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Économie Publié le mardi 14 septembre 2010 | Nord-Sud

Réformes dans le commerce : Guerre ouverte entre le ministre et les commerçants

Le ministre du commerce a mis, dans les étals, un kit de projets en vue de viabiliser les transactions dans des circuits économiques. Les commerçants ne cachent pas leurs inquiétudes.

Décidément, le ministère du commerce n’a pas bonne presse avec les commerçants. Après la parenthèse douloureuse de Youssouf Soumahoro à la tête du département, son successeur, Calice Yapo, est à nouveau bloqué au corridor. A l’origine des incompréhensions, la série de projets qu’il juge indispensables à la relance post-crise et au développement du commerce. Parmi ces projets, l'organisation des états généraux, la création d’une mutuelle d’assurance des commerçants, la mise en place d’un fonds de développement du vivrier, la vérification des instruments de métrologie. Mais, l’environnement autour de ces projets n’est pas du goût des organisations professionnelles commerçantes. Principal reproche, l’ordonnateur fait des «réformes solitaires et anachroniques». Conséquences, elles n’épousent pas les vrais besoins des opérateurs économiques du secteur. Pour les syndicats, les réformes du ministre n’en sont pas une d’autant qu’elles sont «un ramassis» de projets en chantiers ou déjà mis en œuvre avant lui.

Le ministre force…

«Il doit comprendre que ces projets existent déjà. Compte tenu de l’instabilité gouvernementale, nous avons mis en place une plate-forme avec la présidence de la République. Cette instance comporte tout le programme détaillé. Il faut que le ministre évite de nous ramener en arrière », fulmine le président du Conseil fédéral des commerçants. «Quand il a pris fonction, il avait promis d’agir en concertation permanente, par consensus, avec nous. Mais au regard de l’évolution de la situation, il a, manifestement, opté de faire cavalier seul», analyse Lamine Ouattara qui exhorte le ministère à mettre un bémol à ses initiatives. «Qu’il revienne à une meilleure lecture de ses ambitions. Nous exigeons la suspension pure et simple de cette opération. En cas d’obstination, il nous trouvera sur son chemin», menace, pour sa part, Farikou Soumahoro. Mais le président de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’Ivoire (Fenacci) ne s’arrête pas en si bon chemin. Il s’étonne que le ministre fasse volte-face dans la mesure où, à l’occasion des rencontres de prises de contacts avec les différents acteurs de son département, Calice Yapo avait assuré, le 30 mars dernier, à la Chambre de commerce et d’industrie, qu’il entendait privilégier une gestion participative avec tous les acteurs et autres partenaires sociaux. Rien de moins qu’une trahison, conclut M. Soumahoro qui n’entend pas s’en laisser conter. Malgré toutes les menaces, Calice Yapo veut rester ferme en maintenant le cap. «Nous insistons pour dire que nous allons moderniser le secteur du commerce : à commencer par retirer du marché les instruments de mesure défaillants ou défectueux qui ne répondent plus aux exigences réglementaires», dit le ministre. «La première raison qui me paraît fondamentale, c’est qu’elle permet au ministère du Commerce d’affirmer avec force son soutien, non seulement aux opérateurs économiques détenteurs des instruments de mesure, mais également et surtout aux consommateurs. La deuxième raison qui épouse parfaitement les contours des pouvoirs régaliens de l’Etat, c’est d’exprimer la ferme volonté du gouvernement de garantir sans faiblesse la loyauté, la fiabilité et la transparence dans les transactions commerciales. Enfin, la dernière raison et de loin la plus importante, c’est que cette opération, de par sa nature même, participe de manière évidente à la lutte contre la fraude», martèle le ministre. Mais, pour le patron des commerçants, des ajustements préalables sont nécessaires. En effet, dit-il, l’opération a été arrêtée, il y a quatre ans, à cause des fonctionnaires véreux qui voulaient en profiter pour arnaquer «les pauvres » opérateurs économiques. De fait, plusieurs commerçants se plaignent que les contrôleurs ne faisaient rien d’autre que leur extorquer de l’argent. «Quand ils entraient chez vous, ils n’en sortaient que lorsqu’ils vous avaient délestés de sommes d’argent», rapporte Marthe Agnigré, une vendeuse de bijoux à Adjamé. Autant dire, nuance Farikou Soumahoro, les commerçants ne sont pas opposés à l’opération, mais plutôt au féroce racket qui la sous-tend. «C’est une opération qui avait été déjà menée par ses prédécesseurs et nous savons comment elle s’est terminée. La preuve, dans la ville de Divo à l’époque, il y a eu beaucoup de racket. Lorsque les contrôleurs venaient revérifier les appareils, les informations qu’ils écrivaient sur leurs carnets ne ressortaient pas sur la souche du carnet. Ils prenaient 5.000 Fcfa aux commerçants alors que le coût réel était de 500 Fcfa. En lançant la même opération, nous pensons que ce sont les mêmes problèmes qui s’annoncent», fait-il remarquer. Pas si sûr, dément le ministre Yapo.
A l’en croire, cette opération a été stoppée à cause de la crise. «Ce que nous savons, c’est que son arrêt a causé des préjudices réels non seulement à certains opérateurs économiques, mais également, et de manière très probable, aux consommateurs», explique le ministre du commerce qui bénéficie du secours de son directeur général du commerce intérieur.

… les commerçants résistent

Pour Mamadou Ba Kamissoko, l’opération vise beaucoup plus à protéger les opérateurs économiques qui respectent les règles et amener les réfractaires à se conformer à la loi. En effet, la vérification périodique des instruments de mesure consiste essentiellement à contrôler les instruments déjà en service qui ont subi au préalable, tous les contrôles réglementaires, avant leur mise sur le marché. «Mais s’ils insistent, nous allons tout bloquer», rétorque M. Ouattara. Dans tous les cas, l’opération a déjà commencé à Abidjan et devrait s’étendre incessamment à l’ensemble du territoire. En ce qui concerne la création de la mutuelle d’assurance, les commerçants estiment que le ministre enfonce une porte déjà ouverte. Selon Moustapha Tiamiyu, président du conseil d’administration de la Mugec-ci, la mutuelle dont parle le ministre Calice Yapo existe déjà. «Depuis 2008, la mutuelle avait commencé le projet d’assurance. Le 14 décembre 2009, elle a signé une convention de partenariat de 3 ans avec NSIA dans ses locaux», note M. Tiamiyu. Pour lui, le ministre veut tout simplement s’approprier un projet qu’il n’a pas créé. La crise ne fait que commencer…

Lanciné Bakayoko
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