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Économie Publié le jeudi 17 juin 2010 | Notre Voie

Monopole de l’escorte groupée à l’OIC D’Abidjan à Bobodioulasso : la décision d’Albert Flindé contestée

© Notre Voie Par Emma
Industrie automobile chinoise - Tiger motors s`installe à Abidjan
Jeudi 29 avril 2010. Abidjan, Treichville. Un concessionnaire chinois s`installe en présence du Ministre des transports, Albert Flindé (photo), et du maire de la commune, François Amichia
L'arrêté 202 du 07 mai 2010 pris par le ministre des Transports, Albert Flindé, pour interdire l'exercice de l'activité d'escorte groupée et de convoyage des véhicules de transports de marchandises à la société Union Gacci/Sococib (UGS), n'aura véritablement rien résolu sur le terrain. Bien au contraire.

Abidjan - Bobodioulasso avec un détour par Zégoua au Mali. C'est le trajet que nous avons parcouru du 1er au 4 juin dernier, pour notre reportage sur l'activité d'escorte groupée et de convoyage de véhicules de transport de marchandises. Pendant 4 jours, nous avons rencontré les acteurs du secteur pour savoir ce qui a changé sur le terrain après l'arrêté du ministre des Transports, Albert Flindé, confiant le monopole de cette activité à l'Office ivoirien des chargeurs (Oic). Les choses se sont-elles améliorées depuis cette décision ? Ou ont-elles empiré ? Qu'en pensent les vrais acteurs du transport ? Voilà, entre autres, quelques questions auxquelles nous voulions trouver réponse. Non seulement nos préoccupations ont trouvé réponse, mais en plus nous nous sommes rendu compte que la décision du ministre aura créé plus de problèmes et n'en aura résolu aucune.

Les opérateurs pour la libre concurrence

Sur le terrain, les opérateurs sont sérieusement remontés contre le ministre Flindé qui a pris l'arrêté 202 du 07 mai 2010 confiant le monopole de l'activité d'escorte groupée et de convoyage de véhicules de transports de marchandises à l'Oic. «Nous souhaitons qu'on nous laisse travailler. Nous voulons la libre concurrence», a indiqué Kouassi Kouassi Raphaël, contrôleur à Yamoussoukro. M. Oulaï Laurent, syndicaliste à Tiébissou, pense que la décision du ministre n'a pas été prise à partir de critères objectifs : «La décision du ministre a été trop hâtive. Il n'a pas pris connaissance de la réalité du terrain. Il faut qu'il revienne sur sa décision». Pour les opérateurs de Bouaké, la concurrence a permis de réduire considérablement les prix de l'escorte groupée. Traoré Oumar qui intervient dans la filière bétail fait une comparaison des prix. Selon lui, lorsque l'Oic était seul à faire le convoyage des véhicules, à partir du marché de gros de Bouaké, il fallait débourser 70.000 FCFA pour aller à Abidjan avec son chargement. A l'en croire, depuis qu'il y a la concurrence, ce tarif est descendu à 23.000 FCFA. Son collègue de la filière bétail de Katiola, Coulibaly Souleymane, ne dit pas le contraire : «La concurrence saine était stimulante. Les transporteurs ont bénéficié de tarifs préférentiels (…) Je pense que la décision du ministre est injuste. L'Etat doit laisser faire la concurrence et se contenter de jouer son rôle d'arbitre». Un autre reproche que la plupart des opérateurs du transport de marchandises font à l'Oic, concerne les retards dans le démarrage des convois. A en croire M. Oulaï Laurent, l'Office ivoirien des chargeurs attendait qu'il y ait 30 à 40 camions pour faire partir un convoi. Toujours selon lui, grâce à l'Ugs qui a considérablement réduit le nombre de camions par convoi, l'Oic tente de s'améliorer mais beaucoup reste encore à faire.

En fait, selon des informations que nous avons recueillies sur le terrain, ce sont les opérateurs du secteur qui ont suscité la création de l'Ugs après avoir été déçus par l'Oic. Et, c'est M. Kouadio Konan Rémi qui l'explique bien, preuves à l'appui. Selon lui, c'est d'abord le collège des opérateurs économiques de Tiébissou-Yamoussoukro qui a récusé l'Oic. En effet, par courriers adressés au commandement supérieur de la gendarmerie et au chef d'état-major des armées le 11 décembre 2009, cette organisation a signifié sa volonté de ne plus travailler avec cette structure de chargeurs. Dans ces correspondances, les signataires, notamment les responsables des établissements DSK, DS, SACOPRO, Djénébou, DS Blindé, R/Siloe et Bab/co, écrivent : «…nous payons tous les frais afférents à cette escorte. Mais force est de reconnaître que pendant l'escorte, nous sommes confrontés aux problèmes suivants : l'insécurité totale durant tout le parcours, pas d'agents d'escorte durant tout le parcours, paiement de frais annexes aux différents barrages sur le tronçon Tiébissou-Abidjan, nous sommes abandonnés à nous-mêmes en cas de panne et les grèves répétées de l'Oic sans nous informer».

Le 7 janvier qui a suivi, ce sont les associations et coopératives membres de la fédération de bétail qui ont adressé un courrier au chef d'état-major des armées pour l'informer de leur volonté d'arrêter le travail avec l'Oic et lui demander, par la même occasion, une escorte groupée pour les camions de transport de bœufs. Ils adjoignent à ce courrier dont nous avons eu copie, une pétition de 25 signatures de responsables de la filière bétail. Pour M. Kouadio Konan Rémi, l'Etat est garant de la bonne marche des activités économiques. Et, si les acteurs d'un secteur économique jugent qu'un opérateur ne les arrange pas, le gouvernement devrait mettre tout en œuvre pour pallier cette situation.


Attention à une flambée de violence

Sur le terrain, on craint qu'il y ait affrontement entre chauffeurs, agents de l'Oic et agents de l'Ugs. En effet, des conducteurs de camions que nous avons rencontrés au corridor sud de Yamoussoukro et qui ont requis l'anonymat disent avoir eu à subir des exactions de la part d'individus qu'ils ne connaissent pas. Mais, une chose est sûre, ces derniers s'attaquent aux macarons de l'Ugs qu'ils déchirent. La raison, cette entreprise n'aurait plus le droit d'exercer l'activité de convoyage de véhicules de transport de marchandises. Kouassi Kouassi Raphaël, lui, est formel : «Ce sont des jeunes de Tiébissou et Yamoussoukro recrutés par l'Oic qui s'en prennent aux macarons de l'Ugs. Lorsque nous les avons interpellés, c'est ce qu'ils ont affirmé». Il se montre plus précis : «Ils étaient transportés par une bâchée de l'Oic. Il a fallu l'intervention du commandant du théâtre des opérations de Yamoussoukro pour ramener l'ordre». A Tiébissou, Oulaï Laurent dit avoir été déjà tabassé par des individus disant avoir été recrutés par l'Office ivoirien des chargeurs.

Devant ces actes, comment réagissent les syndicats et autres transporteurs ? Oulaï Laurent soutient que ses camarades et lui ont préféré, jusque-là, ne pas répliquer pour éviter un affrontement. Ils s'en remettent donc aux autorités policières de la ville. Si pour l'heure, il n'y a pas eu d'altercations entre les différentes parties sur le terrain, cela ne saurait tarder. Les propos tenus par Bakayoko Ladji, syndicaliste à Tiébissou, l'attestent : «Nous craignons que ça dégénère. Ils n'ont pas le monopole de la violence». Kouassi Kouassi Raphaël est plus clair : «La prochaine fois, nous allons réagir, et je peux vous assurer qu'ils vont regretter d'avoir déchiré des macarons de l'Ugs».

En attendant, au dire de certains conducteurs de camions, l'Ugs continue d'intervenir auprès des Forces de défense et de sécurité dans le cadre de l'escorte groupée. Ces dernières auraient d'ailleurs compris le problème puisque les tracasseries sur les convois se font de moins en moins rares aux différents corridors officiels. Malgré les plaintes de l'Oic, les hommes en tenue, comme nous l'a confié l'un d'eux qui a requis l'anonymat, ne cessent de répondre qu'ils n'ont reçu aucun message de leurs supérieurs disant que Ugs n'a pas le droit de faire l'escorte groupée. Désormais, au dire des transporteurs, ce sont les brigades motorisées postées en brousse ou dans les villages qui continuent les tracasseries malgré la présence des macarons sur les camions. En zone Forces nouvelles, le macaron est également respecté. Dans les corridors de Djébonoua, Bouaké, Katiola, Niakara, Tafiré, Ferkessédougou et Ouangolodougou, les droits de passage à payer auprès des Forces nouvelles une fois réglés, les camions portant les macarons circulent librement. Cela est confirmé par Ouattara Mamadou, secrétaire de section Fenacci de Ouangolo : “En zone Forces nouvelles, nous n'avons pas de problèmes. Mais, c'est à partir de Tiébissou que l'Oic nous crée des problèmes”. Il est suivi en cela par Yarbanga Mahamadi, un opérateur de la filière bétail qui dit clairement que ses partenaires au Burkina Faso et au Mali se plaignent de la décision du ministre Flindé. “La concurrence est faite pour aider les opérateurs économiques que nous sommes. En situation de monopole, l'Oic aura la latitude d'augmenter et de diminuer les tarifs à sa guise”, prévient-il.


Boycott du port d'Abidjan?

Les camions de transport de marchandises des pays étrangers qui s'étaient détournés de la Côte d'Ivoire pour d'autres ports de la sous-région à cause de la crise, avaient fini par reprendre la direction des ports ivoiriens. Coulibaly Moussa, représentant à Zégoua (Mali) du Syndicat national des conducteurs routiers du Mali (Synacor), fait également savoir que le trafic des véhicules maliens a connu une baisse à cause des tarifs élevés de l'Oic. A l'en croire, la situation s'est améliorée avec l'arrivée de l'Ugs sur le terrain. «Les chauffeurs maliens avaient accueilli avec joie l'arrivée de l'Ugs qui proposait 32.500 FCFA de Zégoua à Abidjan. L'Oic et ses partenaires du Conseil malien des chargeurs (CMC) étaient trop chers. Quand ils ont revu leurs tarifs à la baisse (32.500 FCFA), l'Ugs est passée à 25.000 FCFA. Même nos responsables n'y croyaient pas. En moins de 3 mois, l'Union Gacci/Sococib est passée de 100 camions convoyés à 500 malgré les agissements de leur concurrent sur la route. Et le service est bien fait. En tout cas, c'est ce que les chauffeurs nous rapportent», a-t-il fait savoir. Il a poursuivi pour dire que les réalités du Mali sont différentes de celles de la Côte d'Ivoire. «Il paraît que l'un de vos ministres a pris une décision interdisant l'exercice de l'activité d'escorte groupée à l'Ugs. Le CMC est même allé voir nos responsables syndicaux pour le leur signifier. Ces derniers les ont ramenés vers nous. On leur a fait comprendre que nous sommes des opérateurs économiques et nous travaillons avec celui qui a les coûts les plus bas et qui a de bons services», explique-t-il. Avant d'ajouter : «Les transporteurs maliens que nous avons rencontrés disent qu'ils préfèrent retourner vers les ports de Lomé et d'Accra plutôt que de travailler à nouveau avec l'Oic». Il a terminé en mettant le pied dans le plat : «S'il y a un problème dans le domaine du convoyage, ça va jouer sur les ports ivoiriens. Dites à votre ministre de revenir sur sa décision».

Porgo Mahamadi, président du Syndicat des commerçants de Bobodioulasso et trésorier de l'Organisation nationale des transporteurs terrestres du Burkina Faso (Onttb), est plus direct : «C'est à cause de l'Oic qu'on allait ailleurs. Les coûts étaient élevés. Lorsque l'Ugs a commencé l'escorte groupée, nous nous sommes dit qu'il fallait revenir vers la Côte d'Ivoire. C'est ce qu'on a fait et ça fonctionnait bien. D'où vient-il qu'on redonne le monopole à l'Oic ?». Et, de manière catégorique, il ajoute : « Si l'Ugs n'est pas rétablie dans ses droits, nous retournerons au Ghana, au Togo et au Bénin. Nos camions n'iront plus en Côte d'Ivoire ».

En somme, quand on a parcouru le trajet Abidjan-Bobodioulasso avec un détour à Zégoua au Mali et qu'on a interrogé les vrais acteurs du transport de marchandises, on se rend bien compte que le ministre Flindé n'a pas tenu compte de la réalité du terrain pour prendre cette décision. Ou bien feint-il tout simplement de l'ignorer ? En attendant, sur le terrain, les acteurs se regardent en chiens de faïence et le calme qui y règne ne tient qu'à un bout de fil. Il faut craindre que l'activité économique ne soit perturbée. A nouveau.


Koné Modeste
Konemo2002@yahoo.fr
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