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Économie Publié le mardi 8 juin 2010 | Le Nouveau Réveil

Enquête / Capitale économique de la Côte d`Ivoire : Si Abidjan m`était contée !

Un peu plus d'un siècle d'une évolution fulgurante. Un destin surprenant marqué par des époques qui ont écrit les belles pages de sa renommée. Voici l'histoire d'Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire.



Le nom " Abidjan " est parti d'un quiproquo. Tous les historiens ivoiriens, d'Henriette Diabaté, à Simon-Pierre Ekanza, en passant par Pierre Kipré et François Joseph Amon d'Aby, sont unanimes là-dessus dans leurs livres et mémoires. Tous se basent sur une légende ébrié. Cette légende relayée par Pierre Djédji Amondji (Front populaire ivoirien-FPI), gouverneur du District d'Abidjan, révèle qu'" un vieil homme revenant de son champ, les bras chargés de branchages probablement destinés à la réfection du toit de sa case, rencontre sur son chemin, un explorateur européen qui lui demanda le nom du village le plus proche. Le vieil homme ne parlant pas la langue de l'homme blanc a cru comprendre que celui-ci demandait ce qu'il faisait en ces lieux. Tétanisé par cette rencontre inattendue, il s'enfuit en criant : " N'tchan m'bidjan ", ce qui signifie en langue ébrié " Je viens de couper des feuilles ". L'homme blanc crut avoir eu la réponse à sa question et consigna consciencieusement sur son bloc-notes " Abidjan " ". Nous sommes au 19è siècle.

Dans ses mémoires intitulés " La pacification de la Côte d'Ivoire, 1908-1915 ", parus aux éditions Larose à Paris en 1916, dont certains pans sont disponibles sur Google books, Gabriel Angoulvant, premier gouverneur de la colonie, écrit qu' " Abidjan est à l'origine un petit village de pêcheurs. En 1896, à la suite d'une épidémie de fièvre jaune meurtrière, les colons français qui étaient installés à Bassam (alors capitale de la Côte d'Ivoire, NDLR) décidèrent de partir vers un endroit plus salubre à Adjamé-Santey. Leur déménagement fut suivi de celui du gouvernement colonial qui créa en 1899, à cet endroit, le comptoir de Bingerville, capitale de la colonie française ", de 1900 à 1904.

Dans le livre de Guy Cangah et de Simon-Pierre Ekanza, " La Côte d'Ivoire par les textes " (NEA, Paris, 1978), il est noté que c'est par arrêté en date du 29 octobre 1915 que la ville d'Abidjan a été érigée en commune mixte de premier degré. Les quartiers qui composent la ville sont Abidjan-Adjamé, Abidjan-Santey, Abidjan-Agban, Abidjan-Blockaus, Cocody, Abobo-Doumé, Port-Bouët et Petit Bassam.

Le grand dictionnaire encyclopédique de la Côte d'Ivoire (NEA, 1987) indique qu'Abidjan est alors dirigée par l'administrateur du Cercle des lagunes assisté d'une commission municipale consultative de sept membres.



Commune mixte

Les arrêtés du 23 octobre 1939 et du 1er décembre 1952, changent le statut d'Abidjan. La ville devient une commune mixte de deuxième degré puis une commune mixte de troisième degré.

La ville d'Abidjan est promue commune de plein exercice par décret en date du 18 novembre 1955. Un an plus tard, est élu le premier conseil municipal de trente-cinq (35) personnes. Le premier maire élu est le Premier ministre issu de la Loi-cadre, en l'occurrence Félix Houphouët-Boigny. Le procès verbal du premier conseil municipal, disponible dans les archives du District d'Abidjan révèle que le maire est aidé dans sa tâche par six adjoints : Antoine Filidori (commerçant), Jean Delafosse (ministre d'Etat), Jean Porquet (industriel), M. Fornier (entrepreneur), Albert Paraiso (cabinet du Premier ministre) et Antoine Konan Kangah (secrétaire d'Etat aux Finances, qui dirigera plus tard, la mairie d'Abidjan, durant de nombreuses années).

Le 28 août 1959, le Premier ministre prend un arrêté en vue de définir le nouveau périmètre du territoire d'Abidjan. Les agglomérations de Treichville, d'Adjamé et d'Abobo, la baie du Banco, les villages d'Azito et de Danga, ainsi que le cordon littoral de Vridi et Gonzagueville, sont intégrés à la ville d'Abidjan. Quatre délégations sont créées et administrées par des délégués nommés par l'exécutif.

Les deux lois jumelles du 17 octobre 1980, érigent dix localités en communes et créent par la même occasion la Ville d'Abidjan, dirigée par un maire central. Le 30 novembre 1980, Emmanuel Dioulo est élu maire de la Ville d'Abidjan. Cinq années plus tard, Ernest N'Koumo Mobio lui succède. Il reste à ce poste jusqu'au coup d'Etat de 1999.

En 2001, la loi 2001-478 du 9 août, transforme la Ville d'Abidjan (érigée en capitale économique en 1983, après le transfert de la capitale politique à Yamoussoukro) en District, administré par un Gouverneur nommé par l'exécutif. Le conseil du district, lui, est élu.

Outre les dix communes traditionnelles, Anyama, Bingerville et Songon font désormais partie du District d'Abidjan.

Le District s'étend sur une superficie de 2119 km2 soit plus de douze fois les Seychelles. Sa population est estimée en 2006 à 3.796.677 habitants, soit plus de deux fois la population du Gabon.



Destin fabuleux

Plusieurs événements contribuent au cours du premier siècle d'histoire d'Abidjan, à asseoir sa notoriété et faire d'elle une destination rêvée dans la sous région ouest africaine. Au nombre de ces évènements, un hasard de l'histoire.

" C'est en 1900, note le site du District d'Abidjan, qu'un choix de l'administration coloniale est venu prédestiner Abidjan à l'évolution fulgurante qui a fait aujourd'hui d'elle, non seulement une grande métropole moderne, mais également un pôle de développement économique de premier plan et une plaque tournante de l'Afrique de l'ouest ".

En effet, le site avance que " le gouvernement Houdaille venait de réaliser cette année (1900), au cours de ses investigations pour le projet de chemin de fer prévu pour relier Bamako à l'Atlantique, que le plus court chemin passait, non pas par Dakar, comme on l'avait cru, de prime abord, mais par la Côte d'Ivoire. C'est ainsi que le site du Plateau fut choisi pour abriter le terminus de la voie ferrée dont les travaux devaient entraîner dès 1903, l'établissement d'une colonie d'Européens et de travailleurs africains ".

Dès lors, Abidjan développe sa vocation industrielle et commerciale autour du rail posé, fer après fer, par des " indigènes " soumis au travail forcé.

Wikipedia, le dictionnaire en ligne, relève que c'est à partir de cette époque que de nombreux commerçants, ressortissants de la Syrie et du Liban, affluent vers Abidjan.

Le deuxième évènement est plutôt une curiosité. En 1931, l'administrateur colonial fait construire un pont flottant métallique, à peu près à l'emplacement actuel du pont Houphouët-Boigny. Il relie le Plateau à Anoumabo (actuel Treichville). Il mesure 8.5 mètres de large et comprend trois voies : ferrée, automobile et piétonne. Ce pont apparaît comme un chef-d'œuvre, à cette époque. Il devient aussi un objet d'admiration dans toutes les colonies françaises d'Afrique.

En 1933, précisément le 10 août, par décret, Abidjan devient la troisième capitale de la Côte d'Ivoire, après Bassam (auquel on ajoutera par la suite l'adjectif " Grand ", pour marquer la différence avec Petit Bassam situé à Port-Bouët) et Bingerville.

Quelques années plus tard, les colons construisent au Plateau, l'hôtel Bardon, rebaptisé hôtel du Parc. Cet hôtel est une exclusivité. Wikipedia affirme que " c'est le premier hôtel climatisé d'Afrique francophone où travaillent le premier barman et le premier maître d'hôtel africains ".

Le quatrième évènement qui fonde la notoriété d'Abidjan est sans contexte la construction du canal de Vridi en 1951. Les documents disponibles dans les archives du Port autonome d'Abidjan, sur ce sujet, notent que les travaux sont initiés par le colon afin que " les navires à fort tirant d'eau puissent venir accoster aux quais de Treichville et y aménagent un des rares ports africains en eaux profondes ". Le travail forcé aboli en 1946 par la loi Houphouët-Boigny, encourage des centaines de nationaux et d'immigrants à se rendre à Abidjan, pour obtenir des emplois.

Au lendemain de l'indépendance, les tours qui jaillissent du Plateau et s'élancent dans le ciel, constituent une attraction pour tout Africain qui rêve de Manhattan. Les grands travaux (ouverture de routes, constructions d'écoles et d'administrations, de zones industrielles, etc.) et les grands investissements (Société des transports abidjanais-Sotra, Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière-Sicogi, l'aéroport, les grands boulevards, l'autoroute du nord, etc.) finissent par imposer Abidjan comme la plaque tournante de l'Afrique de l'ouest, voire de l'Afrique.

La " Perle des lagunes " ne peut, dès lors, que faire rêver.

André Silver Konan

kandresilver@yahoo.fr
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