Dans l’interview qu’il a accordée à Rfi et diffusée dimanche, le président-candidat a levé un pan du voile sur les grands axes de sa campagne : la guerre et la résistance. Très sûr de lui, le champion des refondateurs défie ses concurrents en se présentant comme le candidat le « plus apte à sortir les Ivoiriens de la pauvreté ». Le chic de la future présidentielle, et là-dessus nous sommes tout à fait d’accord avec Laurent Gbagbo, c’est que les principaux candidats (Gbagbo, Bédié, Alassane Ouattara) ont déjà gouverné. « Ce n’est plus une élection où quelqu’un qui n’a jamais gouverné va venir vendre des rêves », a assuré le chef de l’Etat. Vendre des rêves, c’est sur ce point précis que nous voulons prendre Gbagbo au mot. Car, entre ce qu’il disait, il y a dix ans dans son bouquin, et ce qu’il a fait une fois au pouvoir, c’est comme le jour et la nuit. Dans « Mon ambition pour la Côte d’Ivoire », il disait à propos : « Aujourd’hui, dans la fournaise du régime de transition, mon parti, le Front populaire ivoirien (Fpi, Ndlr), est apparu à tous sous son vrai jour. Un pilier sûr de la République, un parti prêt à gouverner, avec rigueur, avec compétence…C’est pourquoi, je suis candidat à la présidence de la République. Je ne suis pas un homme d’affaires, ma femme Simone non plus, et vous le savez ». Le Fpi est vraiment apparu au grand jour. En dix ans de règne, les Ivoiriens sont au moins d’accord sur une chose. La rigueur et la compétence sont des rêves que Gbagbo et les refondateurs leur ont vendus. On est curieux de savoir dans quels secteurs le pouvoir Fpi a fait la démonstration de sa rigueur et de sa compétence ? La sécurité, l’école, l’administration, la santé, l’emploi etc. Voilà des secteurs qui expliquent sans trop de mots ce qu’est la rigueur, la compétence sous la refondation. Le Sénégalais Ibrahima Thioub, professeur d'histoire à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, spécialiste des traites négrières, a su décrire, dans le quotidien Le Monde du 2 juin, les « nègreries » des élites en Afrique. « Dans n'importe quelle ville africaine, je suis frappé par la coexistence entre le grand nombre de 4×4 de luxe, et l'usage d'un moyen de transport qui remonte au néolithique. » Pour cet universitaire, les élites (à l’image des refondateurs au pouvoir en Côte d’Ivoire, Ndlr), au prix d'une violence extrême exercée sur les populations (détournements, déchets toxiques, blanchiment d’argent sale) se sont emparés des ressources du pays, et dépensé les recettes ainsi dégagées en achetant à l'étranger des biens d'une totale inutilité sociale autre que symbolique de leur capacité de violence. Ils ruinent les pays en pompant la force de travail des corps subalternes qui sont réduits à la misère. C’est le cas en Côte d’Ivoire où les producteurs du binôme café-cacao sont réduits à l’état de mendiants. Avec un fonds de souveraineté qui s’élève à plus de 70 milliards Fcfa, sans oublier les nombreuses rallonges financières (port, douanes, impôts etc.), Gbagbo peut affirmer haut et fort qu’il n’est pas un homme d’affaires, son épouse Simone non plus. Avec tout ce matelas financier qui met à l’abri plusieurs générations du clan, on n’a plus besoin de se lancer dans des affaires…
Jean Roche Kouamé
Jean Roche Kouamé