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Editorial Publié le lundi 12 juillet 2010 | Le Nouveau Courrier

Edito

En Guinée Conakry, on peut dire que le premier round du scrutin historique censé fermer la «double page» Sékou Touré-Lansana Conté est derrière nous, et qu’il ne s’est pas trop mal terminé. L’opposant Alpha Condé et l’ancien «contéiste» Cellou Dalein Diallo seront face à face au second tour. La «mi-temps» a duré plus longtemps que prévu. Programmé pour le 18 juillet, le second tour aura finalement lieu le 1er août. Face à l’avalanche de protestations pour fraudes supposées, la Cour suprême a besoin de plus de temps supplémentaire afin d’examiner le plus sereinement possible l’ensemble des plaintes.

Selon la majorité des observateurs, le premier tour de la présidentielle guinéenne témoigne de la force du «vote ethnique». En Moyenne-Guinée, dans le «pays peul», Cellou Dalein Diallo (qui est Peul) fait un carton. Il totalise plus de 85% des voix dans les grandes préfectures de la zone. Malinké, Alpha Condé de son côté est le «maître» de la Haute-Guinée malinké. Et s’il ne fait pas le plein des voix, ce serait parce que son «frère» Lansana Kouyaté joue les trouble-fêtes. «Dès qu’on donne la parole aux Africains, ils expriment leurs passions tribales», disent déjà ceux qui, il y a vingt ans, considéraient que le continent n’était pas mûr pour la démocratie. Ont-ils vraiment tort ?

Notre regretté aîné Diégou Bailly avait, en mars 2002, exprimé son amertume après les élections municipales qui avaient ressemblé, par endroits – heureusement pas partout en Côte d’Ivoire – à une sorte de recensement ethnique… surtout en ce qui concerne le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara. «Un scrutin transparent pour un avenir sombre», écrivait-il prophétiquement. Sans doute avait-il à l’esprit cette parole d’une chanson d’Alpha Blondy : «Bombe tribale/Bombe coloniale/Comment allons-nous faire pour la désamorcer ?/La démocratie banania/Finira par la guerre civile».

Cela dit, il faut éviter de tomber dans les caricatures afro-pessimistes et le piège essentialiste. Certes, le communautarisme existe en Afrique. Mais il s’installe et prospère partout là où les grandes espérances cèdent la place au cynisme et à la «politique mécanicienne». Dans les vieilles nations européennes, n’est-ce pas d’une «ré-ethnicisation» de la société consécutive à l’effondrement de l’idéologie communiste et «ouvrière» que la percée des partis d’extrême droite témoigne ? Les questions de «classe» et la phraséologie marxiste ont laissé la place à des débats très africains – au fond, la «géopolitique interne» et la «diversité» ne signifient-elles pas la même chose?

Expliquer n’est pas justifier. Si notre bon vieux tribalisme africain s’étend au-delà de nos frontières, il reste un «mensonge fondamental». Le riche politicien qui envoie à la mort des pauvres hères des quartiers les plus infâmes au nom du bon vieux «c’est notre tour, à nous les X», ne s’en tire-t-il pas finalement à bon compte ? En quoi sa mainmise sur les richesses nationales enrichit les pauvres de son «coin» qui se sont bouffés le nez avec d’autres pauvres au nom de foutus points cardinaux ? En rien du tout. Imposture.

Nous devons donc dépasser ce type de réflexes. Mais est-ce vraiment de la faute de ceux qui déposent leurs bulletins de vote dans l’isoloir s’ils demeurent ? Non. L’Histoire africaine a su et saura susciter des hommes et des événements transcendant les clivages communautaires pour incarner des nations, voire un continent tout entier. Tous les historiens sont ainsi unanimes pour dire que l’espérance soulevée par le Rassemblement démocratique africain (RDA), parti supranational de l’émancipation des «indigènes», allait bien au-delà du terroir baoulé d’un Félix Houphouët-Boigny dont les héritiers semblent pourtant «hantés» par la thématique récurrente de la «majorité sociologique». L’identité des «morts pour la liberté» de novembre 2004 en Côte d’Ivoire montre bien qu’ils représentaient un pays dans sa diversité, et non une communauté ethnique. Le contraire quasi-exact de l’alliage qui s’est mis au-devant de la rébellion de septembre 2002, dont les revendications étaient de toute façon largement communautaires.

L’Afrique peut et doit sortir de la «démocratie tribale». Mais pour cela, il faut que le système politique accouche d’hommes et de femmes qui savent lire les signes des temps, qui sont à la hauteur des défis historiques, qui ne considèrent pas la démocratie comme une occasion de créer des scissiparités et d’en tirer profit, qui savent parler à un peuple dans ses nuances, mais à un seul et unique peuple.
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