Après 14 jours de détention dans les geôles de la police criminelle et de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), Saint Claver Oula, rédacteur en chef du Nouveau Courrier, parle. Dans cet entretien, il relate ce qu’il a vécu.
Comment avez-vous vécu votre libération hier ?
La justice n’a pas eu de preuve pour les chefs d’accusations retenus contre nous. Le juge a lui-même reconnu que nous avons travaillé de façon professionnelle et que nous n’étions pas coupables des faits qu’on nous a reprochés. Cette arrestation, pour nous, était arbitraire. On a essayé de nous faire passer pour de vulgaires bandits. Essayant de dissocier notre profession de l’acte posé. Ce qui à notre sens était illégal. Heureusement que la justice a dit le droit.
Pour des personnes qui n’avaient pas eu de problèmes avec la police auparavant, comment avez-vous vécu cette arrestation ?
Ce fut un cauchemar. Et tout ce qui s’est passé, a été vécu ainsi.
Quand il vous a été annoncé que vous iriez à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), qu’aviez-vous ressenti ?
Nous nous disions qu’au bout du compte, comme nous ne sommes pas coupables, aucune faute ne nous sera imputable. Que nous serions libérés les jours à venir. Donc, cette détention n’allait pas durer. Moralement nous étions forts. Nous sommes restés solidaires. Avec la mobilisation au plan national et international autour de l’affaire, les actions des confrères, les mouvements des droits de l’Homme et des chancelleries, l’idée que nous étions dans nos droits a été confortée et notre conviction renforcée.
Tout en étant très mal en point, vous avez engagé une grève de la faim. Pourquoi avoir pris cette décision ?
Comme j’étais malade, je devais prendre mes médicaments. Sur recommandation de mon médecin, cela devait se faire dans de bonnes conditions. Alors que l’environnement dans lequel nous étions, n’était pas propice à cela. J’ai demandé qu’on me permette de prendre mes comprimés dans des conditions idoines. Les autorités ne semblaient pas accorder une oreille attentive à ma requête. C’est suite à cela que j’ai entamé cette grève de la faim. Elle s’est étendue sur deux jours. Vu que cela était à même de décourager mes camarades, j’ai dû abandonner cette idée. Aussi, mes co-détenus de la Maca se sont-ils mobilisés pour me dissuader. Il fallait qu’on garde la flamme de la solidarité.
Vous arrivez à la Maca sans avoir volé, ni tué. Que ressentez-vous ?
Pour des personnes qui n’ont rien à se reprocher, nous nous sommes dit que nous étions en mission. Ce fut une occasion pour nous de découvrir l’univers carcéral. Appréhender le mode de vie des personnes qui s’y trouvent. Nous avons vu beaucoup de choses que nous allons apprendre aux Ivoiriens. Ce fut une occasion pour côtoyer des détenus, les écouter, dormir avec eux et être attentif à leurs confidences. C’est une expérience qui nous a beaucoup enrichis. Une occasion pour nous, d’attirer l’attention des personnes libres sur la situation que vivent les prisonniers. Surtout la face hideuse de l’injustice qui prospère dans notre pays.
Après le jugement où on vous a vu affaibli, vous arrivez les poings levés pour le délibéré. A quoi pensez-vous à cet instant ?
Nous étions de plus en plus optimistes. Nous savions que nous étions au centre d’un combat qui était celui de la liberté de la presse. Aussi, nos avocats ont été très brillants. Ils ont démonté les arguments du parquet lors du procès. De ce fait, nous ne doutions pas que nous allions être relaxés. Car, nous avions avec nous la loi. Nous pouvions compter sur notre justice.
Avez- vous eu peur lorsque le juge a reporté le délibéré ?
Nous avions plus craint pour la mobilisation qu’il y avait autour de ce dossier. Avec nos confrères de la presse nationale et des parents qui perdaient patience. Nous avons su garder le moral. Nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas fléchir. Sachant qu’au bout du compte, nous serions relaxés.
Avez-vous été maltraité durant votre incarcération ?
C’était dur. Et même très dur au violon à la police criminelle. On nous a fait passer pour de vulgaires criminels. Nous avons goûté au blindé. C’est un compartiment qui vous sépare de tout contact avec le monde extérieur. Selon certains prisonniers, c’est ‘’quatre murs qui transpirent’’. Aussi nous avons subi des traitements qui n’avaient rien à voir avec notre statut de journaliste. Le violon du parquet, pour quelqu’un qui n’a jamais été dans ce genre d’endroit, a été l’enfer.
Et à la Maca ?
Nous y avons retrouvé des co-détenus qui se sont mis à notre disposition. Certains sont venus se confier à nous. D’autres nous ont relaté les injustices dont ils ont été victimes. Nous les avons écoutés. Comme des frères. Attentivement. Nous avons pris bonne note. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, la Maca, pour nous, n’a pas été l’enfer. Ce fut un univers où nous avons été traités dignement. Comme des journalistes. Nous remercions, à cette occasion, les gardes pénitentiaires et les co-détenus qui nous ont accordé gîte et couvert. A notre sortie, ils ont fait des haies d’honneur pour nous accompagner. D’autres ont eu des larmes aux yeux.
Avez-vous, durant ce procès, pensé à une volonté politique de vous maintenir dans les geôles ?
Non. Nous n’avons pas senti une récupération politique. Mais, ce qui nous a été donné de constater, c’est que le procureur de la République, Raymond Tchimou, voulait justifier par tous les moyens comment et pourquoi son document se retrouvait dans la presse. Nous pensons avoir fait notre travail de journaliste. C’est plutôt lui qui avait des choses à se reprocher. D’où, sa volonté de montrer au monde qu’il est ferme. Seulement, il ne fallait pas qu’il cherche son voleur dans notre camp.
Avec tout ce que vous avez subi, croyez-vous à l’efficacité de la loi sur la presse en Côte d’Ivoire ?
Pas du tout. La loi sur la presse est encore très fragile. A ce niveau, il faut appuyer toutes les initiatives visant à faire reconnaître cette loi. Il y a des supputations par-ci, des manquements graves par-là. Vous avez vu que, durant ce procès, les gens ont voulu contourner la loi. Dieu merci, le juge Koné Brama, a ramené tout le monde sur le droit chemin. Mais, il y a du chemin à parcourir pour que cette loi soit une réalité en Côte d’Ivoire.
Interview réalisée par Sanou Amadou (Stagiaire)
Comment avez-vous vécu votre libération hier ?
La justice n’a pas eu de preuve pour les chefs d’accusations retenus contre nous. Le juge a lui-même reconnu que nous avons travaillé de façon professionnelle et que nous n’étions pas coupables des faits qu’on nous a reprochés. Cette arrestation, pour nous, était arbitraire. On a essayé de nous faire passer pour de vulgaires bandits. Essayant de dissocier notre profession de l’acte posé. Ce qui à notre sens était illégal. Heureusement que la justice a dit le droit.
Pour des personnes qui n’avaient pas eu de problèmes avec la police auparavant, comment avez-vous vécu cette arrestation ?
Ce fut un cauchemar. Et tout ce qui s’est passé, a été vécu ainsi.
Quand il vous a été annoncé que vous iriez à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), qu’aviez-vous ressenti ?
Nous nous disions qu’au bout du compte, comme nous ne sommes pas coupables, aucune faute ne nous sera imputable. Que nous serions libérés les jours à venir. Donc, cette détention n’allait pas durer. Moralement nous étions forts. Nous sommes restés solidaires. Avec la mobilisation au plan national et international autour de l’affaire, les actions des confrères, les mouvements des droits de l’Homme et des chancelleries, l’idée que nous étions dans nos droits a été confortée et notre conviction renforcée.
Tout en étant très mal en point, vous avez engagé une grève de la faim. Pourquoi avoir pris cette décision ?
Comme j’étais malade, je devais prendre mes médicaments. Sur recommandation de mon médecin, cela devait se faire dans de bonnes conditions. Alors que l’environnement dans lequel nous étions, n’était pas propice à cela. J’ai demandé qu’on me permette de prendre mes comprimés dans des conditions idoines. Les autorités ne semblaient pas accorder une oreille attentive à ma requête. C’est suite à cela que j’ai entamé cette grève de la faim. Elle s’est étendue sur deux jours. Vu que cela était à même de décourager mes camarades, j’ai dû abandonner cette idée. Aussi, mes co-détenus de la Maca se sont-ils mobilisés pour me dissuader. Il fallait qu’on garde la flamme de la solidarité.
Vous arrivez à la Maca sans avoir volé, ni tué. Que ressentez-vous ?
Pour des personnes qui n’ont rien à se reprocher, nous nous sommes dit que nous étions en mission. Ce fut une occasion pour nous de découvrir l’univers carcéral. Appréhender le mode de vie des personnes qui s’y trouvent. Nous avons vu beaucoup de choses que nous allons apprendre aux Ivoiriens. Ce fut une occasion pour côtoyer des détenus, les écouter, dormir avec eux et être attentif à leurs confidences. C’est une expérience qui nous a beaucoup enrichis. Une occasion pour nous, d’attirer l’attention des personnes libres sur la situation que vivent les prisonniers. Surtout la face hideuse de l’injustice qui prospère dans notre pays.
Après le jugement où on vous a vu affaibli, vous arrivez les poings levés pour le délibéré. A quoi pensez-vous à cet instant ?
Nous étions de plus en plus optimistes. Nous savions que nous étions au centre d’un combat qui était celui de la liberté de la presse. Aussi, nos avocats ont été très brillants. Ils ont démonté les arguments du parquet lors du procès. De ce fait, nous ne doutions pas que nous allions être relaxés. Car, nous avions avec nous la loi. Nous pouvions compter sur notre justice.
Avez- vous eu peur lorsque le juge a reporté le délibéré ?
Nous avions plus craint pour la mobilisation qu’il y avait autour de ce dossier. Avec nos confrères de la presse nationale et des parents qui perdaient patience. Nous avons su garder le moral. Nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas fléchir. Sachant qu’au bout du compte, nous serions relaxés.
Avez-vous été maltraité durant votre incarcération ?
C’était dur. Et même très dur au violon à la police criminelle. On nous a fait passer pour de vulgaires criminels. Nous avons goûté au blindé. C’est un compartiment qui vous sépare de tout contact avec le monde extérieur. Selon certains prisonniers, c’est ‘’quatre murs qui transpirent’’. Aussi nous avons subi des traitements qui n’avaient rien à voir avec notre statut de journaliste. Le violon du parquet, pour quelqu’un qui n’a jamais été dans ce genre d’endroit, a été l’enfer.
Et à la Maca ?
Nous y avons retrouvé des co-détenus qui se sont mis à notre disposition. Certains sont venus se confier à nous. D’autres nous ont relaté les injustices dont ils ont été victimes. Nous les avons écoutés. Comme des frères. Attentivement. Nous avons pris bonne note. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, la Maca, pour nous, n’a pas été l’enfer. Ce fut un univers où nous avons été traités dignement. Comme des journalistes. Nous remercions, à cette occasion, les gardes pénitentiaires et les co-détenus qui nous ont accordé gîte et couvert. A notre sortie, ils ont fait des haies d’honneur pour nous accompagner. D’autres ont eu des larmes aux yeux.
Avez-vous, durant ce procès, pensé à une volonté politique de vous maintenir dans les geôles ?
Non. Nous n’avons pas senti une récupération politique. Mais, ce qui nous a été donné de constater, c’est que le procureur de la République, Raymond Tchimou, voulait justifier par tous les moyens comment et pourquoi son document se retrouvait dans la presse. Nous pensons avoir fait notre travail de journaliste. C’est plutôt lui qui avait des choses à se reprocher. D’où, sa volonté de montrer au monde qu’il est ferme. Seulement, il ne fallait pas qu’il cherche son voleur dans notre camp.
Avec tout ce que vous avez subi, croyez-vous à l’efficacité de la loi sur la presse en Côte d’Ivoire ?
Pas du tout. La loi sur la presse est encore très fragile. A ce niveau, il faut appuyer toutes les initiatives visant à faire reconnaître cette loi. Il y a des supputations par-ci, des manquements graves par-là. Vous avez vu que, durant ce procès, les gens ont voulu contourner la loi. Dieu merci, le juge Koné Brama, a ramené tout le monde sur le droit chemin. Mais, il y a du chemin à parcourir pour que cette loi soit une réalité en Côte d’Ivoire.
Interview réalisée par Sanou Amadou (Stagiaire)