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Société Publié le jeudi 30 septembre 2010 | Le Nouveau Réveil

Conséquences du réchauffement climatique en Côte d`Ivoire//Dr Diawara Adama (Climatologue) :// “Grand-Bassam et le port d`Abidjan risquent d`être engloutis par l`océan”

Dr Diawara Adama est un climatologue. Il est chef d'équipe de recherche au Laboratoire de physique de l'atmosphère et de mécanique des fluides de l'Université de Cocody. Il est par ailleurs le directeur de la Station géophysique de Lamto (où l'on étudie l'incidence du climat sur l'environnement) et l'un des spécialistes du réchauffement climatique en Côte d'Ivoire. Dans cette interview qu'il nous a accordée le jeudi 23 septembre 2010, à Abidjan, il parle des dangers qui guettent la Côte d'Ivoire, " si le réchauffement climatique continue ".
Selon certaines hypothèses, il y a un bouleversement du climat en Côte d'Ivoire, de sorte que les paysans sont aujourd'hui désorientés quand ils doivent commencer leur culture. Qu'en est-il exactement ?
Des études menées dans notre laboratoire, à l'Université de Cocody, prouvent qu'il y a eu un changement dans le zonage climatique de la Côte d'Ivoire. Selon le découpage fait en 1979 par l'ASECNA (Agence pour la sécurité et la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar, NDLR), par exemple, Bouna et Man étaient dans la zone climatique Centre. Aujourd'hui, l'évolution du climat ivoirien fait que Bouna et Man se retrouvent dans la zone climatique Nord. Et cette zone climatique Nord s'est agrandie vers l'Ouest. Dimbokro et Gagnoa se retrouvent dans la zone climatique Centre, au lieu d'être dans la zone climatique Sud. De façon générale, il y a eu une diminution des hauteurs de pluie tombée sur le territoire ivoirien. Pour illustrer mes propos, je me contente de vous donner quatre chiffres : de la période 1961-1975 à la période 1991-2000, les hauteurs moyennes de pluie sont passées de 622 mm à 443 mm en juin à Abidjan, et de 365 mm à 280 mm en août à Odienné. Outre la chute des hauteurs de pluie, il y a la perturbation du calendrier pluviométrique. Il pleut à des moments où on ne s'y attend pas et on manque de pluie à des moments où on s'attend à en avoir. Cela entraîne un bouleversement dans le calendrier cultural. Les paysans sont donc désorientés. Ils ne savent plus à quel moment semer.

Pourquoi y a-t-il eu cette perturbation du calendrier pluviométrique ?
La baisse du niveau des précipitations est une conséquence de l'effet de serre, c'est-à-dire du réchauffement climatique. Certes la Côte d'Ivoire, à l'image des autres pays africains, émet peu de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Mais les bouleversements climatiques causés par les émissions des pays industrialisés, nous touchent.

Comment expliquez-vous la forte chaleur notamment à Abidjan, à des périodes où il y a des dizaines d'années, le temps était relativement doux ?
A la Station géophysique de Lamto, les mesures météorologiques effectuées depuis 1964, indiquent clairement une augmentation continue de la température moyenne journalière. En outre, la disparition de notre massif forestier au profit des cultures de rente, fait que l'évapotranspiration, c'est-à-dire, l'évaporation des sols humides et la transpiration des plantes, diminue. Donc la quantité de vapeur d'eau atmosphérique susceptible de donner naissance aux nuages et ensuite aux pluies, décroît.

Quels sont les risques auxquels sont confrontées les populations ivoiriennes ?
Les risques liés au réchauffement climatique sont nombreux. Certes, les hauteurs de pluies ont baissé. Mais la perturbation du régime de pluviosité fait qu'une importante hauteur de pluie peut tomber en un lieu donné en une durée si faible que la zone est rapidement inondée, surtout lorsque les systèmes d'évacuation d'eau sont inexistants ou sous-dimensionnés ou tout simplement obstrués. Plusieurs quartiers d'Abidjan en ont été victimes ces dernières années. Les simulations numériques faites sur ordinateur à partir des modèles climatiques régionaux indiquent que, si le réchauffement climatique continue, des pans entiers du territoire ivoirien, notamment Grand-Bassam et le port d'Abidjan, seront engloutis, à long terme, par l'océan, suite à l'élévation du niveau de ce dernier. Certaines îles ivoiriennes sont déjà confrontées à ce problème. Vous avez dû lire dans la presse, des reportages dans le village de Kpanda dans la région de Grand-Lahou où une remontée brutale des eaux a fait disparaître des pans entiers de ce village. Il faut également craindre une chute de notre production agricole due à la combinaison de plusieurs phénomènes : la baisse des hauteurs de pluie, l'apparition de nouvelles maladies des plantes, etc. Ce qui entraînera la baisse de notre produit intérieur brut et menacera notre sécurité alimentaire.

Quelles sont les menaces sur l'ensemble de la production ivoirienne ?
Le rendement agricole est fonction des paramètres climatiques suivants : le rayonnement solaire, les températures maximale diurne et minimale nocturne de l'air, la vitesse du vent, l'humidité de l'air et la hauteur des pluies. Le réchauffement climatique a un impact sur le rendement agricole. Les études menées par notre équipe de recherche montrent que cet impact est négatif. Par exemple, une augmentation de la température moyenne journalière de 0,5°C entraîne une baisse de 12% du rendement du mil dans la région de Korhogo. Une telle baisse du rendement ne pouvant pas être compensée par une augmentation de la surface cultivée, pour cause de raréfaction des terres cultivables, le réchauffement climatique entraînera une diminution de la production agricole ivoirienne.

Certaines personnes estiment que les évangélistes de l'environnement jouent sur la peur. Quelle est votre position sur ce sujet?
Durant de nombreuses années, il y a eu un débat entre les spécialistes du climat. Certains affirmaient que, du fait des activités humaines, l'atmosphère se réchauffait de façon anormale ; d'autres, au contraire, soutenaient que le réchauffement observé était simplement lié à des fluctuations temporelles naturelles. Aujourd'hui, ce débat est dépassé ; au terme de quinze ans de recherche climatologique, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) conclut que la responsabilité humaine dans le réchauffement de l'atmosphère est sans équivoque.

Que proposez-vous pour amoindrir l'effet du réchauffement climatique à défaut de l'annihiler, en Côte d'Ivoire ?
Les gaz à effet de serre (vapeur d'eau, dioxyde de carbone, méthane, chlorofluorocarbones, protoxyde d'azote, ozone, etc.) sont à la base du réchauffement de l'atmosphère. Puisqu'ils sont essentiellement produits par les activités humaines, il nous est possible de réduire leur quantité dans l'atmosphère. Cela est même vital pour la survie de l'humanité. Comme le préconise le protocole de Kyoto au Japon, il faut absolument diminuer la quantité de gaz à effet de serre que l'humanité injecte dans l'atmosphère. Pour cela, il faut remplacer, ne serait-ce qu'en partie, l'énergie d'origine fossile (pétrole, charbon), que nous utilisons massivement actuellement, par des énergies propres et renouvelables telles que les énergies solaire, éolienne et hydraulique. Evidemment, c'est une solution à envisager sur le plan mondial. C'est vrai que cela nécessite, entre autres, le financement d'une recherche scientifique permettant d'améliorer le rendement des capteurs d'énergies solaire et éolienne. On doit également procéder à un reboisement généralisé, pour augmenter la taille du massif forestier, qui est une " éponge à gaz carbonique ". On pourrait aussi préconiser l'utilisation des biocarburants. Mais cette solution est un couteau à double tranchant, notamment en ces temps d'augmentation vertigineuse du prix des produits agricoles dont certains sont utilisés pour fabriquer les biocarburants.
Interview réalisée par
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr
Ph : ASK
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