La Côte d`Ivoire dispose d`un code de procédure militaire dont la lourdeur pourrait bien expliquer l`impunité que dénoncent, à tort ou à raison, une partie du justiciable ivoirien.
Dans un document dont nous avons reçu copie, qui est l`extrait d`un discours prononcé en avril 2008, par le procureur militaire, le commandant Ange Kessy Kouamé, la procédure militaire est expliquée et apporte des réponses à certaines interrogations que se pose le public.
Première difficulté : il n`est pas permis à tout le monde, comme c`est le cas devant le juge d`instruction civil, de déclencher une action publique contre un militaire.
" Seul le ministre de la Défense en ce qui concerne les militaires et le ministre de la Sécurité pour le personnel de la Police, en ont le pouvoir. Ils exercent ce pouvoir de déclencher l`action publique et le confèrent au commissaire du gouvernement qui le poursuit par l`exercice de l`action publique ", explique Ange Kessy.
La conséquence immédiate de cette disposition, il n`y a pas de flagrant délit dans une procédure militaire, la liberté sous caution n`existe pas non plus.
Pertes et profits
Le commandant Ange Kessy précise que " comme le père qui sanctionne souvent l`enfant qui se comporte mal pour sauvegarder l`honneur de la famille et les autres enfants, le législateur a confié aux ministres de la Défense et de la Sécurité la charge de poursuivre toute infraction commise par les Forces de Défense et de Sécurité qui ternissent l`image et jettent l`opprobre sur la grande famille militaire ".
Autrement dit, si le père, pour une raison qui lui est personnelle, décide de ne pas faire châtier son fils rebelle, l`acte posé par ce dernier sera passé par pertes et profits.
La deuxième difficulté réside dans les voies de saisine du tribunal militaire. " La voie de la police judiciaire : porter la plainte à la gendarmerie ou à la police qui établit un procès-verbal transmis au parquet militaire. Ou la voie de la saisine directe du parquet : les plaintes sont déposées devant le parquet du commissaire du gouvernement. Après étude, le commissaire du gouvernement décide : soit de requérir la police ou la gendarmerie pour un complément d`enquête (réquisition aux fins d`enquête) soit diligenter l`enquête en auditionnant lui-même les mis en cause, témoins et plaignants sur procès verbal ", indique le commandant Ange Kessy.
" Aucun délai limite "
Sur la question, il fait savoir que " que ce soit dans le premier ou le second cas, une fois l`enquête terminée, elle est transmise à la décision du ministre, autorité investie des pouvoirs judiciaires ".
Cette procédure peut se buter encore une fois sur la volonté du père.
Troisième problème : " La loi ne prescrit aucun délai limite au ministre. Seulement, quand le militaire est arrêté et détenu à la suite de l`enquête, l`article 82 limite le délai de décision du ministre à 70 jours maximum, faute de quoi, le détenu obtient une liberté provisoire de droit ", démontre Ange Kessy.
Le quatrième problème réside dans la décision du ministre. " Soit il choisit de poursuivre et délivre alors un ordre de poursuite : c`est alors le début de l`action publique. Il n`est susceptible d`aucun recours et le pouvoir du ministre de poursuivre n`est pas communicable (le directeur de cabinet ne peut être mandaté). Soit, pour des raisons d`opportunité, le ministre ne veut pas poursuivre, il opte pour le refus de poursuite, alors l`affaire est vraiment classée et la victime peut alors devant les juridictions intenter une action civile ou administrative en cas de responsabilité administrative ".
Impunité ? Jamais !
Ces difficultés sinon ces insuffisances ne sont pas de nature à encourager l`impunité, à en croire le chef du parquet militaire. " Le fait pour le président de la République et son gouvernement de reconnaître le mal est le début de la lutte contre l`impunité, une impunité qui dans l`esprit de certains, subsiste en Côte d`Ivoire. Or, il n`en est rien. Il n`y a pas d`impunité en Côte d`Ivoire. La Côte d`Ivoire est l`un des rares pays où en pleine crise militaire, on arrête, poursuit et juge des militaires qui ont tué des journalistes (Jean Hélène) ou des étrangers (soldat français tués à Zambakro). Ailleurs, même en temps de paix, on ne voit pas cela. La politique criminelle militaire en Côte d`Ivoire lutte inlassablement contre l`impunité ", avance Ange Kessy Kouamé.
Le Tribunal militaire existe depuis 1974 en Côte d`Ivoire.
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr
Dans un document dont nous avons reçu copie, qui est l`extrait d`un discours prononcé en avril 2008, par le procureur militaire, le commandant Ange Kessy Kouamé, la procédure militaire est expliquée et apporte des réponses à certaines interrogations que se pose le public.
Première difficulté : il n`est pas permis à tout le monde, comme c`est le cas devant le juge d`instruction civil, de déclencher une action publique contre un militaire.
" Seul le ministre de la Défense en ce qui concerne les militaires et le ministre de la Sécurité pour le personnel de la Police, en ont le pouvoir. Ils exercent ce pouvoir de déclencher l`action publique et le confèrent au commissaire du gouvernement qui le poursuit par l`exercice de l`action publique ", explique Ange Kessy.
La conséquence immédiate de cette disposition, il n`y a pas de flagrant délit dans une procédure militaire, la liberté sous caution n`existe pas non plus.
Pertes et profits
Le commandant Ange Kessy précise que " comme le père qui sanctionne souvent l`enfant qui se comporte mal pour sauvegarder l`honneur de la famille et les autres enfants, le législateur a confié aux ministres de la Défense et de la Sécurité la charge de poursuivre toute infraction commise par les Forces de Défense et de Sécurité qui ternissent l`image et jettent l`opprobre sur la grande famille militaire ".
Autrement dit, si le père, pour une raison qui lui est personnelle, décide de ne pas faire châtier son fils rebelle, l`acte posé par ce dernier sera passé par pertes et profits.
La deuxième difficulté réside dans les voies de saisine du tribunal militaire. " La voie de la police judiciaire : porter la plainte à la gendarmerie ou à la police qui établit un procès-verbal transmis au parquet militaire. Ou la voie de la saisine directe du parquet : les plaintes sont déposées devant le parquet du commissaire du gouvernement. Après étude, le commissaire du gouvernement décide : soit de requérir la police ou la gendarmerie pour un complément d`enquête (réquisition aux fins d`enquête) soit diligenter l`enquête en auditionnant lui-même les mis en cause, témoins et plaignants sur procès verbal ", indique le commandant Ange Kessy.
" Aucun délai limite "
Sur la question, il fait savoir que " que ce soit dans le premier ou le second cas, une fois l`enquête terminée, elle est transmise à la décision du ministre, autorité investie des pouvoirs judiciaires ".
Cette procédure peut se buter encore une fois sur la volonté du père.
Troisième problème : " La loi ne prescrit aucun délai limite au ministre. Seulement, quand le militaire est arrêté et détenu à la suite de l`enquête, l`article 82 limite le délai de décision du ministre à 70 jours maximum, faute de quoi, le détenu obtient une liberté provisoire de droit ", démontre Ange Kessy.
Le quatrième problème réside dans la décision du ministre. " Soit il choisit de poursuivre et délivre alors un ordre de poursuite : c`est alors le début de l`action publique. Il n`est susceptible d`aucun recours et le pouvoir du ministre de poursuivre n`est pas communicable (le directeur de cabinet ne peut être mandaté). Soit, pour des raisons d`opportunité, le ministre ne veut pas poursuivre, il opte pour le refus de poursuite, alors l`affaire est vraiment classée et la victime peut alors devant les juridictions intenter une action civile ou administrative en cas de responsabilité administrative ".
Impunité ? Jamais !
Ces difficultés sinon ces insuffisances ne sont pas de nature à encourager l`impunité, à en croire le chef du parquet militaire. " Le fait pour le président de la République et son gouvernement de reconnaître le mal est le début de la lutte contre l`impunité, une impunité qui dans l`esprit de certains, subsiste en Côte d`Ivoire. Or, il n`en est rien. Il n`y a pas d`impunité en Côte d`Ivoire. La Côte d`Ivoire est l`un des rares pays où en pleine crise militaire, on arrête, poursuit et juge des militaires qui ont tué des journalistes (Jean Hélène) ou des étrangers (soldat français tués à Zambakro). Ailleurs, même en temps de paix, on ne voit pas cela. La politique criminelle militaire en Côte d`Ivoire lutte inlassablement contre l`impunité ", avance Ange Kessy Kouamé.
Le Tribunal militaire existe depuis 1974 en Côte d`Ivoire.
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr