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Sport Publié le samedi 31 juillet 2010 | Nord-Sud

Dembélé Minata (présidente et coach Evidence Handball Club/hommes) : Minata, la dame qui entraîne des garçons

Il y a peu de temps encore, le royaume du handball était un bastion très masculin. Il ne faut donc pas s’étonner si, aujourd’hui, peu de femmes dispensent leur savoir aux messieurs. A Evidence Handball Club, une dame charismatique sait visiblement se faire respecter et surtout écouter en matière de handball. Découvrez-la.


Qui ne connaît pas Dembélé Minata dans le milieu du handball ivoirien ?

A seulement 36 ans, elle s’est déjà taillé une petite réputation de dur à cuire. Belle, svelte comme un top model, elle connaît les ficelles du métier et est à la fois présidente et coach de l’équipe masculine d’Evidence handball Club. Pour elle, entraîner les garçons n’est point un calvaire. « Mon amour pour le handball remonte à ma classe de CE2. J’ai fait mes débuts à Epp Bakassa-Sokoura à Bouaké. Quand j’ai eu mon entrée en sixième, j’étais au collège Martin Luther King où j’ai insisté pour qu’il y ait une équipe de handball. Grâce à moi, une équipe est née. Personnellement, je demandais des matches amicaux çà et là contre d’autres établissements. C’est comme ça que l’école s’est intéressée à l’activité sportive. Mon enfance était rythmée par des matches de handball. A l’intérieur du pays, c’était la mode ! A Bouaké, nous partions voir nos aînées jouer à l’ancien stade. Quand je voyais les joueuses sur le terrain, ça m’impressionnait. Il y avait aussi l’ambiance des groupes woyo. J’ai toujours continué la pratique du handball jusqu’à ce que j’arrive au grand Bayou de Bouaké (Lycée de jeunes filles de Bouaké). Et après mon baccalauréat en 98, je suis venue à Abidjan », raconte-t-elle de sa voix rauque. L’aventure pouvait ainsi commencer : « Je ne pouvais pas restée sans faire du handball. J’ai dû chercher un centre où je pouvais pratiquer mon sport préféré. Finalement, j’ai trouvé le village Don Bosco de Koumassi où j’ai commencé en 99 en tant que joueuse. En 2000 déjà, j’étais l’entraîneur-adjointe. C’est à partir de cette année que j’ai commencé à entraîner les minimes garçons. En 2006, le village Don Bosco m’a laissé entendre qu’il n’y avait plus d’argent pour continuer l’aventure », a-t-elle poursuivi. Dembélé Minata ne s’est pas découragée pour autant et a continué avec « son » groupe. « C’est comme ça qu’Evidence Handball Club est née. J’en suis la présidente », souligne-t-elle. Pleine de fierté ! Pour se faire entendre des garçons, ne faut-il pas quelqu’un qui parle haut et fort ? Bref, un garçon ? « D’aucuns diront que c’est difficile d’entraîner des garçons. Une femme qui entraîne des mecs, cela se voit rarement. Ma chance, c’est que j’entraîne mon groupe depuis la catégorie minime. Ils avaient 12-13 ans. Aujourd’hui, ils en ont 20-21. Je suis un peu leur mère. Il y a un respect réciproque entre nous. Sur le terrain, ça ne rigole pas. Dehors, on est relaxe », tient-elle à préciser. Présenté comme son amoureux, l’entraîneur de l’Africa, Sékou Kanté, juge Minata. «C’est une battante. Elle veut apprendre et écoute beaucoup quand bien même elle ne se laisse pas faire. Quand elle ne sait pas, elle demande. Je ne suis pas jaloux. Au contraire. Nous sommes dans le même milieu. Ça ne me pose pas de problèmes… ».

Pour celle qui navigue dans le handball depuis son enfance, il faut une dose de travail pour espérer réussir. Mais pourquoi n’aime-t-elle entraîner que les mecs ? « Ma priorité reste les garçons. Pourquoi ? Les filles sont trop capricieuses. Les garçons se battent plus. Ils ont l’esprit créatif et sont volontaires », analyse-t-elle. Mais plus que tout, la différence se joue essentiellement sur deux axes, la gestion du groupe et la communication, qui semble beaucoup plus claire avec les garçons. « Face à un gars, c’est plus direct, tu lui rentres dedans et il comprend très vite, lance avec un large sourire Dembélé Minata. Professeur d’Education physique et sportive au collège Notre dame d’Afrique de Biétry, elle a su installer une règle primordiale entre ses joueurs et elle : le respect. « C’est important. A Evidence Handball Club, nous avons la notion de famille. Quand un joueur a un problème, nous essayons de le régler. Je ne suis pas sévère mais je ne mélange pas le travail et l’amusement. Un entraîneur doit être complice de ses joueurs. Ce sont mes principes. Lorsque nous sommes trop strictes, le joueur a tendance à cacher certaines choses », jure-t-elle. Mais où trouve-t-elle l’argent nécessaire pour diriger son club comme il se doit ? « Ce n’est pas facile de diriger Evidence handball Club. Avec mon petit salaire et de petits gombos (régimes d’entretien à domicile), je parviens à tenir la barre. C’est avant tout une question de volonté de mes joueurs. Je leur tire mon chapeau au passage. Ils savent que je n’ai rien mais ils veulent progresser », apprécie Minata.
Anecdotes. « Un jour, un de mes joueurs m’a rapporté ceci avant notre demi-finale en Coupe nationale contre Cocody Handball Club : « C’est une femme qui vous entraîne ? Vous n’avez pas honte ? En plus, c’est une petite fille… ». Dembélé Djénébou, ma sœur cadette et mon adjointe a répliqué. D’autres personnes jurent qu’une femme ne les commandera jamais. Il n’y a pas longtemps, un de mes joueurs avait été raflé et était à la préfecture de police. Il a suffi qu’il dise aux policiers qu’il jouait au handball et que son coach était une dame pour qu’ils soient surpris. Ils lui ont dit qu’ils ne peuvent pas accepter d’être commandés par une femme », a confié la dame de fer du handball ivoirien. Cette saison, Evidence Handball Club n’a pas cartonné. Ses résultats laissent à désirer. Malgré tout, l’équipe s’est maintenue parmi l’élite. « En championnat de D1, cette saison, ça n’a pas été facile. Les autres saisons, en junior et en D2, nous étions champions. En D2, en 2008 et 2009, Evidence a été champion de Côte d’Ivoire. Pour notre première expérience parmi l’élite, j’avoue que c’était dur. Nous avons terminé 7è/8. Heureusement, nous nous maintenons en première division. Mes garçons ont acquis de l’expérience. Ils ont compris que la Ligue jeune est différente de la Ligue senior. Ils ont aussi compris qu’ils ont encore du travail à faire », explique-t-elle. Pas du tout ingrate, la présidente d’EHC tient à dire : « Je n’oublierai pas mes devanciers qui m’ont permis d’arriver là où je suis. Je n’oublie pas coach Camara, paix à son âme. Pareil pour le père Tim, décédé, ex-responsable du village Don Bosco. Il a assuré toute ma formation. Je remercie Madame Akpa Julienne car elle reste l’une des rares dames à entraîner dans le milieu du handball. Elle m’a inspirée ». Dembélé Minata a un objectif : redonner au handball masculin ses lettres de noblesse. « J’ai constaté que le handball masculin était médiocre. Tout le monde n’avait d’yeux que pour les dames. Cela me chagrinait. C’est pour cela que j’ai décidé d’entraîner les hommes pour essayer de rehausser le niveau du handball masculin. La saison dernière, nous avons tenté d’émerveiller le public pour que les gens sachent que le handball masculin n’est pas seulement brutal. Le problème est que la formation est défaillante », diagnostique-t-elle. Et sa thérapie est simple : « Personne ne pense à la formation chez les garçons. Mon objectif est d’avoir une équipe jeune qui puisse représenter dignement le pays à l’extérieur et remporter des trophées », croit-elle. Sera-t-elle écoutée ?


Guy-Florentin Yaméogo
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