« Quand on dit qu’il y a des fraudeurs, et que par coïncidence, tous les fraudeurs ont des patronymes qui viennent du Nord, cela est malsain. Car la Côte d’Ivoire est entourée de cinq pays. Si on dit que les fraudeurs, ce sont des Maliens, des Guinéens et des Burkinabé, il aurait été plus décent de parler des Ghanéens, et des Libériens ». Par sa façon à lui, Alpha a ramené au goût du jour le mal qui ronge la Côte d’Ivoire. Ce pays où la crise identitaire a rongé les rapports entre citoyens et mis l’Etat à genou. Comme le dit la rock star, tout procède par stigmatisation et par arbitraire. Le choix est opéré par les tenants du pouvoir de jeter l’anathème sur des pans entiers de la population. Et ces derniers sont acculés à l’extrême. Dans le cas des présumées fraudes sur l’identité, des descentes de polices ont eu lieu dans les quartiers, à Abidjan. Les cibles, toutes, les Ivoiriens d’une même zone géographique du pays. L’injustice d’Etat dépasse les bornes de l’imaginable. Au passeport, c’est la même chose. Et avec les dernières révélations du ministre de l’Intérieur au secrétariat exécutif de son parti, les Ivoiriens savent que tout se fait dans ce pays à l’aune de l’appartenance politique. Un euphémisme pour dire que les recrutements dans l’administration et les corps des forces de l’ordre sont soumis à « la compétence tribale ». Même sous le parti unique, les dérives n’avaient pas atteint un tel niveau en Côte d’Ivoire. Sous le manteau de l’Etat s’élève une République du village. Une République qui offre tout aux siens et, pire, spolie les droits des autres. Y compris leur nationalité. Les éléments des forces de l’ordre, et des magistrats sortis des moules de cette fonction selon le village, s’attellent à la besogne. Ironie du sort, le mal est si généralisé que c’est le fait d’en parler qui devient un délit. Voire un crime.
D. Al Seni
D. Al Seni