Quel est l'état de l'état civil en Côte d'Ivoire et quel impact son usage entraîne sur la marche du pays ? C'est à cette épineuse interrogation que maître Yao Emile (yakoemi@.fr) greffier de son état, répond dans l'entretien qui suit.
Lorsqu'un enfant naît en Côte d'Ivoire, il fait l'objet d'une déclaration de naissance. Comment expliquez-vous que l'état civil puisse être un problème aujourd'hui ?
Les registres qui doivent recevoir les déclarations d'état civil, que ce soit des naissances, des mariages ou des décès, avant leur utilisation, ils sont déposés dans le bureau du président du tribunal, une fois payés pour qu'ils les paraphent page par page. C'est donc normal que le double des registres après leur utilisation, soit renvoyé chez lui. S'il y a un problème au niveau du registre à l'endroit où il a été établi, normalement, le tribunal devrait pouvoir sortir le double en vue de la reconstitution de l'original que l'on ne retrouve pas. Alors pourquoi chaque fois que l'on ne retrouve pas un registre, le tribunal ne peut pas produire le double qu'il est censé conserver ?
Le tribunal, à votre avis, conserve-t-il comme il se doit ces registres ?
C'est la question fondamentale. Ce qui me choque un peu, c'est que ces registres ne sont pas standards. On peut trouver des registres de 100 pages, de 50 pages. Il y a même des cas où dans des états civils, les registres ne sont pas paraphés et signés mais sont utilisés.
La faute à qui selon vous ?
Le premier responsable de l'état civil, c'est le procureur de la République de la zone de compétence. C'est-à-dire à Abidjan, c'est le procureur d'Abidjan, à Abengourou, le procureur de cette localité. C'est donc un contrôle qui doit se faire au quotidien et non de façon spontanée. On a l'impression que les gens n'agissent pas au niveau de l'état civil mais ils réagissent. Quand on leur dit que tels font du faux, immédiatement, ils prennent une décision active. Or, le procureur de la République doit pouvoir savoir au quotidien si les registres sont bien tenus, si les déclarations de naissance sont bien fait, si les doubles sont acheminés dans ses locaux. De sorte que si un individu veut se faire établir une copie de son acte de naissance, il ne soit pas obligé d’aller à la mairie ou à la sous préfecture où il est né. Il peut aller tout simplement au tribunal. Au tribunal, on ne met pas de timbre sur le document. Le greffier en chef délivre une copie et met son cachet rouge parce que le même registre qui se trouve à la mairie ou à la sous-préfecture est censé se trouver également au tribunal. Aujourd'hui, le parquet qui est le chef de l'état civil est trop passif. Le parquet ne peut pas limiter ses fonctions uniquement dans la voie pénale. Il n'y a pas que ça.
Des registres censés contenir 50 ou 100 feuillets peuvent des fois en contenir deux ou trois fois ce nombre. Comment expliquez-vous ce fait ?
Si un magistrat signe un registre, il doit, au préalable, compter les feuillets. Il faut que les pages correspondent au chiffre mentionné sur la page de garde. Maintenant si les pages ne correspondent pas à ce qui est mentionné, on doit pouvoir en tirer les conclusions. Je pense que l'état civil est relayé au second plan au tribunal. Or l'état civil est important, la preuve c'est ce qui fait qu'on ne va pas aux élections. Et pourtant, il est clair qu'un pays sans élections, ce sont les investisseurs économiques qui l'évitent. Le premier élément de sécurité dans un état, c'est l'état civil. L'état civil doit pouvoir suivre chaque individu dans son évolution.
Dans quelle situation se trouve l'état civil au niveau du tribunal ?
Ce n'est pas seulement au niveau du tribunal, c'est tout l'état civil qui est léger. L'état civil ivoirien est léger.
C'est-à-dire ?
C'est-à-dire qu'on n'est même pas sûr que cet acte soit bien tenu. La preuve, ceux qui sont en France, quand ils veulent faire une copie d'acte de naissance, on leur demande d'authentifier. Si quelqu'un par exemple est né à Niablé, après avoir eu une copie signée par le sous- préfet, il doit venir à Abidjan au ministère de l'Intérieur pour que les services compétents visent, puis il doit aller au ministère des Affaires étrangères pour viser avant de faire partir le document. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut qu'on se remette en cause, qu'on prenne l'acte d'état civil au sérieux. A la veille de chaque élection, sous prétexte que certains n'ont pas leur papier, on organise des audiences foraines pour permettre à ceux-là d'avoir leurs papiers. Quel est ce pays où on immatricule toujours les gens ? Imaginez-vous qu'on fait plus d'actes de naissance que de naissance en réalité. Cela veut dire qu'il y en a qui ont plusieurs actes de naissance. Il revient au parquet de suivre tout cela de près.
A vous entendre, on n'aurait pas à faire tout ce qui a été fait si le parquet tenait bien les registres d'état civil ?
Si les registres étaient bien tenus, toutes ces opérations n'auraient pas été nécessaires. Ça me fait mal qu'on fasse des audiences foraines à Abidjan, qu'on fasse des audiences foraines chaque année à Abengourou. Et pourtant, il n'y a pas eu de calamité. Le sous préfet ou le maire, selon le cas, immédiatement devrait alerter le procureur pour lui dire que tel registre n'a pas été retrouvé, qu'on doit le reconstituer.
Qu'est-ce qui est alors dans ce cas ?
Comme on considère que le double du registre est au tribunal, on achète un autre registre avec le même nombre de pages qu'on remet au tribunal qui paraphe et signe les pages, et qui les remplit. On ne retourne pas le registre vierge. On, le dépose que quand il est plein. Lorsqu'on arrive au 31 décembre, si on a utilisé une seule feuille dans un registre, on ne doit plus l'utiliser le 1er janvier. Or les registres dans les centres d'état civil, on ne les dépose que quand on veut. On ne fait pas de contrôle.
Les registres d'état civil ouvrent, selon vous, une porte à la fraude?.
C'est clair. Ça veut dire que si quelqu'un a un complice dans un état civil, il n'a qu'à faire disparaître la page ou le registre et on lui délivre un jugement supplétif. Et des gens font une erreur aujourd'hui pour laquelle je ne suis pas d'accord. On ne peut pas cataloguer une région pour dire qu'on ne fait que du faux là-bas. Si tel est qu'on suppose que dans telle région, on fait du faux, que fait alors le parquet ? Parce que ce ne sont pas ceux qui font le faux qui signent les actes de naissance.
Quel est votre jugement sur les gymnastiques qui ont cours sur les actes d'état civil actuellement ?
Je demande à ceux qui soutiennent qu'il faut nettoyer à n'en point finir la liste de savoir que le procureur de la République de chaque zone est responsable de l'état civil et non la rue ou encore les partis politiques. Quand on dit que quelqu'un a offensé le président de la République, le procureur se saisit pour mener une enquête. Si on pense qu'il y a un problème dans une région, le procureur doit faire son enquête. Mais ce n'est pas parce que quelqu'un a fait du faux qu'on va bloquer la nation entière. Il revient au procureur de poursuivre les fraudeurs mais on ne peut pas bloquer tout le pays. Nous sommes tenus par des contraintes. Le président de la République a dit que le cinquantenaire devrait nous amener à réfléchir. Nous sommes le seul pays au monde où les citoyens n'ont pas de carte d'identité et cela ne choque personne. Aucun Ivoirien n'a sa carte d'identité, même le président lui-même n'en a pas. On a 50 ans et on n'a pas de carte d'identité. Même quand nous étions dans l'Aof, on avait des cartes d'identité, maintenant que nous avons un demi-siècle d'indépendance, nous n'avons pas de carte d'identité. Peut-être que demain, on n'aura pas d'extraits de naissance. On a l'impression que nous sommes dans un pays où tout le monde fait du faux. Si le procureur accepte de mettre les registres à jour, ça va freiner la fraude.
Entretien réalisé par Akwaba Saint Clair
Lorsqu'un enfant naît en Côte d'Ivoire, il fait l'objet d'une déclaration de naissance. Comment expliquez-vous que l'état civil puisse être un problème aujourd'hui ?
Les registres qui doivent recevoir les déclarations d'état civil, que ce soit des naissances, des mariages ou des décès, avant leur utilisation, ils sont déposés dans le bureau du président du tribunal, une fois payés pour qu'ils les paraphent page par page. C'est donc normal que le double des registres après leur utilisation, soit renvoyé chez lui. S'il y a un problème au niveau du registre à l'endroit où il a été établi, normalement, le tribunal devrait pouvoir sortir le double en vue de la reconstitution de l'original que l'on ne retrouve pas. Alors pourquoi chaque fois que l'on ne retrouve pas un registre, le tribunal ne peut pas produire le double qu'il est censé conserver ?
Le tribunal, à votre avis, conserve-t-il comme il se doit ces registres ?
C'est la question fondamentale. Ce qui me choque un peu, c'est que ces registres ne sont pas standards. On peut trouver des registres de 100 pages, de 50 pages. Il y a même des cas où dans des états civils, les registres ne sont pas paraphés et signés mais sont utilisés.
La faute à qui selon vous ?
Le premier responsable de l'état civil, c'est le procureur de la République de la zone de compétence. C'est-à-dire à Abidjan, c'est le procureur d'Abidjan, à Abengourou, le procureur de cette localité. C'est donc un contrôle qui doit se faire au quotidien et non de façon spontanée. On a l'impression que les gens n'agissent pas au niveau de l'état civil mais ils réagissent. Quand on leur dit que tels font du faux, immédiatement, ils prennent une décision active. Or, le procureur de la République doit pouvoir savoir au quotidien si les registres sont bien tenus, si les déclarations de naissance sont bien fait, si les doubles sont acheminés dans ses locaux. De sorte que si un individu veut se faire établir une copie de son acte de naissance, il ne soit pas obligé d’aller à la mairie ou à la sous préfecture où il est né. Il peut aller tout simplement au tribunal. Au tribunal, on ne met pas de timbre sur le document. Le greffier en chef délivre une copie et met son cachet rouge parce que le même registre qui se trouve à la mairie ou à la sous-préfecture est censé se trouver également au tribunal. Aujourd'hui, le parquet qui est le chef de l'état civil est trop passif. Le parquet ne peut pas limiter ses fonctions uniquement dans la voie pénale. Il n'y a pas que ça.
Des registres censés contenir 50 ou 100 feuillets peuvent des fois en contenir deux ou trois fois ce nombre. Comment expliquez-vous ce fait ?
Si un magistrat signe un registre, il doit, au préalable, compter les feuillets. Il faut que les pages correspondent au chiffre mentionné sur la page de garde. Maintenant si les pages ne correspondent pas à ce qui est mentionné, on doit pouvoir en tirer les conclusions. Je pense que l'état civil est relayé au second plan au tribunal. Or l'état civil est important, la preuve c'est ce qui fait qu'on ne va pas aux élections. Et pourtant, il est clair qu'un pays sans élections, ce sont les investisseurs économiques qui l'évitent. Le premier élément de sécurité dans un état, c'est l'état civil. L'état civil doit pouvoir suivre chaque individu dans son évolution.
Dans quelle situation se trouve l'état civil au niveau du tribunal ?
Ce n'est pas seulement au niveau du tribunal, c'est tout l'état civil qui est léger. L'état civil ivoirien est léger.
C'est-à-dire ?
C'est-à-dire qu'on n'est même pas sûr que cet acte soit bien tenu. La preuve, ceux qui sont en France, quand ils veulent faire une copie d'acte de naissance, on leur demande d'authentifier. Si quelqu'un par exemple est né à Niablé, après avoir eu une copie signée par le sous- préfet, il doit venir à Abidjan au ministère de l'Intérieur pour que les services compétents visent, puis il doit aller au ministère des Affaires étrangères pour viser avant de faire partir le document. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut qu'on se remette en cause, qu'on prenne l'acte d'état civil au sérieux. A la veille de chaque élection, sous prétexte que certains n'ont pas leur papier, on organise des audiences foraines pour permettre à ceux-là d'avoir leurs papiers. Quel est ce pays où on immatricule toujours les gens ? Imaginez-vous qu'on fait plus d'actes de naissance que de naissance en réalité. Cela veut dire qu'il y en a qui ont plusieurs actes de naissance. Il revient au parquet de suivre tout cela de près.
A vous entendre, on n'aurait pas à faire tout ce qui a été fait si le parquet tenait bien les registres d'état civil ?
Si les registres étaient bien tenus, toutes ces opérations n'auraient pas été nécessaires. Ça me fait mal qu'on fasse des audiences foraines à Abidjan, qu'on fasse des audiences foraines chaque année à Abengourou. Et pourtant, il n'y a pas eu de calamité. Le sous préfet ou le maire, selon le cas, immédiatement devrait alerter le procureur pour lui dire que tel registre n'a pas été retrouvé, qu'on doit le reconstituer.
Qu'est-ce qui est alors dans ce cas ?
Comme on considère que le double du registre est au tribunal, on achète un autre registre avec le même nombre de pages qu'on remet au tribunal qui paraphe et signe les pages, et qui les remplit. On ne retourne pas le registre vierge. On, le dépose que quand il est plein. Lorsqu'on arrive au 31 décembre, si on a utilisé une seule feuille dans un registre, on ne doit plus l'utiliser le 1er janvier. Or les registres dans les centres d'état civil, on ne les dépose que quand on veut. On ne fait pas de contrôle.
Les registres d'état civil ouvrent, selon vous, une porte à la fraude?.
C'est clair. Ça veut dire que si quelqu'un a un complice dans un état civil, il n'a qu'à faire disparaître la page ou le registre et on lui délivre un jugement supplétif. Et des gens font une erreur aujourd'hui pour laquelle je ne suis pas d'accord. On ne peut pas cataloguer une région pour dire qu'on ne fait que du faux là-bas. Si tel est qu'on suppose que dans telle région, on fait du faux, que fait alors le parquet ? Parce que ce ne sont pas ceux qui font le faux qui signent les actes de naissance.
Quel est votre jugement sur les gymnastiques qui ont cours sur les actes d'état civil actuellement ?
Je demande à ceux qui soutiennent qu'il faut nettoyer à n'en point finir la liste de savoir que le procureur de la République de chaque zone est responsable de l'état civil et non la rue ou encore les partis politiques. Quand on dit que quelqu'un a offensé le président de la République, le procureur se saisit pour mener une enquête. Si on pense qu'il y a un problème dans une région, le procureur doit faire son enquête. Mais ce n'est pas parce que quelqu'un a fait du faux qu'on va bloquer la nation entière. Il revient au procureur de poursuivre les fraudeurs mais on ne peut pas bloquer tout le pays. Nous sommes tenus par des contraintes. Le président de la République a dit que le cinquantenaire devrait nous amener à réfléchir. Nous sommes le seul pays au monde où les citoyens n'ont pas de carte d'identité et cela ne choque personne. Aucun Ivoirien n'a sa carte d'identité, même le président lui-même n'en a pas. On a 50 ans et on n'a pas de carte d'identité. Même quand nous étions dans l'Aof, on avait des cartes d'identité, maintenant que nous avons un demi-siècle d'indépendance, nous n'avons pas de carte d'identité. Peut-être que demain, on n'aura pas d'extraits de naissance. On a l'impression que nous sommes dans un pays où tout le monde fait du faux. Si le procureur accepte de mettre les registres à jour, ça va freiner la fraude.
Entretien réalisé par Akwaba Saint Clair