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Économie Publié le samedi 16 octobre 2010 | Nord-Sud

Jacques Amangoua (planteur) : “L’hévéa a détrôné l’ananas à Bonoua”

Il bouscule la hiérarchie à Bonoua. Jacques Amangoua, ce jeune planteur privé d’hévéa installé à Samo. Dans cet entretien, il donne les raisons qui ont conduit les jeunes de la région à l’hévéaculture et parle de ses relations avec la SAPH, structure d’encadrement.

Le prestige de votre région a traditionnellement été forgé à partir de l’ananas, du palmier à huile et dans une certaine mesure, du cacao. Mais depuis quel­ques années, ces spéculations ont décliné au profit de l’hévéa. Pourquoi ce revirement ?

Il faut que chacun comprenne que nous sommes désormais dans un monde d’intérêts. Cela veut dire que le citoyen peut orienter son activité dans le sens qui lui permet d’améliorer ses conditions de vie. Le problème est que le cacao et l’ananas ne font plus l’affaire des paysans. Même si le cacao connaît aujourd’hui des pics au niveau du prix bord champ, il n’en demeure pas moins qu’il reste aléatoire c’est-à-dire que les prix sont capricieux. Ils peuvent dégringoler d’un moment à l’autre en fonction de la conjoncture. Quant à l’ananas, il n’a plus sa raison d’être. Avec le système de commercialisation actuel, non seulement vous pouvez perdre toute la récolte mais vous risquez aussi d’être criblé de dettes. Or, dans le cas du caoutchouc, le planteur gagne à tous les coups. Du moins s’il suit les techniques culturales. Aujourd’hui, un planteur d’hévéa n’a rien à envier à un fonctionnaire d’autant qu’il a un revenu mensuel.

Le constat est que la majorité de ceux qui pratiquent l’hévéaculture sont d’un certain âge. Vous êtes pratiquement un pionnier au niveau de la jeunesse. Comment êtes-vous arrivé à vous glisser parmi «les doyens» ?

Je dois avouer que nous avons été influencés par feu Jean-Baptiste Améthier anciennement président de la Société Africaine de Plantations d’Hévéa (SAPH) et fils de la région. Je me souviens qu’il s’époumonait à expliquer à tout le monde que c’était la spéculation d’avenir. Certains y ont cru, d’autres pas. Mes parents font partie de ceux qui ont cru à la profession de foi de M. Améthier. Les résultats n’ont pas tardé. Finalement, nous avons trouvé nécessaire de poursuivre l’œuvre des parents.

Est-ce à dire que vous avez hérité des plantations que vous exploitez aujourd’hui ?
Il est vrai que nous sommes dans une société de type matriarcal mais moi, je n’ai pas hérité. C’est moi-même qui ait mis en valeur les terres qu’on m’a attribuées. J’ai vite su que cette culture serait rentable un jour.

Quelle est l’étendue de votre parcelle ?
Ce sont des questions un peu tabou ici parce qu’il y a des pressions foncières. Et, se gargariser par rapport à la superficie peut coûter cher. Donc permettez que je ne le dise pas publiquement.

L’hévéa immobilise la terre pendant au moins 40 années. Cela ne pose-t-il pas des entraves à l’acquisition des parcelles ?
Bien sûr que oui. Mais en général, nous prenons toutes les dispositions utiles pour éviter les antagonismes. Par ailleurs, chez nous en pays Abouré, la terre ne se vend pas, on hérite. Ce qui veut dire que ce sont des propriétés familiales. Toute chose qui minimise les crispations.

Un hectare d’hévéa, c’est entre 700.000 Fcfa et 1,3 million Fcfa d’investissement. Avez-vous bénéficié de financement particulier ?
Vous savez que, du fait de son caractère aléatoire, l’agriculture n’a pas la cote auprès des banques classiques. Pour ma part, j’ai bénéficié de l’aide de mon frère, des conseils et de l’encadrement technique de la SAPH. J’ai dû attendre que ma plantation entre en production pour agrandir progressivement ma parcelle. Mais plus les années passent, plus cet investissement rapporte.

Qu’est-ce que les Unités Agricoles Intégrées vous apportent ?
Beaucoup. En effet, ces blocs industriels constituent une des forces majeures de la Côte d’Ivoire. Elles servent d’appui au développement des plantations privées. De plus, elles permettent de nous accueillir, en nous faisant visiter des plantations industrielles et en nous montrant de nouvelles techniques.

Malgré la concurrence féroce dans ce secteur matérialisée par l’arrivée de Chinois et de Japonais vous êtes toujours fidèle à la SAPH. Pourquoi ?
En ce qui concerne mes relations avec la Société Africaine de Plantations d’Hévéa, je m’inspire d’un vieux proverbe de chez nous qui dit : «C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les bonnes sauces». La SAPH est un partenaire fiable, présent sur le terrain comme appui technique d’une part, et comme acteur du développement de nos villages, d’autre part. Et puis, je n’aime pas tellement l’aventure des coopératives qui ne pensent qu’à faire des ponctions pour enrichir leurs dirigeants au détriment des planteurs.

Comment se passe votre collaboration avec «la vieille marmite» sur le terrain ?
Nous sommes encadrés au jour le jour et l’assistance ne fait pas défaut ; la SAPH met à notre disposition un ensemble d’outils (documents techniques, matériels…). Elle a beaucoup aidé les planteurs de Bonoua dans la mise en place des plants. De plus, elle envoie, chaque mois, par SMS les prix, fixés en toute transparence, à tous les planteurs. Et cela m’émerveille ! Mieux, l’assurance maladie pour les planteurs et leurs familles, les prêts scolaires pour les enfants de planteurs et le bonus-qualité pour récompenser le planteur produisant du caoutchouc propre sont des réalités à la SAPH. Cependant, mon souhait est qu’en plus, on nous aide à acquérir des maisons décentes ou des véhicules.

Et, au niveau des prix du caoutchouc ?
Il m’est difficile de répondre à cette question d’autant que le travailleur demande toujours mieux. Mais au-delà des questions de principe, je pense que les prix pratiqués sont rémunérateurs.

Mais c’est au niveau du pesage que les commissaires-peseurs vous font des misères. Avez-vous confiance dans les ponts bascules qui sont utilisés ?
Pour le moment, je n’ai pas de problème à ce niveau-là. Car la SAPH veille continuellement à pratiquer de justes pesées et de justes prix aux planteurs.

Que conseillez-vous aux jeunes qui hésitent encore à venir à l’hévéaculture ?
Je ne nierai pas que c’est un travail harassant qui demande beaucoup de courage et surtout la patience. Mais qu’ils sachent que la terre nourrit son homme. Et, l’hévéa est une culture rentable et pérenne. Aussi, je les encourage tous à nous rejoindre.

Des plaintes fusent de partout dénonçant les vols récurrents des productions. En avez-vous été victime ?
C’est un véritable drame qui se produit dans nos plantations. Cela est dû au fait que la terre devenant rare, les parcelles sont de plus en plus reculées. Nous sommes parfois obligés de dormir dans nos plantations pour mettre en déroute les auteurs de ces larcins. C’est pourquoi, il faut sensibiliser la population à l’importance de l’hévéaculture pour notre pays

Entretien réalisé par Lanciné Bakayoko
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