x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le mercredi 25 août 2010 | Le Nouveau Réveil

Ibrahim Kuibiert (chef de cabinet du ministre de la Justice) : “Il y a une rupture entre la justice et les justiciables”

Dans un entretien qu'il nous a accordé hier à son bureau, le chef de cabinet du Garde des Sceaux, ministre d'Etat, ministre de la Justice, commente et fait la lumière sur le contentieux judiciaire en phase terminale. Pour lui, toutes les difficultés proviennent d'une incompréhension qui s'est installée entre la Cei et les justiciables, d'une part, et les magistrats, d'autre part.

Les magistrats ont été rappelés sur Abidjan parce qu'il y avait une divergence au niveau de l'interprétation des textes. Comment pouvez-vous expliquer ces incompréhensions?
Ce qui a justifié la venue des magistrats de Man à Abidjan réside dans le fait qu'il y a eu une incompréhension en ce qui concerne la compréhension des textes. Et c'était sous l'édige de monsieur le préfet de Man. Et ne s'étant pas entendus, le préfet a demandé que chacun se réfère à sa hiérarchie. C'est en exécution donc à cette suggestion du préfet que le garde des Sceaux a rappelé les magistrats pour qu'on vienne s'asseoir pour avoir une parfaite connaissance des textes et rentrer en contact avec la Cei pour avoir une interprétation unique.

Alors, de quoi s'agissait-il ?
Pour la Cei, dès lors que vous ne la saisissez pas, vous ne pouvez pas saisir le tribunal ou dès que vous saisissez le tribunal, votre requête est irrecevable. Pour les magistrats, tout citoyen peut saisir le tribunal même s'il n'a pas saisi la Cei. Voilà la pierre d'achoppement. En fait, les magistrats voulaient dire tout simplement, par rapport à la Cei qui dit que l'on doit déclarer la requête du requérant irrecevable, eux, ils ne peuvent pas le faire sur la route. Nous le faisons dans le cadre d'une audience. Il faut qu'on soit saisi, il faut qu'on se réunisse, qu'on fixe une audience au cours de laquelle nous pourrons déclarer la requête irrecevable. Or c'est ce que la Cei ne comprenait pas. Dès lors que vous n'avez pas saisi la Cei, le tribunal doit se déclarer incompétent à l'occasion d'une audience.

Donc, qui a tort dans cette affaire ?
Personne n'a tort dans cette affaire. Il faut reconnaître tout simplement qu'il y a une suspicion sur nos institutions, c'est cela le vrai problème. La loi dit que le passage à la Cei est obligatoire sous peine d'irrecevabilité de la requête. Mais les magistrats disent que toute personne peut venir saisir le tribunal même si elle n'a pas saisi la Cei. Les magistrats ne disent pas qu'ils vont lui donner raison. Mais l'irrecevabilité dont parle le texte, à quel moment l'on va l'exprimer ? C'est au cours d'une audience. Or, la Cei dit que le tribunal n'a pas besoin de se réunir. C'est cela l'interprétation. Eux tous ont raison et tous ont tort.
Il y a que certains magistrats assimilent le silence ou l'inertie de la Cei à un refus. Cela est-il correct ?
En principe, non. Le code électoral a prévu une période au cours de laquelle la Cei mène son contentieux administratif. Initialement, c'était pour 30 jours. Les bureaux de la Cei sont ouverts pendant 30 jours pour le contentieux. Si vous ne venez pas dans cette période, la Cei ferme ses portes. Si vous venez en dehors de cette période, la Cei a déjà fait ses valises pour des questions de modalités et de logistique. Elle ne peut pas garder des personnes sur place et les payer à ne rien faire. Donc la Cei, dès que le contentieux est terminé conformément aux textes, elle ferme ses bureaux et demande aux agents de rentrer.

A Divo par exemple, c'est le dernier jour que l'huissier mandaté par le Fpi est venu déposer ses requêtes à une heure de la fermeture des bureaux. Cela aussi pose un problème ?
Oui ! Mais sur ce point, je ne saurais répondre parce que je ne gère pas les aspects de la Cei. Ce qui est sûr, ce qui nous est revenu, c'est qu'il a été question de remplir les imprimés. Et la Cei a dit qu'il était impossible de remplir les imprimés de 1.000 personnes en 1 heure d'horloge. Mais les gens leur ont dit qu'ils sont venus à 1 heure d'horloge. Alors si vous ne pouvez pas remplir, nous ne pouvons pas vous recevoir parce que les conditions de recevabilité de ces actes reposent sur l'accomplissement de ces formalités. Si vous ne remplissez pas, nous ne pouvons pas.

Et le juge a exprimé cela comme un refus de la Cei ?
C'est ce qu'on nous aurait dit. Le juge dit qu'il peut statuer puisqu'il a radié certaines personnes à Divo selon le prétexte qu'ils ont constaté l'inertie de la Cei qui pourrait s'apparenter à un refus. Nous comprenons cela difficilement. Le cas d'espèce est différent du recours pour excès de pouvoir. Le cas de contentieux d'inscription sur la liste électorale est différent du cas du recours pour excès de pouvoir où le silence de l'administration peut s'analyser comme un refus. C'est dans le cas pour un excès pour recours de pouvoir que le silence de l'administration peut apparenter à un refus. Mais dans le cas d'espèce, ce n'est pas la même chose.

Cette affaire au niveau du contentieux judiciaire pose problème. Nous avons l'impression que les juges n'ont pas été bien instruits à ces procédures. Sur le terrain, ce sont les affrontements. Est-ce que le ministère n'a pas suffisamment instruit les magistrats sur la façon de traiter le contentieux ?
Nous avons fait humainement ce qui était en notre possibilité pour traiter la question du contentieux d'inscription sur la liste électorale. Les magistrats sont des gens habitués aux textes. Pour avoir une interprétation unique, le garde des Sceaux a souhaité qu'il y ait un séminaire de formation qui s'est tenu à Yamoussoukro où tous les magistrats sans exception ont pris part aux travaux pendant 3 jours à l'hôtel des députés. Au sortir de ce séminaire, il y a eu des résolutions prises par les magistrats eux-mêmes. Ces résolutions ont été remises au Premier ministre. Et le garde des Sceaux a transformé ces résolutions en circulaire. Et elles ont été remises à tous les magistrats. En plus de ces circulaires, le ministre de la Justice a appelé tous les gardes de cour de juridiction qui sont les premiers responsables des tribunaux pour leur dire de se tenir prêts et que ce contentieux devait aller dans le sens de la loi. Après, lorsque le ministre de la Justice a constaté des débordements sur le terrain, il a pris une autre circulaire pour demander aux magistrats de se conformer à la loi concernant l'article 41 qui demande l'interprétation de tous. Et mieux avec la dernière en date, le garde des Sceaux a pris une troisième circulaire pour donner des instructions relatives à la conduite à tenir des magistrats.

Vu les débordements, la fin des contentieux est prévue pour le 26. Pensez-vous que ce délai peut être tenu ?
Vous savez, je suis un technicien sur le terrain. je ne m'en tiens qu'à ce qu'on me dit. Ils m'ont dit que c'est le 26 que le contentieux judiciaire prend fin. Je m'en tiens à cette date. Si les réalités s'opposent à ce que le contentieux ne puisse pas prendre fin le 26 août, nous aviserons notre hiérarchie et c'est à cette dernière de déterminer une nouvelle date.

Quel est le taux de saisine qui a été épuisé par vos magistrats sur le terrain ?
Les magistrats, selon une tendance générale, ont opté pour un apaisement. Ils sont partis d'abord statuer sur les requêtes en inscription, les requêtes en rectification et dans ces temps, ils ont laissé la possibilité aux uns et aux autres de s'apaiser pour pouvoir statuer sur les requêtes en radiation. Pour l'heure, le point ne peut pas être fait sur les radiations puisque c'est ce qui concerne les populations parce que ces audiences n'ont pas eu lieu. C'est à partir de mercredi et jeudi que ces audiences auront lieu. Mais n'oubliez pas que ce sont des audiences qu'on peut tenir en une journée si les magistrats y mettent beaucoup de volonté.

Beaucoup de volonté, vu le nombre des requêtes, ce sont des milliers qui sont soumis aux juges.
Mais c'est cela qui nous embête. L'on parle de milliers peut-être que c'est maintenant qu'ils vont saisir les juridictions de milliers de requêtes. Quand nous avons fait le point d'Abidjan, il y avait 11 requêtes, aujourd'hui, nous sommes à 24. C'est hier (Ndlr : lundi 23) que le greffier en chef m'a appelé pour dire qu'il a reçu près de 6800 requêtes en radiation sur son bureau d'un coup.

Comment expliquez-vous cela ?
Nous n'en savons pas. Quelle explication voulez-vous que je donne à cela puisque le délai n'est pas prescrit ? Comme le délai n'est pas expiré, on considère que toute personne peut déposer sa requête. Mais est-ce que humainement, nous pourrons traiter ces 6000 requêtes dans le temps qui nous reste alors que ce contentieux est ouvert depuis un mois.

Est-ce que la sécurité de certains magistrats vous semble menacée ?
A preuve du contraire, ils ne nous ont pas encore fait cas. C'est Abengourou qui nous a appelé pour dire qu'il y a eu des échauffourées. Mais leur vie n'est pas menacée. En tout cas, nous n'avons pas été saisi d'un danger concernant les magistrats d'Abengourou.

Celui de Divo a dit qu'il est menacé par le Commissaire régional du Rdr
Il l'a dit dans les journaux. Il a une hiérarchie à laquelle il peut écrire afin que le ministre puisse prendre contact avec son homologue de l'Intérieur afin que des mesures sécuritaires soient prises. Mais quand vous ne rendez pas compte et que c'est dans les journaux que nous l'apprenons, je crois qu'il faut être un peu sérieux. Je crois que si c'était plus sérieux que ça, nous n'en serions pas là.

Les Ivoiriens doivent-ils craindre pour l'issue de ce contentieux ?
Je ne saurais me prononcer sur une telle analyse. Vu mes fonctions, je crois que nous devons prôner l'apaisement. Si chacun joue son rôle, tout ce que nous déterminons peut se tenir dans le délai. Que chacun travaille, que chacun essaie de comprendre l'un et l'autre.

Lorsque la justice est bien rendue, même celui qui a tort le reconnaît. Mais de la façon dont les choses sont menées, n'avez-vous pas le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond ?
Vous ne me le faites pas dire. C'est sûr. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et ça, c'est l'Etat. C'est partout. Nous avons vu aujourd'hui la déliquescence de l'Etat. C'est une opinion générale. C'est sûr qu'il y a une petite rupture entre la justice et le justiciable. Mais les choses vont s'arranger au fur et à mesure. N'oubliez pas que les justiciables en font un peu trop. Aujourd'hui, tout le monde est devenu juriste. Tout le monde sait tout. Aujourd'hui, les magistrats aussi… (Ndlr : il n'achève pas la phrase) Je veux dire que c'est général. Les justiciables qui sont devenus violents et les magistrats qui rendent des décisions qui sont impopulaires.

Le problème, c'est la nationalité. L'on ne peut pas denier à quelqu'un sa nationalité de façon arbitraire.
C'est vous qui dites que c'est arbitraire. Le juge qui a été formé ne peut denier à quelqu'un arbitrairement sa nationalité. C'est parce que aujourd'hui cette matière fait l'objet de beaucoup d'attention que cela attire tous ces commentaires. En France, ce sont les greffiers qui délivrent les certificats de nationalité. C'est parce que chez nous ici, les gens en font un peu plus. Nos imprimés des certificats de nationalité le disent : "Vous êtes présumés" tant. Ce n'est pas une présomption irréfragable. C'est-à-dire qu'à tout moment, on peut vous retirer votre nationalité... C'est parce que le contexte est tel que les gens sont focalisés sur la question. Je veux parler de la rupture qui existe entre la justice et le justiciable qui correspond au moment donné. Elle a existé partout. C'est un fait général. L'administration ne se porte pas bien. Ça, il faut le reconnaître. Mais la justice va se réconcilier avec le justiciable car ce sont des enfants du même père.

Mercredi 25 et jeudi 26 août sont-ils des jours déterminants ?
Il faut le croire puisque ce n'est maintenant que l'on vient de nous déposer plus de 6000 requêtes. Donc l'on peut croire que les derniers jours seront déterminants dans la quantité de travail. Il y aura beaucoup de travail à faire. Et nous espérons être à la hauteur de la tâche.
Entretien réalisé par Akwaba Saint-Clair
Coll : Foumséké Coulibaly









PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ