Comment se fait-il que la Guinée, qui sort de cinquante années de dictature (sous Ahmed Sékou Touré puis Lansana Conté) et qui a failli toucher le fond avec l’arrivée au pouvoir du très fantasque Dadis Camara, arrive à organiser en moins d’un an une élection présidentielle là où la Côte d’Ivoire n’y parvient pas depuis cinq ans ?
La question peut traduire deux choses, selon la personne qui la pose. Un agacement légitime par rapport à un processus électoral qui n’en finit pas de s’enliser au pays des Eléphants, mais aussi une forme de perfidie d’un certain nombre de «réseaux» qui ont considéré avec mépris l’Accord politique de Ouagadougou pour la pire des raisons : comment un processus de paix peut-il réussir en Afrique quand la «communauté internationale» en est écartée ?
Dans tous les cas, le fait que l’on pose cette question, qui a le mérite de la candeur (réelle ou supposée), a son utilité. A priori, elle devrait vexer les Ivoiriens à qui il reste un minimum de dignité et mobiliser tout le monde autour de l’objectif électoral commun. Mais si l’on veut être honnête, il faut reconnaître que le parallélisme est douteux.
En réalité, s’il faut faire des comparaisons, la situation du 27 juin 2010 à Conakry est à mettre en relation avec la configuration dans laquelle Abidjan se trouvait le 22 octobre 2000. Dans la mesure où l’élection présidentielle qui se tenait alors devait être, comme à Conakry, l’aboutissement d’une transition militaire ayant mis de côté les dignitaires politiques traditionnels. Le début d’une nouvelle ère, le temps de la revanche d’une opposition marginalisée par un «système» trop fort. Bien entendu, il y a des similitudes mais aussi des différences. Celui qui était parti pour jouer le rôle de Robert Guëi à Conakry, Dadis Camara, a été écarté comme par la main de Dieu. On a donc eu droit à un néo-ATT : Sékouba Konaté, qui n’a pas souhaité (ou qui ne pouvait pas) se présenter lui-même. A Conakry, il n’y a pas eu d’exclusion d’un certain nombre de candidats significatifs, comme cela s’est passé à Abidjan – et comme cela se serait sans doute passé en Guinée si la balle de Toumba Diakité n’avait pas mis fin aux prétentions de Dadis.
Cela suffit-il à justifier l’optimisme quant à l’issue de la présidentielle guinéenne ? Rien n’est moins sûr. Les scrutins à proprement parler se passent toujours bien en Afrique. C’est au moment des dépouillements et de la proclamation des résultats qu’en général les choses se gâtent. Les prochains jours seront décisifs. C’est à l’issue de cette «période de vérité», et même après quelques années de «pratique», qu’on saura si le «miracle malien» s’est reproduit en Guinée.
La transition démocratique guinéenne est en effet piégée par un certain nombre de facteurs. Les longs règnes de Sékou Touré et de Lansana Conté ont aiguisé les appétits de leaders politiques civils qui se disent tous «aujourd’hui, c’est aujourd’hui». Les scissiparités ethniques sont réelles, et le terrain est fragile – dans l’Histoire, certains groupes ont été sévèrement maltraités et en ont gardé une forme de rancœur. Mais la plus grande hypothèque qui pèse sur la paix à moyen terme, c’est l’armée. Comme en Côte d’Ivoire sous Guëi, elle sort de la transition discréditée, divisée, fragilisée. Pourra-t-elle arbitrer honnêtement des controverses qui surgiraient d’une éventuelle autoproclamation comme président des deux ou trois candidats majeurs ? L’on sait qu’elle n’a pas forcément les capacités opérationnelles pour maintenir la paix de manière ferme et juste. On ne sait pas non plus si Sékouba Konaté ne veut pas administrer la preuve de l’incapacité des civils à s’entendre pour mieux se poser en sauveur de la Nation, et rester sur son fauteuil.
On saura très vite si cette armée a accouché de métastases rebelles prêtes à ouvrir des maquis et à menacer par le «feu» l’ordre politique issu des élections. En effet, si tous les perdants n’acceptent par leur défaite, certains pourraient être tentés «d’acheter des parts» dans la société anonyme «Dadistes revanchards». Et le spectre ivoirien d’une rébellion à plusieurs fronts et aux bases tribales serait à craindre.
Il ne s’agit pas de jouer aux oiseaux de mauvais augure. Mais de marteler une vérité : tenir une élection présidentielle n’est pas une fin en soi. Ce n’est pas une garantie de paix à long terme quand on se refuse à déminer le terrain. Cette vérité semble oubliée par ceux qui, prenant pour exemple – quelle folie ! – l’Irak ou l’Afghanistan, refusent de travailler franchement au désarmement de forces qui pouvaient se réveiller demain pour ramener la Côte d’Ivoire à la case départ si le résultat de la prochaine présidentielle n’est pas celui qu’ils attendaient.
La question peut traduire deux choses, selon la personne qui la pose. Un agacement légitime par rapport à un processus électoral qui n’en finit pas de s’enliser au pays des Eléphants, mais aussi une forme de perfidie d’un certain nombre de «réseaux» qui ont considéré avec mépris l’Accord politique de Ouagadougou pour la pire des raisons : comment un processus de paix peut-il réussir en Afrique quand la «communauté internationale» en est écartée ?
Dans tous les cas, le fait que l’on pose cette question, qui a le mérite de la candeur (réelle ou supposée), a son utilité. A priori, elle devrait vexer les Ivoiriens à qui il reste un minimum de dignité et mobiliser tout le monde autour de l’objectif électoral commun. Mais si l’on veut être honnête, il faut reconnaître que le parallélisme est douteux.
En réalité, s’il faut faire des comparaisons, la situation du 27 juin 2010 à Conakry est à mettre en relation avec la configuration dans laquelle Abidjan se trouvait le 22 octobre 2000. Dans la mesure où l’élection présidentielle qui se tenait alors devait être, comme à Conakry, l’aboutissement d’une transition militaire ayant mis de côté les dignitaires politiques traditionnels. Le début d’une nouvelle ère, le temps de la revanche d’une opposition marginalisée par un «système» trop fort. Bien entendu, il y a des similitudes mais aussi des différences. Celui qui était parti pour jouer le rôle de Robert Guëi à Conakry, Dadis Camara, a été écarté comme par la main de Dieu. On a donc eu droit à un néo-ATT : Sékouba Konaté, qui n’a pas souhaité (ou qui ne pouvait pas) se présenter lui-même. A Conakry, il n’y a pas eu d’exclusion d’un certain nombre de candidats significatifs, comme cela s’est passé à Abidjan – et comme cela se serait sans doute passé en Guinée si la balle de Toumba Diakité n’avait pas mis fin aux prétentions de Dadis.
Cela suffit-il à justifier l’optimisme quant à l’issue de la présidentielle guinéenne ? Rien n’est moins sûr. Les scrutins à proprement parler se passent toujours bien en Afrique. C’est au moment des dépouillements et de la proclamation des résultats qu’en général les choses se gâtent. Les prochains jours seront décisifs. C’est à l’issue de cette «période de vérité», et même après quelques années de «pratique», qu’on saura si le «miracle malien» s’est reproduit en Guinée.
La transition démocratique guinéenne est en effet piégée par un certain nombre de facteurs. Les longs règnes de Sékou Touré et de Lansana Conté ont aiguisé les appétits de leaders politiques civils qui se disent tous «aujourd’hui, c’est aujourd’hui». Les scissiparités ethniques sont réelles, et le terrain est fragile – dans l’Histoire, certains groupes ont été sévèrement maltraités et en ont gardé une forme de rancœur. Mais la plus grande hypothèque qui pèse sur la paix à moyen terme, c’est l’armée. Comme en Côte d’Ivoire sous Guëi, elle sort de la transition discréditée, divisée, fragilisée. Pourra-t-elle arbitrer honnêtement des controverses qui surgiraient d’une éventuelle autoproclamation comme président des deux ou trois candidats majeurs ? L’on sait qu’elle n’a pas forcément les capacités opérationnelles pour maintenir la paix de manière ferme et juste. On ne sait pas non plus si Sékouba Konaté ne veut pas administrer la preuve de l’incapacité des civils à s’entendre pour mieux se poser en sauveur de la Nation, et rester sur son fauteuil.
On saura très vite si cette armée a accouché de métastases rebelles prêtes à ouvrir des maquis et à menacer par le «feu» l’ordre politique issu des élections. En effet, si tous les perdants n’acceptent par leur défaite, certains pourraient être tentés «d’acheter des parts» dans la société anonyme «Dadistes revanchards». Et le spectre ivoirien d’une rébellion à plusieurs fronts et aux bases tribales serait à craindre.
Il ne s’agit pas de jouer aux oiseaux de mauvais augure. Mais de marteler une vérité : tenir une élection présidentielle n’est pas une fin en soi. Ce n’est pas une garantie de paix à long terme quand on se refuse à déminer le terrain. Cette vérité semble oubliée par ceux qui, prenant pour exemple – quelle folie ! – l’Irak ou l’Afghanistan, refusent de travailler franchement au désarmement de forces qui pouvaient se réveiller demain pour ramener la Côte d’Ivoire à la case départ si le résultat de la prochaine présidentielle n’est pas celui qu’ils attendaient.