Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire, a abrité samedi, à la Fondation Félix Houphouet-Boigny, le lancement officiel du Fonds régional de développement et de financement des secteurs des transports et de l’énergie (FODETE-CEDEAO). Ça y est ! Le Fonds régional de développement et de financement des secteurs des transports et de l’énergie (FODETE-CEDEAO) est né officiellement. Il porte la griffe du président ivoirien Laurent Gbagbo soutenu en cela par ses pairs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). A Yamoussoukro où sont réunis depuis le début de la semaine, les techniciens des ministères des Transports et de l’Energie des quinze pays membres de l’espace CEDEAO qui ont été rejoints par leurs ministres ou leurs représentants, on affiche un optimisme des grands jours. “C’est le plus important qui vient d’être fait. Selon nos estimations, le Fonds devrait être opérationnel en juin 2011”, lance tout heureux, un technicien ivoirien. Pour cela, un travail technique préalable devrait être fait. Vendredi prochain, si tout va bien, les experts de la CEDEAO devraient acheminer la liste des sept cabinets retenus sur les 22 à la Banque africaine de développement (BAD) pour que celle-ci choisisse un seul qui se chargera de réaliser l’étude de faisabilité du projet. Hormis l’hommage au président Laurent Gbagbo, selon Albert Flindé, le ministre ivoirien des Transports, qui se cachait derrière la cérémonie de samedi, à la Fondation Félix Houphouet-Boigny, il s’agit surtout de faire une sorte d’appel d’offres pour la réalisation de l’étude de faisabilité. Celle-ci aura, au dire du ministre Flindé, à déterminer les actions et missions dont la localisation, le système de prélèvement, le financement. L’étude de faisabilité devra relever aussi les impacts que les différents prélèvements pourraient avoir sur les économies et la vie tout court des pays concernés. “Il ne s’agira plus, pour le cabinet qui sera retenu, de dire si le projet est viable ou fiable. Ce stade est dépassé depuis que les chefs d’Etat ont approuvé l’idée de leur homologue ivoirien. Aidés en cela par les techniciens pris dans chaque pays et qui ont formé le comité technique logé à la présidence ivoirienne et qui travaillait sous l’autorité du locataire du palais. Sans compter l’apport inestimable des experts de la CEDEAO”, rappelle un membre de ce comité technique. C’est que tous les techniciens de la sous-région sont unanimes sur l’urgente nécessité de ce projet qui n’a pas mis longtemps à rallier tout le monde à sa cause. C’est même devenu, en très peu de temps, un concept baptisé FODETE-CEDEAO. C’est tout dire. C’est la raison pour laquelle, M. Amadou Hainikoyé, représentant de la BIDC, la banque de la CEDEAO, a, dans son intervention, fait une demande spéciale au président Gbagbo : “Aidez le bébé à se lever, et à marcher pour le bien-être de nos populations”. Pour Hainikoyé, les inlassables efforts de Laurent Gbagbo pour faire avancer et concrétiser l’idée du Fonds ne doivent pas être vains. “M. le président, dira-t-il, il n’y a aucun doute sur la nécessité du projet. C’est l’évolution logique des choses qui le commande. C’est pourquoi notre institution n’a pas hésité un seul instant à prendre sa part dans le financement de l’étude de faisabilité à hauteur de 100 millions de dollars US”. La Banque africaine de développement (BAD), elle, par la voix de M. Bah Samba, son représentant à cette cérémonie, a dit combien elle était heureuse de participer au projet. “Le Fonds est en phase avec les orientations stratégiques de la BAD. C’est pourquoi la BAD va l’accompagner”, a insisté M. Bah. Selon le représentant de Donald Kaberuka, l’institution financière africaine finance les études de faisabilité du Fonds à hauteur de 900 millions de dollars US. Soit 90% du financement total. Ce choix s’explique par le fait que le projet est grand, intéressant et intégrationniste. Ses ambitions rejoignent celles de la BAD à savoir pallier le déficit d’infrastructures, créer des emplois et combattre la pauvreté en comptant sur ses propres ressources naturelles. Au cours de la cérémonie ouverte par Mme Jeanne Gogoua, adjoint au maire de Yamoussoukro, qui a salué la vision panafricaniste du chef de l’Etat qui se matérialise par des actions concrètes de développement, on a appris que c’est justement la volonté politique affichée très clairement par Laurent Gbagbo qui a vite conquis le cœur et la raison des banquiers. Une réaction appréciée à sa juste valeur par M. James Victor Gbeho, président de la Commission de la CEDEAO qui a rendu un hommage appuyé aux deux banques engagées dans le financement du projet. Dans son intervention, il a tracé le parcours du projet depuis juin 2009 jusqu’à ce jour avant de terminer par dire que leur engagement va minimiser les difficultés. Quand il monte sur le podium pour succéder à son ministre des Transports, c’est pour s’adresser à la salle, à ses compatriotes mais surtout à ses sœurs et frères africains. Laurent Gbagbo leur a dit tout le bien qu’il pense du projet, son idée, son enfant. “C’est un projet sérieux. Ce n’est pas de l’amusement. C’est pourquoi les banques se sont engagées à nos côtés. Quand un banquier s’engage dans une affaire, c’est qu’elle est rentable, logique et devrait aboutir”. Il ne lui reste plus qu’à engager une campagne de sensibilisation auprès de ses pairs pour discuter des aspects politiques du projet qui, selon lui, n’est pas que technique. Pour le chef de l’Etat ivoirien, en s’engageant sans arrière-pensée, les banquiers envoient un signal fort intéressant aux Africains. Avec ce projet, le développement que la sous-région cherche depuis 1975, date de sa création, devrait être à portée de main. Pourquoi la CEDEAO n’est alors pas développée ? Début de réponse de Laurent Gbagbo: “Parce qu’elle passe beaucoup plus de temps à régler des problèmes de coups d’Etat, de guerre que de régler des problèmes de développement”. Naturellement, le fait que presque tous les pays de la région soient en campagne électorale le soulage un tant soit peu. “ça veut dire que nous avons retenu au moins quelque chose : mieux vaut faire des campagnes électorales que de faire des guerres”. Mais Laurent Gbagbo a une autre réponse moins politique pure. Nous ne sommes pas développés, explique-t-il, parce que nous produisons mal, vendons mal et sommes séparés. Explication. L’historien pense que la mal production est un legs de la colonisation qui a convaincu les pays de la sous-région qu’au plan agricole, ils ne devraient produire des produits non concurrentiels mais complémentaires aux siens. De sorte que la sous-région ne produisait que des produits dont avait besoin la France comme le café, le cacao, le manganèse, l’or etc. Malheureusement, les devises retirées de la vente de ces produits sont utilisés après sur le marché pour acheter de quoi se nourrir. “Il nous faut corriger notre manière de produire”, a-t-il conclu sur ce chapitre. Pourquoi la sous-région vend mal selon Laurent Gbagbo ? En prenant l’exemple du cacao, il a indiqué qu’en exportant les fèves du cacao, on perd les 2/3 de la valeur du produit. “Il nous faut faire la transformation sur place. Tant qu’on n’aura pas fait ça, on continuera à produire mal”. Il a alors proposé que d’ici dix ans, la totalité de la production soit traitée sur place. Un défi qui sera facile à relever si le Fonds est en place et fonctionne comme prévu. Le fait que chaque pays de la sous-région produise seul, négocie seul et vend seul est, aux yeux de Laurent Gbagbo, une très mauvaise chose. “Qu’attendons-nous pour être ensemble ?”, s’est écrié l’orateur qui a dit avoir engagé des négociations sur le cacao avec son homologue ghanéen afin de ne plus subir les fantaisies des acheteurs. “La Côte d’Ivoire, a-t-il expliqué, représente 40% du marché du cacao. Le Ghana représente 20% de ce marché. Ensemble, nous faisons 60%. Nous avons demandé à l’ICC de venir s’installer en Côte d’Ivoire et nous avons le soutien du Ghana”, a soutenu le chef de l’Etat. Laurent Gbagbo a indiqué aussi que le Mont Nimba regorge de beaucoup de richesses qui appartiennent à la Côte d’Ivoire, à la Guinée et au Liberia. “On peut se mettre ensemble pour exploiter ces richesses”. Avec la mise en route effective du Fonds prévue en juin 2011, les plaintes et complaintes du chef de l’Etat devraient s’estomper pour faire place nette à une meilleure production, une bonne façon de vendre et une volonté clairement affichée de faire l’essentiel ensemble. Comme à l’Union européenne vers qui les pays de la sous-région se dirigent pour emprunter de l’argent. “Je souhaite que nous nous rendions de moins en moins chez eux, que nous empruntions le moins possible. Pour cela, il nous faut travailler ensemble. Il faut que, en ce qui concerne l’électricité, le continent soit éclairé pour progresser. Pour cela, il nous faut beaucoup d’électricité. Ce que nous voyons actuellement est indigne de la sous-région. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un cri d’alarme à la CEDEAO pour lui demander de se réveiller”, a insisté le chef de l’Etat. Il a demandé une adhésion populaire à ce projet qui va assurément relever la tête de l’Afrique plongée depuis des lustres dans la gadoue. “Je ne demande pas de droit d’auteur”, a-t-il lancé pour montrer sa bonne foi. Convaincu sans doute que son message est passé, il a dit : “D’ici 2011, il faut qu’on sache comment on commence et par où on commence et comment on fait les prélèvements”. La CEDEAO est-elle en train d’essayer la voie africaine de développement de chacun de ses membres après avoir longtemps choisi celle des autres ? Abdoulaye Villard Sanogo, envoyé spécial à Yamoussoukro
Économie Publié le lundi 20 septembre 2010 | Notre Voie
Financement des transports et de l’énergie - Le fonds de la Cedeao arrive
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