Au Togo, l’Union des forces du changement (UFC), formation politique créée par Gilchrist Olympio, «opposant historique», est-elle en train de mourir de sa belle mort ? Visiblement, son fondateur ne brûle que d’une envie : détruire l’œuvre de ses propres mains, si elle essaie de lui échapper. Malade et vieillissant, évoluant dans un contexte institutionnel délétère, le fils du premier président de la République togolaise n’a pas pu se présenter à la dernière élection présidentielle. Contrairement à l’échéance de 2005, où il avait réussi à se faire remplacer par un candidat, Bob Akitani, que son âge condamnait à une «ambition limitée», il a dû, en 2010, se résoudre à accepter que Jean-Pierre Fabre, jeune loup aux dents longues de son écurie, aille au combat. Mais il a, selon de nombreux observateurs, tout fait pour accompagner la défaite de son camp.
Désormais, le septuagénaire, qui a survécu à son ennemi héréditaire, Gnassingbé Eyadéma, a engagé un combat à la vie à la mort contre son jeune lieutenant. Et pour triompher, il ne lésine devant rien. Il est allé jusqu’à briser un tabou de sa «ligue politique» et de sa famille biologique. Il a pactisé avec Faure Gnassingbé, dans l’objectif de disposer d’un certain nombre de postes au gouvernement et dans les institutions… et de retenir ceux des siens qui sont fatigués du statut d’opposants éternels. A l’UFC, la fracture est désormais inévitable.
Une fois de plus, une question se pose avec acuité : les partis africains sont-ils assez solides pour survivre sans grands dommages à la mort ou à la fin de carrière de leurs «leaders éclairés» ? Tenter de répondre à cette interrogation ne va pas sans un regard rapide dans le rétroviseur.
La mort de Félix Houphouët-Boigny a été une vraie épreuve pour son parti, qui a pourtant joui longtemps d’un monopole politique avantageux. Dix ans après le 7 décembre 1993, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avait déjà éclaté en plusieurs partis d’inégale importance : le Rassemblement des républicains (RDR) – qui avait aux dernières consultations électorales un point politique plus ou moins égal à celui du parti-père –, mais aussi des formations qu’on pourrait qualifier de «petites», comme l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) et l’Union démocratique et citoyenne (UDCY). Au Sénégal, le Parti socialiste (PS) a su maintenir une forme d’unité, même s’il a été saigné après le départ de Moustapha Niasse, intervenu alors qu’Abdou Diouf était encore président de la République. Au Mali, certains observateurs ont eu l’impression qu’Alpha Oumar Konaré, après ses deux mandats, n’a rien fait pour maintenir le parti qu’il avait créé, rendant possibles les diverses fractures qui ont fait de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA) l’ombre d’elle-même. Qu’adviendra-t-il du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) après Biya, du Rassemblement du peuple togolais (RPT) en cas d’alternance, du Front populaire ivoirien (FPI), où des clans antagonistes se déchirent déjà, quand Gbagbo aura tiré sa révérence ? Le RDR signifie-t-il seulement quelque chose dès lors qu’Alassane Ouattara n’est plus sur l’échiquier politique ? La succession d’Henri Konan Bédié au PDCI ne provoquera-t-elle pas de nouveaux schismes ?
Difficile de faire ici exercice de divination. Mais la fragilité de nos formations politiques s’explique par un certain nombre de facteurs. Déjà, les partis historiquement au pouvoir, foncièrement administratifs, n’attirent plus ceux qui s’y étaient retrouvés par pur instinct carriériste ou par légitimisme mécanique. Très souvent, les partis se créent autour de personnalités charismatiques plus qu’autour de programmes de société. Du coup, se retrouvent dans le parti ceux qui aiment le style du leader, ceux qui sont de la même ethnie ou du même groupe social que lui. Dès lors qu’il s’en va, d’une manière ou d’une autre, les réflexes centripètes ont le dessus. De plus, la pratique politique montre que le «ticket d’entrée» dans la galaxie des présidentiables n’est pas très cher. Sous nos cieux, on peut encore être élu chef de l’Etat sans avoir de parti politique – les cas de Yayi Boni et d’Amadou Toumani Touré sont à cet égard très éclairants. Imagine-t-on de tels cas de figure aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, où la force des deux partis de gouvernement est telle qu’un frustré d’un des deux camps n’irait jamais jusqu’à défier l’appareil auquel il appartient ?
Nos jeunes formations politiques devraient s’interroger, vingt ans après le retour au multipartisme, sur leur «valeur ajoutée». Combien de militants fidèles, équilibrés, ayant une éducation politique, sachant accepter d’être mis en interne sans quitter le bateau, croyant en un projet politique structuré, ont-ils ? Le débat est ouvert.
Désormais, le septuagénaire, qui a survécu à son ennemi héréditaire, Gnassingbé Eyadéma, a engagé un combat à la vie à la mort contre son jeune lieutenant. Et pour triompher, il ne lésine devant rien. Il est allé jusqu’à briser un tabou de sa «ligue politique» et de sa famille biologique. Il a pactisé avec Faure Gnassingbé, dans l’objectif de disposer d’un certain nombre de postes au gouvernement et dans les institutions… et de retenir ceux des siens qui sont fatigués du statut d’opposants éternels. A l’UFC, la fracture est désormais inévitable.
Une fois de plus, une question se pose avec acuité : les partis africains sont-ils assez solides pour survivre sans grands dommages à la mort ou à la fin de carrière de leurs «leaders éclairés» ? Tenter de répondre à cette interrogation ne va pas sans un regard rapide dans le rétroviseur.
La mort de Félix Houphouët-Boigny a été une vraie épreuve pour son parti, qui a pourtant joui longtemps d’un monopole politique avantageux. Dix ans après le 7 décembre 1993, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avait déjà éclaté en plusieurs partis d’inégale importance : le Rassemblement des républicains (RDR) – qui avait aux dernières consultations électorales un point politique plus ou moins égal à celui du parti-père –, mais aussi des formations qu’on pourrait qualifier de «petites», comme l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) et l’Union démocratique et citoyenne (UDCY). Au Sénégal, le Parti socialiste (PS) a su maintenir une forme d’unité, même s’il a été saigné après le départ de Moustapha Niasse, intervenu alors qu’Abdou Diouf était encore président de la République. Au Mali, certains observateurs ont eu l’impression qu’Alpha Oumar Konaré, après ses deux mandats, n’a rien fait pour maintenir le parti qu’il avait créé, rendant possibles les diverses fractures qui ont fait de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA) l’ombre d’elle-même. Qu’adviendra-t-il du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) après Biya, du Rassemblement du peuple togolais (RPT) en cas d’alternance, du Front populaire ivoirien (FPI), où des clans antagonistes se déchirent déjà, quand Gbagbo aura tiré sa révérence ? Le RDR signifie-t-il seulement quelque chose dès lors qu’Alassane Ouattara n’est plus sur l’échiquier politique ? La succession d’Henri Konan Bédié au PDCI ne provoquera-t-elle pas de nouveaux schismes ?
Difficile de faire ici exercice de divination. Mais la fragilité de nos formations politiques s’explique par un certain nombre de facteurs. Déjà, les partis historiquement au pouvoir, foncièrement administratifs, n’attirent plus ceux qui s’y étaient retrouvés par pur instinct carriériste ou par légitimisme mécanique. Très souvent, les partis se créent autour de personnalités charismatiques plus qu’autour de programmes de société. Du coup, se retrouvent dans le parti ceux qui aiment le style du leader, ceux qui sont de la même ethnie ou du même groupe social que lui. Dès lors qu’il s’en va, d’une manière ou d’une autre, les réflexes centripètes ont le dessus. De plus, la pratique politique montre que le «ticket d’entrée» dans la galaxie des présidentiables n’est pas très cher. Sous nos cieux, on peut encore être élu chef de l’Etat sans avoir de parti politique – les cas de Yayi Boni et d’Amadou Toumani Touré sont à cet égard très éclairants. Imagine-t-on de tels cas de figure aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, où la force des deux partis de gouvernement est telle qu’un frustré d’un des deux camps n’irait jamais jusqu’à défier l’appareil auquel il appartient ?
Nos jeunes formations politiques devraient s’interroger, vingt ans après le retour au multipartisme, sur leur «valeur ajoutée». Combien de militants fidèles, équilibrés, ayant une éducation politique, sachant accepter d’être mis en interne sans quitter le bateau, croyant en un projet politique structuré, ont-ils ? Le débat est ouvert.