Jusqu’où iront les commissions d’enquête parlementaires mises en place pour faire la lumière sur un certain nombre de «mauvaises pratiques» relatives aux modalités d’intégration à la Fonction publique, aux procédures d’attribution de licences de téléphonie mobile, au foncier urbain et à la contrebande en zone Centre nord ouest (CNO) ? Quelle sera l’issue des enquêtes diligentées par le président Laurent Gbagbo dans ce qu’il est convenu d’appeler «l’affaire Tagro» ? Bien malin qui saurait répondre à ces deux questions qui agitent le corps social ivoirien.
Deux facteurs d’une importance certaine compromettent en tout cas ces deux initiatives. Premièrement, l’environnement politicien qui les entoure. Il pourrait apporter de l’eau au moulin de ceux qui estiment qu’il faut attendre que les élections passent, qu’une certaine sérénité revienne, pour exhumer un certain nombre de dossiers – même s’il est évident qu’après le scrutin, des accusations de chasse aux sorcières pourraient fuser… Il pourrait également distraire une bonne partie de l’opinion, prise au piège de la personnalisation du débat – entre pro-Tagro, pro-Koulibaly et désormais pro-Soro.
Deuxièmement, le temps est l’ennemi de ce processus qui doit aboutir à faire toute la lumière sur de grosses «affaires». Le président Laurent Gbagbo a donné un mois au procureur de la République Raymond Tchimou pour boucler son enquête préliminaire. Une fois qu’elles seront validées par la plénière et le Garde des Sceaux – si elles le sont ! – les enquêtes parlementaires nécessiteront elles aussi un certain temps. Pourtant, selon toute vraisemblance, l’élection présidentielle se tiendra d’ici la fin de l’année. Et les urgences de la campagne électorale relègueront forcément au second plan l’opération mains propres.
Bien entendu, il est possible – et souhaitable – qu’un certain nombre de vérités soient établies, que de grands procès aient lieu. Pour opérer une forme de catharsis libératrice. Pour frapper les esprits et montrer aux Ivoiriens, pour la première fois, des hommes et des femmes passant à la barre pour s’expliquer sur des malversations supposées. On l’oublie souvent, mais il n’y a jamais eu de grands procès pour crimes économiques au pays des Eléphants. Pourtant, des détournements de fonds publics massifs ont été maintes fois déplorés pendant les cinquante dernières années. Un procès ne fait pas la vertu, comme une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais il ne faut pas négliger la force du précédent. La peur pourrait bien changer de camp.
Cela dit, le débat et l’agitation autour du thème de la moralisation de la vie publique sont une occasion inédite pour poser définitivement un certain nombre de jalons afin d’installer durablement les notions de transparence, d’équité républicaine et de vertu publique. Investiguer sur des faits passés est bien. Légiférer pour les empêcher de se reproduire, et transmettre au futur président – qu’il s’agisse de Gbagbo ou pas – un arsenal normatif qui limitera les occasions de se faire corrompre est encore mieux.
Nous devons nous poser un certain nombre de questions. Pourquoi est-il si facile, pour un serviteur de l’Etat, de s’enrichir indûment sous nos cieux ? Cela ne nous choque plus d’entendre parler d’un douanier, d’un cadre des Impôts, qui possède un nombre incalculable d’immeubles à Abidjan. Et si l’on institutionnalisait une déclaration de biens annuelle, systématique et pouvant être rendue publique à certaines conditions, pour tous les serviteurs de l’Etat, assortie d’un mécanisme d’enquête sur d’éventuels prête-noms ? Ce n’est pas une recette-miracle, mais cela pourrait constituer un bon début.
La corruption et le trafic d’influence sont fondamentalement liés à l’absence de transparence. Il serait pourtant assez aisé de mettre en place un certain nombre de règles salvatrices en ce qui concerne l’encadrement réglementaire des concours d’accès aux grandes écoles. Dans un précédent éditorial, nous appelions à la création d’un Organe spécial indépendant (OSI), directement relié au chef de l’Etat et impliquant la société civile et les élus de tous bords, chargé de réguler et de surveiller les mécanismes de sélection des admis dans le cadre des grands concours administratifs. Un appel qui est toujours d’actualité !
Lorsqu’un citoyen ivoirien est victime d’un abus administratif ou soumis au chantage d’un fonctionnaire, quelles sont ses voies de recours ? Aux Etats-Unis, les usagers ordinaires gagnent chaque jour des procès contre les différentes administrations ? Sous nos cieux, le Palais de justice, surpeuplé, est tout aussi chaotique que le reste de la société. Où sont les chambres administratives facilement accessibles aux citoyens et rendant la justice dans des délais raisonnables ? Et si l’administration, dans son rapport aux usagers, était soumise à des fiches de procédure rendues publiques ? Le débat est ouvert.
Deux facteurs d’une importance certaine compromettent en tout cas ces deux initiatives. Premièrement, l’environnement politicien qui les entoure. Il pourrait apporter de l’eau au moulin de ceux qui estiment qu’il faut attendre que les élections passent, qu’une certaine sérénité revienne, pour exhumer un certain nombre de dossiers – même s’il est évident qu’après le scrutin, des accusations de chasse aux sorcières pourraient fuser… Il pourrait également distraire une bonne partie de l’opinion, prise au piège de la personnalisation du débat – entre pro-Tagro, pro-Koulibaly et désormais pro-Soro.
Deuxièmement, le temps est l’ennemi de ce processus qui doit aboutir à faire toute la lumière sur de grosses «affaires». Le président Laurent Gbagbo a donné un mois au procureur de la République Raymond Tchimou pour boucler son enquête préliminaire. Une fois qu’elles seront validées par la plénière et le Garde des Sceaux – si elles le sont ! – les enquêtes parlementaires nécessiteront elles aussi un certain temps. Pourtant, selon toute vraisemblance, l’élection présidentielle se tiendra d’ici la fin de l’année. Et les urgences de la campagne électorale relègueront forcément au second plan l’opération mains propres.
Bien entendu, il est possible – et souhaitable – qu’un certain nombre de vérités soient établies, que de grands procès aient lieu. Pour opérer une forme de catharsis libératrice. Pour frapper les esprits et montrer aux Ivoiriens, pour la première fois, des hommes et des femmes passant à la barre pour s’expliquer sur des malversations supposées. On l’oublie souvent, mais il n’y a jamais eu de grands procès pour crimes économiques au pays des Eléphants. Pourtant, des détournements de fonds publics massifs ont été maintes fois déplorés pendant les cinquante dernières années. Un procès ne fait pas la vertu, comme une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais il ne faut pas négliger la force du précédent. La peur pourrait bien changer de camp.
Cela dit, le débat et l’agitation autour du thème de la moralisation de la vie publique sont une occasion inédite pour poser définitivement un certain nombre de jalons afin d’installer durablement les notions de transparence, d’équité républicaine et de vertu publique. Investiguer sur des faits passés est bien. Légiférer pour les empêcher de se reproduire, et transmettre au futur président – qu’il s’agisse de Gbagbo ou pas – un arsenal normatif qui limitera les occasions de se faire corrompre est encore mieux.
Nous devons nous poser un certain nombre de questions. Pourquoi est-il si facile, pour un serviteur de l’Etat, de s’enrichir indûment sous nos cieux ? Cela ne nous choque plus d’entendre parler d’un douanier, d’un cadre des Impôts, qui possède un nombre incalculable d’immeubles à Abidjan. Et si l’on institutionnalisait une déclaration de biens annuelle, systématique et pouvant être rendue publique à certaines conditions, pour tous les serviteurs de l’Etat, assortie d’un mécanisme d’enquête sur d’éventuels prête-noms ? Ce n’est pas une recette-miracle, mais cela pourrait constituer un bon début.
La corruption et le trafic d’influence sont fondamentalement liés à l’absence de transparence. Il serait pourtant assez aisé de mettre en place un certain nombre de règles salvatrices en ce qui concerne l’encadrement réglementaire des concours d’accès aux grandes écoles. Dans un précédent éditorial, nous appelions à la création d’un Organe spécial indépendant (OSI), directement relié au chef de l’Etat et impliquant la société civile et les élus de tous bords, chargé de réguler et de surveiller les mécanismes de sélection des admis dans le cadre des grands concours administratifs. Un appel qui est toujours d’actualité !
Lorsqu’un citoyen ivoirien est victime d’un abus administratif ou soumis au chantage d’un fonctionnaire, quelles sont ses voies de recours ? Aux Etats-Unis, les usagers ordinaires gagnent chaque jour des procès contre les différentes administrations ? Sous nos cieux, le Palais de justice, surpeuplé, est tout aussi chaotique que le reste de la société. Où sont les chambres administratives facilement accessibles aux citoyens et rendant la justice dans des délais raisonnables ? Et si l’administration, dans son rapport aux usagers, était soumise à des fiches de procédure rendues publiques ? Le débat est ouvert.