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Politique Publié le mardi 21 septembre 2010 | L’Inter

Reportage - La nouvelle vie des miliciens démobilisés - Les difficultés qu’ils rencontrent après leur réinsertion

© L’Inter Par DR
En prélude aux élections - Encasernement de 1600 combattants des FAFN en présence du ministre Amani N`guessan, de la défense
Jeudi 26 août 2010. Bouaké, 3è bataillon. Cérémonie d`encasernement de 1600 combattants des Forces armées des Forces nouvelles en présence des ministres Amani N`guessan (Défense), Mamadou Koné (Justice) et Sidiki Konaté (Tourisme)
Oula Virgine a le sourire aux lèvres. Elle vient de finir sa formation en maçonnerie grâce au programme du service civique national (Pscn). Cette ex-combattante qui faisait partie du groupe d’autodéfense Ap-wê au plus fort de la crise, commence à retrouver une vie normale. Mère d’une fillette d’environ 6 mois, la jeune fille de 29 ans s’est présentée le dimanche 11 septembre 2010 au foyer des jeunes de Bangolo, où elle a d’ailleurs été formée, pour être vaccinée contre la fièvre jaune, la méningite et la fièvre typhoïde. Comme elle, 89 autres jeunes ont pu bénéficier d’une formation de deux mois en maçonnerie grâce au Pscn, en partenariat avec la mairie, l’Ong ‘’initiative locale et développement durable’’ et le Programme des Nations unies pour le développement. Parmi ces bénéficiaires, 40 ont été retenus, non parce qu`ils sont ex-combattants, mais conformément aux dispositions prévoyant que le PSCN étende ses prises en charge à un quota de jeunes à risque dans les zones d’intervention. De passage à Bangolo ce dimanche, nous faisons le constat de la détermination de ces jeunes, autrefois soldats pour la plupart dans l’unité de combat Ap-wê, de résolument tourner la page du métier des armes pour rejoindre la vie civile et se consacrer au développement de leur région. Dans la cour du foyer des jeunes, un imposant bâtiment de couleur rose où nous les rejoignons, ces ex-miliciens, par petits groupes, devisent tranquillement. Cependant, dès la vue des véhicules du Pscn, l’atmosphère change subitement. Elle devient quelque peu électrique dans leurs rangs. Certains se mettent à grogner de mécontentement, tandis que d’autres laissent éclater leur colère. L’un d’eux approché, relève qu’ils ne comprennent plus rien à la cérémonie du jour qui devait être consacrée, en principe, à la remise de leur diplôme de fin de formation. Au lieu d’une séance de vaccination qu’on leur annonce. Craignant d’être arnaqués, ils refusent de se faire vacciner. « C’est en principe aujourd’hui que nous devons recevoir nos diplômes, on ne comprend pas qu’on nous dise autre chose », lâche en colère, un milicien vêtu d’une blouse bleue. Ce dernier est immédiatement rejoint par d’autres camarades tout aussi en colère. Les employés du service civique, qui semblent habitués à ce genre de scène, recentrent le débat.

Un clash évité de justesse

Du haut de la terrasse du foyer des jeunes, l’un d’eux, en langue locale, parlemente avec les récalcitrants et leur intime l’ordre d’observer la discipline pour recevoir les doses de vaccin qui leur ont été préparées. Comme dans un camp, tous par enchantement se mettent en rang et la cohue du départ fait place à une discipline militaire. L’ordre et le silence restaurés, la campagne de vaccination peut maintenant commencer, ouverte par le maire de la ville, Aimé Guiri. Dans la cour, en rang, des ex-combattants nous expliquent la joie qu’ils ressentent en quittant le métier des armes. « J’ai appris beaucoup de choses. Je suis un homme de métier. Avant, j’étais un maçon. Aujourd’hui, j’ai un diplôme qui reconnaît mon mérite. Nous remercions le Pscn pour cette formation et pour avoir fait démentir les préjugés sur le compte des ex-combattants de Bangolo » indique souriant, Thierry Doh, un ex-combattant en tenue de formation. Avec sa blouse bleue et son casque blanc de sécurité, il rassure que désormais la page de la crise est tournée et qu’il est résolument engagé dans le processus de paix. Un avis que ses camarades partagent, promettant tous de s’investir dans le développement de leur région. A commencer par la levée des préjugés qui courent sur leur compte. Pour ces ex-miliciens, leur participation à un programme de réinsertion vise à gommer les clichés que l’opinion a d’eux. « Nous voulons que les gens sachent que si nous avions été des soldats, il n’en demeure pas moins que nous sommes des hommes. Aujourd’hui, nous avons prouvé que les braquages opérés dans la région ne sont pas de notre fait. Si certains se sont négativement illustrés, ce n’est pas notre cas. Nous nous connaissons tous ici », a relevé Koui Siéhi Iréné, entouré de ses camarades qui précisent avoir reçu une formation qui leur permettra de s’occuper de leurs familles. A propos, entre autres formations reçues, ces ex-miliciens ont appris à manier une presse à géo-béton, à former des briques en terre et à construire une maison. A l’œuvre ce dimanche, ils n’hésiteront pas à démontrer de quoi ils sont capables aujourd’hui pour servir leur nation, et particulièrement leur région.

« Désormais, nous savons nos droits et devoirs »

Nous avons pu ainsi voir comment ils ont réussi à construire des latrines au foyer des jeunes de Bangolo. Sous la supervision de Tiécoura Daniel, ingénieur, formateur et président de l’Ong ‘’Initiative locale et développement durable’’, ces jeunes ex-miliciens étaient en train de terminer des travaux relatifs au polissage d’une latrine. « C’est avec beaucoup de satisfaction que nous avons encadré ces jeunes. Nous sommes d’autant plus satisfaits qu’en l’espace de deux semaines, nous avons réussi à amener ces jeunes gens à maîtriser la technique de construction avec des géo-bétons », a-t-il relevé. La formation n’a pas été que pratique. Les ex-combattants de Bangolo, à l’instar de leurs camarades d’ailleurs pris en charge par le PSCN, ont bénéficié également d’une formation en comptabilité simplifiée pour leur permettre de gérer les structures qu’ils auront à créer demain. Ils ont également reçu une éducation au civisme pour faciliter leur réintégration dans la société. « Nous sommes vraiment contents du Pscn qui a fait de nous des entrepreneurs et des citoyens qui savent désormais leurs droits et devoirs. », a déclaré Oulaï Sosthène Roméo. Même s’ils se réjouissent d’avoir reçu les rudiments qui leur permettront de se prendre en charge, la peur du lendemain continue cependant d’habiter ces ex-combattants désormais face à leur propre destin. En plus des pelles, des brouettes et autres matériaux de construction qui leur ont été offerts par le Pscn, ils souhaitent qu’on les aide à s’installer de peur que sans suivi, la formation reçue ne produise pas les effets escomptés. « Je suis un homme de métier et ce qui me manquait, c’était un diplôme. Aujourd’hui, grâce au Pscn, je vais en avoir et je suis ravi. Ce que je souhaite, c’est d’avoir de quoi m’installer », a souhaité Baou Denis, qui a été suivi de Séhoué Monninda Richard, ex-combattant à Bangolo : « Je souhaiterais que le Pscn nous aide à pouvoir nous organiser en vue de mettre en place des entreprises pour absorber les jeunes bénéficiaires que nous sommes ». Une préoccupation d’autant plus importante qu’une fois prise en compte, cela évitera aux ex-combattants de retourner à leurs anciens amours, c’est-à-dire la survie par le maniement des armes. Sur la question, le maire de Bangolo, Aimé Guiry que nous avons rencontré sur place et qui a tissé un partenariat avec le Pscn, a sa petite idée derrière la tête. « Nous demandons aux autres jeunes de ne pas se décourager parce que leur tour viendra. Pour le moment, c’est une question de financement et dès que les choses entreront dans l’ordre, ils seront également pris en compte », a-t-il ajouté.

Le peur du lendemain

Les responsables du Pnud, vigilants sur la question, n’excluent pas une aide en faveur de ces ex-combattants et jeunes à risque. « Il est important pour nous de savoir le chemin parcouru afin de savoir, au terme de la formation, ce que nous pouvons apporter. C’est donc en fonction des requêtes qui nous seront adressées que nous réagirons en tant que partenaire du Pscn », nous a indiqué le chef du sous-bureau du Pnud dans la région de l’Ouest, Amadou Tidjanidja. Même son de cloche chez Tiécoura Daniel qui a toutefois insisté sur la nécessité de poursuivre la formation initiale reçue. « Nous savons que les jeunes gens auront besoin demain de notre suivi pour parfaire ce qu’il viennent d’acquérir en deux mois », a-t-il renchéri, avant de relever que « si la mairie, le conseil général ou encore tout promoteur immobilier voudrait bien adopter ces techniques de construction en géo-béton, nous sommes-là pour accompagner ces jeunes vers la performance pour qu’ils puissent être des ressources humaines de qualité au service de leurs concitoyens. On ne peut pas acquérir la maîtrise du métier de la maçonnerie en deux mois ». Au-delà de ces inquiétudes, les ex-combattants gardent espoir qu’un jour, ils auront la possibilité d’être des citoyens utiles à leurs familles et à leur pays. Ils souhaitent donc plus d’indulgence de la part des populations qui portent sur eux un regard méfiant et inquisiteur. A l’unisson, ils ont invité leurs camarades qui n’ont pas encore souscrit à un projet de réinsertion de presser les pas en vue de bénéficier d’une formation qui pourra leur ouvrir la voie vers la prise en main de leur destin et la construction de l’avenir.

Y.DOUMBIA (Envoyé spécial à Bangolo)




ENCADRE 1 : Latta Amon Martin, formateur au centre du service civique de Man : « Des ex-combattants retournent aux corridors après leur réinsertion » • « Il faut revoir certains détails… »

Formateur au centre du service civique de Man et agent de suivi technique, Latta Amon Martin déplore l’attitude de certains ex-combattants qui, après avoir reçu une formation et un kit d’installation, retournent s’installer aux corridors pour racketter les populations. Dans cet entretien, il tente d’expliquer ce phénomène

Pouvez-vous nous faire un bilan des programmes de suivi des ex-combattants déjà formés et réinsérés ?
Le bilan est positif. Parce que 60% des ex-combattants qui ont été formés s’en sortent bien. En revanche, il faut donner assez de conseils aux bénéficiaires qui suivent la formation, qui sont installés et qui ont reçu des kits. Il faut revoir certains détails, surtout ceux concernant les bénéficiaires ex-combattants.
Quels sont ces détails ?
Nous formons des personnes qui n’ont plus le droit de porter des treillis. Certains, après avoir reçu leurs kits parce qu’ils estiment que c’est peu, reprennent les treillis pour retourner aux corridors de Man, de Logoualé etc. Il y a encore un petit travail à faire pour que toutes les personnes qui ont été démobilisées et qui ont reçu une formation et un kit, ne soient plus en tenue aux corridors
Qu’est-ce qui provoque une telle situation et que faire pour l’éviter ?
Lorsque nous approchons les bénéficiaires, ils disent qu’ils n’arrivent pas à gérer ce qu’ils ont. Avec un kit de deux à trois cent mille francs, ils disent qu’ils n’arrivent pas à s’en sortir et ils se voient obligés de vendre ces kits pour utiliser l’argent à d’autres fins. Après quoi, ils retournent encore dans les corridors en treillis. Il faut réorienter le kit ou alors discuter avec les chefs des ex-combattants afin qu’on ne se retrouve plus dans ces conditions. S’ils ont le treillis, c’est parce que ceux-là le leur donne. Si le chef refuse de leur donner le treillis, ils ne pourront plus en porter.
Cette situation n’est-elle pas due au fait que les chefs de guerre ne sont pas associés aux programmes de réinsertion de leurs éléments ?
Non. Avant le programme de réinsertion, plusieurs rencontres sont faites avec les chefs ex-combattants. Les responsables techniques chargés de la réinsertion et les responsables de suivi que nous sommes, nous nous retrouvons à chaque fois pour des réunions avec les chefs des ex-combattants. Pour moi, il faut rediscuter et mener des enquêtes auprès des chefs et des éléments pour savoir ce qui se passe. Quand on fait le bilan des jeunes à risque, on se rend compte que le temps de la formation est peu. Du côté des ex-combattants, c’est parce qu’ils veulent qu’on les sente militaires. Or, dans les tous les cas, il faut qu’ils retournent à la vie civile. En vérité, lorsqu’on demande à ces ex-combattants de dire ce qu’ils faisaient avant de prendre les armes, ils mentent en disant un métier alors qu’ils ne connaissent rien dans ce métier. Dans le cadre des programmes de réinsertion, on ne forme que quelqu’un qui a déjà un acquis et non celui qui ne sait rien dans le métier. Le programme doit encore prolonger le temps de la formation pour permettre aux bénéficiaires de réussir. C’est pourquoi je souhaiterais qu’on nous donne les moyens pour travailler correctement en vue d’éviter pareille situation.

Propos recueillis par Y.DOUMBIA (envoyé spécial)



ENCADRE 2 : Dr Kessé, administrateur sanitaire au Pscn : « Les ex-combattants sont prêts pour le développement»

Administrateur sanitaire au Pscn, Dr Kessé qui côtoie depuis le début du processus de démobilisation les ex-combattants croient que ses patients sont engagés sur le chemin de la paix. Au terme de la séance vaccination initiée par le Pscn, il nous a livré son impression sur le processus de sortie de crise.
A quoi répond cette séance de vaccination des ex-combattants
C’est un protocole qui concerne tous les centres de services civiques en Côte d’Ivoire. Comme ils sont regroupés, nous avons choisi de leur faire des vaccins qui sont la fièvre jaune, la méningite et la fièvre typhoïde. Vous savez qu’actuellement, il y a une épidémie de fièvre jaune en Côte d’Ivoire. Le vaccin de fièvre typhoïde se justifie parce qu’ils mangent dans des conditions désagréables et la méningite. C’est dans le cadre de la prise en charge sanitaire que nous faisons cette campagne de vaccination.
Vous qui les côtoyez, quel est leur état d’esprit aujourd’hui ?
Ils sont dans un état d’esprit de fin de conflit et sont réceptifs à tout ce qu’on leur propose. Ils sont prêts à participer au développement de la Côte d’Ivoire
Est-ce que vous sentez en eux une volonté de reprise de la belligérance ?
Non, pas du tout. On les côtoie tous les jours et aujourd’hui, tout le monde est dans le sens de la paix.
Quel est le sentiment qui vous anime après cette formation ?
Nous sommes satisfaits et nous souhaiterions qu’après les formations qu’ils reçoivent du Pscn, ces ex-combattants appliquent tout ce qu’on leur a enseigné.

Propos recueillis par Y.DOUMBIA (Envoyé spécial)
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