x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le mercredi 29 septembre 2010 | Nord-Sud

Pr Lazare Poamé (Pdt de l’Université de Bouaké-La-Neuve) : “Nous ne retournerons à Bouaké que si…”

Le président de l’Université de Bouaké-La-Neuve, Lazare Poamé s’est confié à
Nord-Sud Quotidien. Dans cette interview, il revient sur les problèmes qui
minent cette université et donne les conditions de son retour à Bouaké.

Qu’elle est aujourd’hui la situation à l’Université de Bouaké ?
L’Université de Bouaké-La-Neuve ne pourra pas payer le salaire de ses
enseignants au dernier trimestre de l’année 2010. Les heures complémentaires de
2007-2008, de 2008-2009 sont impayées. Les soutenances de travaux scientifiques
de 2006-2007, de 2007-2008, 2008-2009 ne sont pas payées. Les vacations de
2007-2008, 2008-2009 ne sont pas non plus payées.

Qu’avez-vous alors entrepris?
L’inquiétude se faisant grandissante et avec la grogne montante des enseignants,
j’ai dû convoquer une réunion. Au cours de celle-ci, j’ai voulu qu’ils
s’expriment librement, ils l’ont fait. J’ai essayé moi-même de les accompagner
symboliquement dans cette grogne afin qu’elle ne se déporte pas vers les lieux
publics. Nous l’avons donc domestiquée dans un amphi. Alors que nous espérions
un lendemain meilleur, et que 2011 puisse compenser les pertes et les manques de
2010, nous nous apercevons que l’enveloppe budgétaire provisoirement allouée à
l’Université de Bouaké-La-Neuve enlève tout espoir. Il y a un problème de
statut de l’Université de Bouaké. Beaucoup se méprennent sur son statut
d’institution sinistrée. Il faudrait que les gens le comprennent. Les Ivoiriens
sont un peu oublieux sur ce problème. Tous ceux qui animent cette institution
sont des gens qui ont pour la plupart tout perdu du fait de la guerre.
Enseignants, personnels administratif et technique, étudiants. Ce sont des gens
qui ont tout perdu certes, presque tout sauf la matière grise. En dépit des
biens perdus, ils produisent de bons résultats. Aux différents concours
d’agrégation du Cames, aux différents Cts du Cames, nos étudiants s’illustrent
dans les concours au niveau national. Aujourd’hui, l’Université de Bouaké s’en
tire à bon compte sur la scène internationale. Nous sommes aujourd’hui la
première université du monde francophone à détenir la chaire Unesco de
bioéthique. Mais une institution comme celle-là, quel sort on lui
réserve financièrement ? Toute la problématique est là.

A combien s’élève votre budget ?
Permettez que je n’entre pas dans un calcul. Et surtout en ce qui concerne les
montants et les budgets. Ce sont des choses dont il faut parler avec les
autorités financières.

Pensez-vous que vous êtes défavorisés par rapport aux autres universités ?
Nous pensons que notre statut d’institution sinistrée n’est pas pris en compte.
Cette dimension est complètement ignorée au moment où l’Etat doit nous allouer
un budget. Nous sommes, la seule université publique qui est obligée de prendre
sur son budget de l’argent pour louer des locaux afin de pouvoir fonctionner.
Lorsque vous donnez un budget à Cocody ou à Abobo-Adjamé, le président ne
soustraira pas de son budget un montant pour payer un loyer afin que
l’administration ait un bureau. Ce bureau que nous occupons, appartient à un
particulier et nous lui versons un loyer. Nous louons également des locaux aux
étudiants. Cocody ne peut pas absorber nos 17. 000 étudiants, Abobo-Adjamé
également. Or, nous aurions pu utiliser cet argent pour acheter du matériel
pédagogique pour les étudiants.

Qu’est-ce qui explique cette situation ? Qu’est-ce qu’on vous répond lorsque
vous approchez les décideurs ?
Lorsque nous nous plaignons, on nous répond que les négociations sont en cours
et que des efforts sont en train d’être faits. Effectivement, nous le voyons.
Mais le problème, c’est que ces efforts ne suffisent pas à résoudre les
problèmes. Ils ne couvrent pas l’ampleur du problème. Par exemple, lorsque les
enseignants accumulent deux ou trois années d’impayés, quand l’Etat décide de
payer, il ne paie que deux ou trois mois. Voyez vous-même le rapport. Et, c’est
cela la difficulté. L’Etat a lui-même des difficultés, et des priorités qui sont
polarisées sur les élections. Nous voulons les élections, mais en même temps,
nous avons aussi des problèmes qui ne sont pas résolus au niveau de notre
université.

Quelles sont les démarches que vous avez entreprises ?
Nous poursuivons toujours les négociations

N’avez-vous pas des partenaires qui vous soutiennent ?
Mais, nous n’allons tout de même pas demander à une autre université partenaire
de payer nos enseignants ! Au niveau de l’université de Bouaké-La-Neuve, nos
problèmes sont basics. Nous avons des partenaires à qui nous avons demandé des
équipements scientifiques de laboratoires. Mais en ce qui concerne le traitement
des salaires, le problème demeure, et il est grave. Nous accumulons des années
d’impayés.


Ne craignez-vous pas des arrêts de cours des enseignants ?
Justement, nous sommes enseignants et nous connaissons bien le milieu
enseignant. Et, c’est ce que nous craignons d’ailleurs. C’est pour cela que nous
tirons la sonnette d’alarme, depuis longtemps, pour éviter qu’il y ait des
grèves. Notre souci, c’est de faire en sorte qu’à la fin de l’année 2011, nous
retrouvions le cycle des années normales. Pour ce faire, il faut veiller à ce
qu’il n’y ait pas de grève jusqu’à la fin de 2011. Et pour qu’il n’y ait pas de
grève, il faut prouver au corps enseignant que vous comprenez ses problèmes et
que vous les partager. Nous nous battons pour que des efforts soient faits. Et
quand les enseignants voient que des efforts sont faits, ils acceptent de
dispenser les cours et renoncent à la grève. Mais, lorsqu’ils s’adressent à
l’autorité et que rien n’est fait, ils ont le sentiment qu’elle n’a pas
conscience du travail qu’ils font. C’est un pari qu’il faudrait qu’on réussisse,
une année sans grève d’enseignants. L’école est déjà trop en retard, nous
risquons d’aller vers une situation désastreuse, s’il y a une grève des
enseignants.

Vous avez annoncé que, cette année, l’Université de Bouaké-La-Neuve ne pourra
pas accueillir d’étudiants. Qu’en est-il ?
Nous devons des heures complémentaires aux enseignants. Et elles proviennent en
grande partie des nouveaux bacheliers. Déjà que nous devons trois années, nous
n’allons pas rajouter une quatrième. Il faut être conséquent. Il y a un minimum
de cohérence qu’il faut avoir dans la gestion. L’université n’a pas les moyens
financiers pour faire face à cette nouvelle charge.

Est-ce à dire que tant que vous n’épurez pas les années que vous devez aux
enseignants, vous ne pourrez pas accueillir des étudiants ?
Logiquement. Nous sommes dans le contexte de dépenses qui doivent rester dans
l’enveloppe budgétaire. Pour ne pas demander plus tard des rallonges budgétaires
à l’Etat. Dans tous les cas, une université publique ne peut pas refuser de
prendre des bacheliers. Mais elle a le droit et même le devoir d’attirer
l’attention sur les effets financiers des bacheliers qu’elle absorbe. A
l’Université de Bouaké, nous sommes dans l’impossibilité de les recevoir. Nous
pensons que les parents et les étudiants nous comprendront.

A quand le retour à Bouaké ?
Le retour à Bouaké est une question que les gens abordent avec beaucoup de
légèreté. Il y a un avantage, en fonctionnant à Bouaké. Nous ne louerons pas de
locaux. Le campus 1 qui est le seul campus fonctionnel ne peut pas accueillir
plus de 6. 000 étudiants, quand il est entièrement réhabilité. A ce jour, il y a
17. 000 étudiants qui sont à Abidjan. L’année prochaine, Bouaké accueillera
4.500 étudiants, qui sont à Bouaké. Les autres 15.500 n’auront pas de logements.
Un espace qui est fait pour 6.000 étudiants ne peut accueillir plus de 20. 000.

Qu’est-ce qu’il faut faire selon vous ?
Il faut construire l’université et les campus de Bouaké. Or, cette solution a
toujours été contournée. Toutes les fois où on parle de construction, les gens
parlent toujours de réhabilitation ou de location. Or, les locations sont des
solutions à courte vue. La problématique de la construction a été, à chaque
fois, esquivée ou camouflée au profit de la réhabilitation, or il faut en
sortir. Il faut construire l’Université de Bouaké. Il faut trouver au moins 800
logements potables à Bouaké pour notre personnel administratif et technique.
Notre retour n’est pas lié à des raisons politiques ou à des questions
psychologiques. Ce sont des questions purement techniques et de bon sens.

Pourquoi l’appellation ’’Bouaké-La-Neuve’’ ?
Bouaké-La-Neuve, parce que nous faisons du nouveau. Une nouveauté à la fois
architecturale, mentale, physique et spirituelle. Il y a une nouvelle façon de
penser, de voir, de réfléchir, de travailler et dans de nouveaux bâtiments.
L’expression est née avec notre arrivée à la tête de la présidence.

Interview réalisée par Adélaïde Konin
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ