Député PDCI à l’Assemblée Nationale, Délégué et Directeur de campagne du candidat Aimé Henri Konan Bédié à Toumodi, l’ex-ministre de la Santé et de l’Hygiène Publique a accepté de s’ouvrir à ‘’ Le Mandat ’’. Dans cette interview, l’élu de Toumodi s’insurge contre le projet de candidature unique du RHDP au 1er tour de la présidentielle. Et non sans forts arguments de conviction. Entretien…
Monsieur le Ministre, vous êtes sorti du gouvernement à l’occasion du dernier remaniement ministériel. Dans quel état d’esprit êtes-vous en ce moment ?
Je n’ai pas d’état d’esprit particulier. Je suis un citoyen avec mes joies, mes peines, mes responsabilités et mes préoccupations. Etant député, délégué départemental et directeur local de campagne du président Bédié à Toumodi, j’organise au mieux les militants pour les prochaines élections présidentielles.
Vous dites que vous organisez au mieux les militants. Mais comment les avez-vous retrouvés du point de vue de leur militantisme ?
Ils se sont toujours distingués par leur constance, je les ai trouvés plus mobilisés au sein de leur parti, le PDCI et derrière son président, Henri Konan Bédié. Ils sont seulement inquiets de ces élections qui n’arrivent jamais. Mais ils gardent l’espoir. Et je profite de l’occasion que vous m’offrez pour remercier les militants de ma région pour le soutien qu’ils m’ont apporté après ma sortie du gouvernement et lors des événements familiaux récents.
Il nous revient que le PDCI RDA, votre parti, est gravement menacé par ses adversaires notamment le FPI et le PIT dans votre région de Toumodi. Qu’en est-il exactement ?
Il n’en est absolument rien. Le PDCI se porte bien et très bien même à Toumodi. Nous sommes le parti majoritaire dans ce département et nous le demeurerons. Et les partis que vous citez n’ont pas les moyens de changer cette situation, ce ne sont pas quelques rares actions isolées qui vont ébranler le PDCI à Toumodi.
L’actualité en Côte d’Ivoire est essentiellement marquée par les élections. Pensez-vous qu’il soit possible d’organiser les élections avant la fin de cette année 2010 ? Et pourquoi ?
En réalité, nous n’avons pas le choix. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire ne vit plus ; elle survit à tous les niveaux. Nous n’arrivons qu’à assurer la solde des agents de l’Etat. Il y a très peu d’investissements publics et privés. Tout nos acquis, en terme d’infrastructures, de formation, d’activités commerciales, industrielles, agricoles, tous nos acquis dis-je, se dégradent de plus en plus rapidement. Actuellement, tous les ivoiriens et la communauté internationale, sont unanimes pour dire que ce sont des élections démocratiques qui peuvent stopper cette dégradation. Les élections avant octobre 2010, s’imposent à nous pour toutes ses raisons là. De plus, Octobre 2010 sera la deuxième date constitutionnelle après Octobre 2005, où déjà les élections n’avaient pu se tenir. Aussi, la non-tenue de ces élections en Octobre 2010 sera-t-elle la porte ouverte à toutes sortes d’interprétations juridiques, dont le vide constitutionnelle. Ce qui peut amener la Côte d’Ivoire à une situation imprévisible et incontrôlable. Il est donc à souhaiter que la prochaine rencontre entre le chef de l’état, le Premier ministre Soro, le président Bédié et le Premier ministre ADO, aboutisse à un consensus sur les dernières difficultés inhérentes à la production de la liste électorale définitive, de sorte que la CEI soit en mesure de proposer aux ivoiriens, un chronogramme réaliste et fiable dont la date butoir doit être octobre 2010.
Depuis quelques temps, l’on développe la thèse d’un dialogue inter-ivoirien. N’avez-vous pas le sentiment que l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) est mort ?
Je pense que l’Accord Politique de Ouagadougou n’est pas mort. Mais pour ce qui est du dialogue inter-ivoirien, ce n’est pas une idée nouvelle. Cela a été proposé par le président Bédié aux premières heures de la crise. Ensuite le premier ministre Banny n’a eu de cesse de le susciter, quand il était à la Primature. Après lui, le premier ministre Soro l’a suivi dans cette démarche, encouragé en cela par le facilitateur de la sortie de crise ivoirienne. Pour finir le chef de l’état a concrétisé cela en se déplaçant chez le Président Bédié et le Premier ministre Ouattara. Ce dialogue inter ivoirien s’inscrit donc dans la continuité de l’Apo. Le facilitateur de la sortie de crise ivoirienne est toujours en charge de la résolution de la crise ivoirienne et cela, dans le cadre de l’Apo. Alors pour moi, cet accord n’est pas mort et ce dialogue inter-ivoirien est une excellente démarche qui devrait accélérer le processus de sortie de crise, parce qu’il suscite l’apaisement, éloigne de nous la méfiance et induit le respect mutuel entre les principaux leaders. Le chef de l’Etat doit persévérer dans cette attitude d’humilité, de réalisme.
Il est de plus en plus question d’une candidature unique au RHDP, qu’en pensez-vous ?
Vous me permettrez de faire un long développement sur cette question, parce que ce qui est en jeu, n’est rien moins que le succès du RHDP aux élections présidentielles.
Est-ce une bonne idée ?
A première vue, l’union faisant la force, la candidature unique du RHDP au premier tour semble une bonne idée. Mais en fait, dans le contexte politique ivoirien actuel, il n’en est rien.
Et Pourquoi ?
En effet, il y a plusieurs raisons qui me font dire cela. D’abord, la candidature unique serait une nécessité si la constitution de la Côte d’Ivoire prévoyait une élection à un seul tour, à l’instar de certains pays. Fort heureusement, sur ce point, notre constitution est pertinente ; elle prévoit une élection avec possibilité d’un deuxième tour, de sorte que celui qui sera élu président de la République, le soit avec plus de 50% des votants. Il y a donc l’opportunité de se regrouper au deuxième tour autour du candidat du RHDP le mieux placé, qui deviendra le candidat unique du RHDP lors du second tour. D’ailleurs, c’est en tenant compte de cette réalité qu’à la création du RHDP en 2005, les partis qui compose le RHDP, ont convenu ce qui suit, à propos de l’élection présidentielle : chaque parti présentera son candidat au premier tour ; tous les candidats du RHDP appelleront à voter pour le candidat du RHDP devant participer au deuxième tour s’il y en avait un. Nous avons expliqué toutes ces dispositions à nos militants et sympathisants depuis 2005 et, à la date d’aujourd’hui c'est-à-dire à quelques mois des élections, nous continuons à les rassurer sur ces points. Aussi, me semble-t-il, qu’il soit trop tard pour aller expliquer autre chose aux militants. Ce changement de stratégie à la dernière minute, perturberait gravement nos militants et sèmerait le doute dans leur esprit. En fait, depuis que ce débat s’est intensifié, je suis souvent interpelé par les responsables à la base qui expriment leur désarroi devant tant de cacophonie. De toute évidence, un tel changement de stratégie, pour qu’il soit compris et accepté par nos électeurs qui sont propriétaires de leurs voix, nécessite un énorme travail sur le terrain, comme ce fut le cas, lors de la création du RHDP, en 2005.
Avez-vous d’autres arguments Monsieur le Ministre ?
J’y arrive, il y a également le contexte politique qui découle de notre histoire récente et des mentalités de nos concitoyens. Voyez-vous, les électeurs de nos partis en Côte d’Ivoire, se composent de militants et surtout de sympathisants non encartés qui sont les plus nombreux. Nos électeurs ont donc tendance à voter plus pour le candidat plutôt que pour les idéaux du parti. Or, l’histoire et le parcours personnel des candidats du RHDP, ont développé une charge affective qui les lie aux électeurs de leur parti respectif et cela renforce cette tendance à voter plus pour le candidat que pour les idéaux du parti. Ces électeurs ont à cœur de battre campagne, de voter au moins une fois pour leur candidat préféré et cela est vrai pour chacun des candidats du RHDP. Nous pouvons les prendre un à un. Commençons par le président Bédié. Pour beaucoup, c’est celui qui est capable de ramener la paix et la prospérité en Côte d’Ivoire. Et surtout, les électeurs PDCI ont en mémoire les circonstances dans lesquelles le président Bédié a quitté le pouvoir en décembre 1999. Il est l’homme de paix qui a préféré renoncer au pouvoir plutôt que de verser du sang ivoirien. A cela, s’ajoute le rejet de sa candidature en 2000. Pour toutes ses raisons et bien d’autres, les électeurs du PDCI espèrent fortement le voir revenir au pouvoir pour réparer ce qu’il considère comme une injustice. Cet éventuel retour du président Bédié au pouvoir, à la présidence de la République, est l’une des principales sources de leur motivation. Leur dire aujourd’hui, à quelques mois des élections, alors que le conseil constitutionnel a accepté la candidature du président Bédié, qu’il ne sera plus candidat pour consensus politique, sera source d’une grande frustration pouvant conduire à une très grande démotivation. Or, une abstention significative des électeurs du PDCI au premier tour, profitera aux adversaires du RHDP, notamment au candidat du FPI.
Pour ce qui est du Premier ministre Alassane Dramane Ouattara, pour les électeurs du Rdr, le premier ministre Ado, est l’homme de la situation par sa rigueur et sa très grande aptitude à la gestion de la chose publique, notamment, les affaires de l’Etat. Mais encore, le Rdr se bat depuis des années, pour que la candidature du premier ministre ADO soit retenue à l’élection présidentielle de Côte d’Ivoire. Dans ce combat, ce parti aurait payé un lourd tribut. Aujourd’hui, il me semble que pour les électeurs Rdr, si la victoire à cette élection est l’objectif, la candidature effective du Premier ministre Alassane Dramane Ouattara est également importante à leurs yeux. Que le Premier ministre Ouattara soit effectivement candidat, qu’il batte campagne en tant que tel, à travers tout le pays, que son résultat soit affiché à l’issue du scrutin, serait pour eux, la preuve irréfutable que leur combat n’aura pas été vain et avait pour fondement, la justice. Annoncer maintenant à ces électeurs Rdr, qu’après tant d’années de sacrifice, le président ADO renonçait volontairement à se présenter pour consensus politique au premier tour du scrutin présidentiel, alors que sa candidature a été validée par le Conseil constitutionnel, risque de provoquer amertume et frustration. Ici également on peut craindre une grande démotivation, voire pire. Là encore, cette situation profitera aux adversaires du RHDP. Evidemment, le Fpi.
Pour ce qui est du ministre Mabri Toikeusse, il faut dire que le ministre Mabri préside aux destinées de l’UDPCI du général Guéi, père fondateur de ce parti. Il me semble que les électeurs qui sont restés favorables à l’UDPCI, et au ministre Mabri, sont ceux qui le considèrent comme le digne héritier du général Guéi. Celui qui a su reprendre le flambeau là où l’a laissé le général Guéi, suite à sa disparition tragique. En plus du fait que les électeurs de l’Udpci considèrent le ministre Mabri comme l’homme de la situation, pour redresser la Côte d’Ivoire, pour eux, sa candidature effective à cette élection présidentielle historique, honorerait la mémoire du général Guéi et contribuerait à pérenniser son action politique dans la mémoire collective. En outre, le Président Mabri, a commencé un important travail de terrain où il fait montre d’une grande combativité et de beaucoup de détermination. S’il devait renoncer à se présenter au premier tour de l’élection présidentielle, je crains fort que la déception ne soit grande et que cela n’induise une baisse de motivation de ses électeurs. Et encore une fois, au profit de nos adversaires notamment le Fpi.
Je ne parlerai pas du ministre Anaky parce qu’il faut reconnaître que depuis la création du RHDP, il est demeuré constant dans sa logique de quête d’une candidature unique au premier tour pour le RHDP.
Au total, je constate qu’une candidature unique pour le RHDP au premier tour tardivement décidée, et compte tenu du parcours et de l’histoire des différents candidats du RHDP enregistrés au Conseil constitutionnel, et de la charge affective et émotionnelle qui les lie à leurs électeurs respectifs, cette candidature unique dis-je, de dernière minute, provoquerait perplexité, voire mécontentement chez certains de nos électeurs et ferait le jeu des adversaires du RHDP.
Monsieur le ministre, vous battez en brèche ce projet de candidature unique et pourtant, il est de notoriété que l’union fait la force !
Oui, c’est vrai ! L’union fait la force. Et en effet, le RHDP est composé de partis qui ont chacun un potentiel électoral intéressant, qui mis ensemble, nous assurera la victoire. Mais il faut songer à optimiser ce potentiel et pour cela, les leaders candidats de chacun des partis, doivent battre campagne au premier tour sur le terrain pour galvaniser leurs militants et leurs sympathisants. Au deuxième tour, les électeurs des partis du RHDP, étant déjà dans la dynamique électorale et ayant déjà eu l’opportunité de voter pour leur candidat préféré au premier tour, seront plus réceptifs aux consignes de leur leader respectif pour reporter leur voix sur le candidat, cette fois unique du RHDP. Il faut redouter un mauvais report des voix sur une candidature unique au sein du RHDP intervenue au premier tour de l’élection présidentielle car chaque électeur est propriétaire de sa voix. Enfin, si au premier tour, le Pdci, le Rdr, l’Udpci, le Mfa voire le Pit, font le plein des voix de leurs électeurs parce que leur leader aura été candidat au premier tour, il serait difficile qu’il n’y ait pas de deuxième tour. Quoi qu’il en soit, aucune élection n’est gagnée d’avance. Il faut donc continuer à travailler auprès de nos électeurs et éviter de se tromper dans la stratégie et avoir un message audible et cohérant à leur endroit.
Est-ce à dire qu’un programme de gouvernement ne serait pas envisageable au sein du RHDP maintenant?
Justement, ça c’est un projet qui, à mon sens, est pertinent. Comme vous le savez, dès la création du RHDP en 2005, les partis ont été constants sur ces points. Chaque parti aura son candidat au premier tour. Tous les autres partis soutiendront le candidat du RHDP le mieux placé s’il y a un deuxième tour. Ils s’engagent donc à gouverner ensemble quel que soit le candidat du RHDP qui l’emportera au deuxième tour. Gouverner ensemble, c’est avoir des objectifs communs et un programme d’activités pour réaliser ensemble ces objectifs. Il est donc pertinent que dès à présent, les quatre partis élaborent ensemble un programme commun de gouvernement de sorte que, les discussions se passent à froid et dans la sérénité. D’ailleurs, entre les deux tours, il n’y a que 15 jours qui seraient à peine suffisants pour gérer le partage des responsabilités confiées à chaque parti en cas de victoire du RHDP. C’est sur ce programme, commun de gouvernement que le candidat du RHDP doit battre campagne au deuxième tour. Il est donc bon que ce programme commun soit élaboré dès à présent, à partir des programmes de nos partis respectifs. Au premier tour, les spécificités de chacun des programmes des partis du RHDP permettront de ratisser encore plus large.
Qu’en est-il de la transformation du RHDP en parti unique ?
Le président Houphouët, il y a de cela plusieurs dizaines d’années, s’adressant à la jeunesse ivoirienne, disait : « je préfère vous voir tous unis contre moi que désunis. » L’unité dans l’action et l’union des cœurs à toujours été le crédo du président Houphouët-Boigny. A son décès, nous avons abandonné ce crédo. La suite, nous la vivons tous aujourd’hui. C’est pour vous dire que nous comprenons et nous acceptons tous la nécessité de cette réunification. Les différents leaders se sont engagés lors d’un conseil de bureau politique commun, il y a quelques mois, à la concrétiser après les élections. Le fait que le principe en est été acquis, est un grand pas. Après les élections, les modalités pratiques seront élaborées et les procédures internes à chaque parti seront engagées pour mener à bien le processus de réunification. Pour l’heure, il nous faut nous concentrer sur la victoire d’un candidat du RHDP à l’élection présidentielle.
Dans deux mois, la Côte d’Ivoire célèbre les 50 ans de son indépendance. Quel regard rétrospectif portez-vous sur ce parcours ?
Si on veut voir, l’on constate que tous les acquis de la Côte d’Ivoire l’ont été lorsque le PDCI était au pouvoir, ce qui va de 1960 à 2000. Ces dernières années, on a plutôt constaté la dégradation de ces acquis. Nous avons du mal à les maintenir à un niveau qui permettrait à la population et au peuple ivoirien de progresser, d’aller de l’avant et surtout, de placer la Côte d’Ivoire parmi les pays dits émergents. Aujourd’hui, 50 ans d’indépendance, c’est un sentiment de joie et de fierté, mais c’est également un sentiment d’amertume parce que je constate qu’il y a eu énormément de gâchis. Nous aurions pu mieux faire. Ce pays devrait être à un niveau de progrès substantiel. Pour être pratique, le quotidien des Ivoiriens a régressé depuis ces dix dernières années. Autre chose, lorsqu’on compare la situation actuelle à la situation d’avant la crise, paradoxalement, c’est la situation d’avant qui était la meilleure. Et ce, en toutes choses. Que ce soit dans le domaine de l’école, de la santé, de l’économie, de la sécurité, de l’agriculture ou des infrastructures. Il nous faut donc nous ressaisir et sortir très rapidement de cette crise qui s’éternise. Il faut donc qu’avant octobre, nous puissions organiser ces élections pour que la population se remette au travail afin de replacer la Côte d’Ivoire à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter dans le concert des nations, particulièrement de la sous-région ouest-africaine.
Quel message pour les militants de votre parti ?
Je voudrais dire aux militants du Pdci de garder leur sérénité. Le président Bédié est à la barre. C’est notre candidat. Il l’a réaffirmé encore, il y a quelques semaines, il nous mènera au palais présidentiel. Nous savons de quoi le président Bédié est capable, lorsqu’il se trouve à la tête de l’Etat. C’est bien lui l’artisan « du miracle ivoirien », sous la houlette du Président Houphouët-Boigny. Nous savons également que lorsqu’il était aux affaires, la prospérité a été une réalité de 93 à 99 ; la Côte d’Ivoire avait un taux de croissance exemplaire. Il est démontré que c’est un homme de paix et d’action. Restons donc tous sereins et mettons-nous ensemble pour conjuguer nos efforts pour faire en sorte que les élections se tiennent et surtout, de faire de Henri Konan Bédié, le vainqueur de ces élections pour le bonheur de tous les Ivoiriens.
Interview réalisée par Nando Dapa
Monsieur le Ministre, vous êtes sorti du gouvernement à l’occasion du dernier remaniement ministériel. Dans quel état d’esprit êtes-vous en ce moment ?
Je n’ai pas d’état d’esprit particulier. Je suis un citoyen avec mes joies, mes peines, mes responsabilités et mes préoccupations. Etant député, délégué départemental et directeur local de campagne du président Bédié à Toumodi, j’organise au mieux les militants pour les prochaines élections présidentielles.
Vous dites que vous organisez au mieux les militants. Mais comment les avez-vous retrouvés du point de vue de leur militantisme ?
Ils se sont toujours distingués par leur constance, je les ai trouvés plus mobilisés au sein de leur parti, le PDCI et derrière son président, Henri Konan Bédié. Ils sont seulement inquiets de ces élections qui n’arrivent jamais. Mais ils gardent l’espoir. Et je profite de l’occasion que vous m’offrez pour remercier les militants de ma région pour le soutien qu’ils m’ont apporté après ma sortie du gouvernement et lors des événements familiaux récents.
Il nous revient que le PDCI RDA, votre parti, est gravement menacé par ses adversaires notamment le FPI et le PIT dans votre région de Toumodi. Qu’en est-il exactement ?
Il n’en est absolument rien. Le PDCI se porte bien et très bien même à Toumodi. Nous sommes le parti majoritaire dans ce département et nous le demeurerons. Et les partis que vous citez n’ont pas les moyens de changer cette situation, ce ne sont pas quelques rares actions isolées qui vont ébranler le PDCI à Toumodi.
L’actualité en Côte d’Ivoire est essentiellement marquée par les élections. Pensez-vous qu’il soit possible d’organiser les élections avant la fin de cette année 2010 ? Et pourquoi ?
En réalité, nous n’avons pas le choix. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire ne vit plus ; elle survit à tous les niveaux. Nous n’arrivons qu’à assurer la solde des agents de l’Etat. Il y a très peu d’investissements publics et privés. Tout nos acquis, en terme d’infrastructures, de formation, d’activités commerciales, industrielles, agricoles, tous nos acquis dis-je, se dégradent de plus en plus rapidement. Actuellement, tous les ivoiriens et la communauté internationale, sont unanimes pour dire que ce sont des élections démocratiques qui peuvent stopper cette dégradation. Les élections avant octobre 2010, s’imposent à nous pour toutes ses raisons là. De plus, Octobre 2010 sera la deuxième date constitutionnelle après Octobre 2005, où déjà les élections n’avaient pu se tenir. Aussi, la non-tenue de ces élections en Octobre 2010 sera-t-elle la porte ouverte à toutes sortes d’interprétations juridiques, dont le vide constitutionnelle. Ce qui peut amener la Côte d’Ivoire à une situation imprévisible et incontrôlable. Il est donc à souhaiter que la prochaine rencontre entre le chef de l’état, le Premier ministre Soro, le président Bédié et le Premier ministre ADO, aboutisse à un consensus sur les dernières difficultés inhérentes à la production de la liste électorale définitive, de sorte que la CEI soit en mesure de proposer aux ivoiriens, un chronogramme réaliste et fiable dont la date butoir doit être octobre 2010.
Depuis quelques temps, l’on développe la thèse d’un dialogue inter-ivoirien. N’avez-vous pas le sentiment que l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) est mort ?
Je pense que l’Accord Politique de Ouagadougou n’est pas mort. Mais pour ce qui est du dialogue inter-ivoirien, ce n’est pas une idée nouvelle. Cela a été proposé par le président Bédié aux premières heures de la crise. Ensuite le premier ministre Banny n’a eu de cesse de le susciter, quand il était à la Primature. Après lui, le premier ministre Soro l’a suivi dans cette démarche, encouragé en cela par le facilitateur de la sortie de crise ivoirienne. Pour finir le chef de l’état a concrétisé cela en se déplaçant chez le Président Bédié et le Premier ministre Ouattara. Ce dialogue inter ivoirien s’inscrit donc dans la continuité de l’Apo. Le facilitateur de la sortie de crise ivoirienne est toujours en charge de la résolution de la crise ivoirienne et cela, dans le cadre de l’Apo. Alors pour moi, cet accord n’est pas mort et ce dialogue inter-ivoirien est une excellente démarche qui devrait accélérer le processus de sortie de crise, parce qu’il suscite l’apaisement, éloigne de nous la méfiance et induit le respect mutuel entre les principaux leaders. Le chef de l’Etat doit persévérer dans cette attitude d’humilité, de réalisme.
Il est de plus en plus question d’une candidature unique au RHDP, qu’en pensez-vous ?
Vous me permettrez de faire un long développement sur cette question, parce que ce qui est en jeu, n’est rien moins que le succès du RHDP aux élections présidentielles.
Est-ce une bonne idée ?
A première vue, l’union faisant la force, la candidature unique du RHDP au premier tour semble une bonne idée. Mais en fait, dans le contexte politique ivoirien actuel, il n’en est rien.
Et Pourquoi ?
En effet, il y a plusieurs raisons qui me font dire cela. D’abord, la candidature unique serait une nécessité si la constitution de la Côte d’Ivoire prévoyait une élection à un seul tour, à l’instar de certains pays. Fort heureusement, sur ce point, notre constitution est pertinente ; elle prévoit une élection avec possibilité d’un deuxième tour, de sorte que celui qui sera élu président de la République, le soit avec plus de 50% des votants. Il y a donc l’opportunité de se regrouper au deuxième tour autour du candidat du RHDP le mieux placé, qui deviendra le candidat unique du RHDP lors du second tour. D’ailleurs, c’est en tenant compte de cette réalité qu’à la création du RHDP en 2005, les partis qui compose le RHDP, ont convenu ce qui suit, à propos de l’élection présidentielle : chaque parti présentera son candidat au premier tour ; tous les candidats du RHDP appelleront à voter pour le candidat du RHDP devant participer au deuxième tour s’il y en avait un. Nous avons expliqué toutes ces dispositions à nos militants et sympathisants depuis 2005 et, à la date d’aujourd’hui c'est-à-dire à quelques mois des élections, nous continuons à les rassurer sur ces points. Aussi, me semble-t-il, qu’il soit trop tard pour aller expliquer autre chose aux militants. Ce changement de stratégie à la dernière minute, perturberait gravement nos militants et sèmerait le doute dans leur esprit. En fait, depuis que ce débat s’est intensifié, je suis souvent interpelé par les responsables à la base qui expriment leur désarroi devant tant de cacophonie. De toute évidence, un tel changement de stratégie, pour qu’il soit compris et accepté par nos électeurs qui sont propriétaires de leurs voix, nécessite un énorme travail sur le terrain, comme ce fut le cas, lors de la création du RHDP, en 2005.
Avez-vous d’autres arguments Monsieur le Ministre ?
J’y arrive, il y a également le contexte politique qui découle de notre histoire récente et des mentalités de nos concitoyens. Voyez-vous, les électeurs de nos partis en Côte d’Ivoire, se composent de militants et surtout de sympathisants non encartés qui sont les plus nombreux. Nos électeurs ont donc tendance à voter plus pour le candidat plutôt que pour les idéaux du parti. Or, l’histoire et le parcours personnel des candidats du RHDP, ont développé une charge affective qui les lie aux électeurs de leur parti respectif et cela renforce cette tendance à voter plus pour le candidat que pour les idéaux du parti. Ces électeurs ont à cœur de battre campagne, de voter au moins une fois pour leur candidat préféré et cela est vrai pour chacun des candidats du RHDP. Nous pouvons les prendre un à un. Commençons par le président Bédié. Pour beaucoup, c’est celui qui est capable de ramener la paix et la prospérité en Côte d’Ivoire. Et surtout, les électeurs PDCI ont en mémoire les circonstances dans lesquelles le président Bédié a quitté le pouvoir en décembre 1999. Il est l’homme de paix qui a préféré renoncer au pouvoir plutôt que de verser du sang ivoirien. A cela, s’ajoute le rejet de sa candidature en 2000. Pour toutes ses raisons et bien d’autres, les électeurs du PDCI espèrent fortement le voir revenir au pouvoir pour réparer ce qu’il considère comme une injustice. Cet éventuel retour du président Bédié au pouvoir, à la présidence de la République, est l’une des principales sources de leur motivation. Leur dire aujourd’hui, à quelques mois des élections, alors que le conseil constitutionnel a accepté la candidature du président Bédié, qu’il ne sera plus candidat pour consensus politique, sera source d’une grande frustration pouvant conduire à une très grande démotivation. Or, une abstention significative des électeurs du PDCI au premier tour, profitera aux adversaires du RHDP, notamment au candidat du FPI.
Pour ce qui est du Premier ministre Alassane Dramane Ouattara, pour les électeurs du Rdr, le premier ministre Ado, est l’homme de la situation par sa rigueur et sa très grande aptitude à la gestion de la chose publique, notamment, les affaires de l’Etat. Mais encore, le Rdr se bat depuis des années, pour que la candidature du premier ministre ADO soit retenue à l’élection présidentielle de Côte d’Ivoire. Dans ce combat, ce parti aurait payé un lourd tribut. Aujourd’hui, il me semble que pour les électeurs Rdr, si la victoire à cette élection est l’objectif, la candidature effective du Premier ministre Alassane Dramane Ouattara est également importante à leurs yeux. Que le Premier ministre Ouattara soit effectivement candidat, qu’il batte campagne en tant que tel, à travers tout le pays, que son résultat soit affiché à l’issue du scrutin, serait pour eux, la preuve irréfutable que leur combat n’aura pas été vain et avait pour fondement, la justice. Annoncer maintenant à ces électeurs Rdr, qu’après tant d’années de sacrifice, le président ADO renonçait volontairement à se présenter pour consensus politique au premier tour du scrutin présidentiel, alors que sa candidature a été validée par le Conseil constitutionnel, risque de provoquer amertume et frustration. Ici également on peut craindre une grande démotivation, voire pire. Là encore, cette situation profitera aux adversaires du RHDP. Evidemment, le Fpi.
Pour ce qui est du ministre Mabri Toikeusse, il faut dire que le ministre Mabri préside aux destinées de l’UDPCI du général Guéi, père fondateur de ce parti. Il me semble que les électeurs qui sont restés favorables à l’UDPCI, et au ministre Mabri, sont ceux qui le considèrent comme le digne héritier du général Guéi. Celui qui a su reprendre le flambeau là où l’a laissé le général Guéi, suite à sa disparition tragique. En plus du fait que les électeurs de l’Udpci considèrent le ministre Mabri comme l’homme de la situation, pour redresser la Côte d’Ivoire, pour eux, sa candidature effective à cette élection présidentielle historique, honorerait la mémoire du général Guéi et contribuerait à pérenniser son action politique dans la mémoire collective. En outre, le Président Mabri, a commencé un important travail de terrain où il fait montre d’une grande combativité et de beaucoup de détermination. S’il devait renoncer à se présenter au premier tour de l’élection présidentielle, je crains fort que la déception ne soit grande et que cela n’induise une baisse de motivation de ses électeurs. Et encore une fois, au profit de nos adversaires notamment le Fpi.
Je ne parlerai pas du ministre Anaky parce qu’il faut reconnaître que depuis la création du RHDP, il est demeuré constant dans sa logique de quête d’une candidature unique au premier tour pour le RHDP.
Au total, je constate qu’une candidature unique pour le RHDP au premier tour tardivement décidée, et compte tenu du parcours et de l’histoire des différents candidats du RHDP enregistrés au Conseil constitutionnel, et de la charge affective et émotionnelle qui les lie à leurs électeurs respectifs, cette candidature unique dis-je, de dernière minute, provoquerait perplexité, voire mécontentement chez certains de nos électeurs et ferait le jeu des adversaires du RHDP.
Monsieur le ministre, vous battez en brèche ce projet de candidature unique et pourtant, il est de notoriété que l’union fait la force !
Oui, c’est vrai ! L’union fait la force. Et en effet, le RHDP est composé de partis qui ont chacun un potentiel électoral intéressant, qui mis ensemble, nous assurera la victoire. Mais il faut songer à optimiser ce potentiel et pour cela, les leaders candidats de chacun des partis, doivent battre campagne au premier tour sur le terrain pour galvaniser leurs militants et leurs sympathisants. Au deuxième tour, les électeurs des partis du RHDP, étant déjà dans la dynamique électorale et ayant déjà eu l’opportunité de voter pour leur candidat préféré au premier tour, seront plus réceptifs aux consignes de leur leader respectif pour reporter leur voix sur le candidat, cette fois unique du RHDP. Il faut redouter un mauvais report des voix sur une candidature unique au sein du RHDP intervenue au premier tour de l’élection présidentielle car chaque électeur est propriétaire de sa voix. Enfin, si au premier tour, le Pdci, le Rdr, l’Udpci, le Mfa voire le Pit, font le plein des voix de leurs électeurs parce que leur leader aura été candidat au premier tour, il serait difficile qu’il n’y ait pas de deuxième tour. Quoi qu’il en soit, aucune élection n’est gagnée d’avance. Il faut donc continuer à travailler auprès de nos électeurs et éviter de se tromper dans la stratégie et avoir un message audible et cohérant à leur endroit.
Est-ce à dire qu’un programme de gouvernement ne serait pas envisageable au sein du RHDP maintenant?
Justement, ça c’est un projet qui, à mon sens, est pertinent. Comme vous le savez, dès la création du RHDP en 2005, les partis ont été constants sur ces points. Chaque parti aura son candidat au premier tour. Tous les autres partis soutiendront le candidat du RHDP le mieux placé s’il y a un deuxième tour. Ils s’engagent donc à gouverner ensemble quel que soit le candidat du RHDP qui l’emportera au deuxième tour. Gouverner ensemble, c’est avoir des objectifs communs et un programme d’activités pour réaliser ensemble ces objectifs. Il est donc pertinent que dès à présent, les quatre partis élaborent ensemble un programme commun de gouvernement de sorte que, les discussions se passent à froid et dans la sérénité. D’ailleurs, entre les deux tours, il n’y a que 15 jours qui seraient à peine suffisants pour gérer le partage des responsabilités confiées à chaque parti en cas de victoire du RHDP. C’est sur ce programme, commun de gouvernement que le candidat du RHDP doit battre campagne au deuxième tour. Il est donc bon que ce programme commun soit élaboré dès à présent, à partir des programmes de nos partis respectifs. Au premier tour, les spécificités de chacun des programmes des partis du RHDP permettront de ratisser encore plus large.
Qu’en est-il de la transformation du RHDP en parti unique ?
Le président Houphouët, il y a de cela plusieurs dizaines d’années, s’adressant à la jeunesse ivoirienne, disait : « je préfère vous voir tous unis contre moi que désunis. » L’unité dans l’action et l’union des cœurs à toujours été le crédo du président Houphouët-Boigny. A son décès, nous avons abandonné ce crédo. La suite, nous la vivons tous aujourd’hui. C’est pour vous dire que nous comprenons et nous acceptons tous la nécessité de cette réunification. Les différents leaders se sont engagés lors d’un conseil de bureau politique commun, il y a quelques mois, à la concrétiser après les élections. Le fait que le principe en est été acquis, est un grand pas. Après les élections, les modalités pratiques seront élaborées et les procédures internes à chaque parti seront engagées pour mener à bien le processus de réunification. Pour l’heure, il nous faut nous concentrer sur la victoire d’un candidat du RHDP à l’élection présidentielle.
Dans deux mois, la Côte d’Ivoire célèbre les 50 ans de son indépendance. Quel regard rétrospectif portez-vous sur ce parcours ?
Si on veut voir, l’on constate que tous les acquis de la Côte d’Ivoire l’ont été lorsque le PDCI était au pouvoir, ce qui va de 1960 à 2000. Ces dernières années, on a plutôt constaté la dégradation de ces acquis. Nous avons du mal à les maintenir à un niveau qui permettrait à la population et au peuple ivoirien de progresser, d’aller de l’avant et surtout, de placer la Côte d’Ivoire parmi les pays dits émergents. Aujourd’hui, 50 ans d’indépendance, c’est un sentiment de joie et de fierté, mais c’est également un sentiment d’amertume parce que je constate qu’il y a eu énormément de gâchis. Nous aurions pu mieux faire. Ce pays devrait être à un niveau de progrès substantiel. Pour être pratique, le quotidien des Ivoiriens a régressé depuis ces dix dernières années. Autre chose, lorsqu’on compare la situation actuelle à la situation d’avant la crise, paradoxalement, c’est la situation d’avant qui était la meilleure. Et ce, en toutes choses. Que ce soit dans le domaine de l’école, de la santé, de l’économie, de la sécurité, de l’agriculture ou des infrastructures. Il nous faut donc nous ressaisir et sortir très rapidement de cette crise qui s’éternise. Il faut donc qu’avant octobre, nous puissions organiser ces élections pour que la population se remette au travail afin de replacer la Côte d’Ivoire à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter dans le concert des nations, particulièrement de la sous-région ouest-africaine.
Quel message pour les militants de votre parti ?
Je voudrais dire aux militants du Pdci de garder leur sérénité. Le président Bédié est à la barre. C’est notre candidat. Il l’a réaffirmé encore, il y a quelques semaines, il nous mènera au palais présidentiel. Nous savons de quoi le président Bédié est capable, lorsqu’il se trouve à la tête de l’Etat. C’est bien lui l’artisan « du miracle ivoirien », sous la houlette du Président Houphouët-Boigny. Nous savons également que lorsqu’il était aux affaires, la prospérité a été une réalité de 93 à 99 ; la Côte d’Ivoire avait un taux de croissance exemplaire. Il est démontré que c’est un homme de paix et d’action. Restons donc tous sereins et mettons-nous ensemble pour conjuguer nos efforts pour faire en sorte que les élections se tiennent et surtout, de faire de Henri Konan Bédié, le vainqueur de ces élections pour le bonheur de tous les Ivoiriens.
Interview réalisée par Nando Dapa