S’étant discréditées par un affairisme honteux, les associations musulmanes chargées d’organiser le hadj se sont vues « retirer » ce privilège depuis 2007 par l’Etat. Trois ans après cette humiliation, c’est toute la communauté qui tente de redorer son blason. Mais les divergences persistent, en dépit de la volonté apparente de tous d’aller à un consensus. Le 5ème pilier de l’Islam est devenu, aux mains des spéculateurs de tout acabit, une source d’enrichissement. Notre dossier sur le Hadj-business.
Dans l’organisation du Hadj en Côte d’Ivoire, l’édition de 2004 aura montré les signes précurseurs d’un échec à répétition, qui allait aboutir au chaos deux ans plus tard, en 2006. On se le rappelle, 362 candidats au hadj en 2004 n’ont pas pu se rendre à la Mecque alors qu’ils étaient en règle à tous égards. M. Adama Koné faisait partie de ce contingent cloué au sol. « On nous a dit, à la dernière minute, qu’il n’y avait pas d’avion pour nous y emmener», rapporte le sexagénaire, pour qui, ce rendez-vous manqué évoque un souvenir des plus humiliant. « J’ai passé quatre jours et quatre nuits à l’aéroport avant de me voir obligé de regagner mon domicile », raconte-t-il amer ce retour prématuré à la maison. Un retour d’autant plus difficile qu’il fallait affronter le regard, parfois moqueur, des voisins, voire même carrément jubilatoire pour ceux d’entre eux qui ne souhaitaient pas pour notre candidat au Hadj l’accomplissement de cet important pilier de l’Islam.
Pèlerins « cloués » au sol
Pourtant, l’année suivante, le vieux a pu effectuer le hadj avec la même association où il s’était inscrit, sans avoir déboursé un sou de plus. Le tort, on peut le dire, a été réparé. Mais cette même année-là (2005), d’autres candidats au nombre de 136 sont encore restés cloués au sol pour les mêmes raisons. Ce qui paraissait donc comme un cas isolé en 2004 est réédité en 2005.
Mais personnes en ce moment-là ne prête vraiment attention au drame qui se profile à l’horizon. Et il finit par arriver. En 2006, pour la première fois en Côte d’Ivoire, 2013 candidats au voyage saint n’auront pas la possibilité de se rendre à la Mecque. L’opération, à la consternation générale, est purement et simplement avortée. Inutile de décrire la peine et les tourments qui taraudent ces femmes et hommes, pénalisés par la faute d’un Etat incapable et certainement d’organisateurs véreux. D’autant que le sentiment d’humiliation individuelle a vite cédé la place à l’opprobre jetée sur toute une communauté entière. Cet échec assimilé à l’époque à un « drame national », par l’ex-ministre de l’Administration territoriale, M. Bamba Cheick Daniel, était pourtant programmé.
En effet, les organisations et associations musulmanes qui avaient été autorisées par l’Etat de Côte d’Ivoire, s’illustraient de plus en plus par leur incapacité à maîtriser l’organisation pratique du hadj.
A vrai dire, beaucoup de facteurs ont abouti à cette déplorable défaillance. Il y avait d’abord la cacophonie et les sons discordants qui accompagnaient les préparatifs de ce pilier important de l’islam.
Selon l’Imam Bema Fofana, président du Firdaouss, le problème a résidé en partie dans le schéma de gestion imposé par l’ex-ministre des cultes, Désiré Gnonkonté, qui avait décidé d’une banque unique pour toutes les transactions financières, d’un seul transporteur aérien, d’un seul logeur et d’un prélèvement obligatoire d’une somme de 50.000 FCFA pour tout pèlerin parti de Côte d’Ivoire. « En s’invitant dans le circuit du hadj, le ministre a sorti l’Etat de son rôle de facilitateur pour vampiriser l’espace dévolu aux hadj en Côte d’Ivoire», accuse t-il. Et d’ajouter que ces mesures ont causé d’énormes préjudices aux organisateurs en 2004. Même son de cloche du côté de la Fédération ivoirienne pour le pèlerinage à la Mecque (Fipem) qui impute, elle aussi, la faute à l’Etat pour avoir été incapable de mettre un avion à la disposition des pèlerins. Pour l’Imam Dosso Mamadou, vice-président de la Fipem, les dispositions prises à l’emporte-pièce, l’organisation approximative quant au transport des pèlerins d’Abidjan à Djedda et les contrats mal négociés avec l’avionneur, notamment, ont achevé d’installer le désordre. Sur la question, le directeur exécutif du Bureau ivoirien pour le hadj et la Oumra (B.I.HO), El Hadj Vassiriki Touré, pointe également l’Etat du doigt, sans oublier les associations. «Le drame de 2006 bis est la résultante d’une crise occasionnée à la fois par le ministère de l’Intérieur et les associations musulmanes impliquées dans l’organisation», explique t-il.
A cela, il faut ajouter le spectacle offert par certains leaders religieux empêtrés dans des guerres de leadership et autres conflits d’intérêt, pour s’approprier des aspects dans l’organisation pratique de l’opération. Dans un tel contexte, on ne pouvait aboutir qu’à la seconde cause de l’échec : l’improvisation et la légèreté qui ont marqué les préparatifs du hadj, sur de nombreuses années.
Pagaille généralisée
L’autre raison de cet échec semble de toute évidence, la guerre des tranchées déclarées entre les différentes structures musulmanes agréées, au nombre de 13 à l’époque, qui se battaient pour décrocher ce que l’on pourrait appeler les « marchés ». Dans cette vaste mêlée où chacun s’emploie à faire échouer son concurrent, tous les coups étaient permis. « C’est un monde d’affaire où les dénigrements sont monnaie courante. Les associations ne se font pas du tout de cadeaux», révèle un expert du Hadj, sous le sceau de l’anonymat. Les scènes de pèlerins restés à l’aéroport d’Abidjan en dépit des promesses faites par les organisateurs du hadj, sont encore vivaces dans les esprits. A plusieurs reprises, l’Etat de Côte d’Ivoire a dû intervenir pour éviter l’humiliation à ses pèlerins. Une humiliation qui s’avérait être également la sienne. D’autant plus qu’à l’extérieur, cette situation avait commencé à donner une mauvaise image du pays.
En effet, la vue des pèlerins « cloués » au sol à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, dans l’humidité des nuits blanches et sous le canicule du tarmac, avait commencé à ternir considérablement notre blason déjà pâli par une crise politique pour le moins aiguë. On avait, pour ainsi dire, franchi le seuil de l’inacceptable. Pire, les victimes de ces organisations musulmanes défaillantes perdaient leur argent pour se voir mener en bateau par des responsables de structures peu scrupuleux, qui ne faisaient que les arnaquer. Avec eux, il fallait compter avec la horde d’escrocs de tout poil qui voyaient le « marché du Hadj» comme un terreau fertile pour leurs activités répréhensibles. Tout cela au mépris des principes sacrés de l’Islam et sur le dos des pèlerins.
Affairisme honteux
Faut-il rappeler, à toute fins utiles, que l’organisation du hadj repose sur les socles suivants : le billet d’avion, l’hébergement en Terre Sainte, le transport interurbain et la taxe saoudienne. Ce socle constitue les dépenses invariables auquel tout candidat doit faire face. Malheureusement, autour de ce socle, se greffent d’autres dépenses, qui elles, constituent, il faut le dire, le matelas financier des acteurs nationaux du pèlerinage. Là, se situe tout le miel qui attire, tels des abeilles, bien des organisateurs du hadj. Et pour cause, le pèlerin doit payer des frais d’encadrement, qui oscillent entre 50 et 60 mille francs CFA. Ensuite, il doit débourser la somme de 120.000 FCFA au titre de frais d’organisation. Pour un millier de candidats au pèlerinage, calcul fait, on se retrouve avec des sommes allant de 500 à 600 millions de FCFA au titre de l’encadrement et 1, 2 milliards de CFA comme pactole pour les frais d’organisation. Si les frais d’encadrement se justifient selon certains organisateurs que nous avons approchés, il n’en n’est pas de même pour les frais d’organisation. « Il ne faut pas se voiler la face, ces frais n’obéissent à rien de concret. On se demande réellement à quoi cette somme est effectivement utilisée », dénonce un imam qui a requis l’anonymat.
Mais le gain des organisateurs ne se limite pas à ces frais officiels. Selon des informations que nous avons glanées auprès des agents de certains avionneurs, un certain quota de pèlerins en partance d’Abidjan aurait droit à des billets « FREE ». Lesquels billets sont aussitôt revendus par les organisateurs qui en tirent ainsi un superprofit. Une telle source de revenu, gagné au prix d’efforts de mobilisation de pèlerins, semble, a priori, justifiée, toute peine méritant salaire. Mais le hic, c’est quand cette source de revenu devient un objectif à atteindre, une obsession qui fait abstraction de toute vertu religieuse. Et là, commence l’affairisme qui fait du hadj un fonds de commerce. Car autant les organisateurs se sucrent, autant l’administration elle-même, se frotte les mains à chaque édition du hadj. A titre d’exemple, on remarquera que les pèlerins sont astreints chaque année aux vaccins quand bien même cela n’est pas exigé par les autorités saoudiennes. Si une telle pratique répond au souci d’une large couverture sanitaire, il n’empêche qu’elle engendre des frais supplémentaires pour le pèlerin. Par exemple, l’acquisition des passeports qui n’échappe pas à des intéressements des agents de l’administration. Au bout du compte, le coût du hadj devient trop élevé pour le candidat.
Laver le discrédit
Mais passe encore le fait d’endurer les aléas climatiques et toutes les souffrances décrites plus haut pour embarquer dans un vol hypothétique à destination de Djedda. Il faut pouvoir s’assurer qu’on trouvera un hôtel pour le séjour, une fois sur les lieux saints. Et à ce niveau, les pèlerins qui quittaient Abidjan n’étaient pas au bout de leurs peines. Au niveau du logement, c’était parfois le calvaire. Sans compter les insuffisances en ce qui concerne leur suivi médical. Parfois, des cas dramatiques sont notés, qui ont abouti à des décès qu’on aurait pu éviter. Côté restauration non plus, les pèlerins ne sont à la fête.
Conséquence de cet business éhonté, qui a conduit au désastre du hadj 2006, les associations musulmanes à charge de l’organisation du pèlerinage à la Mecque ont été « déchues » en 2007 de ce qui était, jusque là, leur prérogative. Une situation mal vécue aujourd’hui par toute une communauté musulmane qui se sent presque frustrée. En prenant les choses en mains, avec un net succès, l’ordre est en train d’être rétabli. Trois ans après, la communauté musulmane qui a elle-même reconnu que l’Etat a réussi son pari, voudrait bien reprendre les choses en main. Mais peut-on lui faire confiance ?
Dans les interviewes qui accompagnent notre dossier, les responsables des structures musulmanes que nous avons interrogés, s’expliquent. A l’opinion de juger de la force des arguments de chacun, mais aussi de la profondeur de leurs divergences.
Dossier réalisé par Alexandre Lebel Ilboudo
Dans l’organisation du Hadj en Côte d’Ivoire, l’édition de 2004 aura montré les signes précurseurs d’un échec à répétition, qui allait aboutir au chaos deux ans plus tard, en 2006. On se le rappelle, 362 candidats au hadj en 2004 n’ont pas pu se rendre à la Mecque alors qu’ils étaient en règle à tous égards. M. Adama Koné faisait partie de ce contingent cloué au sol. « On nous a dit, à la dernière minute, qu’il n’y avait pas d’avion pour nous y emmener», rapporte le sexagénaire, pour qui, ce rendez-vous manqué évoque un souvenir des plus humiliant. « J’ai passé quatre jours et quatre nuits à l’aéroport avant de me voir obligé de regagner mon domicile », raconte-t-il amer ce retour prématuré à la maison. Un retour d’autant plus difficile qu’il fallait affronter le regard, parfois moqueur, des voisins, voire même carrément jubilatoire pour ceux d’entre eux qui ne souhaitaient pas pour notre candidat au Hadj l’accomplissement de cet important pilier de l’Islam.
Pèlerins « cloués » au sol
Pourtant, l’année suivante, le vieux a pu effectuer le hadj avec la même association où il s’était inscrit, sans avoir déboursé un sou de plus. Le tort, on peut le dire, a été réparé. Mais cette même année-là (2005), d’autres candidats au nombre de 136 sont encore restés cloués au sol pour les mêmes raisons. Ce qui paraissait donc comme un cas isolé en 2004 est réédité en 2005.
Mais personnes en ce moment-là ne prête vraiment attention au drame qui se profile à l’horizon. Et il finit par arriver. En 2006, pour la première fois en Côte d’Ivoire, 2013 candidats au voyage saint n’auront pas la possibilité de se rendre à la Mecque. L’opération, à la consternation générale, est purement et simplement avortée. Inutile de décrire la peine et les tourments qui taraudent ces femmes et hommes, pénalisés par la faute d’un Etat incapable et certainement d’organisateurs véreux. D’autant que le sentiment d’humiliation individuelle a vite cédé la place à l’opprobre jetée sur toute une communauté entière. Cet échec assimilé à l’époque à un « drame national », par l’ex-ministre de l’Administration territoriale, M. Bamba Cheick Daniel, était pourtant programmé.
En effet, les organisations et associations musulmanes qui avaient été autorisées par l’Etat de Côte d’Ivoire, s’illustraient de plus en plus par leur incapacité à maîtriser l’organisation pratique du hadj.
A vrai dire, beaucoup de facteurs ont abouti à cette déplorable défaillance. Il y avait d’abord la cacophonie et les sons discordants qui accompagnaient les préparatifs de ce pilier important de l’islam.
Selon l’Imam Bema Fofana, président du Firdaouss, le problème a résidé en partie dans le schéma de gestion imposé par l’ex-ministre des cultes, Désiré Gnonkonté, qui avait décidé d’une banque unique pour toutes les transactions financières, d’un seul transporteur aérien, d’un seul logeur et d’un prélèvement obligatoire d’une somme de 50.000 FCFA pour tout pèlerin parti de Côte d’Ivoire. « En s’invitant dans le circuit du hadj, le ministre a sorti l’Etat de son rôle de facilitateur pour vampiriser l’espace dévolu aux hadj en Côte d’Ivoire», accuse t-il. Et d’ajouter que ces mesures ont causé d’énormes préjudices aux organisateurs en 2004. Même son de cloche du côté de la Fédération ivoirienne pour le pèlerinage à la Mecque (Fipem) qui impute, elle aussi, la faute à l’Etat pour avoir été incapable de mettre un avion à la disposition des pèlerins. Pour l’Imam Dosso Mamadou, vice-président de la Fipem, les dispositions prises à l’emporte-pièce, l’organisation approximative quant au transport des pèlerins d’Abidjan à Djedda et les contrats mal négociés avec l’avionneur, notamment, ont achevé d’installer le désordre. Sur la question, le directeur exécutif du Bureau ivoirien pour le hadj et la Oumra (B.I.HO), El Hadj Vassiriki Touré, pointe également l’Etat du doigt, sans oublier les associations. «Le drame de 2006 bis est la résultante d’une crise occasionnée à la fois par le ministère de l’Intérieur et les associations musulmanes impliquées dans l’organisation», explique t-il.
A cela, il faut ajouter le spectacle offert par certains leaders religieux empêtrés dans des guerres de leadership et autres conflits d’intérêt, pour s’approprier des aspects dans l’organisation pratique de l’opération. Dans un tel contexte, on ne pouvait aboutir qu’à la seconde cause de l’échec : l’improvisation et la légèreté qui ont marqué les préparatifs du hadj, sur de nombreuses années.
Pagaille généralisée
L’autre raison de cet échec semble de toute évidence, la guerre des tranchées déclarées entre les différentes structures musulmanes agréées, au nombre de 13 à l’époque, qui se battaient pour décrocher ce que l’on pourrait appeler les « marchés ». Dans cette vaste mêlée où chacun s’emploie à faire échouer son concurrent, tous les coups étaient permis. « C’est un monde d’affaire où les dénigrements sont monnaie courante. Les associations ne se font pas du tout de cadeaux», révèle un expert du Hadj, sous le sceau de l’anonymat. Les scènes de pèlerins restés à l’aéroport d’Abidjan en dépit des promesses faites par les organisateurs du hadj, sont encore vivaces dans les esprits. A plusieurs reprises, l’Etat de Côte d’Ivoire a dû intervenir pour éviter l’humiliation à ses pèlerins. Une humiliation qui s’avérait être également la sienne. D’autant plus qu’à l’extérieur, cette situation avait commencé à donner une mauvaise image du pays.
En effet, la vue des pèlerins « cloués » au sol à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, dans l’humidité des nuits blanches et sous le canicule du tarmac, avait commencé à ternir considérablement notre blason déjà pâli par une crise politique pour le moins aiguë. On avait, pour ainsi dire, franchi le seuil de l’inacceptable. Pire, les victimes de ces organisations musulmanes défaillantes perdaient leur argent pour se voir mener en bateau par des responsables de structures peu scrupuleux, qui ne faisaient que les arnaquer. Avec eux, il fallait compter avec la horde d’escrocs de tout poil qui voyaient le « marché du Hadj» comme un terreau fertile pour leurs activités répréhensibles. Tout cela au mépris des principes sacrés de l’Islam et sur le dos des pèlerins.
Affairisme honteux
Faut-il rappeler, à toute fins utiles, que l’organisation du hadj repose sur les socles suivants : le billet d’avion, l’hébergement en Terre Sainte, le transport interurbain et la taxe saoudienne. Ce socle constitue les dépenses invariables auquel tout candidat doit faire face. Malheureusement, autour de ce socle, se greffent d’autres dépenses, qui elles, constituent, il faut le dire, le matelas financier des acteurs nationaux du pèlerinage. Là, se situe tout le miel qui attire, tels des abeilles, bien des organisateurs du hadj. Et pour cause, le pèlerin doit payer des frais d’encadrement, qui oscillent entre 50 et 60 mille francs CFA. Ensuite, il doit débourser la somme de 120.000 FCFA au titre de frais d’organisation. Pour un millier de candidats au pèlerinage, calcul fait, on se retrouve avec des sommes allant de 500 à 600 millions de FCFA au titre de l’encadrement et 1, 2 milliards de CFA comme pactole pour les frais d’organisation. Si les frais d’encadrement se justifient selon certains organisateurs que nous avons approchés, il n’en n’est pas de même pour les frais d’organisation. « Il ne faut pas se voiler la face, ces frais n’obéissent à rien de concret. On se demande réellement à quoi cette somme est effectivement utilisée », dénonce un imam qui a requis l’anonymat.
Mais le gain des organisateurs ne se limite pas à ces frais officiels. Selon des informations que nous avons glanées auprès des agents de certains avionneurs, un certain quota de pèlerins en partance d’Abidjan aurait droit à des billets « FREE ». Lesquels billets sont aussitôt revendus par les organisateurs qui en tirent ainsi un superprofit. Une telle source de revenu, gagné au prix d’efforts de mobilisation de pèlerins, semble, a priori, justifiée, toute peine méritant salaire. Mais le hic, c’est quand cette source de revenu devient un objectif à atteindre, une obsession qui fait abstraction de toute vertu religieuse. Et là, commence l’affairisme qui fait du hadj un fonds de commerce. Car autant les organisateurs se sucrent, autant l’administration elle-même, se frotte les mains à chaque édition du hadj. A titre d’exemple, on remarquera que les pèlerins sont astreints chaque année aux vaccins quand bien même cela n’est pas exigé par les autorités saoudiennes. Si une telle pratique répond au souci d’une large couverture sanitaire, il n’empêche qu’elle engendre des frais supplémentaires pour le pèlerin. Par exemple, l’acquisition des passeports qui n’échappe pas à des intéressements des agents de l’administration. Au bout du compte, le coût du hadj devient trop élevé pour le candidat.
Laver le discrédit
Mais passe encore le fait d’endurer les aléas climatiques et toutes les souffrances décrites plus haut pour embarquer dans un vol hypothétique à destination de Djedda. Il faut pouvoir s’assurer qu’on trouvera un hôtel pour le séjour, une fois sur les lieux saints. Et à ce niveau, les pèlerins qui quittaient Abidjan n’étaient pas au bout de leurs peines. Au niveau du logement, c’était parfois le calvaire. Sans compter les insuffisances en ce qui concerne leur suivi médical. Parfois, des cas dramatiques sont notés, qui ont abouti à des décès qu’on aurait pu éviter. Côté restauration non plus, les pèlerins ne sont à la fête.
Conséquence de cet business éhonté, qui a conduit au désastre du hadj 2006, les associations musulmanes à charge de l’organisation du pèlerinage à la Mecque ont été « déchues » en 2007 de ce qui était, jusque là, leur prérogative. Une situation mal vécue aujourd’hui par toute une communauté musulmane qui se sent presque frustrée. En prenant les choses en mains, avec un net succès, l’ordre est en train d’être rétabli. Trois ans après, la communauté musulmane qui a elle-même reconnu que l’Etat a réussi son pari, voudrait bien reprendre les choses en main. Mais peut-on lui faire confiance ?
Dans les interviewes qui accompagnent notre dossier, les responsables des structures musulmanes que nous avons interrogés, s’expliquent. A l’opinion de juger de la force des arguments de chacun, mais aussi de la profondeur de leurs divergences.
Dossier réalisé par Alexandre Lebel Ilboudo