La Convention de la société civile en Côte d'Ivoire (Csci) tient, depuis hier, un colloque à la Rotonde de l'Assemblée nationale au Plateau pour faire le bilan démocratique des deux décennies du multipartisme. La cérémonie d'ouverture de ce colloque s'est tenue en présence du président de cette institution, Mamadou Koulibaly, et des représentants des partis politiques. Nous vous proposons des extraits de la communication du président du Parlement.
II) La responsabilité morale de la classe politique
(…) Le souverain est soit l'ancienne puissance coloniale, soit les bailleurs de fonds publics multilatéraux quand ce n'est pas le tribalisme ou le fanatisme religieux.
Il arrive très souvent, qu'une combinaison de plusieurs de ces souverains nous gouverne et dicte notre conduite. Par exemple, à la suite d'un concours d'entrée à l'Ecole de police d'Abidjan, dix des 1.358 admis, sont du même village que le chef de cabinet du ministre de l'Intérieur. Comment expliquer qu'aucun candidat, par le hasard du concours, n'ait été admis dans la sous préfecture de Saïoua alors que le village de Digbam enregistre à lui seul dix réussites ? Cette histoire a été relatée par les populations des villages dont les candidats ont échoué. On peut certes s'interroger sur la véracité des propos mais quoiqu'il en soit, le climat de suspicion devrait être l'occasion d'ouvrir une enquête parlementaire pour tirer au clair le trafic d'influence et la corruption qui entourent les concours d'entrée dans les grandes écoles de la police, de la gendarmerie et de l'administration. J'y suis favorable et j'invite les groupes parlementaires à s'y investir.
Cet exemple n'est-il pas la manifestation d'un système corrompu qui tolère qu'un fonctionnaire ivoirien travestisse le concours de l'Ecole nationale de police en un exercice de recrutement des jeunes de sa tribu ? A Saïoua même, cet homme a-t-il consulté les populations pour savoir si elles adhèrent à ce système mafieux ou si elles aspirent à un modèle libéral et juste ? Le tribalisme se marie très bien avec la corruption du système politique. (…)
III) La responsabilité sociale de la classe politique
(…)L'échec de l'Afrique est avant tout celui de sa classe politique et cela des pharaons d'Egypte jusqu'aux gouvernants d'aujourd'hui sans qu'aucune génération n'ait eu à rendre compte à qui que ce soit.
L'exemple caractéristique de ce type d'échec est l'Accord politique de Ouagadougou connu sous l'appellation de Apo. Inscrit initialement dans un chronogramme de dix mois et présenté comme la clé du dénouement de la crise ivoirienne, l'Apo, après trois années de tractations, est hélas une succession d'impasses habitées par l'amertume, le doute et l'inertie. Selon le député William Atteby, le processus de sortie de crise, évalué il y a six mois, en excluant le montant des armes, aurait coûté un peu plus de 600 milliards de Fcfa sans donner aucun résultat. Nos élections excéderaient ainsi le coût des élections d'une grande puissance comme le Canada (300 millions de dollars US). Hormis quelques cérémonies de destructions factices d'armes et de disparition théorique de la zone de confiance, le reste de l'accord s'est soldé par un fiasco complet. L'identification de la population a conduit la Côte d'Ivoire au bord de la guerre civile et nous n'avons toujours pas, trois ans après, de listes électorales alors que le ministre Tagro Désiré n'a eu de cesse de claironner que tout se passait bien et que tous les modes opératoires adoptés allaient nous conduire assurément à la paix. En guise de réussite, force est de constater que le processus électoral est totalement enlisé malgré la dissolution de la Commission électorale indépendante et son remplacement par d'autres cadres des partis politiques. Jugez-en vous-mêmes :
Le Centre de commandement intégré (Cci) reste une troisième armée totalement fictive à coté des Fds et des Fafn. Le Code de bonne conduite signé à grand bruit par la classe politique ivoirienne est oublié dans le mausolée de l'Apo ou sa dépouille à rejoint celle du Service civique et celle de la restauration de l'autorité de l'Etat. Le désarmement n'a pas eu lieu et demeure un sujet de controverses entre les signataires. Pour le ministre Tagro, après avoir accepté l'idée d'un désarmement par défaut, puis d'un désarmement après les élections, il est question aujourd'hui de fondre totalement le problème par des circonvolutions verbales stériles : faire la promotion de l'idée selon laquelle la date des élections serait connue et serait située juste deux mois après le désarmement. Pour Soro et Bakayoko, les autres signataires, la date du désarmement est connue, elle est juste deux mois avant celle des élections. Fixez, Messieurs, disent les rebelles, la date des élections et nous vous donnerons la date du désarmement, juste deux mois avant votre date. En clair, on ne connaît, ni la date des élections, ni celle d'un hypothétique désarmement mais ce qui est certain c'est qu'il faut user de tous moyens pour distraire le peuple, seul point qui fasse l'unanimité.
La réunification du pays n'a pas eu lieu. Le redéploiement de l'administration n'est pas achevé. L'unicité des caisses se trouve aux archives du dialogue direct. Les zones occupées, désignées de façon pudique zone Cno, demeurent pillées par des bandes armées. Après trois ans d'Apo et une multitude de deniers publics gaspillés dans des voyages entre Abidjan-Ouaga, Abidjan-Paris, Abidjan-New York, la pauvreté s'est accrue, la fuite des capitaux s'est accélérée, le chômage a augmenté, les infrastructures n'ont pas été entretenues et la fracture sociale s'est creusée. L'Apo s'est embourbé dans ses contradictions congénitales. La responsabilité du ministre Tagro est engagée car c'est lui qui a négocié, discuté, approuvé et conseillé l'Apo. L'échec patent de cet accord devrait amener le ministre Tagro à en tirer les conséquences et démissionner. Un homme politique responsable démissionnerait.
Le président de la République devrait désigner une nouvelle équipe pour engager un véritable processus de sortie de crise. Le temps qui passe joue contre lui et contre la paix. Les populations semblent accepter fatalement l'interminable statut- quo issu de l'Apo. Il est temps de briser la spirale qui nous maintient dans cette trappe à rébellion. Le passage du temps est d'autant plus néfaste que trop d'intérêts se cristallisent autour de l'économie de guerre et de la faillite de l'Etat. La sortie de crise en sera d'autant plus difficile.
Dans un contexte d'échec aussi flagrant, il est peu probable que les responsables endossent leurs responsabilités. Pourtant, même si nous n'avons pas de compte à rendre à nos consciences, nous en avons vis-à-vis de la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui et celle de demain ; du moins en théorie. Comment faire pour passer de la théorie à la pratique ? L'éducation à la responsabilité peut-elle y faire quelque chose ?
IV) Une nécessaire éducation à la responsabilité
(…)Nous devons avoir le courage de renoncer à la fuite face aux responsabilités. Nous devons même les prendre au plus vite. La fin de la spirale de Ouaga doit être annoncée officiellement avec les regrets qui se doivent. Nous avons trois ans de retard et une nouvelle stratégie doit être adoptée pour en finir avec ce vaudeville.
La priorité doit être désormais la liste électorale, les autres réponses en découleront. Il faut cesser la fuite en avant. Les listes blanche et grise doivent fusionner sans condition pour dégager une liste unique. Toutes les personnes figurant sur cette nouvelle liste doivent être considérées automatiquement et définitivement comme des Ivoiriens et la Cei doit leur remettre leur carte d'identité et leur carte d'électeur. C'est le résultat de l'Apo, la part d'héritage que nous devons assumer.
Il ne s'agit pas chambouler d'un revers de main le Code de la nationalité ivoirienne. Notre propos ici se limite à l'analyse de la liste électorale. Nous sommes confrontés à un problème inextricable : une frange d'inscrits est dans l'impossibilité de prouver sa nationalité ivoirienne. L'adage ne dit-il pas qu'à l'impossible nul n'est tenu ? Sans revoir le cadre juridique de la nationalité en général, dans le cas présent, deux chemins s'ouvrent à nous : le rejet ou l'intégration. En cas de doute, les fondements du droit nous incitent à interpréter dans le sens le plus favorable au demandeur. L'exclusion est le terreau de la haine. Les tergiversations risquent de durer des mois voire des années si le problème n'est pas tranché énergiquement de manière responsable. Au-delà des aspects juridiques, le problème est humain et repose sur l'altruisme et la compréhension. Il ne s'agit pas d'accepter comme Ivoiriens tous les étrangers présents sur le sol ivoirien. Il s'agit de régler le sort de toutes ces personnes qui sont sur la liste électorale et qui sont soupçonnées de fraude. Un doute subsiste mais nulle certitude n'a pu être établie quant à leur statut de fraudeur. Ce doute pourrait-il justifier à lui seul le blocage du processus électoral en Côte d'Ivoire ? Est-ce une attitude responsable de la part des décideurs de condamner tout un pays à l'inertie politique ?
(…)Depuis de longues années, des Ivoiriens se disent prêts à mourir pour la Côte d'Ivoire qu'ils aiment, chérissent et protègent de toute agression. Il y a aussi des personnes qui se disent prêtes à donner leur vie pour devenir Ivoiriennes parce qu'elles aiment la Côte d'Ivoire, qu'elles la chérissent et qu'elles veulent y vivre définitivement avec les Ivoiriens. Cette complicité affective n'exclue pas les points de divergence entre ces deux groupes. Les uns ne veulent pas brader la nationalité ivoirienne, les autres disent avoir un bout d'histoire en Côte d'Ivoire et pensent que le pays ne peut être réservé aux seuls Ivoiriens. Pourquoi cette peur de l'étranger ? Serait-il responsable des maux contagieux pour la nation ivoirienne ? Et de quels maux s'agit-il ?
Dans le processus de l'Apo, les signataires admettent implicitement que l'identification de la population doit être liée à une naturalisation à grande échelle de tous ceux qui peuvent se faire enrôler juste avec un extrait de naissance. Aujourd'hui, l'amour de la Côte d'Ivoire, qui est le meilleur dénominateur commun entre tous ceux qui se battent pour ce pays, devrait constituer le ferment de la naissance d'une nouvelle Côte d'Ivoire généreuse, accueillante et hospitalière. (…) Au-delà du contentieux sur la liste électorale, pour assumer nos responsabilités, nous devons audacieusement prononcer la disparition sans condition des forces rebelles qui devront soit rejoindre leurs emplois précédents la rébellion ou, si l'on s'en tient aux engagements pris dans l'Apo, être intégrés dans l'armée, la gendarmerie, l'administration. Ils bénéficieraient ainsi des droits attachés à leur poste mais seraient contraints de faire valoir au plus vite leur droit à la retraite, une armée pléthorique n'étant pas supportable par un petit pays pauvre très endetté.
Nous devons ensuite faire des élections après avoir modifié la Constitution pour la mettre en conformité avec l'accord de Pretoria et les ordonnances illégales que Désiré Tagro a fait prendre au président de la République. Cette révision de la Constitution pourrait nous permettre de basculer notre système politique du régime présidentiel au régime parlementaire avec des députés élus au scrutin majoritaire à un tour. Le leader du parti qui gagnera ces élections législatives sera le président de la République et il sera responsable devant son groupe parlementaire et devant le Parlement pour des mandats de cinq (5) ans. Le Parlement, lui-même, sera responsable devant le peuple de Côte d'Ivoire, au même titre que le Président.
Pour cela, Laurent Gbagbo doit changer l'équipe en charge de négocier la sortie de crise. L'équipe qui a piloté l'Apo a atteint ses limites.
L'éducation à la responsabilité se fera ainsi par l'exemple. La méthode ne sera plus de se détourner des problèmes ou de les repousser à plus tard, elle consistera à affronter chaque difficulté en recherchant les solutions optimales dans des délais impératifs avec une obligation de résultat.
Au-delà des exemples concrets, l'apprentissage de la responsabilité devra se poursuivre à l'école dans les programmes d'éducation civique et morale mais également à travers les programmes de télévision. Cette éducation nous permettra d'aborder des sujets tels que : la construction de notre Nation, l'amélioration de l'avenir de notre jeunesse, les déchets toxiques, les méfaits de la rébellion, les problèmes environnementaux. Nous réaliserons que la richesse première que nous possédons est l'Homme.
C'est ainsi que nous assumerons nos responsabilités vis-à-vis des générations futures. C'est ainsi que, par la démocratie et la libre propriété, nous cultiverons, chacun à notre niveau, notre bonheur privé qui participera au bonheur collectif. C'est ainsi que nous préparerons notre retraite et notre longévité. Pour cela, la classe politique n'aura besoin que d'audace.
V) Conclusion
Quiconque revendique la totale liberté entière et pleine, revendique la totale responsabilité entière et pleine.
Jean-Marie Adiaffi (La carte d'identité)
(…)
Mamadou Koulibaly
Président de l'Assemblée nationale
II) La responsabilité morale de la classe politique
(…) Le souverain est soit l'ancienne puissance coloniale, soit les bailleurs de fonds publics multilatéraux quand ce n'est pas le tribalisme ou le fanatisme religieux.
Il arrive très souvent, qu'une combinaison de plusieurs de ces souverains nous gouverne et dicte notre conduite. Par exemple, à la suite d'un concours d'entrée à l'Ecole de police d'Abidjan, dix des 1.358 admis, sont du même village que le chef de cabinet du ministre de l'Intérieur. Comment expliquer qu'aucun candidat, par le hasard du concours, n'ait été admis dans la sous préfecture de Saïoua alors que le village de Digbam enregistre à lui seul dix réussites ? Cette histoire a été relatée par les populations des villages dont les candidats ont échoué. On peut certes s'interroger sur la véracité des propos mais quoiqu'il en soit, le climat de suspicion devrait être l'occasion d'ouvrir une enquête parlementaire pour tirer au clair le trafic d'influence et la corruption qui entourent les concours d'entrée dans les grandes écoles de la police, de la gendarmerie et de l'administration. J'y suis favorable et j'invite les groupes parlementaires à s'y investir.
Cet exemple n'est-il pas la manifestation d'un système corrompu qui tolère qu'un fonctionnaire ivoirien travestisse le concours de l'Ecole nationale de police en un exercice de recrutement des jeunes de sa tribu ? A Saïoua même, cet homme a-t-il consulté les populations pour savoir si elles adhèrent à ce système mafieux ou si elles aspirent à un modèle libéral et juste ? Le tribalisme se marie très bien avec la corruption du système politique. (…)
III) La responsabilité sociale de la classe politique
(…)L'échec de l'Afrique est avant tout celui de sa classe politique et cela des pharaons d'Egypte jusqu'aux gouvernants d'aujourd'hui sans qu'aucune génération n'ait eu à rendre compte à qui que ce soit.
L'exemple caractéristique de ce type d'échec est l'Accord politique de Ouagadougou connu sous l'appellation de Apo. Inscrit initialement dans un chronogramme de dix mois et présenté comme la clé du dénouement de la crise ivoirienne, l'Apo, après trois années de tractations, est hélas une succession d'impasses habitées par l'amertume, le doute et l'inertie. Selon le député William Atteby, le processus de sortie de crise, évalué il y a six mois, en excluant le montant des armes, aurait coûté un peu plus de 600 milliards de Fcfa sans donner aucun résultat. Nos élections excéderaient ainsi le coût des élections d'une grande puissance comme le Canada (300 millions de dollars US). Hormis quelques cérémonies de destructions factices d'armes et de disparition théorique de la zone de confiance, le reste de l'accord s'est soldé par un fiasco complet. L'identification de la population a conduit la Côte d'Ivoire au bord de la guerre civile et nous n'avons toujours pas, trois ans après, de listes électorales alors que le ministre Tagro Désiré n'a eu de cesse de claironner que tout se passait bien et que tous les modes opératoires adoptés allaient nous conduire assurément à la paix. En guise de réussite, force est de constater que le processus électoral est totalement enlisé malgré la dissolution de la Commission électorale indépendante et son remplacement par d'autres cadres des partis politiques. Jugez-en vous-mêmes :
Le Centre de commandement intégré (Cci) reste une troisième armée totalement fictive à coté des Fds et des Fafn. Le Code de bonne conduite signé à grand bruit par la classe politique ivoirienne est oublié dans le mausolée de l'Apo ou sa dépouille à rejoint celle du Service civique et celle de la restauration de l'autorité de l'Etat. Le désarmement n'a pas eu lieu et demeure un sujet de controverses entre les signataires. Pour le ministre Tagro, après avoir accepté l'idée d'un désarmement par défaut, puis d'un désarmement après les élections, il est question aujourd'hui de fondre totalement le problème par des circonvolutions verbales stériles : faire la promotion de l'idée selon laquelle la date des élections serait connue et serait située juste deux mois après le désarmement. Pour Soro et Bakayoko, les autres signataires, la date du désarmement est connue, elle est juste deux mois avant celle des élections. Fixez, Messieurs, disent les rebelles, la date des élections et nous vous donnerons la date du désarmement, juste deux mois avant votre date. En clair, on ne connaît, ni la date des élections, ni celle d'un hypothétique désarmement mais ce qui est certain c'est qu'il faut user de tous moyens pour distraire le peuple, seul point qui fasse l'unanimité.
La réunification du pays n'a pas eu lieu. Le redéploiement de l'administration n'est pas achevé. L'unicité des caisses se trouve aux archives du dialogue direct. Les zones occupées, désignées de façon pudique zone Cno, demeurent pillées par des bandes armées. Après trois ans d'Apo et une multitude de deniers publics gaspillés dans des voyages entre Abidjan-Ouaga, Abidjan-Paris, Abidjan-New York, la pauvreté s'est accrue, la fuite des capitaux s'est accélérée, le chômage a augmenté, les infrastructures n'ont pas été entretenues et la fracture sociale s'est creusée. L'Apo s'est embourbé dans ses contradictions congénitales. La responsabilité du ministre Tagro est engagée car c'est lui qui a négocié, discuté, approuvé et conseillé l'Apo. L'échec patent de cet accord devrait amener le ministre Tagro à en tirer les conséquences et démissionner. Un homme politique responsable démissionnerait.
Le président de la République devrait désigner une nouvelle équipe pour engager un véritable processus de sortie de crise. Le temps qui passe joue contre lui et contre la paix. Les populations semblent accepter fatalement l'interminable statut- quo issu de l'Apo. Il est temps de briser la spirale qui nous maintient dans cette trappe à rébellion. Le passage du temps est d'autant plus néfaste que trop d'intérêts se cristallisent autour de l'économie de guerre et de la faillite de l'Etat. La sortie de crise en sera d'autant plus difficile.
Dans un contexte d'échec aussi flagrant, il est peu probable que les responsables endossent leurs responsabilités. Pourtant, même si nous n'avons pas de compte à rendre à nos consciences, nous en avons vis-à-vis de la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui et celle de demain ; du moins en théorie. Comment faire pour passer de la théorie à la pratique ? L'éducation à la responsabilité peut-elle y faire quelque chose ?
IV) Une nécessaire éducation à la responsabilité
(…)Nous devons avoir le courage de renoncer à la fuite face aux responsabilités. Nous devons même les prendre au plus vite. La fin de la spirale de Ouaga doit être annoncée officiellement avec les regrets qui se doivent. Nous avons trois ans de retard et une nouvelle stratégie doit être adoptée pour en finir avec ce vaudeville.
La priorité doit être désormais la liste électorale, les autres réponses en découleront. Il faut cesser la fuite en avant. Les listes blanche et grise doivent fusionner sans condition pour dégager une liste unique. Toutes les personnes figurant sur cette nouvelle liste doivent être considérées automatiquement et définitivement comme des Ivoiriens et la Cei doit leur remettre leur carte d'identité et leur carte d'électeur. C'est le résultat de l'Apo, la part d'héritage que nous devons assumer.
Il ne s'agit pas chambouler d'un revers de main le Code de la nationalité ivoirienne. Notre propos ici se limite à l'analyse de la liste électorale. Nous sommes confrontés à un problème inextricable : une frange d'inscrits est dans l'impossibilité de prouver sa nationalité ivoirienne. L'adage ne dit-il pas qu'à l'impossible nul n'est tenu ? Sans revoir le cadre juridique de la nationalité en général, dans le cas présent, deux chemins s'ouvrent à nous : le rejet ou l'intégration. En cas de doute, les fondements du droit nous incitent à interpréter dans le sens le plus favorable au demandeur. L'exclusion est le terreau de la haine. Les tergiversations risquent de durer des mois voire des années si le problème n'est pas tranché énergiquement de manière responsable. Au-delà des aspects juridiques, le problème est humain et repose sur l'altruisme et la compréhension. Il ne s'agit pas d'accepter comme Ivoiriens tous les étrangers présents sur le sol ivoirien. Il s'agit de régler le sort de toutes ces personnes qui sont sur la liste électorale et qui sont soupçonnées de fraude. Un doute subsiste mais nulle certitude n'a pu être établie quant à leur statut de fraudeur. Ce doute pourrait-il justifier à lui seul le blocage du processus électoral en Côte d'Ivoire ? Est-ce une attitude responsable de la part des décideurs de condamner tout un pays à l'inertie politique ?
(…)Depuis de longues années, des Ivoiriens se disent prêts à mourir pour la Côte d'Ivoire qu'ils aiment, chérissent et protègent de toute agression. Il y a aussi des personnes qui se disent prêtes à donner leur vie pour devenir Ivoiriennes parce qu'elles aiment la Côte d'Ivoire, qu'elles la chérissent et qu'elles veulent y vivre définitivement avec les Ivoiriens. Cette complicité affective n'exclue pas les points de divergence entre ces deux groupes. Les uns ne veulent pas brader la nationalité ivoirienne, les autres disent avoir un bout d'histoire en Côte d'Ivoire et pensent que le pays ne peut être réservé aux seuls Ivoiriens. Pourquoi cette peur de l'étranger ? Serait-il responsable des maux contagieux pour la nation ivoirienne ? Et de quels maux s'agit-il ?
Dans le processus de l'Apo, les signataires admettent implicitement que l'identification de la population doit être liée à une naturalisation à grande échelle de tous ceux qui peuvent se faire enrôler juste avec un extrait de naissance. Aujourd'hui, l'amour de la Côte d'Ivoire, qui est le meilleur dénominateur commun entre tous ceux qui se battent pour ce pays, devrait constituer le ferment de la naissance d'une nouvelle Côte d'Ivoire généreuse, accueillante et hospitalière. (…) Au-delà du contentieux sur la liste électorale, pour assumer nos responsabilités, nous devons audacieusement prononcer la disparition sans condition des forces rebelles qui devront soit rejoindre leurs emplois précédents la rébellion ou, si l'on s'en tient aux engagements pris dans l'Apo, être intégrés dans l'armée, la gendarmerie, l'administration. Ils bénéficieraient ainsi des droits attachés à leur poste mais seraient contraints de faire valoir au plus vite leur droit à la retraite, une armée pléthorique n'étant pas supportable par un petit pays pauvre très endetté.
Nous devons ensuite faire des élections après avoir modifié la Constitution pour la mettre en conformité avec l'accord de Pretoria et les ordonnances illégales que Désiré Tagro a fait prendre au président de la République. Cette révision de la Constitution pourrait nous permettre de basculer notre système politique du régime présidentiel au régime parlementaire avec des députés élus au scrutin majoritaire à un tour. Le leader du parti qui gagnera ces élections législatives sera le président de la République et il sera responsable devant son groupe parlementaire et devant le Parlement pour des mandats de cinq (5) ans. Le Parlement, lui-même, sera responsable devant le peuple de Côte d'Ivoire, au même titre que le Président.
Pour cela, Laurent Gbagbo doit changer l'équipe en charge de négocier la sortie de crise. L'équipe qui a piloté l'Apo a atteint ses limites.
L'éducation à la responsabilité se fera ainsi par l'exemple. La méthode ne sera plus de se détourner des problèmes ou de les repousser à plus tard, elle consistera à affronter chaque difficulté en recherchant les solutions optimales dans des délais impératifs avec une obligation de résultat.
Au-delà des exemples concrets, l'apprentissage de la responsabilité devra se poursuivre à l'école dans les programmes d'éducation civique et morale mais également à travers les programmes de télévision. Cette éducation nous permettra d'aborder des sujets tels que : la construction de notre Nation, l'amélioration de l'avenir de notre jeunesse, les déchets toxiques, les méfaits de la rébellion, les problèmes environnementaux. Nous réaliserons que la richesse première que nous possédons est l'Homme.
C'est ainsi que nous assumerons nos responsabilités vis-à-vis des générations futures. C'est ainsi que, par la démocratie et la libre propriété, nous cultiverons, chacun à notre niveau, notre bonheur privé qui participera au bonheur collectif. C'est ainsi que nous préparerons notre retraite et notre longévité. Pour cela, la classe politique n'aura besoin que d'audace.
V) Conclusion
Quiconque revendique la totale liberté entière et pleine, revendique la totale responsabilité entière et pleine.
Jean-Marie Adiaffi (La carte d'identité)
(…)
Mamadou Koulibaly
Président de l'Assemblée nationale