Le président de la Jeunesse de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire, (JUDPCI), Yao Kouadio Séraphin ne voit pas d’autres alternatives pour aller aux élections que la rue. C’est pourquoi, il le dit clairement dans cette interview. Pour lui, c’est le seul message que Gbagbo comprenne : «La seule action que Gbagbo connaît et comprend facilement c’est l’action de la rue. On n’a pas le choix», martèle-t-il.
Le Patriote: M. Le président, l’actualité est dominée par ce que l’on appelle désormais ‘’l’Affaire Tagro’’. Quel est votre commentaire sur ce sujet qui alimente les conversations depuis quelques temps?
Yao Kouadio Séraphin : Ce sont des pratiques qui n’honorent même pas la Côte d’Ivoire. Tout le monde savait plus ou moins cela. C’est peut-être l’ampleur que nous n’avons pas mesurée. Mais dès que Mamadou Koulibaly a fait des révélations, nous étions déjà convaincus que lorsque Gbagbo est arrivé au pouvoir, ils ont décidé de bâtir une armée qui n’est pas républicaine. C’est d’autant plus grave que dans une Côte d’Ivoire qui se veut démocratique, des gens qui ont chanté la démocratie parviennent à ce stade des choses en instaurant un système de milices. Car en réalité, il s’agit bel et bien de milices que la Refondation est en train d’installer et non des policiers. Parce que le simple fait de recruter dans sa tribu est un danger. Et cela ne devrait pas être la vision de la Côte d’Ivoire. Tous les jeunes Ivoiriens devraient être traités de façon équitable. Nos parents se sacrifient pour nous mettre à l’école, l’idéal serait que nous ayons les mêmes chances aux différents concours administratifs afin de trouver du travail. C’est ce qui permet à tout le monde de faire des efforts pour mériter une place. Or, sous la Refondation, le mérite n’a plus sa place. L’excellence a foutu le camp. Aujourd’hui, ce sont le tribalisme, le clientélisme, le népotisme qui paient. Et cela est bien dommage pour une Côte d’Ivoire qui se veut leader de la sous région. Cette situation doit réveiller la conscience collective des jeunes que nous sommes, parce que nous avons été trompés, désabusés.
LP: Pensez-vous que le ministre Désiré Tagro devrait démissionner?
YKS: On a tous vu Tagro qui a bondi et qui a crié dans l’affaire Mambé. Lorsque cette affaire a éclaté, s’il avait de la dignité, le premier acte qu’il devait poser, c’était de rendre sa démission pour que l’enquête, qui est en cours, puisse aboutir dans la tranquillité, dans la sérénité. Et si d’aventure, il n’est pas coupable, toute la Côte d’Ivoire saura qu’il aura été accusé à tort. Tant que cela n’est pas fait, je ne vois aucune suite favorable à l’enquête de Tchimou. Il y a eu de nombreuses enquêtes dans le même genre qui n’ont pas pu aboutir. Il faut que tous les jeunes mettent la pression sur le chef de l ‘Etat pour que tout cela aboutisse, parce que c’est bien lui qui est à la base de cette gestion. Car c’est tout le système en place qui a abouti à ce schéma, qui consiste à connaître les admis avant même que les résultats ne soient proclamés. C’est la tricherie, c’est la trahison à l’endroit de la jeunesse.
LP: Pour stopper ce genre de pratiques, le chef de l’Etat lui-même a annoncé une moralisation de la vie publique. Est-ce que cette initiative n’est pas quand même à saluer?
YKS: Pour moi, c’est un épiphénomène. Parce que ce n’est pas la première enquête. Il y en a eu plusieurs qui n’ont pas abouti. On a vu l’affaire de la filière café cacao, dont les barons croupissent en prison depuis deux ans sans jugement, pour éviter les pressions de la communauté internationale. Mais Gbagbo a surtout ordonné cette enquête pour montrer qu’il est vierge. Et qu’il souhaite que les choses se passent dans la transparence, mais ce sont les conditions qui ne sont pas réunies pour le faire. Dans la filière café cacao, tout le monde voyait que l’argent était détourné et les dirigeants avaient un train de vie ostentatoire. Il y avait de la gabegie, du gaspillage au niveau de la filière. Toute chose qui a d’ailleurs été dénoncé par un inspecteur qui a été bastonné par la suite. Malgré tout cela, Gbagbo n’avait rien dit. En réalité, c’est un coup politique que Gbagbo veut réaliser en annonçant la moralisation de la vie publique. Avec le fameux quota des 2/3 dans les concours de Police, si la Refondation fait encore cinq ans au pouvoir, dans l’Armée, nous n’aurons que des gens qui sont issus d’une seule ethnie ou d’une seule zone. Ce serait l’hécatombe. Et Houphouët-Boigny n’a pas voulu cela. Il a donné la chance à tous les Ivoiriens pour pouvoir mériter du fruit de leur travail. Aujourd’hui, Tagro lui-même est fier de dire qu’il est magistrat. Il est magistrat parce qu’il est rentré à l’ENA. Il est rentré à l’ENA parce qu’il y avait une égalité des chances. Il faut donc donner cette même chance à tous les Ivoiriens pour qu’ils entrent dans les Ecoles et en sortent pour participer au développement de leur pays. Dans certains pays, lorsque ce genre de situation se présente, les concernés se mettent à la disposition de la Justice en démissionnant. Cela permet de faire éclater la vérité. Ce n’est pas parce que vous êtes accusés que vous êtes forcement coupable.
LP: Et l’enquête parlementaire annoncée par les députés? Vous réconforte-t-elle quand même dans votre position de voir la vérité éclatée ?
YKS: Je salue à sa juste valeur cette enquête parlementaire exigée par les députés du groupe parlementaire PDCI, UDPCI et Solidarité. Ils ont pris leur responsabilité pour qu’une enquête à leur niveau soit ouverte pour voir l’ampleur de cette situation. Je voudrais, encore une fois saluer le courage de ces députés qui veulent que la vérité éclate. Il faut aussi louer l’acte de Mamadou Koulibaly, qui a décidé dé dénoncer ce qui se tramais dans l’ombre au sein de la Refondation. Et l’enquête parlementaire nous permettra de savoir avec exactitude ce qui s’est passé. Et que même si on n’a pas pu prendre des sanctions, la conscience collective saura que le pouvoir Gbagbo est venu et a rendu l’armée tribaliste, rendu les concours payants. Lorsque la nouvelle Directrice de l’ENA, à sa prise de fonction soutient que le concours d’entrée à l’ENA ne sera plus payant, cela veut clairement dire que l’on payait pour entrer à l’ENA. Dès cet instant précis, on devait ouvrir une information judiciaire pour savoir qui payait et combien ils payaient. Cette information judiciaire permettrait aussi de radier tous ceux qui ont eu accès à cette illustre Ecole en fraudant. Car c’est l’administration qui rend un pays crédible. Si l’administration est pourrie parce que ceux qui l’animent y ont eu accès alors qu’ils n’en ont pas le niveau, cela ne rassure pas les investisseurs. Ce seul signe doit faire comprendre aux jeunes qu’ils se sont trompés en portant le régime de Gbagbo au pouvoir et pour cela, ils doivent rectifier le tir.
LP: Des députés FPI ont exigé que l’on étende cette enquête parlementaire à d’autres secteurs d’activité et dans les zones Centre-nord-ouest. A votre avis, ont-ils tort ou ont-ils raison de réclamer cela?
YKS: La diversion ne passe toujours pas. J’ai été choqué de voir le président du groupe parlementaire Loyauté venir dire que des contrevérités. On dit clairement qu’il y a des personnes qui sont recrutées sur la base du tribalisme, que les concours d’entrée à l’Ecole de Police et de gendarmerie sont payants et que les concours administratifs le sont aussi. Il s’agit de dire si oui ou non, cette information est vraie ou fausse. Au lieu de demander que l’enquête soit étendue à certains secteurs à certaines personnalités. Ce qui est important aujourd’hui, c’est bien l’affaire Tagro. Il ne faut pas faire la balance. Parce qu’il est question d’enquêter sur Tagro, alors ils sortent une autre affaire. C’est ridicule et irresponsable. Surtout de la part du groupe parlementaire FPI. Ils pensent que c’est par ce chantage que les députés du groupe parlementaire PDCI, UDPCI et Solidarité vont baisser la garde et laisser tomber. Ce ne sont pas les petits dossiers du FPI qui vont les détourner de leur détermination à faire éclater la vérité. D’ailleurs, les personnes à qui les députés FPI font allusion ont déjà dit qu’elles ne se sentent pas concernées par ces accusations portées contre elles. Le plus important, c’est que Tagro parle. On se rappelle comment il a fait de l’affaire Mambé, une affaire personnelle. Mais Dieu a fait son travail. Parce que Mambé ne faisait que son travail. Il a travaillé pour qu’on ait des élections. Il s’est sacrifié pour conduire de bout en bout ce processus. Mais il a été pays en monnaie de singe. Tout ce qu’il a fait n’a même pas été reconnu. L’on a inventé un complot de toute pièce. Et face à toutes les accusations, il a dit qu’il s’en remettait à Dieu. Quelques instants après, c’est Tagro même qui est dans de beaux draps. Il a demandé à Mambé de démissionner. Mais s’il avait le sens de la responsabilité, il aurait démissionné lui aussi. Mais il ne parle plus et son silence nous trouble.
LP: Après la rencontre au sommet entre les présidents du PDCI et du RDR, le chef de l ‘Etat Laurent Gbagbo, les structures techniques impliquées dans le processus électoral, le Premier ministre Guillaume Soro a annoncé que la date des élections serait connue dans quelques semaines. Est-ce que cela vous satisfait?
YKS: Je suis triste et malheureux à la fois. Et je ne voudrais pas qu’on tombe dans cette erreur. Il y a l’APO dont le CPC est l’émanation. Les membres de ce CPC sont connus. Il s’agit des Présidents Compaoré, Gbagbo, Ouattara, Bédié et du Premier ministre Soro Guillaume. Je constate que de plus en plus, on fait un glissement dangereux en parlant d’accord inter ivoirien. Il y a eu des accords internationaux, africains. A tous ces sommets Gbagbo a pris des engagements qu’il n’a jamais tenus. Alors, je voudrais savoir si ce que Gbagbo n’a pas appliqué face à la communauté internationale, il va le faire entre nous ? Je n’y crois pas du tout. C’est du dilatoire pour gagner du temps. On se rappelle quand Blaise Compaoré est venu à Abidjan, un chronogramme clair a été adopté. Depuis, rien ne bouge. Aujourd’hui, ce que Gbagbo veut faire croire à l’opinion, c’est que ce n’est pas lui qui détermine la date des élections, mais que c’est tout ce monde-là qui devrait le faire. Cela est très grave. Il faut que nos leaders prennent leur responsabilité pour empêcher Gbagbo de faire durer le processus de sortie de crise. Quand on sort d’une rencontre de telle envergure et qu’on dit qu’on se revoit dans quelques semaines, c’est que rien n’est défini. Et que rien ne pointe à l’horizon. Et nous sommes dans les nuages. Si d’ici le mois d’août, nous n’avons pas la date des élections, alors bonjour 2011 pour la présidentielle. Ce serait grave pour les Ivoiriens qui souffrent déjà assez. Aujourd’hui, les jeunes n’ont plus d’emplois. Et les emplois qui devraient leur être attribués, sont désormais réservés à d’autres personnes proches du FPI. Donc aujourd’hui, nous devons aller aux élections. Le moment est arrivé pour obliger à Gbagbo à y aller. Car il est en train de nous distraire. Il ne veut pas aller aux élections. Il faut qu’on marque notre désaccord en disant qu’il faut aller aux élections cette année 2010. Ça passe ou ça casse. Nous n’avons plus le choix parce qu’aujourd’hui, Gbagbo a créé les conditions pour qu’on atteigne 2011. Rien n’avance et personne ne dit mot. La CEI aussi est sclérosée et étourdie dans tout ce débat. Elle ne sait même plus où elle va. Elle doit prendre ses responsabilités pour que les Ivoiriens sachent que c’est Gbagbo qui fait blocage. Mais au lieu de cela, elle se considère plutôt comme une structure sous tutelle de la Présidence. Elle ne prend aucune initiative. Elle est dans une somnolence totale. A part les 95 % du travail réalisé sous Mambé, la nouvelle équipe de Youssouf Bakayoko n’a fait aucun travail. C’est dommage et c’est déplorable.
LP: Face à ce tableau que vous venez de dépeindre, quelles seront les futures actions que les jeunes vont mener pour arracher les élections à Gbagbo?
YKS: La seule action que Gbagbo connaisse et comprenne facilement, c’est l’action de la rue. On n’a pas le choix. Gbagbo ne nous donnera aucune date des élections. Nous devons reprendre la rue. On n’a pas le choix. C’est pourquoi, j’invite nos leaders à s’inscrire dans cette voie. C’est dans la pression, dans la rue, que nous aurons des élections. Ce n’est pas dans le dialogue inter ivoirien. Nous devons être dans la rue chaque semaine. C’est le message que Gbagbo connaît. Les autres, il ne les connaît pas. C’est ce message que je voudrais lancer à l’endroit de nos leaders parce qu’il faut qu’il nous laisse prendre nos responsabilités. Parce qu’après tout, c’est de notre avenir qu’il s’agit. Nous sommes issus des partis politiques et en tant que tel, nous n’avons pas réellement d’autonomie, mais, il faut quitter ce stade pour arracher les élections à Gbagbo. Et cela ne peut se faire que par des actions de masse sur le terrain de façon constante et pressante pour que nous sortions de cette situation. Si on veut aller aux élections peut y aller.
LP: Le président de votre parti Albert Toikeusse Mabri, effectue une tournée dans la région du Haut Sassandra. Quel est le sens de cette tournée?
YKS: Je voudrais préciser que le président du parti a décidé d’entreprendre une tournée nationale. Cette tournée a démarré depuis plus de six mois. Il a visité les régions du Zanzan, à Oumé, dans la Marahoué, le Moyen Cavally, la région des Savanes, et la toute dernière, dans le Bas Sassandra, qui l’a conduit successivement à Soubré, Grabo, Tabou, et dont la clôture a eu lieu à San Pedro. Dans la continuité de son programme, du 21 au 25 juillet, le président du parti va se rendre dans le Haut Sassandra, c’est-à-dire il va se rendre à Issia. Il va visiter Iboguhé, Saioua, et certaines grandes localités du département. Par la suite, il va aller à Vavoua, où il visitera toutes les sous-préfectures ainsi que de nombreux villages. Sans oublier Daloa où il s’adressera aux populations de toutes les sous-préfectures dont Bédiala, Zoukougbeu, Guessabo. En tout cas, ce sera une grande tournée que le président a décidé de faire dans cette partie du pays. Cela va montrer aux yeux de l’opinion nationale et internationale que l’UDCPI est fortement implantée dans cette région. Ce sera aussi l’occasion d’un contact direct avec les populations pour expliquer sa vision de la Côte d’Ivoire de demain en vendant son programme de gouvernement ‘’Bâtir la Nation’’ auprès des populations.
Yves-M. ABIET
Le Patriote: M. Le président, l’actualité est dominée par ce que l’on appelle désormais ‘’l’Affaire Tagro’’. Quel est votre commentaire sur ce sujet qui alimente les conversations depuis quelques temps?
Yao Kouadio Séraphin : Ce sont des pratiques qui n’honorent même pas la Côte d’Ivoire. Tout le monde savait plus ou moins cela. C’est peut-être l’ampleur que nous n’avons pas mesurée. Mais dès que Mamadou Koulibaly a fait des révélations, nous étions déjà convaincus que lorsque Gbagbo est arrivé au pouvoir, ils ont décidé de bâtir une armée qui n’est pas républicaine. C’est d’autant plus grave que dans une Côte d’Ivoire qui se veut démocratique, des gens qui ont chanté la démocratie parviennent à ce stade des choses en instaurant un système de milices. Car en réalité, il s’agit bel et bien de milices que la Refondation est en train d’installer et non des policiers. Parce que le simple fait de recruter dans sa tribu est un danger. Et cela ne devrait pas être la vision de la Côte d’Ivoire. Tous les jeunes Ivoiriens devraient être traités de façon équitable. Nos parents se sacrifient pour nous mettre à l’école, l’idéal serait que nous ayons les mêmes chances aux différents concours administratifs afin de trouver du travail. C’est ce qui permet à tout le monde de faire des efforts pour mériter une place. Or, sous la Refondation, le mérite n’a plus sa place. L’excellence a foutu le camp. Aujourd’hui, ce sont le tribalisme, le clientélisme, le népotisme qui paient. Et cela est bien dommage pour une Côte d’Ivoire qui se veut leader de la sous région. Cette situation doit réveiller la conscience collective des jeunes que nous sommes, parce que nous avons été trompés, désabusés.
LP: Pensez-vous que le ministre Désiré Tagro devrait démissionner?
YKS: On a tous vu Tagro qui a bondi et qui a crié dans l’affaire Mambé. Lorsque cette affaire a éclaté, s’il avait de la dignité, le premier acte qu’il devait poser, c’était de rendre sa démission pour que l’enquête, qui est en cours, puisse aboutir dans la tranquillité, dans la sérénité. Et si d’aventure, il n’est pas coupable, toute la Côte d’Ivoire saura qu’il aura été accusé à tort. Tant que cela n’est pas fait, je ne vois aucune suite favorable à l’enquête de Tchimou. Il y a eu de nombreuses enquêtes dans le même genre qui n’ont pas pu aboutir. Il faut que tous les jeunes mettent la pression sur le chef de l ‘Etat pour que tout cela aboutisse, parce que c’est bien lui qui est à la base de cette gestion. Car c’est tout le système en place qui a abouti à ce schéma, qui consiste à connaître les admis avant même que les résultats ne soient proclamés. C’est la tricherie, c’est la trahison à l’endroit de la jeunesse.
LP: Pour stopper ce genre de pratiques, le chef de l’Etat lui-même a annoncé une moralisation de la vie publique. Est-ce que cette initiative n’est pas quand même à saluer?
YKS: Pour moi, c’est un épiphénomène. Parce que ce n’est pas la première enquête. Il y en a eu plusieurs qui n’ont pas abouti. On a vu l’affaire de la filière café cacao, dont les barons croupissent en prison depuis deux ans sans jugement, pour éviter les pressions de la communauté internationale. Mais Gbagbo a surtout ordonné cette enquête pour montrer qu’il est vierge. Et qu’il souhaite que les choses se passent dans la transparence, mais ce sont les conditions qui ne sont pas réunies pour le faire. Dans la filière café cacao, tout le monde voyait que l’argent était détourné et les dirigeants avaient un train de vie ostentatoire. Il y avait de la gabegie, du gaspillage au niveau de la filière. Toute chose qui a d’ailleurs été dénoncé par un inspecteur qui a été bastonné par la suite. Malgré tout cela, Gbagbo n’avait rien dit. En réalité, c’est un coup politique que Gbagbo veut réaliser en annonçant la moralisation de la vie publique. Avec le fameux quota des 2/3 dans les concours de Police, si la Refondation fait encore cinq ans au pouvoir, dans l’Armée, nous n’aurons que des gens qui sont issus d’une seule ethnie ou d’une seule zone. Ce serait l’hécatombe. Et Houphouët-Boigny n’a pas voulu cela. Il a donné la chance à tous les Ivoiriens pour pouvoir mériter du fruit de leur travail. Aujourd’hui, Tagro lui-même est fier de dire qu’il est magistrat. Il est magistrat parce qu’il est rentré à l’ENA. Il est rentré à l’ENA parce qu’il y avait une égalité des chances. Il faut donc donner cette même chance à tous les Ivoiriens pour qu’ils entrent dans les Ecoles et en sortent pour participer au développement de leur pays. Dans certains pays, lorsque ce genre de situation se présente, les concernés se mettent à la disposition de la Justice en démissionnant. Cela permet de faire éclater la vérité. Ce n’est pas parce que vous êtes accusés que vous êtes forcement coupable.
LP: Et l’enquête parlementaire annoncée par les députés? Vous réconforte-t-elle quand même dans votre position de voir la vérité éclatée ?
YKS: Je salue à sa juste valeur cette enquête parlementaire exigée par les députés du groupe parlementaire PDCI, UDPCI et Solidarité. Ils ont pris leur responsabilité pour qu’une enquête à leur niveau soit ouverte pour voir l’ampleur de cette situation. Je voudrais, encore une fois saluer le courage de ces députés qui veulent que la vérité éclate. Il faut aussi louer l’acte de Mamadou Koulibaly, qui a décidé dé dénoncer ce qui se tramais dans l’ombre au sein de la Refondation. Et l’enquête parlementaire nous permettra de savoir avec exactitude ce qui s’est passé. Et que même si on n’a pas pu prendre des sanctions, la conscience collective saura que le pouvoir Gbagbo est venu et a rendu l’armée tribaliste, rendu les concours payants. Lorsque la nouvelle Directrice de l’ENA, à sa prise de fonction soutient que le concours d’entrée à l’ENA ne sera plus payant, cela veut clairement dire que l’on payait pour entrer à l’ENA. Dès cet instant précis, on devait ouvrir une information judiciaire pour savoir qui payait et combien ils payaient. Cette information judiciaire permettrait aussi de radier tous ceux qui ont eu accès à cette illustre Ecole en fraudant. Car c’est l’administration qui rend un pays crédible. Si l’administration est pourrie parce que ceux qui l’animent y ont eu accès alors qu’ils n’en ont pas le niveau, cela ne rassure pas les investisseurs. Ce seul signe doit faire comprendre aux jeunes qu’ils se sont trompés en portant le régime de Gbagbo au pouvoir et pour cela, ils doivent rectifier le tir.
LP: Des députés FPI ont exigé que l’on étende cette enquête parlementaire à d’autres secteurs d’activité et dans les zones Centre-nord-ouest. A votre avis, ont-ils tort ou ont-ils raison de réclamer cela?
YKS: La diversion ne passe toujours pas. J’ai été choqué de voir le président du groupe parlementaire Loyauté venir dire que des contrevérités. On dit clairement qu’il y a des personnes qui sont recrutées sur la base du tribalisme, que les concours d’entrée à l’Ecole de Police et de gendarmerie sont payants et que les concours administratifs le sont aussi. Il s’agit de dire si oui ou non, cette information est vraie ou fausse. Au lieu de demander que l’enquête soit étendue à certains secteurs à certaines personnalités. Ce qui est important aujourd’hui, c’est bien l’affaire Tagro. Il ne faut pas faire la balance. Parce qu’il est question d’enquêter sur Tagro, alors ils sortent une autre affaire. C’est ridicule et irresponsable. Surtout de la part du groupe parlementaire FPI. Ils pensent que c’est par ce chantage que les députés du groupe parlementaire PDCI, UDPCI et Solidarité vont baisser la garde et laisser tomber. Ce ne sont pas les petits dossiers du FPI qui vont les détourner de leur détermination à faire éclater la vérité. D’ailleurs, les personnes à qui les députés FPI font allusion ont déjà dit qu’elles ne se sentent pas concernées par ces accusations portées contre elles. Le plus important, c’est que Tagro parle. On se rappelle comment il a fait de l’affaire Mambé, une affaire personnelle. Mais Dieu a fait son travail. Parce que Mambé ne faisait que son travail. Il a travaillé pour qu’on ait des élections. Il s’est sacrifié pour conduire de bout en bout ce processus. Mais il a été pays en monnaie de singe. Tout ce qu’il a fait n’a même pas été reconnu. L’on a inventé un complot de toute pièce. Et face à toutes les accusations, il a dit qu’il s’en remettait à Dieu. Quelques instants après, c’est Tagro même qui est dans de beaux draps. Il a demandé à Mambé de démissionner. Mais s’il avait le sens de la responsabilité, il aurait démissionné lui aussi. Mais il ne parle plus et son silence nous trouble.
LP: Après la rencontre au sommet entre les présidents du PDCI et du RDR, le chef de l ‘Etat Laurent Gbagbo, les structures techniques impliquées dans le processus électoral, le Premier ministre Guillaume Soro a annoncé que la date des élections serait connue dans quelques semaines. Est-ce que cela vous satisfait?
YKS: Je suis triste et malheureux à la fois. Et je ne voudrais pas qu’on tombe dans cette erreur. Il y a l’APO dont le CPC est l’émanation. Les membres de ce CPC sont connus. Il s’agit des Présidents Compaoré, Gbagbo, Ouattara, Bédié et du Premier ministre Soro Guillaume. Je constate que de plus en plus, on fait un glissement dangereux en parlant d’accord inter ivoirien. Il y a eu des accords internationaux, africains. A tous ces sommets Gbagbo a pris des engagements qu’il n’a jamais tenus. Alors, je voudrais savoir si ce que Gbagbo n’a pas appliqué face à la communauté internationale, il va le faire entre nous ? Je n’y crois pas du tout. C’est du dilatoire pour gagner du temps. On se rappelle quand Blaise Compaoré est venu à Abidjan, un chronogramme clair a été adopté. Depuis, rien ne bouge. Aujourd’hui, ce que Gbagbo veut faire croire à l’opinion, c’est que ce n’est pas lui qui détermine la date des élections, mais que c’est tout ce monde-là qui devrait le faire. Cela est très grave. Il faut que nos leaders prennent leur responsabilité pour empêcher Gbagbo de faire durer le processus de sortie de crise. Quand on sort d’une rencontre de telle envergure et qu’on dit qu’on se revoit dans quelques semaines, c’est que rien n’est défini. Et que rien ne pointe à l’horizon. Et nous sommes dans les nuages. Si d’ici le mois d’août, nous n’avons pas la date des élections, alors bonjour 2011 pour la présidentielle. Ce serait grave pour les Ivoiriens qui souffrent déjà assez. Aujourd’hui, les jeunes n’ont plus d’emplois. Et les emplois qui devraient leur être attribués, sont désormais réservés à d’autres personnes proches du FPI. Donc aujourd’hui, nous devons aller aux élections. Le moment est arrivé pour obliger à Gbagbo à y aller. Car il est en train de nous distraire. Il ne veut pas aller aux élections. Il faut qu’on marque notre désaccord en disant qu’il faut aller aux élections cette année 2010. Ça passe ou ça casse. Nous n’avons plus le choix parce qu’aujourd’hui, Gbagbo a créé les conditions pour qu’on atteigne 2011. Rien n’avance et personne ne dit mot. La CEI aussi est sclérosée et étourdie dans tout ce débat. Elle ne sait même plus où elle va. Elle doit prendre ses responsabilités pour que les Ivoiriens sachent que c’est Gbagbo qui fait blocage. Mais au lieu de cela, elle se considère plutôt comme une structure sous tutelle de la Présidence. Elle ne prend aucune initiative. Elle est dans une somnolence totale. A part les 95 % du travail réalisé sous Mambé, la nouvelle équipe de Youssouf Bakayoko n’a fait aucun travail. C’est dommage et c’est déplorable.
LP: Face à ce tableau que vous venez de dépeindre, quelles seront les futures actions que les jeunes vont mener pour arracher les élections à Gbagbo?
YKS: La seule action que Gbagbo connaisse et comprenne facilement, c’est l’action de la rue. On n’a pas le choix. Gbagbo ne nous donnera aucune date des élections. Nous devons reprendre la rue. On n’a pas le choix. C’est pourquoi, j’invite nos leaders à s’inscrire dans cette voie. C’est dans la pression, dans la rue, que nous aurons des élections. Ce n’est pas dans le dialogue inter ivoirien. Nous devons être dans la rue chaque semaine. C’est le message que Gbagbo connaît. Les autres, il ne les connaît pas. C’est ce message que je voudrais lancer à l’endroit de nos leaders parce qu’il faut qu’il nous laisse prendre nos responsabilités. Parce qu’après tout, c’est de notre avenir qu’il s’agit. Nous sommes issus des partis politiques et en tant que tel, nous n’avons pas réellement d’autonomie, mais, il faut quitter ce stade pour arracher les élections à Gbagbo. Et cela ne peut se faire que par des actions de masse sur le terrain de façon constante et pressante pour que nous sortions de cette situation. Si on veut aller aux élections peut y aller.
LP: Le président de votre parti Albert Toikeusse Mabri, effectue une tournée dans la région du Haut Sassandra. Quel est le sens de cette tournée?
YKS: Je voudrais préciser que le président du parti a décidé d’entreprendre une tournée nationale. Cette tournée a démarré depuis plus de six mois. Il a visité les régions du Zanzan, à Oumé, dans la Marahoué, le Moyen Cavally, la région des Savanes, et la toute dernière, dans le Bas Sassandra, qui l’a conduit successivement à Soubré, Grabo, Tabou, et dont la clôture a eu lieu à San Pedro. Dans la continuité de son programme, du 21 au 25 juillet, le président du parti va se rendre dans le Haut Sassandra, c’est-à-dire il va se rendre à Issia. Il va visiter Iboguhé, Saioua, et certaines grandes localités du département. Par la suite, il va aller à Vavoua, où il visitera toutes les sous-préfectures ainsi que de nombreux villages. Sans oublier Daloa où il s’adressera aux populations de toutes les sous-préfectures dont Bédiala, Zoukougbeu, Guessabo. En tout cas, ce sera une grande tournée que le président a décidé de faire dans cette partie du pays. Cela va montrer aux yeux de l’opinion nationale et internationale que l’UDCPI est fortement implantée dans cette région. Ce sera aussi l’occasion d’un contact direct avec les populations pour expliquer sa vision de la Côte d’Ivoire de demain en vendant son programme de gouvernement ‘’Bâtir la Nation’’ auprès des populations.
Yves-M. ABIET