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Économie Publié le mercredi 4 août 2010 | Notre Heure

Abdoulaye Bio Tchané, président de la BOAD - ‘‘Je ne déroberai pas’’

Abdoulaye Bio-Tchané (ABT) est un homme pressé. À la tête de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), à Lomé, depuis janvier 2008, cet économiste de 57 ans au parcours impeccable – ministre béninois de l’Économie et des Finances en 1998, puis directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI) à Washington pendant six ans – peut se permettre toutes les ambitions. Paisible mais déterminé, il sait où il va. La prudence des formules et le style parfois technocratique ne doivent pas masquer l’essentiel. Si ABT a quitté le FMI alors qu’on lui proposait de prolonger son contrat, c’était pour se rapprocher du Bénin. Il avait secrètement une préférence pour le poste de gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), il s’est rabattu avec succès sur la BOAD. Depuis, il a modernisé cette vénérable institution et lui a permis de passer à la vitesse supérieure, notamment en augmentant son capital de 50 %, en juin dernier : de 700 milliards de F CFA (1,07 milliard d’euros) à 1 050 milliards. Mieux qu’un long discours programmatique pour celui qui a de plus en plus de mal à masquer sa décision de concourir à l’élection présidentielle béninoise d’avril 2011.

Serez-vous candidat à l’élection présidentielle du Bénin en 2011 ?
C’est une décision qui est dictée par la rencontre d’une expérience personnelle, y compris professionnelle, et d’un destin. Si le moment venu, les circonstances m’imposent d’être candidat à cette présidentielle, je ne me déroberai pas. Rien n’est interdit et rien n’est décidé.
La publication, en collaboration avec Paul Biya et Youssou N’Dour, d’un livre intitulé L’Émergence de l’Afrique ressemble pourtant à une entrée en campagne…
Avec ce livre, j’espère être entendu de tous les Africains. J’ai une longue expérience professionnelle, j’ai des choses à dire. Bien sûr, en tant que Béninois, j’espère tout particulièrement être écouté par mes compatriotes. Mais ce que je veux, c’est faire comprendre aux Africains qu’ils ont les moyens de faire avancer leurs pays, et qu’ils ne sont pas démunis.

Vous évoquez, dans votre ouvrage, l’aide publique au développement. Qu’avez-vous pensé du livre Dead Aid de l’économiste zambienne Dambisa Moyo, qui pointe son inefficacité sur le continent ?
Ce livre était une provocation nécessaire. Ce que Dambisa Moyo nous montre, c’est que l’aide publique au développement ne peut pas être l’unique solution. L’Afrique doit aussi et surtout compter sur ses propres forces. L’amélioration de la gestion publique doit être la principale source de progrès pour l’Afrique. Cela passe par l’organisation d’une meilleure collecte des impôts, la rationalisation des dépenses publiques et l’adoption de pratiques de bonne gouvernance. Il ne faut pas pour autant supprimer l’aide au développement. Elle est toujours nécessaire, notamment pour la préservation de l’environnement et la construction d’infra¬structures solides, des domaines dans lesquels nous avons besoin d’appui.

Vous vous faites aussi l’avocat d’une politique environnementale en Afrique. Le continent en a-t-il les moyens ?
La protection de notre environnement n’est pas un caprice : il en va de notre propre intérêt car nous sommes les premiers à souffrir du réchauffement climatique. Des politiques publiques obtiennent déjà des résultats : au Burkina Faso, l’opération des « villes vertes » [aménagement d’espaces verts et politique de gestion « durable », NDLR] est un succès. Au Mali et au Niger, certains programmes de reboisement parviennent à contenir l’avancée du désert. Au Sénégal, la décision de subventionner l’utilisation du gaz au lieu du bois de chauffe est une excellente nouvelle.

Dans ses financements, la BOAD accorde une place de choix aux infrastructures. Qu’en est-il de l’agriculture ?
Lorsque les prix des denrées alimentaires ont augmenté en 2008, une question s’est posée : fallait-il subventionner les importations ou travailler sur la production ? Nous avons proposé la deuxième option à nos pays, car c’est la seule façon d’être autosuffisants et même de devenir exportateurs. Les États nous ont suivis, et nous avons émis des bons sur le marché régional d’un montant de 100 milliards de F CFA [150 millions d’euros, NDLR]. La mise en place de ces ressources devrait générer un peu plus de 300 milliards de F CFA que nous allons investir dans des projets purement agricoles dans l’ensemble des huit pays. J’arrive du Mali où nous avons lancé le projet de barrage de Taoussa [la BOAD y a participé à hauteur de 10 milliards de F CFA, NDLR], qui, à terme, permettra d’irriguer 185 000 ha de terres.

Renforcer le secteur privé est une autre priorités de la BOAD. Comment lever les obstacles à son développement ?
Je vois trois défis principaux pour libérer l’entrepreneuriat africain. D’abord, favoriser l’investissement en simplifiant les réglementations. Ensuite, lever les obstacles physiques aux échanges commerciaux : dans certains pays ouest-africains, il y a des barrages routiers tous les 25 km qui augmentent les coûts de transport ; le passage des douanes entre deux pays de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR] est encore trop lourd. Enfin, il y a la question de l’accès au financement : moins de 20 % des Ouest-Africains ont accès aux services financiers. Le microcrédit est un début de réponse à ce problème, mais il n’est qu’une porte d’entrée, il faut bien plus que cela. Entre les bénéficiaires de microcrédits et les grandes entreprises, il y a une large frange d’entreprises qui sont mal servies. À la BOAD nous comptons doubler, à l’horizon 2013, à 14 milliards de F CFA notre action en faveur de ces entreprises, via la mise en place de lignes de crédits dans les banques commerciales de la zone UEMOA.

Quel bilan tirez-vous de cinquante ans d’indépendance des pays membres de la BOAD ?
Il y a eu des progrès dans tous les domaines : infrastructures, éducation, santé… Là-dessus, il n’y a aucun doute. Nos pays sont aujourd’hui différents de ce qu’ils étaient en 1960. Mais ces progrès ont été insuffisants. Du point de vue de la pression démographique, avec une croissance moyenne de 3 %, notre population a augmenté très vite, alors que dans la même période nous n’avons pas connu une croissance économique équivalente. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes nettement en retrait par rapport aux besoins de nos populations. Ainsi, nos pays sont parmi les moins bien classés au plan mondial en termes de développement humain. En 1960, certains pays d’Amérique latine et d’Asie étaient au même niveau que nous ; aujourd’hui ils sont devant, et certains sont devenus nos donateurs. Cela veut dire qu’ils ont mieux réussi.
BK
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