasion de manifestations pendant lesquelles les forces de défense de la nation ont ouvert le feu à balles réelles. Devant une telle situation, le procureur militaire devrait être beaucoup plus humble. Surtout que nous lui dénions clairement l'opportunité d'application des règles de droit.

Que voulez-vous dire en clair ?

Il est trop excité, il est trop enclin à s'exposer dans les journaux et à exposer les forces de défense, les militaires, les gendarmes, les policiers. De quoi s'agit-il ? Nous avons été tous surpris, pour des évènements qui sont survenus à Gagnoa, où il y a eu des morts d'hommes pour lesquels le Rhdp a demandé qu'une enquête soit faite pour que les responsabilités soient situées, que les auteurs soient dénoncés, nous avons vu quelque temps après le procureur militaire adresser une invitation à Djédjé Mady à l'effet de se présenter devant un juge d'instruction pour être entendu en qualité de témoin.

Qui le droit définit-il comme témoin dans une affaire ?

Le témoin peut être celui qui a pu entendre dire. Mais le témoin qui peut élucider clairement cette affaire, c'est celui qui a vu, celui qui sait. En quelque sorte, le témoin oculaire. Or en cette matière, Djédjé Mady était à Abidjan. Les évènements se sont passés à Gagnoa, une localité lointaine.

Donc, nous ne pouvons pas dire que la mort de ces personnes peut être éclairée par Djédjé Mady. Pas du tout. Ensuite, au moment où le procureur militaire engageait cette invitation à Djédjé Mady, il n'avait lui-même aucun dossier en main. La gendarmerie qui devrait entendre M. Djédjé Mady n'avait elle-même aucun dossier en main. Cela veut dire que la gendarmerie n'avait pas d'éléments sur lesquels se fonder pour faire une enquête précise. Je pense qu'en lisant entre les lignes, M. Ange Kessy, à qui je m'adresse, comprend ce que je veux dire. Pendant que les négociations se faisaient, pendant que M. Gbagbo se déplaçait au domicile du président Bédié à l'occasion des évènements récents, M. Ange Kessy voulait demander à la gendarmerie ou aux forces de défense de faire convoquer à nouveau Djédjé Mady. Cela veut dire clairement qu'il y a le bon juriste, celui que nous tous, nous cherchons à être, qui connaît non seulement la règle de droit, mais qui réfléchit sur l'opportunité de son application. Dans le cas d'espèce, il nous dit que Djédjé Mady sera pris manu militari par les forces de défense pour être entendu comme témoin. J'invite le procureur militaire à bien lire le code de procédure pénale et même le code de procédure militaire.

Le collectif d'avocats de M. Djédjé Mady, dont vous faites partie, a fait une note au procureur militaire pour lui signifier que c'est plutôt les quatre leaders du Rhdp qu'il devrait convoquer. Quelle a été sa réponse ?

Je voudrais d'abord préciser une chose. Il y a eu une lettre qui a été adressée par Me Ahoussou au procureur militaire. Mais après une réunion avec le directoire du Rhdp, je me suis moi-même déplacé au cabinet du procureur militaire. Au moment où j'arrivais dans son bureau, il avait en main et à sa lecture cette correspondance. Les propos que je lui ai tenus et ce sur quoi nous nous sommes entendu, concernaient aussi cette correspondance à laquelle je ne dis pas qu'il ne devrait pas donner d'importance, mais ma présence mettait un terme aux éléments de cette lettre. Il m'a dit oui. Le procureur s'est engagé avec moi sur un certain nombre de points.

Lesquels ?

C'est une discussion sur laquelle je ne veux pas revenir, mais je pense qu'il comprend. Nous nous sommes engagés sur un certain nombre de points. Et au moment où il avait lancé ses diatribes dans les journaux, je suis resté à l'écart pour le regarder, l'observer, pour savoir si l'individu pouvait tenir parole sur ce à quoi il s'était engagé avec moi qui étais venu au nom du conseil. Non, il n'a pas tenu parole. Il a préféré plutôt s'exposer dans les journaux. Il faut remarquer qu'ils sont très nombreux en Côte d'Ivoire qui aiment s'exposer dans les journaux. Très certainement, ils sont conduits par les effets d'une recherche d'affirmation qu'on n'a pas eu naguère. On ne sait pas ce que l'enfance de chacun a pu être, c'est pour cela. Sinon en réalité, ce dossier avait été réglé complètement. Et Ange Kessy s'expose dans les journaux pour dire tout ce qu'il veut.

Qu'est-ce qui, selon vous, guide la démarche du procureur militaire en remettant sur la table ce dossier qui, à vous entendre, a été réglé ?

En réalité, de vous à moi, que peut apporter Djédjé Mady qui était à Abidjan au moment de la survenance des faits dans une affaire où les forces de défense ont tiré sur des militants qui sont morts pendant qu'il n'est pas présent ? Interrogé, Djédjé Mady dira ou ne dira rien. Il pourrait dire : je ne sais rien. Ou alors : je ne parle pas. L'amende que la loi prévoit est au plus égal à 25 000Fcfa et puis c'est fini, il n'y a rien d'autre. On aura mobilisé des gendarmes et des policiers pour aller prendre Djédjé Mady, est-ce que cela peut aider à la manifestation de la vérité ? Rien.

Est-ce que M. Ange Kessy cherche à savoir la vérité ou alors veut-il s'illustrer dans l'actualité de notre pays ? Je pense qu'il faut beaucoup plus regarder dans cette dernière direction. Il ne cherche pas à trouver la vérité parce que tous les dossiers qui lui ont été confiés n'ont jamais abouti à une arrestation ou alors à la désignation de coupable précis.

Vous n'êtes pas du tout tendre avec le procureur militaire.

Je voudrais même vous dire que je ne fais pas confiance à l'individu. Je vais vous raconter juste une anecdote pour permettre de comprendre ce qu'il est en réalité. J'ai plaidé dans un dossier dans lequel un jeune a été abattu à bout portant par un militaire dans un bar avoisinant l'état-major à Adjamé. Ce jeune s'appelle Yapo Justin. Il est père d'un enfant. Il a laissé une veuve, une mère qu'il alimentait et des frères à qui il donnait de l'argent. Le militaire lui avait dit : "Toi, je te guette il y a longtemps". Il a répondu, moi ?. Aussitôt l'autre lui a envoyé des rafales de sa Kalach. J'ai plaidé pour la famille de la victime. Au tribunal militaire, l'individu a été condamné à vingt ans d'emprisonnement. Un jour, six ou huit mois plus tard, j'étais toujours au tribunal militaire en train de plaider pour un élément du Cecos qui était accusé d'avoir abattu un chauffeur de gbaka à Yopougon Sable. La séance a été suspendue, je suis allé dans les toilettes et dans ces lieux, cet individu que je ne reconnaissait plus, m'a dit: maître, vous avez été vraiment dur pendant la plaidoirie. Je reconnais la voix, mais je ne voyais pas qui c'était. Quand j'ai fini de faire mon besoin et que je me suis retourné, j'ai vu que c'était M. Magouri, l'ancien soldat des forces armées de Côte d'Ivoire qui avait été condamné à vingt ans d'emprisonnement qui était dans la salle des toilettes avec moi, l'avocat qui avait plaidé durement contre lui, seul. Je me suis dit qu'il pouvait m'abattre. Je lui ai demandé : Qu'est-ce que tu fais là ? Il a répondu, "J'ai été libéré". Il dit : "l'amnistie, tu ne penses pas que j'ai suffisamment payé. Je lui ai dit non, quand tu as tué quelqu'un, tu as vingt ans de prison et on ne te fait pas sortir par l'amnistie. Dans ce dossier, le procureur Ange Kessy lui-même avait sorti un pense-bête à tous les agents du tribunal militaire pour leur faire savoir ce que voulait dire l'amnistie et lesquels des prisonniers à la Mama de sa juridiction étaient concernés par cette amnistie. Il avait mis de côté ceux qui devraient être libérés avec l'amnistie. Et de côté, ceux qui n'étaient pas concernés du fait des infractions qu'ils avaient commises. Parmi ceux qui n'étaient pas concernés, il y avait le nommé Magouri. Six mois après, par quelle magie, par quelle transaction, par quel effet de main, par quelle autre chose. Magouri s'est retrouvé en dehors de la prison après avoir fait seulement six ou huit mois ? Après avoir été condamné à vingt ans, il s'est retrouvé dehors pour être une menace pour l'avocat et toutes les autres personnes impliquées dans le dossier.

Vos propos sont d'une extrême gravité, maître

Une telle personne ne peut pas être fiable, une telle personne ne peut pas se permettre dans un journal de dire "M. Djédjé Mady qui est houphouétiste ne peut pas se dérober à la loi. Je dis simplement que quand quelquefois je vois le procureur militaire en train de jouer les "Zorro" pour dire qu'il lutte contre le racket, cela me fait beaucoup rire et ça fait beaucoup rire. Si le procureur veut venir chercher M. Djédjé Mady, je ne pense pas que ce soit avec les forces de défense, je ne pense pas qu'il doit se cacher derrière la gendarmerie, les policiers et autres. Qu'il vienne lui-même avec un greffier, nous l'attendons à la maison du Pdci ou alors à la maison de M. Djédjé Mady. Nous avons pensé que c'était un dossier simple et que la République était dans un environnement sain et que les personnes qui activent ce genre de dossiers sont d'une certaine hauteur, qu'ils comprenaient cet environnement politique de telle sorte à pouvoir lire l'actualité. Si M. Ange Kessy pense qu'il doit s'illustrer dans l'actualité, qu'il vienne donc chercher M. Djédjé Mady lui-même. Nous attendons qu'il vienne.

Il l'a dit, il fera venir plutôt la gendarmerie chercher M. Djédjé Mady.

Nous pensons que les militaires, les policiers, les gendarmes sont des gens suffisamment intelligents pour comprendre que lorsqu'une infraction a été commise dans laquelle le parquet de Gagnoa est en train de faire des investigations, le parquet militaire ne peut pas se saisir du dossier s'il n'est pas encore entendu que l'infraction a été commise par des militaires. Donc les excitations de Ange Kessy ne nous concernent pas. Vous savez, nous sommes là, nous regardons de très loin les choses. Et nous disons toujours que ce n'est pas par conservatisme, celui qui a fait des études d'économie ou de sciences éco ne peut pas être juriste comme celui qui a commencé le droit en première année. Ange Kessy le sait. Et il doit se calmer pour l'intérêt du pays.

Voulez-vous dire que cette affaire peut aller loin ?

…Il y a une lecture qu'il faut faire. Pour la première fois dans ce pays, des bus ont été cassés par des manifestants quelque part par des clients de la Sotra. Et la Sotra active le tribunal contre le Rhdp et l'ensemble des partis pour dire simplement que ces partis doivent payer à la Sotra plus de 600 millions. C'est bien la première fois que la Sotra este en justice pour des bus qui sont cassés par des patriotes, partout à Abidjan. Encore la Sotra dit, des gens montent dans le bus, ils y restent pendant longtemps et quand il y a moins de clients, ils éparpillent de l'essence et ils sortent pour brûler le bus. Cela veut dire que ces gens qui sont dans le bus ont payé un ticket.

Est-ce qu'on en sait qui ont une carte Pdci, Rdr, Udpci ou Mfa ? Aucun, mais on les taxe de manifestants du Rhdp. Et c'est dans cette même période, comme par coalition d'intérêts, que Ange Kessy commence ses grimaces contre le Rhdp. Mais lisez l'actualité, vous comprendrez que le Rhdp dérange forcément et fortement. Ange Kessy, qui est un procureur militant, cherche à élever la voix pour se faire remarquer aussi par celui qui nomme, celui qui conduit, celui qui confirme. Pare qu'en réalité, nous pensons qu'il n'a rien fait de toutes les enquêtes qu'il y a depuis que ce pays est en crise parce qu'il n'en pas la capacité, il n'a pas la compétence nécessaire pour tenir cette fonction. Parce qu'il y a plus compétent que lui dans l'armée, à la gendarmerie. Il cherche à se justifier toujours en mettant le feu sur les dossiers qui n'en valent pas la peine.

Nous disons que ses simagrées ont longtemps duré et qu'il monte au front pour qu'on puisse voir sa compétence. Qu'il ne se fasse pas couvrir par des policiers et gendarmes. Qu'il monte au front pour retrouver procureur et avocat devant lui pour discuter droit pour voir s'il connaît quelque chose. On ne peut pas accepter que toutes les fois qu'un petit est arrivé à un certain sommet, qu'il puisse en s'appuyant sur les forces de défense qui ont suffisamment servi ce pays pendant toute cette crise, qui veillent, dont les enfants sont tous déscolarisés parce qu'ils n'arrivent plus à étudier car le père n'est plus là, qu'il puisse aller contre le Rhdp, contre Djédjé Mady. Ce n'est pas le travail qu'on lui demande. Qu'il cesse ses provocations. Il a dit en sourdine très bientôt mais nous, nous veillons et nous l'attendons. Si Ange Kessy dit qu'il ne passera plus par les conseils de Djédjé Mady qui se sont constitués vis-à-vis de lui, je ne sais où il a appris son droit et qu'il va aller prendre Djédjé Mady, qu'il le fasse. On verra bien parce que Djédjé Mady seul est aussi une force. Et il n'a été qu'un porte-parole du Rhdp. Il y a un directoire entier. Que les gens ne s'avisent pas à s'attaquer à des gens. Que Ange Kessy reste dans le droit. Mais surtout qu'il puisse se rappeler simplement qu'en prenant de force Djédjé Mady, il n'est pas obligé de parler. Quand on lit le code de procédure pénale, si Djédjé Mady ne parle pas, ça lui coûte juste 25 000f d'amende. Il ne peut pas obliger Djédjé Mady à dire quoi que ce soit. Alors si c'est cela, où est l'intérêt de le faire parler dans cette procédure où il ne peut rien apporter ? Qu'est-ce que le procureur militaire cherche donc ?

Interview réalisée par Paul Koffi
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