Parce qu'elle se sentait rejetée par son fils et sa belle-fille, une grand-mère de 65 ans passe ses nerfs, en juin 2010, sur son petit-fils. «Nord-Sud Quotidien » a reconstitué les faits pour vous.
En mars 2001, Angèle et Hien Célestin, un couple parents de Florent, un garçonnet de 12 mois, quittent la terre natale pour s'installer en Côte d'Ivoire (Abidjan). Mme Hien Georgette, la mère de Célestin, malgré son âge avancé est une commerçante, élancée et solide, ne voit pas ce départ d'un très bon œil. N'ont-ils pas tout ce qu'ils désirent au pays des hommes intègres ? Pourquoi, diable aller chercher le bonheur aussi loin ?
A 35 ans, Célestin persuade sa mère, alors âgée de 56 ans, que ce départ est la chance de leur vie. Pour la tranquilliser, il lui fait la promesse que, dès qu'ils auront une situation stable à Abidjan, elle viendra auprès d'eux. Les premières semaines au bord de la lagune Ebrié ne sont pas de tout repos : coutumes, habitudes, la frénésie des grandes villes, tout est si différent de ce qu'ils connaissaient à Ouhigouya, leur ville natale (Burkina Faso). Mais à force de travail et d'obstination, le couple et leur fils d'un an finissent par se faire leur nid à Anoumanbo, un quartier de la commune de Marcory, où ils trouvent un cagibi de deux pièces à louer à 10 mille Fcfa. Célestin trouve de l'embauche. Il est technicien de surface à l'hypermarché, Cap Sud. Son épouse est employée comme nounou par un couple libanais au quartier Résidentiel (Marcory). Ils ramènent un double salaire qui leur permet d'envisager une nouvelle vie.
En octobre 2006, le couple et leur fils de 6 ans quittent « Sicobois » pour emménager dans une maison en dur qu'ils achètent avec leur épargne. Georgette, la mamie restée au pays, insiste pour que le couple accepte son aide afin d’acheter un terrain. Elle a le cafard de son fils et de son petit-fils et exprime sa joie quand Célestin lui propose, en mai 2007, de venir vivre avec eux à Abidjan. Georgette vend son magasin de chaussures à Ouhigouya et, munie de quelques valises refermant ses souvenirs, débarque un beau matin dans la capitale économique ivoirienne. Au début, la cohabitation avec sa belle-fille se passe plutôt bien. Pendant qu'Angèle et Célestin partent travailler, Georgette s'occupe de tenir la maison, va chercher son petit-fils à l'école primaire Aliodan (Anoumanbo). Au fil des mois, la situation se gâte. Angèle et son mari, s'ils vivent plutôt repliés sur eux-mêmes, ont appris les mœurs et font des efforts pour s'adapter, pas Georgette, qui refuse de parler une autre langue et préfère converser en lobi avec son fils et sa belle-fille. Dans ces conditions, rien d'étonnant si les voisins la jugent de «plutôt renfermée».
Elle m'a volé mon fils
Georgette en veut tout simplement à Angèle d'accaparer, dit-elle, Célestin, ce fils qu'elle chérit plus que tout. « Tu m'as pris mon fils ! », répète-t-elle en toute occasion à sa brue. En juin 2009, la tension monte encore d'un cran entre les deux femmes. Qui doit rester, qui doit partir ? Le chef de famille se retrouve dans une situation délicate. Désavouer sa femme pour donner raison à sa mère, c'est prendre le risque de sacrifier son mariage. Désavouer sa mère est tout aussi risqué car il tient à celle qui lui a donné la vie et dont il connaît le caractère sinueux. Mais à force de réflexion, Célestin décide de privilégier son avenir conjugal et celui de son fils. Les mois passent mais la tension demeure tendue chez les Hien. Le 20 juin 2010, alors que la famille est réunie autour d'un poulet-pommes frites, Célestin déclare fermement à sa mère qu'elle doit rentrer au Burkina Faso. «C'est ainsi et pas autrement !», clame-t-elle. Très bien, répond Georgette, un drôle de sourire flottant sur ses lèvres. Célestin se lève et lui tend une enveloppe contenant la somme de 200.000Fcfa. C'est ton transport, dit-il.
Un couteau de cuisine a suffi
Lundi 21 juin, Georgette s'est levée tôt, comme à l'accoutumée, pour préparer le petit-déjeuner. Elle souhaite bonne route à son fils et à sa belle-fille qui partent travailler. Puis elle va faire sa toilette. Elle enfile un boubou bleu et une écharpe marron avant de saisir un petit sac où tintent deux objets allongés. Elle trouve Florent, son petit-fils de 10 ans, qui tapotait son jeu vidéo au salon. Je dois préparer ma valise, lui dit-elle en souriant. « Voudrais-tu m'aider ?», demande la mamie à son petit-fils. Serviable, Florent acquiesce et précède sa grand-mère. Alors qu'il se penche pour sortir la valise dans un fouillis de malles et de panières, il sent une vive douleur lui transpercer le dos et se retourne, surpris. Sa grand-mère, les yeux hagards, tient un long couteau dont la lame ruisselle de sang. Elle veut lui asséner un second coup mais Florent jette ses bras en avant pour se protéger et il parvient, au prix de plusieurs blessures graves au dos et à la main, à faire dévier l'arme blanche. Il frappe sa grand-mère au visage, la jette au sol, se rue vers la porte du salon et crie au secours en grimaçant de douleur, car le coup de couteau de sa mamie lui a déchiré la main droite. Entre-temps, Georgette s'est relevée et a ramassé le couteau ensanglanté qu'elle glisse tranquillement dans le sac qui en contient un autre. Elle sort de la maison à son tour et erre sur la route, les bras en croix. Après avoir tenté de se jeter contre un taxi puis se couchant sur l'asphalte, elle se relève et lance des imprécations en lobi. Alertés, Célestin et Angèle accourent précipitamment à la maison. Avec les voisins, ils transportent Florent dans une clinique de la place où il reçoit les premiers soins.
Des éléments de la police du 9èmearrondissement, à Marcory, ratissent d'Anoumanbo et ne tardent pas à mettre la main sur Georgette qui s'est engouffrée dans une ruelle. Emmenée au commissariat, elle marmonne des phrases. Elle reconnaît les faits et avoue avoir souffert de jalousie en voyant Célestin si heureux avec sa belle-fille qu'elle accusera plusieurs fois de lui avoir « pris son fils ». Pour punir sa brue, Georgette aurait eu alors l'idée de tuer le fils de Célestin et d'Angèle, une façon de prendre, elle aussi, un fils à sa rivale. Après avoir poignardé Florent, la mamie avait prévu de s'enfuir. Elle aurait ainsi, dira-t-elle, emporté dans le car qui devait la ramener au Burkina Faso l'image d'Angèle folle d'inquiétude, et celle d'un Célestin aux abois. Les sentiments prennent le pas. Et, l'affaire, selon l'officier en charge du dossier, a été réglée à l'amiable. «On a décidé de régler le problème en famille.
C'est un incident malheureux. Il y a eu plus de peur que de mal. J'ai retiré la plainte parce qu'après tout elle demeure ma mère », affirme le père de Florent, qui dit avoir pris cette décision en accord avec son épouse. Célestin et Angèle sont-ils sûrs que tout est bien fini?
Ouattara Moussa
En mars 2001, Angèle et Hien Célestin, un couple parents de Florent, un garçonnet de 12 mois, quittent la terre natale pour s'installer en Côte d'Ivoire (Abidjan). Mme Hien Georgette, la mère de Célestin, malgré son âge avancé est une commerçante, élancée et solide, ne voit pas ce départ d'un très bon œil. N'ont-ils pas tout ce qu'ils désirent au pays des hommes intègres ? Pourquoi, diable aller chercher le bonheur aussi loin ?
A 35 ans, Célestin persuade sa mère, alors âgée de 56 ans, que ce départ est la chance de leur vie. Pour la tranquilliser, il lui fait la promesse que, dès qu'ils auront une situation stable à Abidjan, elle viendra auprès d'eux. Les premières semaines au bord de la lagune Ebrié ne sont pas de tout repos : coutumes, habitudes, la frénésie des grandes villes, tout est si différent de ce qu'ils connaissaient à Ouhigouya, leur ville natale (Burkina Faso). Mais à force de travail et d'obstination, le couple et leur fils d'un an finissent par se faire leur nid à Anoumanbo, un quartier de la commune de Marcory, où ils trouvent un cagibi de deux pièces à louer à 10 mille Fcfa. Célestin trouve de l'embauche. Il est technicien de surface à l'hypermarché, Cap Sud. Son épouse est employée comme nounou par un couple libanais au quartier Résidentiel (Marcory). Ils ramènent un double salaire qui leur permet d'envisager une nouvelle vie.
En octobre 2006, le couple et leur fils de 6 ans quittent « Sicobois » pour emménager dans une maison en dur qu'ils achètent avec leur épargne. Georgette, la mamie restée au pays, insiste pour que le couple accepte son aide afin d’acheter un terrain. Elle a le cafard de son fils et de son petit-fils et exprime sa joie quand Célestin lui propose, en mai 2007, de venir vivre avec eux à Abidjan. Georgette vend son magasin de chaussures à Ouhigouya et, munie de quelques valises refermant ses souvenirs, débarque un beau matin dans la capitale économique ivoirienne. Au début, la cohabitation avec sa belle-fille se passe plutôt bien. Pendant qu'Angèle et Célestin partent travailler, Georgette s'occupe de tenir la maison, va chercher son petit-fils à l'école primaire Aliodan (Anoumanbo). Au fil des mois, la situation se gâte. Angèle et son mari, s'ils vivent plutôt repliés sur eux-mêmes, ont appris les mœurs et font des efforts pour s'adapter, pas Georgette, qui refuse de parler une autre langue et préfère converser en lobi avec son fils et sa belle-fille. Dans ces conditions, rien d'étonnant si les voisins la jugent de «plutôt renfermée».
Elle m'a volé mon fils
Georgette en veut tout simplement à Angèle d'accaparer, dit-elle, Célestin, ce fils qu'elle chérit plus que tout. « Tu m'as pris mon fils ! », répète-t-elle en toute occasion à sa brue. En juin 2009, la tension monte encore d'un cran entre les deux femmes. Qui doit rester, qui doit partir ? Le chef de famille se retrouve dans une situation délicate. Désavouer sa femme pour donner raison à sa mère, c'est prendre le risque de sacrifier son mariage. Désavouer sa mère est tout aussi risqué car il tient à celle qui lui a donné la vie et dont il connaît le caractère sinueux. Mais à force de réflexion, Célestin décide de privilégier son avenir conjugal et celui de son fils. Les mois passent mais la tension demeure tendue chez les Hien. Le 20 juin 2010, alors que la famille est réunie autour d'un poulet-pommes frites, Célestin déclare fermement à sa mère qu'elle doit rentrer au Burkina Faso. «C'est ainsi et pas autrement !», clame-t-elle. Très bien, répond Georgette, un drôle de sourire flottant sur ses lèvres. Célestin se lève et lui tend une enveloppe contenant la somme de 200.000Fcfa. C'est ton transport, dit-il.
Un couteau de cuisine a suffi
Lundi 21 juin, Georgette s'est levée tôt, comme à l'accoutumée, pour préparer le petit-déjeuner. Elle souhaite bonne route à son fils et à sa belle-fille qui partent travailler. Puis elle va faire sa toilette. Elle enfile un boubou bleu et une écharpe marron avant de saisir un petit sac où tintent deux objets allongés. Elle trouve Florent, son petit-fils de 10 ans, qui tapotait son jeu vidéo au salon. Je dois préparer ma valise, lui dit-elle en souriant. « Voudrais-tu m'aider ?», demande la mamie à son petit-fils. Serviable, Florent acquiesce et précède sa grand-mère. Alors qu'il se penche pour sortir la valise dans un fouillis de malles et de panières, il sent une vive douleur lui transpercer le dos et se retourne, surpris. Sa grand-mère, les yeux hagards, tient un long couteau dont la lame ruisselle de sang. Elle veut lui asséner un second coup mais Florent jette ses bras en avant pour se protéger et il parvient, au prix de plusieurs blessures graves au dos et à la main, à faire dévier l'arme blanche. Il frappe sa grand-mère au visage, la jette au sol, se rue vers la porte du salon et crie au secours en grimaçant de douleur, car le coup de couteau de sa mamie lui a déchiré la main droite. Entre-temps, Georgette s'est relevée et a ramassé le couteau ensanglanté qu'elle glisse tranquillement dans le sac qui en contient un autre. Elle sort de la maison à son tour et erre sur la route, les bras en croix. Après avoir tenté de se jeter contre un taxi puis se couchant sur l'asphalte, elle se relève et lance des imprécations en lobi. Alertés, Célestin et Angèle accourent précipitamment à la maison. Avec les voisins, ils transportent Florent dans une clinique de la place où il reçoit les premiers soins.
Des éléments de la police du 9èmearrondissement, à Marcory, ratissent d'Anoumanbo et ne tardent pas à mettre la main sur Georgette qui s'est engouffrée dans une ruelle. Emmenée au commissariat, elle marmonne des phrases. Elle reconnaît les faits et avoue avoir souffert de jalousie en voyant Célestin si heureux avec sa belle-fille qu'elle accusera plusieurs fois de lui avoir « pris son fils ». Pour punir sa brue, Georgette aurait eu alors l'idée de tuer le fils de Célestin et d'Angèle, une façon de prendre, elle aussi, un fils à sa rivale. Après avoir poignardé Florent, la mamie avait prévu de s'enfuir. Elle aurait ainsi, dira-t-elle, emporté dans le car qui devait la ramener au Burkina Faso l'image d'Angèle folle d'inquiétude, et celle d'un Célestin aux abois. Les sentiments prennent le pas. Et, l'affaire, selon l'officier en charge du dossier, a été réglée à l'amiable. «On a décidé de régler le problème en famille.
C'est un incident malheureux. Il y a eu plus de peur que de mal. J'ai retiré la plainte parce qu'après tout elle demeure ma mère », affirme le père de Florent, qui dit avoir pris cette décision en accord avec son épouse. Célestin et Angèle sont-ils sûrs que tout est bien fini?
Ouattara Moussa