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Économie Publié le jeudi 14 octobre 2010 | Notre Voie

Gestion de la Côte d’Ivoire de 1990 à 1993 : Les Américains avaient prédit l’échec du plan Ouattara

Félix Houphouët-Boigny savait que le plan de stabilisation et de relance mis en place par Alassane Ouattara en 1990 était voué à l’échec. Et pourtant, il l’a laissé faire. Pourquoi ? Et qui lui avait mis la puce à l’oreille ? Révélations sur une période peu glorieuse que certains tentent de sublimer vingt ans après.

Au moment où les Ivoiriens s’apprêtent à choisir leur président, les vendeurs d’illusions sont à la manœuvre. Le mensonge côtoie aisément la vérité alors que les électeurs n’ont pas toujours les moyens pour vérifier si ce qui est dit reflète la vérité ou non. “Houphouët me faisait confiance. Pendant mes trois ans de primature, il m’a laissé la gestion du pays au moins pendant 6 mois par an”, a déclaré Alassane Dramane Ouattara face aux paysans du village de Koliakro, dans le district de Yamoussoukro, le week-end dernier.

Pauvres paysans qui adoraient Houphouët comme leur fétiche ! On les abuse parce qu’on veut leurs suffrages. Heureusement que les témoins de l’époque de la collaboration entre Houphouët et Ouattara sont encore en vie. Et ces derniers se souviennent qu’Houphouët-Boigny qui faisait face à une fronde sociale a été pratiquement contraint par les Occidentaux d’accepter Alassane Ouattara qui avait été mis en mission par ceux qui voulaient mettre la main sur l’économie ivoirienne. Surtout que le rejet populaire du plan Koumoué Koffi avait mis Houphouët dans une situation si délicate qu’il n’avait eu d’autre choix que de se soumettre au dictat des Européens dont Alassane Ouattara était et demeure jusqu’à ce jour le pion. Et si Houphouët a laissé Ouattara gérer seul le pays, pas 6 mois par an mais pendant tous les trois ans, c’était pour une raison très simple : il savait que le plan de stabilisation et de relance mis en place par l’envoyé du FMI allait échouer. Il ne voulait donc pas être associé à cet échec. Il ne voulait surtout pas que Ouattara l’accuse de lui avoir mis les bâtons dans les roues. Et ça n’a pas raté puisqu’au bout de trois ans, Ouattara a avoué qu’il ne serait pas en mesure de payer les salaires des fonctionnaires à la fin de l’année 1993. Une façon de dire qu’il n’avait pas réussi à redresser la situation. Mais comment Houphouët a-t-il su que le plan Ouattara était voué à l’échec ? Houphouët était certes “un cerveau politique de premier ordre” comme le soutiennent ses admirateurs, mais il n’a pas pu imaginer cet échec. Il s’est, en effet, passé un événement dès l’arrivée d’Alassane Ouattara à Abidjan en 1990. C’est que quand le plan de stabilisation et de relance de Ouattara est arrivé sur la table des bailleurs de fonds internationaux pour validation, le représentant des Etats-Unis d’Amérique s’est abstenu au cours du vote. Le plan a été tout de même validé. Mais pendant que Ouattara s’activait pour mettre en œuvre son plan, Houphouët, qui sait que le diable se cache parfois dans les détails, s’interrogeait sur les raisons de cette abstention des Américains. Il voulut alors en savoir davantage. Ainsi, à l’occasion de l’un de ses séjours prolongés à Genève, en Suisse, il a fait appel à son ministre des Affaires étrangères, Essy Amara, pour une mission de la plus haute importance aux Etats-Unis auprès de James Baker, alors secrétaire d’Etat, avec le message suivant : “Vas voir James Baker, demande lui le sens de cette abstention ; est-ce parce que les Américains ne me font plus confiance ? Si c’est le cas, alors qu’il te le dise franchement pour que je prenne mes dispositions”. Aussitôt dit, aussitôt fait. Essy Amara arrive aux Etats-Unis et est reçu par James Baker qui lui dit de rassurer Houphouët. Les Américains continuent de lui faire confiance. Cependant, James Baker explique clairement à Essy Amara que si les Américains se sont abstenus lors du vote, c’est parce qu’ils savent que le plan présenté par Ouattara ne pourra pas sortir la Côte d’Ivoire de la crise économique parce qu’il n’est pas bon. James Baker explique également à Essy Amara que les Américains se sont juste abstenus parce qu’ils ne voulaient pas créer un incident avec les Français et les Allemands qui étaient déjà prêts à voter sans réserve. Mission accomplie, Essy Amara rejoint Houphouët à Genève. Quand il rend compte, le visage du vieil homme s’illumine tout d’un coup. Selon des sources très crédibles, Houphouët n’a jamais été aussi heureux de sa vie. Et cela pour deux raisons essentielles. La première est que les Etats-Unis continuaient de lui faire confiance. La deuxième est que le plan Ouattara allait échouer. Aussi paradoxal que cela puisse paraître. “Houphouët ne comprenait pas qu’après 30 ans de présence à la tête de son pays, et l’avoir hissé à un niveau enviable, on lui impose quelqu’un qui se présente comme le messie”, témoigne un ancien collaborateur du premier président ivoirien. Et comme récompense à celui grâce à qui il vivait cet instant magique, Houphouët a enlevé de son poignet une montre de grande valeur pour l’offrir à son ministre des affaires étrangères Essy Amara. Cette montre porte en fond d’écran l’image d’Houphouët lui-même. Ainsi, contrairement aux affirmations de Ouattara, Houphouët ne lui faisait pas autant confiance que ça. Et s’il ne l’a pas su, c’est parce qu’il ne connaissait pas vraiment l’homme dont il était le collaborateur. Houphouët n’était pas homme à se livrer entièrement au premier venu. Et il fallait bien plus pour mériter sa confiance

Augustin Kouyo
2augustinkouyo@yahoo.fr
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