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Région Publié le mardi 24 août 2010 | L’expression

Korhogo/ exploitation minière : Sur les traces des clandestins

Les mines d’or découvertes dans la sous-préfecture de Korhogo font l’objet d’une exploitation illégale par des clandestins. Enquête.

Dagba et Odoro deux villages de la sous-préfecture de Korhogo abritent des mines d’or. Contrairement au gisement aurifère de Tongon (sous-préfecture de Ferké) connu pour son exploitation moderne, ici, c’est l’anarchie. De même, les mines d’or de Kasséré et de Lougnougo sont dans le même désordre. A notre arrivée sur les lieux ce mercredi 4 aout, nous sommes frappé par la présence massive des Burkinabé. De l’orpailleur à l’acheteur bord champ du minerai, tous sont en majorité non nationaux. Les Ivoiriens (éléments des Forces nouvelles et chasseurs dozos) rencontrés assurent généralement la surveillance des lieux. Un homme d’un certain âge explique. « Au début de la guerre, les Blancs ont beaucoup survolé la région en avion. Nous avions très peur dans nos champs quand nous les voyions. On se demandait, ce qu’ils cherchaient au juste. Plus tard, nous avons appris qu’ils étaient à la recherche de l’or. Et quand ils partaient et revenaient dans un même endroit, nous nous disions qu’il y avait sûrement de l’or. Aujourd’hui, nous ne sommes pas surpris que des gens soient sur ce site.» Des négociations, selon lui, sont en cours pour la récupération de son champ en bordure d’une mine. Les riverains s’expliquent mal l’absence des maîtres des lieux, c’est-à-dire les Forces nouvelles. « C’est sûr que les hommes en armes qui dirigent ici maintenant en savent quelque chose ; parce qu’il n’y a pas longtemps, on nous a dit que Gbagbo s’est rendu dans la mine d’or de Tongon », poursuit le paysan. Quant à la présence massive sur le site de jeunes mossis, les populations autochtones pensent que c’est parce qu’elles sont ignorantes en la matière. « Nous ici, on ne savait pas qu’il y avait de l’or. En plus on ne s’y connait pas en matière d’extraction de l’or, » justifie-t-on.

Comment l’or est extrait à Mannambougou
L’extraction est artisanale. Lorsqu’un endroit est identifié, nous a-t-on expliqué, les orpailleurs, des jeunes moré, envahissent les lieux, certains en provenance des autres mines, d’autres en provenance du Burkina. Ils élisent domicile sur les lieux. Toutes les habitations sont faites en bois couverts de plastique noir, murs et toits y compris. D’où le nom « Mannambougou » (campement en plastique) de ces sites. Avec des outils artisanaux, pioches et autres, ils font le travail. Chacun, comme on le dit là-bas, « réserve un espace, y délimite son trou puis engage des orpailleurs ». Ou encore, celui qui fait la précieuse découverte, creuse lui-même jusqu’à atteindre le métal. «On creuse et comme nous connaissons la chose, on finit par retrouver la ligne de la matière précieuse si nous sommes au bon endroit et bonjour l’argent. Les trous peuvent atteindre souvent une profondeur de 10 à 15 m », raconte dans un malinké approximatif un jeune mossi. Lorsque le minerai est atteint, des sacs de granite sont acheminés du chantier au campement où il est suffisamment réduit au marteau ; des spécialistes sont commis à cette tâche, avant que le granite passe à la machine, une sorte de moulin qui le réduit en poudre. Cette poudre est envoyée ensuite au quartier final, pour être bien lavée, tamisée puis filtrée pour en extraire définitivement la pierre précieuse. Cet endroit est strictement gardé par des éléments des Forces nouvelles. « C’est là que tout se passe : la pesée, l’achat. C’est le coin du ‘’nanforo’’ (l’argent). Les chanceux font fortune ici », affirme S. D, un jeune autochtone. Du transport au du granite à la pesée de la pierre précieuse, toutes les étapes sont payantes par l’orpailleur. Les chasseurs dozos sont à l’entrée du campement, assurant la sécurité.

Mais où va l’or extrait ?
«Comme ce sont les Français qui ont détecté les mines d’or, on pense bien qu’ils ont sûrement leur part du gâteau », explique le chef du groupe de surveillance de dozos du jour. Puis d’ajouter : « Mais comme nous n’en savons rien de la pratique, on ne sait pas où ceux qui extraient l’or le transportent. Ce qui est sûr, notre village n’en garde pas. On n’en voit pas ». Certains pensent que cet or pourrait transiter par Tongon pour la France. « Gbagbo était venu voir la mine de Tongon, peut-être que c’est là-bas qu’on emmène l’or extrait ici », dit un jeune. Mais pour beaucoup, la matière précieuse transite par le Burkina pour la France. « On voit bien que tous les orpailleurs sont des Burkinabè. C’est une femme mossi qui vient acheter l’or ici à Dagba. On pourrait dire qu’elle le transporte d’abord au pays avant de l’exporter vers la France », pense un jeune qui bosse là où s’effectuent la pesée et l’achat des minerais. Curieusement, toutes les personnes interrogées ou approchées sont peu prolixes, réservées et même méfiantes. D’autres sources accusent les Forces nouvelles présentées comme les grands bénéficiaires. Pour elles, les tenants de la partie septentrionale du pays depuis maintenant huit ans, leur rapporte inéluctablement d’énormes intérêts. « Mais, ce sont les rebelles qui commandent ici. Donc, ils en savent forcément quelque chose. Le plus gros du sou est pour eux », pense M. Z. Les populations se plaignent de la gestion de certaines mines par les éléments des Forces nouvelles qui seraient responsables de vol et arracheraient de force le minerai de certains orpailleurs.

Les populations démunies et naïves coopèrent….
Partout, des rencontres auraient eu lieu avec les chefs de village et les populations avant l’exploitation des lieux. « Ils viennent rencontrer les villageois et les propriétaires terriens. Mais très souvent ce sont des gens qui parlent bien le sénoufo, donc des Ivoiriens qui viennent pour les discussions. En tout cas chez nous, il y a eu plusieurs rencontres, parce que nous voulions mieux comprendre la chose et savoir ce que notre village et nos propriétaires terriens gagneront », ajoute le notable. Le jeune sénoufo est plutôt préoccupé par ses travaux champêtres même s’il assure la surveillance en tant que dozo selon un tour de rôle. Et ce pour l’intérêt du village. Le taux de jeunes sénoufo orpailleurs est encore faible. Ceux qui s’y intéressent, pour tenter leur chance, disent-ils, réservent plutôt des espaces et engagent des orpailleurs, évidemment de jeunes mossis. Selon nos sources, un gramme d’or coûterait au minimum 8.000 Fcfa, sinon, le prix bord champ normal oscille entre 10 et 11.000Fcfa. Chaque puits rapporte au propriétaire terrien la somme de 6.000 Fcfa en paie unique, peu importe la quantité d’or qui y sortira. 300 Fcfa reviennent au village par gramme d’or. Les exploitants verseraient une certaine somme aux propriétaires terriens à condition que la fouille soit fructueuse. La question qui se pose est de savoir qui évalue la quantité d’or extraite et comment. Les populations disent être associées au calcul. « Au moment de la pesée, tel que nous l’avons négocié, trois entités sont présentes. Les exploitants, les FN et les villageois en raison d’un représentant par entité », nous explique un dozo à la mine de Odoro. Mais personne n’a pu témoigner avec conviction qu’un des villages de Dagba ou d’Odoro a encore eu grand’ chose, pourtant la mine de Dagba est exploitée depuis des mois. Une grande quantité d’or y aurait même été extraite. Et pourtant, aucun des deux villages n’est doté d’infrastructures. Le premier centre de santé ou encore la première école primaire de Dagba est à plus d’une dizaine de kilomètres. Les enfants sont contraints au même destin : la culture de coton. Odoro est un village en bordure de la voie de M’Bengué entre Kokaha et Olléo, tous électrifiés et ayant des écoles primaires. A la différence de Dagba, on peut rencontrer quelques écoliers dans ce village. Ceux-ci fréquentent tous à Kokaha à quelques trois kilomètres. Cependant, il se raconte que la ristourne qui doit être reversée au village de Dagba serait déposée dans une banque pour la construction d’une école dans le village. « On nous a dit que l’argent est gardé dans une banque pour construire après une école pour le village. On attend de voir », reste sceptique un jeune du village.

Une situation aux conséquences multiples pour les riverains
La manière dont l’exploitation est faite ne laisse pas les populations indifférentes. Elles n’ignorent pas certaines conséquences. Mais aucun dédommagement ne semble prévu pour elles. « Nous savons bien que nous ne pouvons plus jamais faire de champs à ces endroits. C’est fini ça. Mais que pouvons-nous-faire ? », déplore Z., propriétaire terrien. En plus, la conséquence immédiate, sous leurs yeux, est l’effondrement des blocs de terre laissant de grosses ouvertures, un danger permanent.
Enquête réalisée par
Ahoussi Delmas, Correspondant régional


Encadré
De la responsabilité des Forces nouvelles
Les régions minières dans le Nord sont, on le sait, sous le contrôle des Fn. La présence de leurs éléments sur les lieux atteste qu’ils sont informés de l’exploitation de l’or à Odoro et à Dagba. Pour les villageois, une complicité existe entre ces hommes en armes et les orpailleurs. Les responsables des Forces nouvelles sont interpellés en cette période de sortie de crise par rapport aux conséquences de l’exploitation abusive du sous-sol des deux villages. Après Dagba et Odoro, il faut s’attendre à ce que d’autres régions soient victimes des mêmes exploitants illégaux. Les Forces nouvelles doivent prendre leurs responsabilités en assainissant le secteur, mais surtout en veillant sur les intérêts du pays et des villageois riverains.

A D
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