Il y a déjà six ans qu’est sorti son livre ‘‘Au rythme lent de la vie’’, un roman. Le 28 è café littéraire du 10 mars 2010 à la ‘‘case des arts’’, à Cocody, a permis de rédecouvrir ce livre grave dans le ton et qui aborde des problèmes sociaux sous une belle prose. Le romancier n’a pas hésité à nous accorder une interview autour de ce roman.
La plupart des auteurs disent qu’ils écrivent pour panser des blessures intérieures. Est-ce votre cas ?
Je ne crois pas que j’aie des blessures qui m’aient amené à écrire. Il est tout à fait possible qu’il y ait eu effectivement des situations personnelles, des sensibilités personnelles qui m’ont poussé à l’écriture. Je parlerai aussi d’ailleurs d’une certaine tradition familiale qui fait que j’ai été très tôt habitué à l’écrit. Mais je ne crois pas que dans mon cas, cela soit une blessure. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que les blessures suffisent pour transformer des gens en écrivains. Donc quand vous dites ‘‘la plupart des auteurs’’, je vous laisse la responsabilité de tels propos; mais je ne suis pas convaincu qu’il suffit d’avoir été blessé pour devenir écrivain.
Qu’est-ce qui vous amène donc à écrire ?
Dans mon cas, c’est l’aboutissement d’une éducation, d’une façon d’être. L’environnement dans lequel j’ai vécu était plus que favorable à l’écrit. Je pense que cela a pu jouer. Et puis, trajectoire personnelle, des histoires de vie, tout cela a pu contribuer. Mais je ne suis pas sûr qu’on puisse répondre exactement à la question de savoir pourquoi on écrit. Je sais que de grands et vrais auteurs s’y sont essayés ; mais moi, je ne suis pas sûr que quelqu’un ait la réponse à cette question. C’est de l’ordre du mystérieux, c’est quasi métaphysique, l’acte qui nous pousse à écrire.
Nous devinons que vous avez des textes en souffrance ?
J’en ai pas mal. Des romans, des essais. Il y en a qui ont abouti, d’autres dont je ne suis pas satisfait. Je me suis interrogé de savoir si je devais publier pendant que je suis dans mes fonctions actuelles ou attendre le moment où je serai rendu à moi-même (sourires). Depuis fort longtemps, j’écris et d’ailleurs, je continue d’écrire.
Votre roman a pour fond socio-historique la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Sénégal des premières années de nos indépendances. Y a-t-il des raisons particulières à cela ?
Non, il n’y a pas de raison, j’allais dire, particulières. Cependant, j’ai été fasciné par cette période, ces quelques années avant les indépendances et le début des indépendances. Ce fut une période de bouillonnement aussi bien politique que culturel, une période d’aspiration à la modernité, à un moment où toutes les espérances étaient intactes. Nous étions véritablement à la veille de toutes sortes de bouleversements, et on croyait que toutes les promesses pouvaient être tenues. Je crois que c’est lié aussi au fait que c’était une période extrêmement riche, dense, que c’était l’éveil à la vie moderne. C’est pour cela aussi que cette période me fascine. Cela fait environ cinquante ans qu’il y a eu les indépendances. Je pense que beaucoup de choses qui se déroulent aujourd’hui prennent racine dans cette période. En tout cas, c’est une période qui me passionne et qu’on n’a pas fini d’explorer.
On ne s’amuse pas dans votre livre. Vos personnages sont tous graves et sérieux. Seriez-vous contre tout ce qui relève du ludique ?
Je ne suis pas d’accord quand vous dites qu’on ne s’amuse pas. Il y en a quand même qui s’amusent ; il y a dans ce roman pas mal de fêtes, il y a des rencontres, il y a des jeunes gens, et tout. Mais soyons clairs : est-ce que les agitations sont vraiment le summum de l’amusement ? Est-ce que les gens doivent s’amuser sur commande ? Est-ce que le fait qu’il y ait parfois des foules en délire, c’est le véritable amusement ? Est-ce qu’à l’intérieur même des foules, tout le monde s’amuse ? Et puis cette sacralisation de la fête, des loisirs, est-ce que c’est vraiment un horizon indispensable ? On peut se poser beaucoup de questions. J’ai souvent l’impression qu’il y a une sorte de culte de l’amusement qu’on essaie de promouvoir. Mais est-ce que la vie consiste seulement à s’amuser ? Est-ce que l’amusement comme vous dites, est synonyme de bonheur ? Il y a beaucoup de questions comme cela qu’on peut se poser. Mais pour en revenir au roman, il y a quand même des gens qui s’amusent. Tout ce qui se passe dans ces villages tranquilles du Fouta, tout ce qui se passe dans les villes suggérées, dans ces fêtes et même à l’intérieur des familles, cette sérénité, ces échanges, c’est quand même un aspect du bonheur.
Votre héroïne, Naé, que vous avez voulue pure, cède cependant trop facilement, du moins à notre avis, au premier venu.
D’abord je n’ai pas dit que je la voulais pure.
Elle est quand même sortie vierge d’un mariage qui a duré sept ans ?
Ce n’est pas dit. Nulle part dans le roman, on a parlé de sa virginité. On a laissé entendre en tout cas, qu’elle a été dans un mariage qui n’a peut-être pas été consommé, mais ce n’est pas affirmé de façon aussi certaine. Et puis je ne sais pas si la virginité est synonyme de pureté. Je ne considère pas non plus que celui à qui elle cède comme vous le dites, était le premier venu. Est-ce que ce n’est pas une lente maturation qui a fini par aboutir à ce qui s’est passé ? Je ne crois pas du tout que cela soit en tout cas l’intention du roman d’opposer des gens purs à des gens impurs. Il s’agit de l’histoire singulière d’une fillette qui a été mariée à l’âge de 13 ans, et qui s’est laissé docilement marier avec un ami de son père ; puis elle a recouvré la liberté parce que ce mari est mort. Elle rencontre ensuite quelqu’un de plus jeune qu’elle désire, et qui l’aime. Le reste, selon moi, participe de l’ordre naturel des choses.
Sans le dire de manière expresse, votre livre pose en filigrane la question des immigrés en Côte d’Ivoire et l’épineuse question identitaire. Quel est votre point de vue sur ces questions ?
Je ne crois pas que le livre parle des émigrés en Côte d’Ivoire. Le livre a fait allusion à un certain nombre de situations de gens qui venaient de la Guinée , pour s’installer en Côte d’Ivoire. Mais d’une façon générale, le thème de l’immigration n’est pas véritablement abordé, la question identitaire non plus. Cela a peut-être été effleuré à travers quelques personnages. Je dis simplement que le problème de l’identité ou de l’immigration en Côte d’Ivoire a fini par être une espèce de pathologie ivoirienne où toutes les questions qu’on peut aborder finissent toujours autour de la question des étrangers. Je ne crois pas que cela soit sain. Quand on regarde cette sous région ouest africaine, on se rend compte qu’il y a effectivement beaucoup d’échanges entre ces régions. On a vu aussi beaucoup d’apports venant d’un certain nombre de pays limitrophes. A mesure d’ailleurs que les aléas économiques changent de camp, on voit bien que cette immigration-là, essentiellement économique, change aussi de nature. Aujourd’hui, vous ne verrez pas beaucoup d’immigrés ghanéens en Côte d’Ivoire, et vous y verrez de moins en moins d’immigrés maliens parce que le Mali a réussi à retrouver sa place dans cette Afrique de l’Ouest à qui il a apporté énormément de choses.
Donc, à mesure que les mutations économiques s’accélèrent, ou adviennent, vous verrez que ceux qu’on considérait comme des immigrés fatalement attirés par l’eldorado ivoirien vont soit rester chez eux, soit aller ailleurs, même au-delà de la Côte d’Ivoire. Le cas des Guinéens est particulier. Soumis à une forte répression, ce sont des gens qui ont été effectivement partout dans le monde. Je le dis, il y a des Guinéens qui sont professeurs à la Sorbonne , qui ont dirigé des scieries en Finlande ; il y en a qui sont de petits vendeurs, de petits boutiquiers à Abidjan, d’autres, dockers à Mombassa. Donc déjà, il y a une sorte d’atavisme du départ, et puis, il y a une situation interne terrible. Vous avez d’ailleurs constaté que quand il y a eu la guerre en Côte d’Ivoire, les Ivoiriens eux-mêmes se sont retrouvés immigrés ailleurs. Donc ce ne sont pas des fatalités. Ce sont des situations historiques qui amènent cela.
Le ministre de la Communication que vous êtes a-t-il la possibilité d’agir sur le monde de la culture ? Par exemple en faisant la promotion du livre à la radio, la télévision et la presse écrite ?
Ecoutez, d’abord je dirai que la promotion du livre relève d’un travail collectif. Pour ce qui me concerne effectivement, il m’arrive d’intervenir afin que l’on ne traite pas la culture comme une marchandise, et qu’on facilite l’accès à la culture; qu’on essaie de faire la promotion par exemple de l’Académie des Arts, et qu’il y ait un certain nombre de dispositions préférentielles en ce qui concerne le livre. Mais je dois dire que nous sommes aujourd’hui dans un monde marchand, et tout ce qui n’est pas marchandise est considéré paradoxalement comme intrusion. Je pense que c’est une longue chaîne : il faut des artistes maîtrisant leurs productions; il faut des administrateurs de la culture, des spécialistes en marketing culturel, des journalistes bien formés et sachant de quoi ils parlent et qui prennent plaisir à faire la promotion du livre. Il est clair que ce n’est pas le ministre de la Communication qui va aller parler du livre à la télévision Je pense qu’il y a peut-être des chaînons qu’il faut d’abord mettre en place pour que la grande chaîne de la culture puisse véritablement fonctionner. Mais en tout cas, je suis favorable à l’avènement de médias qui donneraient cette place à la culture.
Vous figurez en ce moment en sixième position des meilleures ventes ?
C’est vous qui me l’apprenez.
Ce relatif succès commercial de votre livre flatte-t-il votre orgueil ?
Vous trouvez que c’est un succès ? Je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas comment ces classements sont faits, ni à quoi cela correspond. Est-ce que cela reflète bien le goût de la lecture des Ivoiriens ou bien au contraire, est-ce la preuve que les Ivoiriens ne lisent pas beaucoup ? Je ne sais pas, je n’en ai aucune idée, donc je ne peux pas en tirer gloriole parce que je ne sais pas à quoi cela correspond.
Quel est le livre que vous auriez aimé écrire ?
Celui sur lequel je travaille en ce moment.
Quels sont vos auteurs préférés ailleurs et en Côte d’Ivoire ?
Ce sont les livres qui m’intéressent, ce ne sont pas forcement les auteurs. Je n’ai pas d’attachement obsessionnel à un auteur, mais à un certain nombre de livres qui font partie de ma bibliothèque personnelle.
Lesquels ?
En dehors des livres de spiritualité qui ont une place importante dans ma bibliothèque, je pourrais citer ‘‘La promesse de l’aube’’ de Romain Gary; je pourrais citer évidemment la quasi-totalité des ouvrages d’Aimé Césaire. Dans un autre régistre j’ai beaucoup aimé: ‘‘Cette nuit la liberté’’, ‘‘Où tu porteras mon deuil’’, ‘‘Ô Jérusalem’’, de Dominique Lapierre, Larry Collins.Un certain nombre d’auteurs comme ça qui ne sont pas de vieux auteurs classiques.
La plupart des auteurs disent qu’ils écrivent pour panser des blessures intérieures. Est-ce votre cas ?
Je ne crois pas que j’aie des blessures qui m’aient amené à écrire. Il est tout à fait possible qu’il y ait eu effectivement des situations personnelles, des sensibilités personnelles qui m’ont poussé à l’écriture. Je parlerai aussi d’ailleurs d’une certaine tradition familiale qui fait que j’ai été très tôt habitué à l’écrit. Mais je ne crois pas que dans mon cas, cela soit une blessure. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que les blessures suffisent pour transformer des gens en écrivains. Donc quand vous dites ‘‘la plupart des auteurs’’, je vous laisse la responsabilité de tels propos; mais je ne suis pas convaincu qu’il suffit d’avoir été blessé pour devenir écrivain.
Qu’est-ce qui vous amène donc à écrire ?
Dans mon cas, c’est l’aboutissement d’une éducation, d’une façon d’être. L’environnement dans lequel j’ai vécu était plus que favorable à l’écrit. Je pense que cela a pu jouer. Et puis, trajectoire personnelle, des histoires de vie, tout cela a pu contribuer. Mais je ne suis pas sûr qu’on puisse répondre exactement à la question de savoir pourquoi on écrit. Je sais que de grands et vrais auteurs s’y sont essayés ; mais moi, je ne suis pas sûr que quelqu’un ait la réponse à cette question. C’est de l’ordre du mystérieux, c’est quasi métaphysique, l’acte qui nous pousse à écrire.
Nous devinons que vous avez des textes en souffrance ?
J’en ai pas mal. Des romans, des essais. Il y en a qui ont abouti, d’autres dont je ne suis pas satisfait. Je me suis interrogé de savoir si je devais publier pendant que je suis dans mes fonctions actuelles ou attendre le moment où je serai rendu à moi-même (sourires). Depuis fort longtemps, j’écris et d’ailleurs, je continue d’écrire.
Votre roman a pour fond socio-historique la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Sénégal des premières années de nos indépendances. Y a-t-il des raisons particulières à cela ?
Non, il n’y a pas de raison, j’allais dire, particulières. Cependant, j’ai été fasciné par cette période, ces quelques années avant les indépendances et le début des indépendances. Ce fut une période de bouillonnement aussi bien politique que culturel, une période d’aspiration à la modernité, à un moment où toutes les espérances étaient intactes. Nous étions véritablement à la veille de toutes sortes de bouleversements, et on croyait que toutes les promesses pouvaient être tenues. Je crois que c’est lié aussi au fait que c’était une période extrêmement riche, dense, que c’était l’éveil à la vie moderne. C’est pour cela aussi que cette période me fascine. Cela fait environ cinquante ans qu’il y a eu les indépendances. Je pense que beaucoup de choses qui se déroulent aujourd’hui prennent racine dans cette période. En tout cas, c’est une période qui me passionne et qu’on n’a pas fini d’explorer.
On ne s’amuse pas dans votre livre. Vos personnages sont tous graves et sérieux. Seriez-vous contre tout ce qui relève du ludique ?
Je ne suis pas d’accord quand vous dites qu’on ne s’amuse pas. Il y en a quand même qui s’amusent ; il y a dans ce roman pas mal de fêtes, il y a des rencontres, il y a des jeunes gens, et tout. Mais soyons clairs : est-ce que les agitations sont vraiment le summum de l’amusement ? Est-ce que les gens doivent s’amuser sur commande ? Est-ce que le fait qu’il y ait parfois des foules en délire, c’est le véritable amusement ? Est-ce qu’à l’intérieur même des foules, tout le monde s’amuse ? Et puis cette sacralisation de la fête, des loisirs, est-ce que c’est vraiment un horizon indispensable ? On peut se poser beaucoup de questions. J’ai souvent l’impression qu’il y a une sorte de culte de l’amusement qu’on essaie de promouvoir. Mais est-ce que la vie consiste seulement à s’amuser ? Est-ce que l’amusement comme vous dites, est synonyme de bonheur ? Il y a beaucoup de questions comme cela qu’on peut se poser. Mais pour en revenir au roman, il y a quand même des gens qui s’amusent. Tout ce qui se passe dans ces villages tranquilles du Fouta, tout ce qui se passe dans les villes suggérées, dans ces fêtes et même à l’intérieur des familles, cette sérénité, ces échanges, c’est quand même un aspect du bonheur.
Votre héroïne, Naé, que vous avez voulue pure, cède cependant trop facilement, du moins à notre avis, au premier venu.
D’abord je n’ai pas dit que je la voulais pure.
Elle est quand même sortie vierge d’un mariage qui a duré sept ans ?
Ce n’est pas dit. Nulle part dans le roman, on a parlé de sa virginité. On a laissé entendre en tout cas, qu’elle a été dans un mariage qui n’a peut-être pas été consommé, mais ce n’est pas affirmé de façon aussi certaine. Et puis je ne sais pas si la virginité est synonyme de pureté. Je ne considère pas non plus que celui à qui elle cède comme vous le dites, était le premier venu. Est-ce que ce n’est pas une lente maturation qui a fini par aboutir à ce qui s’est passé ? Je ne crois pas du tout que cela soit en tout cas l’intention du roman d’opposer des gens purs à des gens impurs. Il s’agit de l’histoire singulière d’une fillette qui a été mariée à l’âge de 13 ans, et qui s’est laissé docilement marier avec un ami de son père ; puis elle a recouvré la liberté parce que ce mari est mort. Elle rencontre ensuite quelqu’un de plus jeune qu’elle désire, et qui l’aime. Le reste, selon moi, participe de l’ordre naturel des choses.
Sans le dire de manière expresse, votre livre pose en filigrane la question des immigrés en Côte d’Ivoire et l’épineuse question identitaire. Quel est votre point de vue sur ces questions ?
Je ne crois pas que le livre parle des émigrés en Côte d’Ivoire. Le livre a fait allusion à un certain nombre de situations de gens qui venaient de la Guinée , pour s’installer en Côte d’Ivoire. Mais d’une façon générale, le thème de l’immigration n’est pas véritablement abordé, la question identitaire non plus. Cela a peut-être été effleuré à travers quelques personnages. Je dis simplement que le problème de l’identité ou de l’immigration en Côte d’Ivoire a fini par être une espèce de pathologie ivoirienne où toutes les questions qu’on peut aborder finissent toujours autour de la question des étrangers. Je ne crois pas que cela soit sain. Quand on regarde cette sous région ouest africaine, on se rend compte qu’il y a effectivement beaucoup d’échanges entre ces régions. On a vu aussi beaucoup d’apports venant d’un certain nombre de pays limitrophes. A mesure d’ailleurs que les aléas économiques changent de camp, on voit bien que cette immigration-là, essentiellement économique, change aussi de nature. Aujourd’hui, vous ne verrez pas beaucoup d’immigrés ghanéens en Côte d’Ivoire, et vous y verrez de moins en moins d’immigrés maliens parce que le Mali a réussi à retrouver sa place dans cette Afrique de l’Ouest à qui il a apporté énormément de choses.
Donc, à mesure que les mutations économiques s’accélèrent, ou adviennent, vous verrez que ceux qu’on considérait comme des immigrés fatalement attirés par l’eldorado ivoirien vont soit rester chez eux, soit aller ailleurs, même au-delà de la Côte d’Ivoire. Le cas des Guinéens est particulier. Soumis à une forte répression, ce sont des gens qui ont été effectivement partout dans le monde. Je le dis, il y a des Guinéens qui sont professeurs à la Sorbonne , qui ont dirigé des scieries en Finlande ; il y en a qui sont de petits vendeurs, de petits boutiquiers à Abidjan, d’autres, dockers à Mombassa. Donc déjà, il y a une sorte d’atavisme du départ, et puis, il y a une situation interne terrible. Vous avez d’ailleurs constaté que quand il y a eu la guerre en Côte d’Ivoire, les Ivoiriens eux-mêmes se sont retrouvés immigrés ailleurs. Donc ce ne sont pas des fatalités. Ce sont des situations historiques qui amènent cela.
Le ministre de la Communication que vous êtes a-t-il la possibilité d’agir sur le monde de la culture ? Par exemple en faisant la promotion du livre à la radio, la télévision et la presse écrite ?
Ecoutez, d’abord je dirai que la promotion du livre relève d’un travail collectif. Pour ce qui me concerne effectivement, il m’arrive d’intervenir afin que l’on ne traite pas la culture comme une marchandise, et qu’on facilite l’accès à la culture; qu’on essaie de faire la promotion par exemple de l’Académie des Arts, et qu’il y ait un certain nombre de dispositions préférentielles en ce qui concerne le livre. Mais je dois dire que nous sommes aujourd’hui dans un monde marchand, et tout ce qui n’est pas marchandise est considéré paradoxalement comme intrusion. Je pense que c’est une longue chaîne : il faut des artistes maîtrisant leurs productions; il faut des administrateurs de la culture, des spécialistes en marketing culturel, des journalistes bien formés et sachant de quoi ils parlent et qui prennent plaisir à faire la promotion du livre. Il est clair que ce n’est pas le ministre de la Communication qui va aller parler du livre à la télévision Je pense qu’il y a peut-être des chaînons qu’il faut d’abord mettre en place pour que la grande chaîne de la culture puisse véritablement fonctionner. Mais en tout cas, je suis favorable à l’avènement de médias qui donneraient cette place à la culture.
Vous figurez en ce moment en sixième position des meilleures ventes ?
C’est vous qui me l’apprenez.
Ce relatif succès commercial de votre livre flatte-t-il votre orgueil ?
Vous trouvez que c’est un succès ? Je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas comment ces classements sont faits, ni à quoi cela correspond. Est-ce que cela reflète bien le goût de la lecture des Ivoiriens ou bien au contraire, est-ce la preuve que les Ivoiriens ne lisent pas beaucoup ? Je ne sais pas, je n’en ai aucune idée, donc je ne peux pas en tirer gloriole parce que je ne sais pas à quoi cela correspond.
Quel est le livre que vous auriez aimé écrire ?
Celui sur lequel je travaille en ce moment.
Quels sont vos auteurs préférés ailleurs et en Côte d’Ivoire ?
Ce sont les livres qui m’intéressent, ce ne sont pas forcement les auteurs. Je n’ai pas d’attachement obsessionnel à un auteur, mais à un certain nombre de livres qui font partie de ma bibliothèque personnelle.
Lesquels ?
En dehors des livres de spiritualité qui ont une place importante dans ma bibliothèque, je pourrais citer ‘‘La promesse de l’aube’’ de Romain Gary; je pourrais citer évidemment la quasi-totalité des ouvrages d’Aimé Césaire. Dans un autre régistre j’ai beaucoup aimé: ‘‘Cette nuit la liberté’’, ‘‘Où tu porteras mon deuil’’, ‘‘Ô Jérusalem’’, de Dominique Lapierre, Larry Collins.Un certain nombre d’auteurs comme ça qui ne sont pas de vieux auteurs classiques.