Location de maison : Les nouvelles techniques d’arnaque

R. Ali, un travailleur, en avait assez d’habiter la même maison à Yopougon-Ananeraie, depuis des années. De plus, la famille devenait nombreuse. Après plusieurs recherches, il a trouvé une maison à son goût à Yopougon-Maroc. Cela, grâce à un démarcheur, du prénom de Michel. Caution : 300.000 Fcfa. Loin de se douter qu’il a affaire à un groupe d’arnaqueurs bien organisé, il visite la maison. «J’ai remarqué qu’il y avait un réfrigérateur à l’intérieur, mais cela faisait partie de leur plan. Quand j’ai demandé à Michel ce qu’il faisait là, il m’a répondu que l’appareil appartient à l’ancien locataire, Bamba, un travailleur très pris, qui n’a pas fini de déménager. Et que c’était la preuve que je devais faire vite, si je ne voulais pas que quelqu’un d’autre vienne prendre la maison», se souvient R. Ali. Michel le présente à un monsieur, qui se dit propriétaire du domicile. Ali paye la caution. On lui donne les clefs de la maison. Dès qu’il tourne dos, Michel fait changer les serrures de la porte. «Quand je suis revenu pour tenter d’ouvrir la porte, j’étais surpris de constater que les serrures ont été changées. Les voisins m’ont fait comprendre que l’ancien locataire, Bamba, n’est jamais là». Dans son malheur, Ali a tout de même une petite chance : il rencontre un autre démarcheur qui connaît la musique. Ce dernier lui explique qu’il vient de se faire plumer comme un pigeon. La technique est ficelée dès le départ. Un des arnaqueurs va voir quelqu’un qui met sa maison en location. Il paye la caution et prend le domicile. Mais il n’y habite pas. Il la fait fructifier en la mettant en location à plusieurs reprises avec la même histoire que celle racontée à Ali. Un locataire fictif habite la maison, un autre joue les propriétaires et l’autre, le démarcheur.
N’arrivant pas à mettre la main sur l’ «invisible» Bamba, Ali réussit à retrouver Michel. Mais à la police criminelle, où il est incarcéré sur la plainte d’une de ses nombreuses victimes. Les parents de Michel signent une reconnaissance de dette. L’arnaqueur sera condamné à un an ferme par le tribunal des flagrants délits de Yopougon. Sans que cela ne change grand-chose à ce type de pratiques, très courantes à Abidjan.

Aucune commune n’est épargnée. Faute de trouver une agence immobilière accessible, Charles a loué les services d’un démarcheur aux Deux-Plateaux. Ce dernier est allé lui présenter une maison en location dont il ne connaissait ni le propriétaire, encore moins le prix du loyer. Devant la maison, se tenait un individu véhiculé, de connivence avec lui. « Il l’a présenté comme le propriétaire. Nous avons même discuté de la caution. Mais un ami qui était avec moi connaissait le monsieur qui jouait les propriétaires, il m’a dit que c’était une tentative d’arnaque », explique-t-il.

Les techniques sont nombreuses. Une des raisons qui poussent les Abidjanais à se tourner vers les démarcheurs, est la rareté des agences immobilières. 2 AGP, au Plateau (face à l’Aip), est une des rares assez structurées avec un siège. Les quelques petites agences se servent de pancartes aux coins de rues. Telles qu’Elohim service et Agence immobilière service (Ais) à Angré pétro-ivoire. Les 90% des affiches sont l’œuvre de démarcheurs. Le secteur est tellement fructueux qu’ils s’organisent en petits groupes. A Angré-Petro-ivoire, en allant vers la 8ème tranche, une demi-dizaine de jeunes (filles et garçons) se retrouvent sous les arbres, devant des pancartes de location de maison. Ils n’ont pas d’agence immobilière. Leur business, c’est de conduire les gens vers des maisons en location mentionnées sur les affiches. Mais c’est à vos risques et périls. Les agences immobilières sont cons­cientes de ces nouvelles techniques d’arnaque. M. N’Goran de Ais, une agence immobilière, conseille aux clients la fiabilité. Il reconnaît cependant que beaucoup d’entre eux traitent avec quelques démarcheurs qui leur ramènent des clients. Mais cette procédure est peu utilisée. Mais le loyer coûte cher, dès qu’on parle de commissions, beaucoup de gens tournent automatiquement le dos. Ils préfèrent encore traiter avec les démarcheurs.

Raphaël Tanoh